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1.5 Les méthodes multicritères (procédure d’agrégation multicritère) . 27

1.5.2 Les méthodes de surclassement

Le principe de ces méthodes consiste à comparer les alternatives par paires au moyen d’une relation de surclassement S. Puis d’exploiter cette relation afin de fournir un résultat répondant à l’une des trois premières problématiques (choix, tri, rangement) mentionnées à la section 1.2.2.

Définition 4 (Relation de surclassement - B. Roy [75])

On dit qu’une alternative a surclasse une alternative b et on note aSb si, étant donné ce que l’on sait des préférences du décideur, de la qualité des évaluations et de la nature du problème, il y a suffisamment d’arguments pour admettre que a est au moins aussi bonne que b et qu’il n’y a pas d’arguments importants prétendant le contraire (vétos).

L’avantage de ces méthodes par rapport aux méthodes MAUT est qu’elles nécessitent une information moins riche et des hypothèses moins restrictives :

– les critères ne sont pas, nécessairement, totalement compensatoires, – la transitivité des préférences n’est pas imposée,

– l’hétérogénéité des échelles n’est pas un problème (qu’elles soient ordinales, intervalles ou ratio) lors de l’agrégation des critères,

– l’incomparabilité, l’hésitation et l’indétermination sont prises en compte3. Néanmoins, le résultat n’est pas nécessairement aussi riche qu’un préordre total car S n’est souvent pas transitive ni complète. La seule propriété qu’elle vérifie est la réflexivité. L’objectif de ces méthodes n’est pas de prescrire une solution au décideur mais plutôt d’éclairer son choix (quelles sont les solutions à écarter ? Quelles sont celles qui doivent être considérées comme bonnes ? Quelles sont celles qui rendent la comparaison avec les autres difficile ?).

Ces méthodes comprennent donc deux phases : celle de la construction de la relation de surclassement S et celle de la l’exploitation de cette dernière. La définition de S ainsi que les différentes possibilités de la construire et de l’exploiter ont donné lieu à plusieurs méthodes de surclassement. Nous pouvons citer deux grandes familles que sont ELECTRE et PROMETHEE.

1.5.2.1 Les méthodes ELECTRE

Dans ces méthodes, le surclassement de a sur b (aSb) repose sur deux principes : la concordance, dont le principe est le même que celui de la majorité dans un processus électoral (voir méthode de Condorcet en théorie du choix social [8, 9]) : il faut qu’une majorité de critères, représentés par leurs poids (le nombre de votants), soient en faveur de a, et la non discordance, fonctionnant comme un véto dans une élection (respect des minorités) : il ne faut pas qu’il y ait un critère qui s’oppose fortement au surclassement de a sur b. L’exemple suivant illustre ces deux principes :

Exemple 10

On veut comparer le confort d’un lieu de travail (bureau) a par rapport à un profil (alternative de référence) b en considérant comme critères : le confort thermique, le confort acoustique (bruit) et le confort du siège. Si l’alternative a a un meilleur confort acoustique et un meilleur confort du siège que b, alors, si le confort ther-mique de a est nettement inférieur à celui de b, bien qu’on ait une majorité de critères4 qui soient en faveur de a (principe de concordance), on ne pourrait pas affirmer que aSb, d’où la nécessité, dans ce cas là, d’un véto de la part du critère confort thermique sur l’assertion aSb.

Les principes de concordance et de non discordance sont formalisés dans les méthodes ELECTRE, en construisant des indices de concordance et de discordance de la manière suivante :

3. Ce qui permet donc de prendre en compte la situation d’incomparabilité aRb et de

préfé-rence faible aQb en plus de celles de préférence et d’indifférence

a) La concordance :

L’indice de concordance c(a, b) représente l’importance de la coalition de critères qui sont en faveur de a au sens large. Sa forme la plus générale (prise en compte de la préférences faibles) est donnée par l’expression (1.17). Son expression la plus simple (sans prise en compte des préférences faibles) est la suivante :

c(a, b) = X i∈C(a,b)

wi (1.14)

où :

– C(a, b) = {i ∈ F/gi(a) ≥ gi(b)} est appelée coalition concordante,

– chaque poids wi représente l’importance du critère i, il n’a pas la même signification que ki à la section 1.5.1.1, il ne correspond pas à un taux de substitution mais plutôt à un nombre de voix associé au critère i, c.-à.-d. si une alternative a est préférée à b, alors le critère i est en faveur de a et le poids wi lui est entièrement attribué sans tenir compte de l’intensité de cette préférence, ce qui limite l’impact d’une mauvaise évaluation de ce paramètre sur le résultat final.

b) La non discordance :

La non discordance représente le fait qu’il ne doit pas exister de critère où l’avantage de b sur a contredit l’affirmation aSb :

∀i ∈ F/gi(b) − gi(a) ≤ vti(gi(a)) (1.15) où les vti sont appelés seuils de véto. On utilise généralement, dans les mé-thodes ELECTRE, un indice di(a, b) indiquant si le critère i émet un véto sur le surclassement de a par rapport à b. L’expression la plus simple de cet indice est donnée par la formule suivante :

di(a, b) = ( 1 0 si gi(b) − gi(a) > vti(gi(a)) sinon (1.16)

L’expression plus générale de cet indice est donnée par l’équation (1.18) Nous avons vu, dans les avantages des méthodes ELECTRE, que ces dernières pouvaient modéliser des aspects importants que l’on remarque chez un décideur lorsqu’il est interrogé sur ses préférences, qui sont l’incomparabilité et les préfé-rences faibles

– L’incomparabilité

L’incomparabilité R entre deux alternatives a et b se traduit en terme de surclassement par le fait que ¬aSb et ¬bSa.

– Les préférences faibles

Lorsque les performances gi(a) et gi(b) sont presque égales, il se peut que le décideur hésite entre l’indifférence ou bien la préférence de a par rapport à b. Cela est souvent dû à l’incertitude ou au manque d’information sur ses préfé-rences. Afin de modéliser cela, on introduit les seuils d’indifférence qi(gi(a)) et de préférence pi(gi(a)) (voir la figure 1.2). L’équation (1.14) devient :

cs(a, b) =X i∈F wici(a, b) (1.17) où : ci(a, b) =        1 pi(gi(a))−(gi(b)−gi(a)) pi(gi(a))−qj(gi(a)) 0 si gi(b) − gi(a) ≤ qi(gi(a))

si qi(gi(a)) ≤ gi(b) − gi(a) ≤ pi(gi(a)) si gi(b) − gi(a) ≥ pi(gi(a))

Figure 1.2 – Seuils de préférence et d’indifférence et l’équation (1.16) devient : dsi(a, b) = 1 (gi(b)−gi(a))−pi(gi(a)) vti(gi(a))−pi(gi(a)) 0 si gi(b) − gi(a) > vti(gi(a))

si pi(gi(a)) ≤ gi(b) − gi(a) ≤ vti(gi(a)) sinon

(1.18)

Une fois la relation de surclassement déterminée, elle est exploitée pour ré-pondre à l’une des problématiques citées à la section 1.2.2. Il existe au moins une version d’ELECTRE pour chacune des trois premières problématiques (P.α, P.β, P.γ). Nous allons présenter certaines d’entre elles :

1.5.2.1.1 ELECTRE I (Problématique P.α)

L’objectif de la méthode est de sélectionner un ensemble (réduit) A qui contient les meilleures alternatives parmi lesquelles se trouve celle que le décideur choisira. La relation de surclassement S, sans considérer les préférences faibles5, est définie comme suit :

aSb ⇔ c(a, b) ≥ s et ∀i ∈ F : di(a, b) = 0 (1.19) où s est le niveau exigé de concordance pouvant s’interpréter comme un niveau de majorité.

La procédure d’exploitation repose sur la recherche d’un noyau dans un graphe orienté G = (V, E) où les sommets V = {xa1, .., xam} représentent les alternatives et (xai, xaj) ∈ E ⇔ aiSaj. Le lecteur intéressé par cette procédure peut se référer au chapitre 6 de [78].

1.5.2.1.2 ELECTRE Tri (Problématique P.β)

L’objectif de la méthode est d’affecter des alternatives à des catégories ordonnées et prédéfinies Clk : k = 1, .., c dont les limites correspondent à des alternatives fictives appelées profils et qu’on note bk : k = 1, .., c − 1 où c est le nombre de catégories. Pour cela les alternatives sont comparées avec ces profils au moyen de la relation de surclassement S définie comme suit :

aSbk ⇔ σ(a, bk) ≥ λ (1.20)

où λ est appelé seuil de crédibilité et σ(a, bk) indice de crédibilité. Il est donné par l’expression (1.21) σ(a, bk) = cs(a, bk) × Y j/ds j(a,bk)>cs(a,bk) 1 − ds j(a, bk) 1 − cs(a, bk) (1.21) L’affectation d’une alternative a à une catégorie peut se faire avec l’une des deux procédures : procédure optimiste ou procédure pessimiste.

a- Procédure optimiste :

– l’alternative a est comparée successivement avec les profils bk, en commen-çant par k = 1,

– cette procédure est arrêtée à la première valeur h telle que :

bhSa et ¬(aSbh) (1.22)

– si ∄k ∈ {1, c − 1} pour lequel la relation (1.22) est vérifiée, alors l’alter-native a est affectée à la catégorie Clc, sinon a est affectée à la catégorie Clh

5. Une version d’ELECTRE I, prenant en compte les préférences faibles, a été également proposée

b- Procédure pessimiste :

– l’alternative a est comparée successivement avec les profils bk, en commen-çant par k = c − 1,

– cette procédure est arrêtée à la première valeur h telle que :

aSbh (1.23)

– si ∄k ∈ {1, c − 1} pour lequel la relation (1.23) est vérifiée, alors l’alter-native a est affectée à la catégorie Cl1, sinon a est affectée à la catégorie Clh+1

Lors de la comparaison d’une alternative a avec un profil bk, quatre cas sont possibles :

1) aSbk et ¬bkSa 2) bkSa et ¬aSbk 3) aSbk et bkSa 4) ¬aSbk et ¬bkSa

Le résultat de l’affectation par les deux procédures ne diffère que dans le quatrième cas (incomparabilité avec un profil), l’alternative a est affectée à une catégorie supérieure avec la procédure optimiste.

1.5.2.1.3 ELECTRE III (Problématique P.γ)

L’objectif d’ELECTRE III [74] est de ranger les alternatives de la meilleure à la moins bonne avec incomparabilités possibles. Le principe consiste tout d’abord à construire une relation de surclassement valuée, définie pour chaque paire d’al-ternative (a, b). Cette relation est caractérisée par un l’indice de crédibilité du surclassement σ(a, b) donné par l’expression (1.21). Cet indice est exploité ensuite pour le rangement des alternatives à l’aide de deux procédures (distillation ascen-dante et descenascen-dante).

1.5.2.2 Les méthodes PROMETHEE [10]

Le principe de ces méthodes repose sur la construction d’une relation de sur-classement valuée traduisant une intensité de préférence.

On commence par calculer des indices Pi(gi(a) − gi(b)) mesurant les intensités de préférence sur les critères i entre tout couple d’alternatives et pouvant prendre différentes formes. On peut citer certaines d’entre elles :

Si on pose di = gi(a) − gi(b) alors Pi(di) =

(

0 si d ≤ 0

Pi(di) =    di−qi pi−qi 1 si qi ≤ di ≤ pi sinon (1.25) Pi(di) = 1 − e −d2i 2s2 i (1.26)

Où qi et pi sont appelés aussi seuils de préférence et d’indifférence mais n’ont pas la même signification que dans ELECTRE, ils ne modélisent pas l’hésitation mais plutôt l’intensité de préférence.

Cet indice n’a pas la même signification que S(a, b) dans ELECTRE III mesurant la crédibilité de l’assertion a surclasse b et non pas l’intensité de préférence de a sur b.

On calcule ensuite les intensités de préférence multicritère π(a, b) = Pn

i=1wiPi(di) et pour chaque alternative a, les flux de surclassement :

– Sortant : il exprime le caractère de surclassement de a face aux m−1 autres alternatives, ou encore sa force. Il est d’autant plus grand que a surclasse fortement les autres alternatives.

φ+(a) = 1 m − 1

X

x∈A\{a}

π(a, x) (1.27)

– Entrant : il exprime le caractère surclassée de a face aux m − 1 autres alternatives, ou encore sa faiblesse. Il est d’autant moins grand que a est peu surclassée. φ(a) = 1 m − 1 X x∈A\{a} π(x, a) (1.28)

Toutes les phases d’exploitation se fondent sur les valeurs φ+(a) et φ(a). Dans PROMETHEE I, on obtient un rangement partiel des alternatives car il se peut qu’il y ait des incomparabilités dues au fait que la condition pour laquelle une alternative a surclasse b est assez forte :

aSb ⇔ (

φ+(a) ≥ φ+(b)

φ(a) ≤ φ(b) (1.29)

On peut donc avoir ¬aSb et ¬bSa. Par contre, dans PROMETHEE II, il ne peut pas y avoir d’incomparabilités, le rangement étant complet, il est obtenu en consi-dérant le flux net :