• Aucun résultat trouvé

Les trois points qui seront abordés dans cette section concernent le modèle d’évaluation et l’approche utilisée pour sa construction. Ce sont des aspects im-portants pouvant caractériser le modèle et l’approche et que nous avons jugés utiles

d’aborder de manière critique.

7.1.1 Caractéristiques générales du modèle d’évaluation

La première caractéristique du modèle d’évaluation est d’être hiérarchique et d’utiliser plusieurs méthodes d’agrégation. La deuxième est que la perception voya-geurs a été prise en compte à toutes les étapes de sa construction. Nous allons voir quels sont les avantages et les inconvénients de ces caractéristiques par rapport aux modèles et aux approches existants.

Utilisation d’un modèle hiérarchique avec plusieurs méthodes d’agréga-tion

Le fait d’avoir choisi un modèle hiérarchique pour formaliser les critères de notre problème nous a permis de prendre en compte dans le modèle les différents aspects qui rendent complexe le concept de confort et d’en représenter les liens (dépendances). D’autre part, ce modèle nous a permis de rendre intelligible et opérationnelle la famille constituée d’un nombre important de critères. En effet, l’intelligibilité de ce modèle facilite aux experts CIM la négociation des modifi-cations à apporter à une offre. Il facilite également la communication entre eux afin de mieux spécifier les critères de confort. Si nous avions choisi un modèle où tous les critères doivent être agrégés simultanément, nous aurions perdu ces deux propriétés.

Un modèle hiérarchique offre également la possibilité d’utiliser plusieurs mé-thodes d’agrégation, ce qui laisse à l’homme d’étude un degré de liberté afin d’ef-fectuer un choix approprié. Il présente par contre un inconvénient de taille qui est dû au nombre important de procédures d’agrégation à implémenter. Cela de-mande une forte implication des intervenants pour l’élicitation des préférences. Cette implication de la part des intervenants peut nécessiter leur compréhension des procédures utilisées ainsi qu’un effort cognitif pour leur mise en œuvre. L’uti-lisation d’un modèle hiérarchique est donc à éviter dans le cas où l’implication des intervenants est limitée.

Dans les approches classiques d’aide multicritère à la décision utilisant un mo-dèle hiérarchique, une seule méthode d’agrégation est utilisée à chaque nœud, à l’image de AHP. Dans notre approche, nous avons fait le choix de ne pas utiliser né-cessairement la même méthode d’agrégation. Ceci a été apprécié par les différents experts car chaque modalité de confort possède des caractéristiques différentes (par exemple, dans certaines modalités il n’y a que de l’inconfort, alors que dans d’autres, il y a du confort et de l’inconfort). De plus, le degré de connaissances en confort n’est pas le même pour toutes les modalités, ce qui leur laisse la possibilité d’être plus ou moins exigeant sur la finesse du résultat souhaité.

Ce choix (utilisation de plusieurs méthodes) présente des avantages que nous avons vus au chapitre 5 mais aussi des inconvénients. Ils sont généralement liés à la mise en œuvre des méthodes d’agrégation (élicitation des préférences, implémenta-tion du modèle) et à l’effort des intervenants pour s’en approprier le principe. Pour cela, nous avons considéré le minimum de méthodes possibles, tout en gardant les avantages par rapport à la conformité avec les hypothèses de la méthode utilisée, l’aptitude à modéliser l’information intercritères et la finesse du résultat souhaité. Prise en compte de la perception voyageurs

Nous avons vu au chapitre 2 que pour modéliser le confort il est important de partir de la perception voyageurs, de tenir compte du fait qu’elle peut être différente d’un individu à un autre et qu’elle dépend du contexte. Nous avons vu également, dans ce chapitre, que les travaux réalisés sur la construction d’indica-teurs de confort global ne prenaient pas en compte ces aspects importants de la perception. Nous allons rappeler, dans cette section, comment ces aspects ont été intégrés dans le modèle et voir si nous aurions pu les aborder différemment.

– La variabilité interindividuelle a été prise en compte dans le modèle en considérant des groupes de voyageurs partageant la même perception du confort, pour lesquels nous évaluons le confort dans la pratique d’une acti-vité. Compte tenu des connaissances actuelles, seul le facteur morphologie nous a permis de les caractériser. Cependant, nous avons vu que l’un des avantages de placer les groupes au dessus des modalités est de pouvoir in-tégrer, sans modifications importantes de ce dernier, de nouveaux facteurs caractéristiques tel que l’âge, par exemple. En revanche, il sera quand même difficile d’intégrer des facteurs psychologiques liés à la mémoire. En effet, bien que ces facteurs soient importants dans la perception, ils sont propres à chaque individu. Il est donc impossible de réduire un groupe à un seul individu. D’autre part, nous avons vu au chapitre 4 qu’il était possible, – soit de considérer les groupes comme donnée d’entrée du modèle et

d’éva-luer le confort assis (ou même le confort global) pour chaque groupe. Cela aurait nécessité plus de connaissances sur les pratiques de chaque groupe, notamment la proportion de temps passé dans la pratique de chaque acti-vité,

– soit d’intégrer les groupes dans chaque modalité (la morphologie pour Siège environné et l’âge pour Thermique, etc.). Nous avons vu à la section 4.5 du chapitre 4 que, dans ce cas, s’il y avait au moins deux modalités pour lesquelles la variabilité interindividuelle est considérée, cela pouvait biaiser l’agrégation. Cependant, avec les connaissances actuelles (en considérant uniquement la morphologie), il aurait été plus intéressant d’intégrer les groupes sous la modalité siège environné car nous aurions eu moins de

nœuds dans le modèle hiérarchique (donc moins de procédures d’agrégation à implémenter).

– Le contexte : pour les voyages en TGV, le contexte est principalement ca-ractérisé par les activités que les voyageurs pratiquent car les enquêtes ont montré qu’ils évaluaient leur confort en fonction des activités. Dans le mo-dèle, les activités ont une importance particulière, elles composent le confort assis et conditionnent l’évaluation de chaque modalité. Bien que les activi-tés soient la principale caractéristique du contexte, il peut y avoir d’autres facteurs qui n’ont pas été considérés dans le modèle comme le fait qu’un voyageur soit accompagné ou pas, ou son motif de voyage (affaires ou loisir). Cela pourrait être considéré si des statistiques sur de tels facteurs étaient disponibles.

7.1.2 Arbitrage entre finesse du modèle et difficulté de sa

mise en œuvre

Avant de commencer la construction du modèle d’évaluation, nous avons com-pris que les décideurs et les experts en confort voulaient privilégier la finesse du modèle. Cela se traduisait par une exhaustivité dans la définition des critères et dans l’identification des spécifications dans les cahiers des charges. Le projet « outil multicritère pour l’évaluation du confort » représentait une occasion de formaliser dix années d’études et de recherche sur le confort à la SNCF afin d’obtenir cette vision globale qui a du sens pour les voyageurs. Concernant les experts en maté-riel roulant (CIM), ils appréhendaient ce choix qui, pour eux, risquait d’aboutir à un outil difficile à utiliser. Étant donné le temps limité (trois ans) dont nous disposions, cette volonté de la part des experts d’être exhaustif dans la définition des critères et la construction des échelles de chaque modalité de confort, nous a conduit à limiter la construction du modèle d’évaluation au confort assis. Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions pu faire l’hypothèse que les parties du modèle d’évaluation correspondant à chaque modalité avaient déjà été construites. Nous aurions commencé l’agrégation à partir des modalités. Cela nous aurait peut être permis de traiter le confort global dans le temps imparti.

Lors de la construction du modèle d’évaluation, nous avons également été confrontés à des choix relevant de la finesse du modèle et pouvant rendre diffi-cile sa mise en œuvre. Ce choix portait sur trois aspects : la décomposition de l’offre par endroits, la définition de sémantiques pour les catégories et le fait d’ob-tenir un rangement au sein d’une même catégorie. Nous allons voir dans cette section quels sont les avantages et inconvénients de la prise en compte de ces trois aspects.

Décomposition de l’offre par endroits

Cet aspect a déjà été abordé au chapitre 5. Dans cette thèse nous avons fait le choix de ne pas nous préoccuper de la décomposition par endroits car cela n’était pas prioritaire par rapport à la construction du modèle d’évaluation. Pour cela, nous avons considéré l’offre comme étant un seul endroit pour lequel le confort est évalué. Néanmoins, il est clair, avec cette hypothèse, que l’évaluation du confort (principalement le confort assis) peut ne pas être pertinente, car les caractéris-tiques physiques sont différentes : sièges en file/carré, coté fenêtre/couloir, près/loin des portes intercirculations, présence d’équipements individuels uniquement à cer-taines places, etc. Il est donc nécessaire, lors de la mise en œuvre de l’outil, de lais-ser la possibilité aux entités qui évaluent les offres de les décompolais-ser par endroits (dont les caractéristiques physiques sont plus ou moins homogènes), et d’intégrer ensuite cette décomposition dans le modèle d’évaluation. Cette décomposition dé-pend des réponses des fournisseurs. Il est donc important, lors de l’évaluation des offres, de les inciter à donner le plus d’information possible.

Définition de sémantiques pour les catégories de confort

Dans une problématique de tri, les catégories de confort sont souvent associées à des prises de décisions. Dans notre modèle, étant donné son caractère explo-ratoire, les catégories servent essentiellement, pour les experts en confort et les décideurs, à construire des références de confort qui seront ensuite corrélées à des évaluations faites par les voyageurs. Pour le moment, les décideurs n’ont pas ma-nifesté de politique correspondant à chaque catégorie, mais nous pensons que le fait d’arriver à formaliser leurs connaissances en confort peut les amener, dans le futur, à définir des politiques par rapport au choix du fournisseur ou à la valorisa-tion du confort comme un service auprès des voyageurs. Pour ce qui concerne les experts en matériel roulant, les catégories de confort peuvent leur servir d’aide à la négociation avec le fournisseur choisi. Pour cela, nous avons fait l’effort, avec les différents intervenants, de définir, pour les catégories, des sémantiques permettant d’obtenir plus d’information par rapport à l’évaluation d’une offre sur le critère correspondant. Cela permet aux négociateurs de trouver plus facilement les points faibles d’une offre et de justifier leurs demandes de modifications aux fournisseurs. L’effort cognitif nécessaire à la définition de ces sémantiques est important. Pour cela, lors de la phase d’agrégation, certains experts n’ont pas manifesté l’intérêt de définir des sémantiques pour chaque catégorie comme dans la modalité thermique. Obtention d’un rangement au sein d’une même catégorie

Nous avons vu que la problématique d’aide à la décision associée à notre pro-blème était une problématique de tri. Pour cela, nous avons construit des niveaux

de référence représentant des catégories de confort. Il s’est avéré, pour certains cri-tères, que ces catégories n’étaient pas suffisamment précises pour rendre compte du confort d’une offre. Cette précision nécessite la mise en œuvre de méthodes plus élaborées (l’intégrale de Choquet dans notre cas) pas forcément intuitives pour tous les intervenants et pouvant nécessiter plus de temps et plus de conditions sur leur utilisation. Pour cela, et au moment du choix de la méthode, nous cherchons à savoir si un rangement est nécessaire en identifiant des alternatives appartenant à une même catégorie pour lesquelles l’intervenant juge nécessaire de les différencier. Cela arrive souvent dans des nœuds où :

– les échelles des critères à agréger représentent des niveaux de confort déjà construits et bien définis (ce qui est rarement le cas des dimensions),

– il y a, dans une même catégorie, des relations de dominance entre alterna-tives, par rapport à ces critères,

– et le nombre de critères est important (supérieur, et parfois égal à quatre) Nous choisissons donc une méthode permettant d’obtenir un rangement unique-ment si cela est nécessaire.

7.1.3 Généralisation de l’approche utilisée

L’approche, développée dans cette thèse, utilisée pour la construction du mo-dèle d’évaluation du confort dans les TGV, a également été utilisée pour les TER et les Transilien. La différence principale entre les modèles était dans la définition et la formalisation des critères. Bien que les composantes physiques soient les mêmes dans les trains, leur perception est différente en raison du contexte. En effet, alors qu’en TGV ce sont les activités qui représentent la caractéristique principale du contexte, en Transilien c’est l’affluence qui la représente. Le confort en Transilien se décline donc par rapport à différents scénarii d’affluence et non pas par rapport aux activités. La perception du confort en TER se rapproche de celle en TGV pour les TER longues distances, et se rapproche de celle des Transilien pour TER périurbains. Le modèle TER est donc une combinaison des deux modèles. Au delà de l’utilisation de l’approche pour des problématiques d’évaluation du confort dans les trains, il est intéressant de voir à présent, étape par étape, quels sont les aspects de l’approche pouvant être généralisés à d’autres problèmes d’aide multicritère à la décision.

À l’étape de définition et de formalisation des critères, il est intéressant de vé-rifier, au delà de ce que doit représenter une famille de critères, si les besoins des intervenants concernés par l’aide à la décision peuvent affecter cette construction. Dans notre problème, cela consistait à donner la possibilité aux décideurs de fixer leur cible confort à travers les activités, et, aux experts CIM, à faciliter leurs né-gociations avec le fournisseur choisi en considérant des modalités qui représentent chacune de leurs expertises. Si l’on s’intéresse à des problématiques d’évaluation

du confort, dans les transports en commun par exemple, il est important d’identi-fier, puis d’intégrer dans un modèle de critères les aspects liés au contexte et à la variabilité interindividuelle.

En ce qui concerne l’étape de construction des échelles, il est important d’iden-tifier les données qui vont servir à évaluer ce qui va faire l’objet de la décision (les alternatives) afin de construire les dimensions du modèle. Ces données com-prennent les caractéristiques des alternatives, et parfois, les valeurs de référence sur chacune des caractéristiques, que doit idéalement atteindre une alternative. Dans le cas où l’on veut construire des échelles numériques, elles représentent gé-néralement des distances par rapport aux valeurs de référence. En revanche, s’il est difficile de construire des échelles numériques pour un critère parce qu’il n’est pas possible de mesurer physiquement les données qui lui sont associées, il est important, pour la suite, de construire des échelles qualitatives reposant sur des caractéristiques bien définies et acceptées par tous.

La phase d’agrégation des critères de notre approche présente plusieurs aspects pouvant être exploités pour d’autres problématiques. Pour tout problème dont le modèle de critère est hiérarchique (sous forme d’arborescence), nous avons vu qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser systématiquement la même méthode d’agrégation à chaque nœud, et qu’il était intéressant de considérer plusieurs méthodes poten-tielles. Nous avons proposé, pour cela, un protocole de choix de la méthode (voir le chapitre 5) fondé sur :

– le précision du résultat, souhaitée par l’intervenant,

– la conformité des échelles et de l’information préférentielle avec les conditions d’utilisation de la méthode.

Afin que le choix de la méthode soit pertinent il est important que les méthodes po-tentielles soient assez complémentaires sur leurs conditions d’utilisation et sur leurs capacités à modéliser l’information inter-critères du problème. En ce qui concerne l’élicitation des préférences (pour déterminer les paramètres décisionnels ou pour construire une base de règles) avec des exemples d’affectation, il est préférable dans une procédure d’agrégation/désagrégation d’utiliser des alternatives repré-sentant des bornes de catégories (les meilleures et les moins bonnes alternatives). L’identification de telles alternatives nécessite un dialogue avec l’intervenant (voir le chapitre 5).