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Chapitre 6 : Troisième article

2. L’éclairage de la théorie de Vygotski pour une meilleure compréhension du jeu symbolique de l’enfant et

3.2. Matériel – Opportunités relationnelles misant sur l’étayage du jeu symbolique

3.3.1. Instrument de mesure de la pensée sociale des enfants

Dans le cadre de cette recherche, l’étude du développement de la pensée sociale des enfants découle de trois instruments de mesure ciblant les compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui), éthiques (attitude prosociale) et procédurales (capacité de résoudre des problèmes sociaux). Il est à noter que ces instruments prennent tous la forme de mises en situation accompagnées d’illustrations standardisées et adaptées à l’âge et au genre de l’enfant.

Prise de perspective d’autrui – fausse croyance, aussi appelée «Max et la barre de chocolat», procédure traduite d’une tâche classique de Wimmer et Perner (1983) pour des enfants québécois de 4 à 7 ans (voir Mélancon, 2005) est utilisée dans cette étude pour évaluer les compétences conceptuelles. Cet instrument mesure la capacité de l’enfant à inférer des états mentaux à partir d’événements observables et à utiliser ces états mentaux pour prédire le comportement d’un protagoniste. Cette épreuve propose la mise en situation suivante :

Le garçon (la fille) est dans sa chambre (présenter à l’enfant les images : regarde il y a son coffre et son bureau). Le garçon (la fille) a un beau chocolat (ajouter devant le personnage l’image du chocolat). Le garçon (la fille) range son chocolat dans son coffre (faire les gestes avec les images) et sort de sa chambre pour jouer dehors. Il/elle viendra manger son chocolat plus tard (cacher le personnage sous la table ou hors de la vue de l’enfant). Pendant que le garçon (la fille) n’est pas là, sa mère (présenter le nouveau personnage) arrive dans la chambre pour ranger. Elle prend la tablette de chocolat et la déplace dans le bureau (réaliser les gestes avec les images). Puis, elle s’en va (cacher le personnage de la mère). Plus tard, le garçon (la fille) revient (réintroduire le personnage) dans sa chambre pour chercher sa barre de chocolat (Mélançon, 2005; p.333).

Les données codifiées, en fonction des questions suivantes, nous permettent d’obtenir trois mesures soient : 1) la capacité d’attribuer un état d’ignorance (est-ce que le garçon sait où est le chocolat?); 2) la capacité d’attribuer une fausse croyance (Où est-ce que le garçon pense que le chocolat se trouve?); 3) la compréhension que nos croyances guident nos actions (Où est-ce que le garçon va aller chercher son chocolat?). Ces mesures précisent si la réponse de l’enfant témoigne ou non de sa compréhension. Selon le cas, pour chaque mesure, il obtiendra 1 point s’il répond correctement ou encore aucun point s’il ne formule pas la réponse attendue. Les recherches utilisant cet instrument retiennent habituellement une mesure selon l’âge des participants, ou encore un score composite, c’est-à-dire la somme des mesures (voir Wellman, Cross & Watson, 2001). Dans cette recherche, les résultats des enfants aux deux premières mesures (capacité d’attribuer un état d’ignorance et une fausse croyance) plafonnent et les indices de cohérence interne entre les trois mesures de la prise de perspective d’autrui s’avèrent faibles . Ainsi, pour la compétence conceptuelle, mesurée à l’aide de l’instrument «Maxi et la barre de chocolat» (prise de perspective d’autrui), la cotation proposée par Nader-Grosbois et Thirion-Marissiaux (2011) requérant uniquement la troisième mesure nommée «compréhension que nos croyances guident nos actions» est retenue comme variable finale pour cette étude.

«Attitude prosociale» (Eisenberg-Berg & Hand, 1979) est un instrument traduit, adapté et validé par Pagé et Gravel (1998) sur la base de travaux antérieurs (Gravel, 1997; Pagé, 1995; Strayer, et al., 1989) qui est utilisé dans cette étude pour évaluer les compétences éthiques. Il précise la tendance de l’enfant à intervenir de façon prosociale face à la détresse d’un pair à l’aide de trois histoires dans lesquelles un enfant est en contact avec un pair qui requiert son aide. La première histoire présente un enfant qui pleure parce qu’il a perdu son lunch et ne peut plus participer à un pique-nique avec ses amis. Dans la seconde histoire, le protagoniste se fait frapper par un autre enfant dans un gymnase où il n’y a pas d’adulte. Dans la dernière histoire, un enfant rencontre un pair blessé en chemin vers la fête d’un pair. Suite à chacune de ces histoires, l’enfant énonce une solution à la situation pouvant être prosociale (p. ex. : partager son lunch) ou non (p. ex. : ne pas partager son lunch) et justifie sa réponse. Ensuite, en le confrontant à la conséquence de son choix (p. ex. : si l’enfant partage son lunch, il en aura moins pour lui), on lui offre la possibilité de le maintenir ou de le changer. Il doit à nouveau justifier ce dernier choix.

Les réponses aux questions de l’instrument «Attitude prosociale» nous amènent à dégager trois mesures : soit : 1) l’attitude prosociale (tendance de l’enfant à aider ou à ne pas aider); 2) la solution prosociale (tendance de l’enfant à privilégier une solution prosociale ou non) et; 3) la perception des besoins d’autrui (cohérence entre la solution privilégiée et les besoins du protagoniste). La mesure liée à l’attitude prosociale considère les deux réponses de l’enfant pour les trois histoires. Le score résulte d’une combinaison de points

pouvant se situer entre 0 et 9. Par exemple, si l’enfant propose une réponse prosociale et la conserve suite à la confrontation (3 histoires * 3 points maximum), il obtient le plus haut score (9 points). S’il sélectionne une réponse prosociale et qu’il ne la retient pas après confrontation, il détient 6 points; s’il choisit une réponse non- prosociale et qu’il modifie son choix pour une réponse prosocial, il cumule 3 points. Enfin, s’il énonce un choix non-prosocial et qu’il maintient son choix, il n’a aucun point.

Les deux autres mesures (solution prosociale et perception des besoins d’autrui) concernent les justifications émises par l’enfant avant et après la confrontation de son choix. D’une part, la mesure solution prosociale offre la possibilité de récolter 6 points (3 histoires * 1 point maximum * 2 questions) si le comportement est orienté vers le bénéfice d’autrui; 0.5 point si le comportement est orienté vers le partage des coûts et bénéfices avec autrui; 0 point si le choix de l’enfant est non prosocial. D’autre part, la mesure perception des besoins d’autrui propose aussi un score maximal de 6 points se cumulant ainsi : 3 points (3 histoires * 1 point maximum * 2 questions) si la réponse de l’enfant est jugée cohérente avec les besoins d’autrui; 0.5 point lorsque les justifications de l’enfant ne semblent pas en lien avec les besoins d’autrui; aucun point si l’énoncé ne tient pas compte du besoin du personnage en détresse.

Pour ces mesures de la compétence éthique, recueillies à l’aide de l’instrument «attitude prosociale», une forte corrélation est observée entre les trois mesures initiales (.80) soit : l’attitude prosociale, la solution prosociale et la perception des besoins d’autrui. Cela laisse supposer qu’elles évaluent un même construit théorique. De façon à obtenir une seule variable, un score composite fut formé à l’aide du score moyen des trois mesures initiales.

La troisième mesure initiale de l’attitude prosociale, la prise de perspective des besoins d’autrui peut sembler liée aux compétences conceptuelles. Elle est tout de même conservée puisqu’elle apporte une information différente de la mesure utilisée pour identifier le niveau de développement des compétences conceptuelles. D’abord, contrairement à la mesure des compétences conceptuelles (prise de perspective d’autrui) où l’enfant doit se mettre à la place d’un personnage pour inférer comment sa croyance guide ses actions, les mises en situation proposées pour les compétences éthiques placent l’enfant dans un contexte de relation sociale où il doit inférer les besoins d’un autre et choisir s’il l’aidera ou non. Aussi, les écrits sur les liens entre la prise de perspective d’autrui et les comportements prosociaux démontrent que ces deux construits diffèrent mais s’influencent tout de même (Renouf, Brendgen, Parent et al., 2010; Renouf, Brendgen, Séguin et al., 2010). En effet, les comportements prosociaux semblent davantage présents lorsqu’un enfant comprend la prise de perspective d’autrui et qu’il a intégré des comportements prosociaux de son environnement. Enfin, bien que les comportements prosociaux peuvent être présents même si l’enfant n’atteint pas une maturité cognitive, la

compréhension des conventions sociales guidant nos comportements prosociaux demeure le socle ouvrant la voie à une réflexion sur les actions posées en contexte social. Ainsi, considérant que le cadre structurant de cette recherche mise sur la réflexion sur le monde social, une mesure de l’attitude prosociale incluant la prise de perspective des besoins d’autrui semblait allez de soi.

Capacité de résoudre des problèmes avec les pairs («Preschool Interpersonal Problem Solving» de Spivack & Shure, 1974) adapté par Pagé et Gravel (1998) sur la base de travaux antérieurs (Gravel, 1997; Pagé, 1995; Strayer, Noël, Tessier & Puentes-Neuman, 1989). Cet instrument de mesure évalue les compétences procédurales; l’habileté de l’enfant à trouver une variété de stratégies pour résoudre des problèmes interpersonnels avec des pairs. À chacune des cinq mises en situation, l’enfant doit énoncer une stratégie pour obtenir un jouet qu’un autre enfant est déjà en train d’utiliser. Les réponses des sujets permettent d’identifier la diversité du répertoire de stratégies de résolution de problèmes interpersonnelles (cinq histoires* 1 stratégie maximum). Si l’enfant énonce cinq stratégies différentes, il obtiendra un maximum de 5 points. L’évaluation de la compétence procédurale est effectuée grâce à la mesure «nombre de stratégies» qui constitue notre troisième variable pour mesurer la pensée sociale.

Enfin, un accord interjuge fut effectué sur les réponses obtenues pour l’ensemble des mesures évaluant les trois compétences de la pensée sociale (conceptuelle, éthique, procédurale), et ce, sur 15% des sujets de l’échantillon. Les calculs de la fiabilité inter-juge, mesurée à l’aide du P de Pearson, montrent que le niveau d’accord élevé entre les deux encodeurs variait entre .986 et 1 pour les mesures «prise de perspective d’autrui» et «attitude prosociale» puis, entre .980 et 1 pour la mesure «résolution de problèmes entre pairs».

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