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Avènement du roman policier espagnol

II. 2.4. Le cycle Pepe Carvalho ou la confirmation du genre :

II.2.4.2. Pepe Carvalho : Un privé aux fourneaux

La création du détective privé catalan, Pepe Carvalho, est faite dans Yo maté à

Kennedy (J’ai tué Kennedy) en 1972. Dans ce roman, Montalbán y dessine la figure du

principal protagoniste de sa production policière ; celle d‟un ancien militant communiste, membre du P.C.E (Parti communiste espagnol), qui a d‟abord travaillé pour la CIA avant de devenir privé.

Cependant, Carvalho fait seulement une courte apparition dans ce roman en tant que garde du corps de président américain John Kennedy, c‟est dans Tatuage que se confirme désormais sa profession de détective privé et son statut en tant que vedette de la série policière de Montalbán, comme le souligne ces propos recueillis lors d‟une interview avec l‟écrivain espagnol :

« D.H : « Comment Pepe Carvalho est-il apparu ?

M.V.M : J’avais besoin d’un garde du corps de Kennedy qui soit d’origine espagnole, ancien communiste et sceptique, qui serait finalement convaincu que c’était lui qui avait tué Kennedy. Quatre

[282] Montalbán éprouvait de l‟admiration pour le peintre français Paul Gauguin qui fut le sujet de plusieurs poèmes. C‟est en pensant au peintre et à sa fuite vers Tahiti qu‟il donna d‟abord le titre de

Marquises si vos rivages aux Mers du Sud. Après la publication de ce roman en langue française, c‟est ce

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ans plus tard, en 1974, ce personnage était transformé en détective privé. »[283]

Et concernant sa réception par la critique en Espagne, il répond :

-« Ce fut un très grand étonnement. J’étais connu comme poète, journaliste et comme auteur d’essais et de romans expérimentaux ; ils ont cru que je me rabattais subitement sur un genre commercial. C’était faux. Il n’y avait pratiquement pas de public pour le genre de romans policiers que j’écrivais. Cela changea lorsque je reçu le prix Planeta en 1979. »[284]

Dans un autre lieu, l‟auteur barcelonais avance d‟autres explications concernant le succès de son héros :

« J’attribue sa réussite internationale à une raison bien précise : il n’a pas seulement reflété la mutation de l’Espagne, mais une mutation plus globale. Carvalho symbolise le climat des années 60, où l’on a vu naître de grands espoirs écologiques, les hippies, la pilule, la liberté sous toutes ses formes, des révolutions en douceur, des révolutions lyriques. Et aussi cette sorte de désenchantement fin-de-siècle, où tout le monde craint de perdre son emploi, d’attraper le sida, cette peur de la liberté qu’ont si bien su inculquer ceux qui usent de mécanismes à caractère répressif.»[285]

Pepe Carvalho va donc se joindre à la longue liste des détectives privés, qui ont participé à la création de la mythologie du roman policier depuis sa naissance. Et son choix pour un private eye plutôt que pour un policier, comme les héros de Yasmina Khadra et Jean-Claude Izzo, est expliqué ainsi : « Il [Carvalho] devait être détective

privé, car aux yeux de l’Espagne post-franquiste la police avait gardé une image fasciste. » [286]

Ainsi est né Pepe Carvalho dans ce contexte post- franquiste, qui assiste à une certaine liberté des mœurs exercée au sein d‟une société, qui s‟éveille lentement à son nouveau régime démocratique. Cependant, Pepe Carvalho a un passé tumultueux sous le règne franquiste. Opposant politique et ancien membre du comité central du Parti socialiste unifié de Catalogne comme Montalbán, Pepe Carvalho a essayé la prison franquiste en 1962, dans laquelle, il a fait la connaissance de Biscuter, son assistant et

[283] HONEY BONE, David, MANUEL VÁZQUEZ, MONTALBÁN, Canal noir, sur :

http://polarnoir.net16.net/montalban_interv.html.

[284] Op.cit.

[285] KUNTZ, Lucia Iglesias, op.cit.

[286]

de Bromure, son indicateur qui vont constituer plus tard, avec Charo sa fiancée, sa famille. Cette prison évoque d‟ailleurs chez lui de pénibles souvenirs : « Carvalho fit

l’expérience bien connue de la nervosité devant le poste de police rue Layetana. » (Les Mers du Sud, p.47)

Au fur et à mesure de ses enquêtes, Carvalho semble abandonner ses idées politiques et son engagement idéologique (le communisme) « Non, je n’ai pas de parti,

je n’ai même pas un chat. » (Les Mers du Sud, p.49) C‟est que le héros catalan

commence à se sentir vieux et c‟est l‟obsession d‟assurer sa retraite qui hante grandement son quotidien : « Il avait un million deux cent mille pesetas à la Caisse

d’épargne, qui lui rapportaient régulièrement 5%. A cette allure, il n’arriverait pas vers les 50-50 ans, à avoir le capital suffisant pour se retirer et vivre de ses rentes ». (Les Mers du Sud, p.18)

Cependant, bien que Pepe semble préoccupé par des soucis financiers, ça ne l‟empêche pas d‟être un personnage honnête et incorruptible. En fait, pour le héros de Montalbán, l‟honnêteté se joue sur deux plans : personnel et professionnel. Il s‟agit, dans un premier temps, de l‟intégrité morale que Pepe montre vis-à-vis de Yes, la fille de la victime, en refusant une relation amoureuse durable avec elle, prétextant l‟écart d‟âge entre eux. Il ne voulait pas confirmer les soupçons de sa mère, qui le considère comme « un détourneur de mineures » (Les Mers du Sud, p.216). La jeune fille s‟accroche pourtant à lui désespérément et lui propose même de faire un long voyage avec elle à ses frais. Mais, pour Carvalho, elle appartient à une enquête, qui est en train de prendre fin et qui n‟aura pas de suite : « Dans une semaine, plus ou moins, mon

travail sera terminé. Je donnerai mes conclusions à ta mère, j’encaisserai et je partirai sur une nouvelle affaire, (…). Toi et moi, nous n’aurons plus l’occasion de nous voir. Pas même de garder des relations. » (Les Mers du Sud, p.216)

Pourtant, Yes semble incarner l‟idéal féminin de Carvalho, comme le remarque Françoise Abel [287] en observant que Yes fait partie des femmes dorées, expression utilisée selon elle, par l‟écrivain espagnol dans ses entretiens, et qui veut dire des amours qui naissent de l‟adolescence et qui sont souvent impossibles. C‟est pour cette raison que le détective barcelonais refuse cet amour, et ne croit pas à son avenir, car il met en avant son vieillissement entre lui et Yes, mais, il semblerait aussi par fidélité

[287] ABEL, Françoise, “ Nostalgie des valeurs, valeur de la nostalgie chez M.V. Montalbánˮ in Manières

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envers Charo qu‟il considère, en quelque sorte, comme sa femme et c‟est à elle, finalement qu‟il propose de faire un voyage à Paris, après la résolution de l‟énigme de la disparition du père de Yes.

D‟autre part, à la fin des Mers du Sud, Pepe subit l‟épreuve de la corruption à travers l‟offre d‟argent de l‟avocat Viladecans, qui voulait acheter son silence sur son rôle, ainsi que celui de Lita, dans la mort de Pedrell : « Pouvez-vous nous effacer de

cette histoire ? Je suis prêt à payer généreusement le service. » (Les Mers du Sud,

p.301) Mais, le détective décline cette proposition, la considérant comme immorale, malgré son besoin d‟argent (Pepe comptait ses économies au début du roman et se lamentait sur l‟absence des clients), ne voulant pas trahir sa cliente, qui lui a promis une excellente énumération pour ses services : « Ma facture pour la veuve sera assez élevée.

Je me considère comme bien payé. » (Les Mers du Sud, p.301) Ce qui est d‟ailleurs

confirmé aussi par Françoise Abel dans son étude sur le protagoniste de Montalbán, en concluant que « Pepe se veut intègre, refusant les compromissions, il ne dénonce pas le

coupable, qui souvent reste impuni. Pepe ne rend compte qu’aux clients, et peut détruire une preuve. » [288]

Le héros de Montalbán semble se désintéresser donc des attraits que la ville offre généralement : l‟amour physique et l‟argent. Carvalho est animé surtout par le souci d‟assurer une retraite convenable et sans tracas au soir de sa vie, sachant que Charo sera toujours à ses côtés, palliant à son besoin d‟amour.

De surcroit, Carvalho n‟offre nullement l‟image du détective classique, possédant une force physique remarquable et un entrain inépuisable ; puisqu‟il se fatigue vite et manifeste une certaine lassitude à accomplir ses taches professionnelles comme dans ce passage des Mers du Sud où il sort vainqueur difficilement de son combat avec Pedro Larios et ses deux copains :

« Carvalho le cribla de coups de pied avec fureur. Pedro les esquivait comme un animal électrique, mais les ruades l’atteignaient, lui écrasant l’estomac, les reins, cherchant follement son visage. Il entendait aussi les halètements de la bite fatiguée et furieuse qui s’échappaient de la bouche entre-ouverte du détective. » (Les Mers du Sud, p.289)

[288]

Et plus loin dans un autre passage, est décrit combien ce combat l‟a épuisé physiquement et l‟a rendu malade : « Derrière, Carvalho reprit sa respiration d’animal,

à bout de souffle, l’air semblait crier de douleur en sortant de ses poumons. Pedro l’entendit tousser, puis vomir. » (Les Mers du Sud, p.289)

Dans une scène du Labyrinthe grec, c‟est à nouveau l‟image d‟un Pepe qui manifeste de moins en moins d‟aisance physique lors de la recherche du Grec disparu :

« Le grès très rugueux du haut du mur lui écorcha les paumes quand il s’y accrocha pour se laisser tomber dans le vide. Il avait les mains brûlantes et une secousse douloureuse sous les aisselles l’obligea à se lâcher pour ne plus avoir mal. D’une légère poussée, Lebrun amortit sa chute et Carvalho s’étala sur un matelas trop mince de cartons pourris, abasourdi. » (Le Labyrinthe grec, p.111)

Ainsi, loin de se conformer à l‟image mythique du super héros fort et imbattable, Carvalho la transgresse plutôt d‟une façon pitoyable comme le remarque un des personnages des Mers du Sud, Planas en reprochant à Carvalho son aspect maladif et vieillissant :

« Ces poches sous les yeux, enflées. Vous avez le foie fatigué. (…). Il faut essayer de vieillir avec dignité. Vous êtes plus jeune que moi, beaucoup plus jeune. Et vous êtes bien mal conservé. Moi je croyais que les détectives privés faisaient de la gymnastique, du jiujitsu.» (Les Mers du Sud, p.72)

Cet état de décrépitude est dû en grande partie à sa grande consommation d‟alcool : « Il imagina son propre foie comme un animal rongé par le vitriol. Une purée

de merde et de sang qui dans son agonie lui enfoncerait toute sa douleur dans le côté ».

(Les Mers du Sud, p.153) et qui l‟empêche le cas échéant de réfléchir et de procéder à ses enquêtes : « L’alcool se transforma en une ramure de plomb dans toutes ses veines,

et il tomba endormi sur le canapé, le plan de la ville définitivement déchiré sous le poids de son corps.» (Les Mers du Sud, p.156)

Cet excès d‟alcoolisme est plus présent dans Les Mers du Sud que dans Le

Labyrinthe grec où sa consommation d‟alcool est plus modérée. C‟est peut être dû à

l‟euphorie qui a suivi la mort de Franco et la fin de son régime totalitaire, qui était accompagnée d‟un certain relâchement dans les comportements sociaux. Cette prise d‟indépendance s‟exprime aussi dans sa vie privée où il n‟a pas hésité à prendre pour fiancée Charo, une prostituée et à déclarer à propos d‟elle, répondant à une question de

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Yes, la fille de Stuart Pedrell : « c’est en quelque sorte ma femme »(Les Mers du Sud, p. 256). Ce qu‟il n‟aurait pas pu faire dans les années 50 et 60 en plein conservatisme franquiste. Quant à sa modération dans Le Labyrinthe grec, c‟est probablement dû à son avancée en âge, qui pèse sur ses comportements et sa façon de vivre en général.

Une autre caractéristique du détective barcelonais, c‟est sa passion pour la cuisine. Ponctuant le récit d‟enquête, la gastronomie est quasi présente tout au long de la trame criminelle, servant même parfois à orchestrer la clé d‟une énigme comme par exemple dans Les Mers du Sud où Pepe Carvalho participe à un dîner organisé par son ami Fuster et un professeur en littérature et au cours duquel ce dernier trouve le nom de l‟auteur du vers énigmatique.

Ce rapport privilégié à l‟art culinaire a conduit Montalbán (lui- même grand gourmet) à parsemer ses récits policiers par des allusions très fréquentes à des dîners entre amis, des repas dans des restaurants et mêmes de légères collations qui révèlent l‟importance de la place qu‟occupe la cuisine dans ses romans. Il le confirme lui-même dans cette interview :

« - pourquoi la cuisine tient-elle un rôle si important dans vos livres ? Elle y un personnage à part entière !

M.V.M :« D’abord, parce qu’à part écrire, cuisiner est la seule

chose que je sache faire. Ensuite, et surtout dans la série Carvalho (…) parce que j’avais besoin de ce ressort romanesque : un personnage récurrent a besoin de deux ou trois tics reconnaissables (…) Mais je crois, en outre, que cette histoire de cuisine contient une métaphore de la culture elle-même.»[289]

Assimilé à un comportement culturel, la cuisine joue donc un rôle non négligeable dans la propagande de la culture populaire dont elle est issue. Le cas le plus illustratif est le dîner chez le professeur de littérature où il est question de « manger une

vraie paella » (Les Mers du Sud, p.139), issue de la cuisine valencienne qui sera suivie

par une représentation théâtrale, issue elle aussi de la littérature populaire valencienne.

Etre un véritable gourmet au point d‟en être boulimique, de « dévorer des

kilomètres de pain et de tomates. » (Les Mers du Sud, p.102) n‟est pas la seule

caractéristique de ce détective catalan. Montalbán l‟a doté d‟une bien étrange manie, celle de brûler les livres, comme l‟annonce Fuster au professeur en le mettant en

[289]

garde contre Pepe : « Attention, Sergio, ce type-là est un brûleur de livres. Il les utilise

pour allumer sa cheminée.» (Les Mers du Sud, p.139)

Effectivement, Pepe Carvalho est un brûleur de livres qui éprouve une grande jouissance à les mettre dans sa cheminée allumée. Et répondant à la question « pourquoi

brûle-il des livres ? » Montalbán avance que : « C’est caractéristique et vient du fait que le genre policier est supposé n’avoir fondamentalement qu’un faible contenu culturel. De plus, cela me permet de faire quelques clins d’œil culturels en brûlant le Don Quichotte ou la théorie de la vie de Engel. »[290]

Cette habitude de chauffer sa maison avec le papier des livres, est source d‟une grande satisfaction chez Pepe :

-« Ça doit produire un plaisir surtout quand il s’agit

d’ouvrages de grande valeur intellectuelle -Extraordinaire. » (Les Mers du Sud, p.139)

Et dans un autre passage, Carvalho justifie cette étrange manie lors d‟une conversation avec Charo sur Maurice de E.M.Forster :

« - C’est mauvais ? - C’est extraordinaire.

- Alors pourquoi le brûles-tu ?

- Parce que c’est de la blague comme tous les bouquins. » (Les Mers du Sud, p.38)

Les seuls livres que Montalbán hésite à brûler sont Les Pléiades « à cause du

toucher si agréable de ces livres» (Les Mers du Sud, p.101). Cependant, le fait de brûler

les livres n‟est-il pas une manière particulière de mettre un rempart entre le héros de Montalbán et la réalité dominée par le régime franquiste ? N‟est-il pas une manière particulière de lutter contre le désenchantent fin-de-siècle que l‟auteur, en a déjà évoqué ? Ou parce que comme l‟explique Vanoncini :

« Le détective se défait ainsi de repères culturels qu’il juge encombrants au moment où le bouleversement des idéologies et des morales lui demande d’avoir un regard vierge de préjugés. Au lieu d’une continuité illusoire entre le passé et le présent, il veut pouvoir observer la coexistence problématique des ruines de l’ancien régime et du fragile édifice de la démocratie. De sorte que ses enquêtes

[290]

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majeures se déroulent toutes sur le terrain miné par le complexe historique.»[291]

De surcroît, ce rituel greffe au personnage de Carvalho une caractéristique particulière qui le distingue des deux autres héros de notre corpus, le Commissaire Llob et Fabio Montale qui ne cultivent pas spécialement des tics personnels.

Cependant, le détective de Montalbán rejoint ces deux policiers dans le fait concernant la présence récurrente des personnages, qui gravitent autour de lui, tout au long de ses enquêtes. Se soumettant donc au procédé sériel du genre policier, l‟auteur barcelonais fait, lui aussi, recours à des figures répétitives qui alimentent les récits par leurs personnalités particulières.

D‟abord, il s‟agit de Biscuter; l‟assistant de Pepe dont il a fait la connaissance dans la prison franquiste. Biscuter est le surnom de José Plegamans Bertriu [292] qui joue le rôle d‟assistant et de cuisinier pour le détective. Il n‟est pas décrit d‟une façon avantageuse : « sur son vieux compagnon de la prison, la nature avait réalisé le miracle

de la laideur innocente. C’était un avorton blond et nerveux, condamné à la calvitie ».

(Les Mers du Sud, p.31). Biscuter vit dans le bureau de Carvalho qui lui sert de maison personnelle :

« arrivé devant le rideau qui le séparait du monde de Biscuter Ŕ les toilettes, la petite cuisine et le réduit où ce bout d’homme avait Ŕ son lit Ŕil le souleva du doigt et se retrouva nez à nez avec Biscuter qui écoutait la conversation de toutes ses oreilles ». (Le Labyrinthe grec, p.19).

Charo est aussi un personnage qui revient au fil des récits policiers de Montalbán. C‟est une prostituée qui joue le rôle de la fiancée de Pepe dans la série et vers laquelle, le détective revient toujours malgré ses aventures féminines.

Un autre personnage, Bromure, vint appuyer le cercle des amis de Pepe. Bromure est un cireur de chaussure qui sert d‟indicateur pour le détective et lui fournit des informations nécessaires à ses enquêtes .Cependant, dans Les Mers du Sud, il commence à vieillir et ses capacités ne sont plus les mêmes qu‟avant, il est décrit comme ayant «[ un] vieux visage aux chaires pendantes, et le crâne chauve criblé de

taches et de points noirs. »(Les Mers du Sud, p.247)

[291] VANONCINI, André, op.cit., p.106.

[292] MONTALBÁN, Manuel Vázquez, Histoires de familles, Traduction française, Christian Bourgois, Paris, 1992, p.17.

D‟ailleurs, Montalbán ne tarde pas à le faire mourir dans Le Labyrinthe grec :

« Bromure est mort. » (p.38) Il semblerait que la mort de Bromure devait arriver, parce

que l‟indic ne peut plus jouer son rôle d‟une façon satisfaisante, à cause de son vieillissement d‟une part, et de l‟élargissement de la ville de Barcelone, d‟une autre part : « Ça n’est plus comme avant. Avant on savait tout ce qui se passait à Barcelone

en restant dans ce petit périmètre où je me balade. Mais maintenant c’est impossible.»

(Les Mers du Sud, p.248). La mort de Bromure accentue aussi le sentiment de vieillesse chez Carvalho et lui fait sentir sa fin proche : « Moi Ŕmême je ne me sens pas très bien.» (Le Labyrinthe grec, p.38)

Ces trois personnages Biscuter, Charo et Bromure, constituent donc la famille de Carvalho (ses parents sont morts quand il était jeune), malgré leur classe sociale basse:

« Ils sont marginaux, délinquants, et ne peuvent accéder à la bonne société, ni acquérir les pulsions d’appropriation de ses membres. »[293]

En outre, le détective possède d‟autres amis appartenant à une classe sociale plus élevée, comme son ami et voisin, le gérant Fuster qui a l‟habitude de partager avec lui quelques repas, ou comme le peintre Artimbau qui « l’avait connu dans l’étape de

l’antifranquisme, juste avant de s’enfuir aux Etats-Unis » (Les Mers du Sud, p.46). Ce

peintre va l‟aider à découvrir la clé du mystère de ces deux enquêtes dans Les Mers du

Sud et Le Labyrinthe grec, grâce à ses relations dans le milieu bourgeois et artistique

barcelonais.

Ainsi est fait le personnage de Pepe Carvalho. Montalbán a réussi à en esquisser