• Aucun résultat trouvé

La pensée sociale, une composante essentielle de l’adaptation socioscolaire de l’enfant

Chapitre 4 : Premier article

1. La pensée sociale chez l’enfant de 5-6 ans

1.2. La pensée sociale, une composante essentielle de l’adaptation socioscolaire de l’enfant

Le développement de la pensée sociale, rendu possible grâce aux processus intra-individuels et inter- individuels, est relié à l’adaptation socioscolaire de l’enfant (Pagé et al, 2001). Dans une vision sociogénétique du développement, il est suggéré de considérer l’adaptation de l’enfant en tant que résultat du développement, voire en tant que comportements effectués dans un contexte précis. Par exemple, en classe maternelle, l’adaptation repose sur la capacité de l’enfant à recourir à un ensemble de compétences liées à la sociabilité et à l’adaptation socioscolaire permettant son insertion dans des relations sociales harmonieuses, tant avec ses pairs qu’auprès de son enseignante. Au contraire, toujours en contexte de classe, les manifestations courantes de comportements associés à des problèmes extériorisés ou des problèmes intériorisés pourraient quant à elle nuire à une adaptation socioscolaire réussie.

L’adaptation socioscolaire de l’enfant nécessite la possibilité d’expérimenter des relations sociales qui rendent possible une meilleure compréhension de celles-ci. C’est ainsi que, lors de son entrée à la maternelle, l’enfant doit avoir l’opportunité d’expérimenter de nouvelles relations sociales et par le fait même, peaufiner sa compréhension des échanges sociaux (Hay, Payne & Chadwock, 2004). Toutefois, à 5-6 ans, le développement cognitif non complété et les expériences sociales parfois peu nombreuses ou diversités peuvent rendre difficile les échanges de l’enfant. Par exemple, certains enfants peuvent se démarquer davantage en adoptant des comportements rendant difficiles les relations harmonieuses avec les autres. Il peut s’agir pour l’enfant d’afficher des comportements associés à des problèmes intériorisés (anxiété, retrait social, etc.) ou extériorisés (opposition à l’adulte, agression physique, agression verbale, etc.) pouvant nuire à son adaptation en classe (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007). En effet, lorsque ces problèmes perdurent, augmentent ou s’intensifient, ils deviennent des indicateurs de difficultés d’adaptation (Campbell, Shaw & Gilliom, 2000). Pour permettre une adaptation socioscolaire harmonieuse, les milieux scolaires gagnent à valoriser la pensée sociale et les compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui), éthiques (prosocialité) et procédurales (capacité de résoudre des problèmes sociaux) qui y sont reliées.

Des liens ont déjà été soulevés entre la difficulté à prendre la perspective d’autrui (p. ex., de ses savoirs ou de ses croyances) et les comportements associés à des problèmes extériorisés, eux-mêmes associés à une adaptation négative. D’une part, les enfants qui ne maîtrisent pas la prise de perspective d’autrui expriment davantage de comportements agressifs physiques (p. ex., frapper, pousser, bousculer, etc.). D’autre part, les enfants qui comprennent la prise de perspective d’autrui, mais qui présentent un faible taux de comportements prosociaux font preuve de plus de comportements agressifs indirects (p. ex., médisance, exclusion sociale, etc.) et ce, peu importe leur genre (Renouf, Brendgen, Parent, Vitaro, Zelazo, Boivin et al., 2010; Renouf, Brendgen, Séguin, Vitaro, Boivin, Dionne, Tremblay, Pérusse, 2010). Ainsi, l’adaptation socioscolaire devient

sous-jacente non seulement à des compétences conceptuelles, liées au développement cognitif, mais également à des compétences éthiques permettant d’intégrer les valeurs de coopération et de partage associées à la prosocialité. En plus, les écrits soulèvent une relation négative entre la connaissance de stratégies de résolution de problèmes prosociaux (compétences procédurales) et les comportements associés à des problèmes extériorisés (Crick & Dodge, 1994; Gini, 2006; Hughes, Whites, Sharpen & Dunn, 2000; Youngstrom et al., 2010). Ainsi, plus l’enfant connaît de stratégies de résolution de problèmes interpersonnels, plus il est susceptible de s’adapter harmonieusement à son environnement. Force est de constater que le développement de la pensée sociale, possible grâce à une interaction entre des compétences conceptuelle, éthique et procédurale, influence de façon complexe les actions de l’enfant lors de ses interactions sociales et supporte son adaptation socioscolaire.

Vu sous cet angle, un environnement éducatif de qualité fournissant des situations d’apprentissage et de développement (opportunités relationnelles) adaptées à la zone de proche développement de l’enfant de 5-6 ans est garant d’une adaptation socioscolaire. La Politique de l’adaptation scolaire (Ministère de l’Éducation, 1999) explique qu’il importe de s’attarder sur les difficultés d’adaptation tôt dans le cheminement scolaire parce qu’elles sont associées à diverses problématiques : difficultés d’apprentissage et retards scolaires (Déry, Toupin, Pauzé & Verlaan, 2005; Fortin, Royer, Potvin, Marcotte & Yergeau, 2004; Toupin, Dubuc & Audette, 1997), difficultés à terminer les études secondaires (Jimerson, Egeland, Scroufe & Carlson, 2000; Ladd et al., 2003), difficultés d’intégration à la société (McComas et al., 2005). Puisque la pensée sociale facilite les relations sociales et que ces dernières sont un facteur de l’adaptation socioscolaire, il importe de s’y attarder. D’où l’importance de mettre en place des occasions où l’enfant peut interagir avec ses pairs, réfléchir à ses échanges de même qu’aux conflits qui en découlent et apprendre à générer des stratégies pour les résoudre (Pagé et al., 2001).

En somme, en plus d’affirmer la nature fondamentale de l’ontogenèse des structures cognitives, la perspective adoptée dans le présent article souligne le caractère essentiel de la qualité des transactions quotidiennes expérimentées dans les environnements fréquentés par l’enfant. Ces échanges sociaux lui permettent de vivre des expériences sociales qui favoriseront sa pensée sociale et ainsi, son adaptation socioscolaire. En effet, un enfant qui est capable de réfléchir sur ses échanges et qui sait faire des choix de comportements appropriés aux situations sociales vécues devient plus susceptible de démontrer une adaptation socioscolaire positive. Dès lors, il convient de s’interroger sur les contextes à mettre en place en classe maternelle ou sur les opportunités à favoriser pour supporter une meilleure compréhension du monde social et l’adaptation socioscolaire. C’est précisément ce que la prochaine section propose par le biais d’une réflexion sur

l’utilisation du jeu comme une occasion d’interagir socialement mise en place en contexte éducatif, de façon à devenir un contexte de développement des compétences de la pensée sociale.

2. Le jeu symbolique, un contexte propice au

Documents relatifs