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Approches du roman policier méditerranéen

I.2.2. Le roman policier: genèse et précurseurs

I.2.2.1. Définition et caractéristiques

« Cette crainte devant l’inconnu, cet émerveillement produit par la résolution de

l’énigme, voilà les traits fondamentaux du roman policier.»[100]

Ainsi déclaraient Boileau et Narcejac à propos de la naissance du roman policier. Un élément frappe d‟emblée dans ces propos, c‟est celui de l‟énigme. Cette dernière et sa résolution sont la clé de voûte de tout récit policier digne de ce nom.

L‟intrigue à caractère criminel est ainsi au cœur de toute narration policière ; elle lui donne son essence même, c‟est que « Le roman policier est le récit rationnel

d’une enquête menée sur un problème dont le ressort dramatique principal est un crime. » [ 101]

Le mystère qui tourne généralement autour d‟un crime, crée une situation troublante et dramatique dont le redressement est une nécessité fondamentale dans un cadre juridique, afin d‟établir un certain ordre social. Le récit policier illustre parfaitement cette atmosphère tendue, voilée d‟une transgression de la loi, au sein de la société. Ce que confirme d‟ailleurs Daniel Fondaneche en avançant que le roman policier est : « la trace romanesque d’une quête ayant pour but de rétablir un équilibre

qui a été rompu après une transgression sociale. C’est la remise en ordre stable d’un état social qui, pendant un temps, a été perturbé. » [102]

L‟installation d‟un certain désordre au sein de la société fait qu‟il devient urgent de l‟arranger au moyen des investigations de la police, ou par les enquêtes des détectives amateurs ou privés. C‟est cette voie judiciaire dont le roman policier va faire

[99] VAREILLE, Jean-Claude cité par Marc Lits in Le roman policier, op.cit., p.29.

[100] BOILEAU- NARCEJAC, Le roman policier, Presses Universitaire de France, Paris 1975, p.8.

[101] SADOUL, Jean Jacques, cité par Marc Lits, ibid., p.90.

[102]

son emblème tout au long de son histoire, peuplée de crimes et de malfaiteurs. Suivant cette veine, Yves Reuter remarque aussi que le roman policier :

« peut être caractérisé par sa focalisation sur le délit grave, juridiquement répréhensible (…). Son enjeu est, selon les cas, de savoir qui a commis ce délit et comment (roman à énigme, d’y mettre fin et / ou de triompher de celui qui le commet (roman noir), de l’éviter (roman à suspense).»[103]

La définition d‟Yves Reuter fait allusion non seulement à la présence d‟un délit

grave dans tout récit supposé policier, mais aussi aux différents types du genre que nous

verrons ultérieurement, à savoir le roman à énigme, le roman noir et le roman à suspense.

Cependant, les critiques du genre policier s‟accordent pour dire que l‟inclusion d‟un crime, ou d‟un délit grave dans un récit ne fait pas nécessairement de ce dernier un roman policier : Les Misérables de Victor Hugo en est la preuve. Car malgré la présence des ingrédients propres au genre policier, comme la mise en scène des criminels repentis (Jean Valgan) et des policiers (Javard), cette œuvre ne peut être qualifiée de roman policier. De même pour le roman de Balzac, Une Ténébreuse

Affaire et celui d‟Eugène Sue Les Mystères de Paris, qui sont peuplés tous les deux

par des intrigues criminelles et des malfaiteurs, mais qui ne sont pas considérés pour autant comme des récits policiers.

Le roman policier est donc conditionné par des contraintes à la fois thématiques et structurelles inhérentes au genre. Sa structure narrative lui vaut le nom de roman, qui réfère généralement à une forme littéraire noble, tandis que le terme policier se conjugue avec des thèmes en relation avec le milieu criminel et judiciaire.

Naturellement, l‟élément thématique le plus important dans le roman policier est le crime, figurant en premier lieu des délits dangereux portant atteinte à l‟ordre social : « qu’il s’agisse d’un meurtre, d’un chantage, d’un kidnapping. »[104] Roger Caillois affirme à ce propos, que la popularité du roman policier, est due à ce qu‟il s‟ouvre obligatoirement sur un cadavre. Le meurtre est le crime qu‟on trouve le plus souvent dans le roman policier.

[103] REUTER, Yves, Le roman policier, Armand Colin, Paris, 2007, p.p. 9-10.

[104]

I.2. Approches du roman policier méditerranéen ║

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Pour Vanoncini, le meurtre : « est le crime le plus fréquemment commis dans le

roman policier, loin devant le braquage, l’enlèvement ou d’autres transgressions de la loi. Il constitue l’amorce indispensable d’un processus de détection divisée en plusieurs étapes. » [105] Le roman policier sans crime meurtrier et par conséquent sans cadavre, ne peut donc être qualifié de tel. C‟est une des vingt célèbres règles que l‟américain S.S.Van Dine exige pour l‟écriture d‟un bon récit policier :

« (7) Un roman policier sans cadavre, cela n’existe pas.(...)Faire lire trois cents pages sans même offrir un meurtre serait se montrer trop exigeant vis-à-vis d’un lecteur de roman policier. La dépense d’énergie du lecteur doit être récompensée. » [106]

La présence d‟un meurtre semble donc être une nécessité dans un roman policier pour combler l‟attente du lecteur pour les sentiments de peur et d‟horreur face à un crime. De fait, ce roman met en scène des scènes d‟homicide qui lui valent un succès considérable et consacrent sa durabilité au fil du temps. Raymond Chandler reconnaît que la mort est le thème principal dans la majorité de production littéraire et notamment policière :

« On ne s’est jamais intéressé aux causes psychologiques profondes de l’immense succès populaire de la littérature policière. Et (….) on remarque qu’une forte proportion des œuvres littéraires ayant supporté l’épreuve du temps sont justement celles qui, sous une forme ou sous une autre, traitent de mort violente. Et s’il nous faut expliquer cela, (…..) on peut avancer que les tensions développées dans un roman criminel constituent la synthèse la plus simple mais aussi la plus complète des tensions auxquelles nous sommes soumis, à notre époque. » [107]

Le roman policier est donc placé sous le sceau du meurtre. Toute sa structure et sa thématique tournent autour du meurtre dont l‟origine remonte à l‟antiquité, mais qui prend une disposition criminelle au XIXe siècle, après avoir fait figure d‟un enjeu

romantique des œuvres littéraires appartenant au Romantisme et même jusqu‟au milieu

du XIXe siècle. S‟imprégnant du rêve, de l‟imagination, les héros trouvent dans la mort, un monde imaginaire qui comble un idéal sentimental, idéologique ou matériel selon Vanoncini. [108]

[105]

Op.cit, p.13.

[106]

S.S.VAN Dine cité par Franck Evrard in Lire le roman policier, op.cit.

[107] CHANDLER, Raymond cité par Marc Lits, op.cit, pp.86- 87.

Investigateur du crime, l‟enquêteur commence un travail d‟observation et de collecte d‟informations où la place de l‟induction et de la déduction est importante. La résolution du crime apparaît au fur et mesure de l‟enquête, censée avoir pris en compte tous les aspects du crime même ceux en relation avec les moments les plus éloignés dans le passé.