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Chapitre 3 : Méthodologie

3.2. Déroulement et instruments utilisés

3.2.1. Instruments et procédure de collecte des données

3.2.1.1. Instruments utilisés pour mesurer la pensée sociale chez les enfants

Tous les enfants dont les parents ont signé le consentement parental ont participé à une entrevue individuelle pour la réalisation des trois épreuves sociocognitives8, avant et après l’expérimentation. Ces entrevues,

réalisées sous forme de jeux, permettaient d’évaluer des compétences relatives à la pensée sociale et également d’en mesurer l’évolution au cours de l’année scolaire. Conformément au cadre théorique privilégié, le modèle sociogénétique des pensées et des émotions sociales sera le cadre structurant pour le choix des variables à mesurer. Ainsi, trois épreuves sont privilégiées, et permettent de mesurer : les compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui), les compétences éthiques (attitude prosociale), les compétences procédurales (capacité de résoudre des problèmes sociaux). Il importe de noter que chacune de ces épreuves intègre des illustrations en fonction du genre de l’enfant pour faciliter sa capacité à se mettre à la place des personnages des mises en situation. Un portrait de ces trois épreuves utilisées lors de l’expérimentation sera à présent tracé.

6 Ce feuillet est accessible en annexe 2 avec l’ensemble des documents approuvés par le Comité d’Éthique et de la

Recherche de l’Université Laval.

7 Les formulaires sont accessibles en annexe 2. 8 Le protocole complet est disponible à l’annexe 3.

Les compétences conceptuelles : une épreuve pour mesurer la prise de perspective d’autrui (fausses croyances)

Dans le cadre de cette étude, les compétences conceptuelles sont mesurées à l’aide d’une épreuve adaptée d’une tâche classique de Wimmer et Perner (1983). Cette tâche identifie la capacité de l’enfant à inférer des états mentaux à partir d’événements observables de même que la capacité d’utiliser ces états mentaux pour prédire le comportement d’un protagoniste à l’aide de l’histoire suivante de Max et la barre de chocolat (voir encadré 1).

Encadré 1

Max et la barre de chocolat

Max et la barre de chocolat

Le garçon (la fille) est dans sa chambre (présenter à l’enfant les images : regarde il y a son coffre et son bureau). Le garçon (la fille) a un beau chocolat (ajouter devant le personnage l’image du chocolat). Le garçon (la fille) range son chocolat dans son coffre (faire les gestes avec les images) et sort de sa chambre pour jouer dehors. Il/elle viendra manger son chocolat plus tard (cacher le personnage sous la table ou hors de la vue de l’enfant).

Pendant que le garçon (la fille) n’est pas là, sa mère (présenter le nouveau personnage) arrive dans la chambre pour ranger. Elle prend la tablette de chocolat et la déplace dans le bureau (réaliser les gestes avec les images). Puis, elle s’en va (cacher le personnage de la mère).

Plus tard, le garçon (la fille) revient (réintroduire le personnage) dans sa chambre pour chercher sa barre de chocolat.

L’épreuve présentée par Mélançon (2005), adaptée de Wimmer et Perner (1983), est utilisée puisqu’elle a été traduite pour des enfants québécois du même âge que les participants à la présente étude. Les données codifiées permettent d’obtenir les variables dichotomiques suivantes:

- la capacité de l’enfant d’inférer des états mentaux (attribution d’ignorance) (0-1)9

o Est-ce que Max sait où est la barre de chocolat?

- la capacité de l’enfant à attribuer une fausse croyance (attribution d’une fausse croyance) (0-1) o Où est-ce que Max pense-t-il que son chocolat se trouve?

9 Dans cette épreuve, l’enfant incapable d’effectuer la tâche (p. ex. inférer des états mentaux) est codée 0 alors que sa

- la compréhension que les croyances du personnage guident ses actions (inférence sur une action) (0-1)

o Où est-ce que Max va aller pour chercher son chocolat?

Aussi, l’histoire était suivie de questions de contrôle, soit une question portant sur la réalité (Où est le chocolat maintenant?) et une question portant sur la mémoire (Où était le chocolat au début?). Ces deux questions permettent de s’assurer de la compréhension de la mise en situation par le sujet et de valider sa réponse. Ainsi, des réponses correctes de l’enfant aux questions de justifications diminuaient les chances que les premières réponses émises par l’enfant soient associées au hasard.

Pour l’analyse, différents regroupements de variables furent tentés, notamment celui proposé par Mélançon (2005) suggérant une moyenne des trois premières questions. Toutefois, la cohérence interne de ces variables est, pour notre échantillon, très faible, ce qui démontre que les questions mesurent des construits différents (0,328). De ce fait, nous considèrerons la cotation proposée par Nader-Grosbois et Thirion- Marissiaux (2011), qui résulte d’un constat semblable à celui de la présente étude soit, l’absence de corrélations entre les mesures de l’épreuve. Elle retient uniquement la question nommée «compréhension que les croyances du personnage guident ses actions». De plus, cette question, qui permet de mesurer la capacité de l’enfant à inférer sur la base d’une action, est considérée comme étant la question classique habituellement utilisée pour l’attribution de fausses croyances (Wellman, 2001).

Les compétences éthiques : une épreuve pour mesurer l’attitude prosociale

Les compétences éthiques sont mesurées à l’aide d’une épreuve adaptée de l’instrument de Eisenberg-Berg et Hand (1979) par Pagé et Gravel (1998), eux-mêmes inspirés de Gravel (1997) et Pagé (1995). Elle porte sur la tendance hypothétique de l’enfant à intervenir de façon prosociale face à la détresse d’un pair (Bouchard, Gravel & Cloutier, 2006b). L’épreuve est constituée de trois histoires face auxquelles l'enfant a le choix d'opter pour une solution altruiste, prosociale ou non-prosociale. La première concerne un pique-nique avec des pairs où un enfant doit partager ou non son lunch avec un enfant ayant perdu le sien. La seconde concerne une bataille dans une école où un enfant doit porter secours ou non à un autre enfant qui se fait frapper. La dernière raconte l’histoire d’un enfant se rendant à la fête d’un pair et qui doit choisir d’aider ou non un enfant blessé qu’il croise en s’y rendant. Suite à son choix d’aider ou non un pair, on demande à l’enfant de 1) justifier sa réponse et ensuite, en le confrontant à la conséquence de son choix, on lui offre 2) la possibilité de le maintenir ou d'en changer. Il doit alors justifier de nouveau ce dernier choix. Par exemple, la première histoire devait être présentée à l’enfant suivant les indications de l’encadré 2.

Encadré 2

Histoire du pique-nique

1ière histoire : Le pique-nique

Tu vois "enfant" est dans la cuisine avec sa mère (on présente la première vignette). Elle lui a préparé son repas préféré. Sais-tu pourquoi? Parce que "enfant" s'en va à un pique-nique au parc avec tous les amis de la garderie. Sur son chemin "enfant" rencontre un autre enfant qui est tout triste parce qu'il a perdu son lunch (on présente l'autre vignette).

"Enfant" se demande ce qu'il devrait faire. Est-ce qu'il devrait partager son lunch, même si ensuite il en a moins pour lui-même, ou s'il devrait tout garder pour lui-même et l’autre ne pourra pas aller au pique-nique?

Qu'est-ce que tu crois qu'il devrait faire? Pourquoi? ->Présenter conséquence inverse du choix : S’il partage, il lui en reste moins.

S'il ne partage pas, autre enfant ne pourra pas aller pique-nique. ->Vérifier conservation du premier choix en demandant à nouveau : Qu'est-ce que tu crois qu'il devrait faire? Pourquoi?

Les questions de l’épreuve nous permettent d’obtenir des précisions concernant : l’attitude, le type de solution retenu et la perception des besoins d’autrui par l’enfant. Les variables dégagées de la procédure sont les suivantes :

- L’attitude prosociale (mesurée à deux reprises pour chacune des trois histoires. L’enfant peut obtenir entre 0 et 3 points selon qu’il maintient ou non sa réponse après confrontation);

- La solution prosociale (mesurée à une reprise pour chacune des trois histoires. L’enfant peut obtenir entre 0 et 3 points selon le comportement énoncé : orienté vers le bénéfice d’autrui, orienté vers un partage des coûts et bénéfices avec autrui ou encore un comportement non-prosocial);

- La perception des besoins d’autrui (mesurée à une reprise pour chacune des trois histoires. L’enfant peut obtenir entre 0 et 3 points s’il démontre que sa mesure d’aide est en lien avec les besoins du protagoniste en difficulté).

La cohérence interne (0,80), mesurée par l’alpha de cronbach entre ces trois variables, permet de supposer qu’elles mesurent la même habileté. Dans un souci de diminution du nombre de variables, nous utiliserons une moyenne des scores des trois variables de l’attitude prosociale de façon à n’en former qu’une seule. Les compétences procédurales : une épreuve pour mesurer la capacité de résoudre des problèmes sociaux L’épreuve mesurant les compétences procédurales est adaptée du Preschool Interpersonal Problem Solving (PIPS) (Shure & Spivack, 1974) par Gravel (1997) et Pagé (1995). Cette épreuve évalue l’habileté de l’enfant à trouver des solutions pour résoudre des problèmes interpersonnels impliquant un pair. Les réponses permettent d’identifier ses stratégies de résolution de problèmes connues et privilégiées en situation conflictuelle. L’instrument inclut 5 mises en situation racontées à l’enfant. Dans chacune d’elles, un enfant veut obtenir un jouet déjà utilisé par un pair (1) Cerf-volant, 2) Balançoire, 3) Tambour, 4) Bateau, 5) Xylophone). L’enfant écoute l’histoire, toujours racontée à l’aide d’illustrations, et doit terminer celle-ci en formulant des stratégies pour lui permettre d’obtenir le jouet en possession d’un pair. À titre d’exemple, l’une des cinq histoires où un enfant veut obtenir un jouet déjà utilisé par un pair est présentée à l’encadré 3.

Encadré 3

Exemple d’histoire utilisée pour l’épreuve sur la capacité de résoudre des problèmes sociaux

1re histoire Pointer le premier dessin et identifier les personnages.

Ici, c'est Samuel (Camille). -- Là, c'est William (Audrey).

Pointer le deuxième dessin et montrer à l'enfant le dessin du cerf-volant.

Peux-tu me dire quel jouet est-ce?

Attendre la réponse de l'enfant. Si nécessaire, identifier correctement le jouet.

Oui, c'est un cerf-volant.

Mettre le jouet près du dessin de Samuel (Camille)

Maintenant, Samuel (Camille) joue avec ce cerf-volant (ne jamais dire "son") depuis longtemps William (Audrey) aimerait avoir la chance de jouer avec le cerf-volant, mais Samuel (Camille) joue avec.

*Qui joue avec le cerf-volant depuis longtemps? Montre-le-moi.

Laisser l'enfant montrer le dessin et approuver: *C'est vrai.

Pointer le dessin de Samuel (Camille) et dire: *Qui veut jouer avec le cerf-volant? Laisser l'enfant répondre et approuver: *C'est vrai.

Pointer le dessin de William (Audrey).

-Qu'est-ce que William (Audrey) peut faire s'il (elle) veut avoir une chance de jouer avec le camion/la poupée? Montrer le dessin du jouet.

Si aucune solution: Qu'est-ce que William (Audrey) peut faire? Si toujours pas de réponse: Qu'est-ce que William (Audrey) peut dire? Lorsque la première solution pertinente est donnée, dire:

-C'est une façon, on va la noter sur notre liste. Maintenant l'idée de ce jeu est de penser à beaucoup

de trucs pour avoir une chance de jouer avec le jouet, alors je vais te raconter plusieurs histoires pour essayer de trouver plusieurs trucs différents.

Les données recueillies ont été classifiées en suivant la méthode proposée par Pagé (1995) qui s’inspirait des écrits de Strayer, Noël, Tessier et Puentes-Neuman (1989) et de Spivack et Shure (1978). Les réponses des enfants nous ont permis d’obtenir des précisions concernant le nombre de stratégies différentes formulées (de 0 à 5), de calculer le type de stratégies choisies (énoncé, action ou état)10 et finalement de qualifier les

stratégies selon leur nature (prosociale, neutre ou agonistique). Les variables retenues dans la présente étude sont les suivantes :

- Le nombre total de stratégies (une cote, entre 0 et 5, qui correspond au nombre total de stratégies différentes pour les cinq mises en situationqui peut se situer entre 0 et 5)

- La présence d’énumérations (une cote, entre 0 et 4, qui correspond au nombre total de répétitions d’une même stratégie pour les cinq mises en situation)

- Un type pour chaque stratégie de l’enfant (énoncé, action, état)

- Une nature pour chaque stratégie de l’enfant (prosociale, neutre ou agonistique)

Encore une fois, le nombre important de variables comparativement au nombre d’enfants dans l’échantillon (N=72) nous poussent à réduire celles-ci de façon à obtenir au maximum 7 variables. Cela permet le respect de la proportion de 10 sujets pour une variable, ce qui rend le test visant l’identification des relations entre les variables suffisamment puissant (Vallerand & Hess, 2003). Le regroupement de variables n’était pas une option puisque l’alpha de cronbach indique qu’il n’y avait pas de cohérence interne entre les variables (-0,138). Pour parvenir à réduire le nombre de variables associées à cette épreuve, nous avons considéré ce que chacune d’elles apportait comme précision. D’abord, la variable «nombre total de stratégies» et

10 La stratégie qualifiée d’énoncé renvoie à une affirmation (p. ex. : je vais dire «je veux ton jouet»), la stratégie qualifiée

d’action à une conduite précise (p. ex. : je vais lui arracher le jouet) et la stratégie qualifiée d’état à une émotion (p. ex. : je vais être triste).

«d’énumérations» se regroupe d’une certaine façon puisque l’enfant qui a une diversité de stratégies aura nécessairement un nombre plus faible d’énumérations et vice-versa. La variable «nombre d’énumérations» ne sera donc pas considérée. Ensuite, les stratégies énoncées par les sujets ont été liées à un énoncé, une action ou un état. Aucune stratégie des enfants ne fût liée à un état. Ainsi, ce type de stratégie fût retiré. Puisque les stratégies des participants associées à un énoncé ou une action démontraient une forte corrélation (r= -0,99), elles ont été jumelées de façon à ne former qu’une variable dichotomique nommée «type de stratégie - action ou énoncé». Enfin, les réponses des sujets liées à la nature des stratégies étaient codées prosociales ou agonistiques puisqu’aucune stratégie neutre ne fut énoncée. La corrélation plus faible (-0,628) entre les stratégies prosociales et agonistiques conduit à conserver ces deux variables soit : la variable «nature – stratégies prosociales» et «nature – stratégies agonistiques».

Nous avons donc quatre variables pour l’épreuve mesurant la capacité de résoudre des problèmes sociaux : la variable «nombre de stratégies», le «type de stratégie - action ou énoncé», la «nature - stratégies prosociales», de même que la «nature - stratégies agonistiques».

En somme, les épreuves mesurant les compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui), éthiques (attitude prosociale) et procédurales (capacité de résoudre des problèmes sociaux) ont permis de recueillir un total de 10 variables soit : 3 variables pour l’épreuve de la prise de perspective d’autrui (compétence conceptuelle), 3 variables pour l’épreuve de l’attitude prosociale (compétence éthique) et 4 variables pour l’épreuve de résolution de problèmes entre pairs. Après une recherche de cohérence interne entre les variables d’une même compétence (i.e. entre les 3 variables de l’épreuve de la prise de perspective d’autrui, entre les 3 variables de l’attitude prosociale et entre les 4 variables pour l’épreuve de résolution de problèmes entre pairs), seules les trois variables associées à l’attitude prosociale affichent une cohérence interne et sont donc regroupées. Suivant des recommandations d’étude antérieure, une seule variable fût conservée pour l’épreuve de la prise de perspective d’autrui (i.e. la question sur l’inférence d’une action). Il reste donc au total 6 variables, issues des trois épreuves mesurant la pensée sociale par le biais de compétences conceptuelles (N=1), éthique (N=1) et procédurale (N=4). Ces variables devront être réduites à nouveau, de façon à respecter les postulats de base des méthodes d’analyses choisies qui permettront d’établir des relations entre nos variables. Le détail du choix final des variables est précisé dans la section 3.3.1 (voir tableau 3.4).

Fiabilité inter-juges pour les mesures de la pensée sociale chez les enfants

Les rencontres avec les enfants ont été enregistrées sur un magnétophone audio de façon à pouvoir effectuer des verbatims avec toutes les réponses fournies par 11 des enfants. Cela nous a permis de procéder au processus de fiabilité inter-juges avant l’analyse des données associées aux compétences conceptuelles,

éthiques et procédurales de la pensée sociale. Deux personnes ont analysé les réponses des sujets. Afin d’assurer une bonne compréhension des épreuves mesurant les compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui), éthiques (attitude prosociale) et procédurales (capacité de résoudre des problèmes sociaux), de même que de la taxonomie utilisée par les codificateurs, une rencontre de formation fût organisée par la chercheuse principale. Pour arriver à une fiabilité inter-juges acceptable, les deux codificateurs ont décodé les réponses de toutes les épreuves individuelles des 11 mêmes sujets ce qui correspond à 15% de l’échantillon. Nous avons obtenu un coefficient de corrélation d’au moins .80 pour chacune des variables qui seront traitées.

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