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Nous nous intéresserons, tout d’abord, dans cette section, aux outils d’analyse utilisés ou développés à la SNCF dont certains nous ont permis d’identifier les composantes et les caractéristiques du confort dans les trains. Nous présenterons ensuite quelques méthodes d’évaluation du confort dans les trains afin d’identifier leurs limites pour évaluer le confort tel que perçu par les voyageurs.

2.2.1 Les outils d’analyse du confort

Il existe plusieurs outils afin d’étudier et d’analyser le confort dans les trains, soit en considérant directement la vision de l’usager (qu’on appellera voyageur dans le cadre du voyage en train), soit à travers celle de l’exploitant (opérateur ferroviaire). Ces outils sont généralement utilisés pour déterminer les composantes du confort, construire des indicateurs pour les composantes du confort, évaluer le confort et même pour développer des méthodologies d’exploration du confort. 2.2.1.1 Les mesures physiques

Les outils les plus utilisés, dans le domaine ferroviaire pour spécifier le confort, sont fondés sur des mesures physiques liées à certaines de ses composantes (la composante thermique, la composante acoustique, l’éclairage, la composante tym-panique et la composante dynamique). Ces mesures sont ensuite utilisées dans des indicateurs physiques de confort correspondant à chacune de ces composantes et

intégrant certains paramètres perceptifs établis, dans la majorité des cas, dans des laboratoires dont les conditions d’expérimentation sont loin du contexte du voyage en train. Les indicateurs ainsi obtenus font l’objet de spécifications, par le biais de cahiers des charges ou de normes, par l’opérateur ferroviaire afin d’améliorer le confort global dans les trains.

L’utilisation des indicateurs physiques est primordiale pour l’opérateur ferro-viaire car ils représentent un outil objectif pour spécifier, évaluer et améliorer le confort. Néanmoins, la prise en compte séparée de ces indicateurs, d’une part, et le fait qu’ils n’intègrent pas certains aspects importants de la perception comme le contexte et la variabilité interindividuelle, d’autre part, font qu’ils ne sont pas complétement pertinents pour rendre compte du confort réellement perçu par les voyageurs. Nous étudierons au chapitre 4 les indicateurs existants dans la litté-rature pour chacune des composantes physiques du confort afin de pouvoir les comparer avec notre modèle.

2.2.1.2 Les mesures physiologiques

Les mesures physiologiques ont pour objectif de quantifier les réactions méca-niques du corps humain à des phénomènes physiques. Elles peuvent être utilisées pour construire des indicateurs physiques du confort (la composante thermique, la composante acoustique, l’éclairage, la composante tympanique et la composante dynamique), elles représentent les paramètres sensoriels de ces indicateurs. L’in-convénient est qu’aucune corrélation n’a pu être déterminée entre le ressenti des voyageurs et les mesures physiologiques, comme le mentionne Suzuki [84] : « up to the present, however, not any clear relationship has been found between the ri-ding comfort and physiological indices ». Cela confirme le fait que la perception du confort n’est pas uniquement une réaction à des stimuli (phénomènes physiques) mais dépend aussi des aspects subjectifs qu’il n’est pas possible de recueillir avec cette approche car les voyageurs ne sont pas interrogés. Même s’il est important pour les personnes étudiant le confort de comprendre les phénomènes physiolo-giques, leur mesure, seule, n’est pas un moyen d’accéder à l’évaluation du confort. 2.2.1.3 L’analyse psycholinguistique et l’analyse psychophysique

Pour les experts en confort de la SNCF, l’analyse psycholinguistique est consi-dérée comme étant l’outil le plus pertinent pour déterminer les composantes du confort telles qu’elles sont perçues par les voyageurs afin de les analyser. Le prin-cipe de cette méthodologie est de partir de la perception du confort par les voya-geurs (qui est globale) en les questionnant afin de constituer un corpus sur lequel sera effectué une analyse linguistique et cognitive. Cette analyse permettra ensuite d’identifier la conception du confort par les voyageurs. Une enquête exploratoire est

parfois nécessaire pour tester la pertinence du questionnaire. La seule hypothèse formulée lors de ces enquêtes est le choix des situations dans lesquelles elles seront effectuées qui sont supposées être contrastées perceptivement afin d’être le plus exhaustif possible dans l’identification des composantes du confort importantes pour les voyageurs.

L’analyse psychophysique [89] permet de réaliser des études détaillées sur des composantes du confort. Les conditions dans lesquelles sont réalisées les expé-riences doivent être définies (quels paramètres physiques à faire varier pour établir des seuils de confort ? quels sont les éléments du contexte à reproduire en labora-toires). Des questions fermées doivent être formulées sur ces composantes pour les personnes qui réalisent les expériences (les sujets). La pertinence de cette étude re-pose entièrement sur la façon dont les composantes du confort, sur lesquelles porte cette analyse, ont été identifiées. En effet, si ces composantes ont été identifiées par les voyageurs (avec leurs formulations), l’analyse des questionnaires fermées ainsi que la définition des conditions d’expérience seront pertinentes.

Pour cela, la SNCF a développé une méthodologie fondée sur ces deux outils (l’analyse psycholinguistique et l’analyse psychophysique) dans le cadre de la thèse de G. Delepaut [18] et du projet ACONIT1 mené à la Direction de l’Innovation et de la Recherche de la SNCF. Cette méthodologie a été utilisée pour identifier les composantes du confort dans les trains grandes lignes ainsi que leurs interactions du point de vue des voyageurs par une analyse psycholinguistique, et pour déve-lopper une méthode de formulation de questions pour des questionnaires fermés afin d’étudier plus en détail, avec les outils de la psychophysique, les composantes du confort.

D’autres projets, plus spécifiques à certaines composantes du confort, ont éga-lement utilisé cette méthodologie. Nous pouvons citer, par exemple, les projets Dyapos sur le confort du siège, Ambiances Lumineuses sur le confort visuel, Esther sur le confort thermique, etc. Nous utiliserons les résultats de ces études afin de construire notre modèle d’évaluation du confort.

2.2.1.4 L’Analyse sensorielle

L’analyse sensorielle a été développée initialement dans l’industrie agroalimen-taire. Son utilisation s’est étendue ensuite aux cosmétiques et aux transports. Elle a pour objectif de déterminer, pour un produit, l’ensemble des caractéristiques perçues et évaluées par les sens (descripteurs). Pour cela, un panel d’experts est sollicité et formé, il lui est demandé ensuite de donner une échelle aux descripteurs afin d’établir un profil de ce produit. Afin de déterminer le meilleur profil (les

1. Approche globale des composantes du CONfort et de leurs InTeractions pour les trains grandes ligne

caractéristiques du meilleur produit), ces derniers sont mis en relation avec des évaluations faites par des usagers.

L’analyse sensorielle, à l’image de la psychophysique, utilise l’humain comme instrument de mesure. Comme cette dernière, c’est une méthode insuffisante pour comprendre le confort global mais pertinente pour objectiver des sensations. Elle représente donc, également, un outil pouvant être associé à la psycholinguistique pour étudier le confort.

2.2.1.5 L’éthologie humaine

L’éthologie humaine a pour objectif d’étudier le comportement individuel de l’homme. Cet outil a été utilisé à la SNCF pour étudier le comportement des voya-geurs dans les TGV afin d’identifier des éléments de confort [40]. L’observation, tout au long d’un trajet, a porté sur les activités, les postures et la gestuelle afin de déterminer des seuils à partir desquels le confort des voyageurs commençait à se détériorer. L’inconvénient de cette approche est qu’il est impossible d’accéder au confort ressenti par les voyageurs ni ce qui a motivé leur comportement. Ceci donne peu d’éléments à l’opérateur ferroviaire afin d’améliorer le confort. L’étho-logie représente néanmoins un outil complémentaire à la psycholinguistique pour comprendre le confort global. Il est en effet intéressant de croiser la perception déclarée et l’observation des comportements.

2.2.2 Les outils d’évaluation du confort global

Des études sur le confort global ont commencé à la SNCF dans les années 80. Ils ont mandaté des chercheurs de l’IRT CERNE2 et de L’INRETS3 [20, 71] afin de construire des indicateurs de confort global en fonction d’indicateurs de certaines de ses composantes physiques. Pour cela, ils ont commencé par construire les indi-cateurs correspondant aux composantes physiques : thermique, acoustique et dyna-mique. Chacun de ces indicateurs a été construit à partir de mesures physiques et physiologiques, correspondant à la composante en question, et éventuellement d’in-dicateurs correspondant à d’autres composantes du confort (l’indicateur de confort acoustique dépendait également de l’indicateur de confort thermique). Une fois les indicateurs correspondant à ces trois composantes construits, les chercheurs ont utilisé une régression linéaire, à partir des évaluations données par chaque voya-geur (questionné dans le train) sur son confort global et son confort sur chacune de ces composantes, afin de trouver une relation entre le confort global et le confort de chaque composante. Le confort global était donc exprimé comme une somme

2. Institut de Recherche des Transports. Centre d’Évaluation et de Recherche des Nuisances et de l’Énergie

pondérée de ses composantes physiques. Bien que ces études aient évoqué le fait que le confort ne dépendait pas uniquement de paramètres physiques et physio-logiques mais qu’il était également lié à des facteurs psychophysio-logiques intégrant la mémoire et le contexte et à des facteurs socioculturels, ils n’avaient pas réussi à intégrer ces facteurs (ou une partie d’entre eux) dans leurs modèles. L.M. Cléon, chercheur à la SNCF, a constaté qu’il y avait d’autres facteurs, propres au voyage en train, pouvant affecter la perception de certaines composantes physiques [12]. Il a évoqué la durée du trajet qui pouvait créer des phénomènes de fatigue et d’accou-tumance. Pour ce qui concerne les indicateurs de confort global, L.M. Cléon avait constaté que le confort global perçu ne pouvait pas être obtenu en additionnant, simplement, les niveaux de confort de ses composantes physiques.

D’autres part, les chercheurs japonais du RTRI4 ont utilisé le même type de méthodologie [91]. Ils ont considéré certaines composantes physiques et ont ques-tionné ensuite les voyageurs sur leur importance afin d’en garder les quatre plus importantes : vibrations, bruit, luminosité et espace entre les places assises. Ils ont remarqué, néanmoins, qu’aucune des quatre composantes n’avait un taux d’appa-rition supérieur à 8% (aucune composante citée n’était commune à plus de 8% des personnes interrogées). Ils ont également souligné le fait que certaines composantes n’étaient pas prises en compte comme la température, l’ancienneté du matériel, le design et la variabilité interindividuelle.

Le principal inconvénient de ces modèles d’évaluation, mentionné dans la thèse de G. Délepaut, est qu’ils ne partent pas de la perception des voyageurs pour identifier les composantes du confort et la manière dont elles s’organisent (les dé-pendances) dans cette perception. En effet les composantes identifiées, dans ces études, sont issues des connaissances des ingénieurs et non pas d’un questionnaire ouvert où les voyageurs identifient, par eux même, ces composantes ainsi que la manière dont elles s’organisent. G. Délepaut propose donc une démarche partant du global pour identifier l’analytique : « un simple listage des composantes d’un concept global ne renseigne pas sur la manière dont elles sont construites et éva-luées car en effet, la perception est holistique et intégrée : une fois les catégories identifiées de manière analytique, on peut alors considérer l’organisation interne du confort en train par le biais de l’étude des relations entre ses propriétés ». L’un des objectif de notre approche (cf. chapitre 3) est de modéliser, au mieux, les com-posantes du confort ainsi que leurs dépendances, identifiées dans les études menées à la SNCF en utilisant une approche allant du global vers l’analytique (voir sec-tion 2.2.1.3). Pour cela, nous nous intéresserons d’abord à ces composantes dans la section suivante.