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La paysannerie hévéicole : une adaptation permanente aux multiples contraintes

Dans le document tel-00007513, version 1 - 25 Nov 2004 (Page 88-92)

et production : Indonésie 1900/2000

2.2 La paysannerie hévéicole : une adaptation permanente aux multiples contraintes

2.2.1 Agroforesterie et société : la permanence d’un choix technique Introduction

L’Indonésie est le pays des agroforêts complexes qui couvrent plus de 5 millions d’hectares en zone tropicale humide essentiellement sur Sumatra et Kalimantan dont la moitié en jungle rubber. Il n’en reste pas moins un paradoxe entre le fait que certaines ethnies ont indéniablement une “culture agroforestière “ plus développée que d’autres (Les Dayaks et les Minang par exemple ) mais que toutes ont cependant développé des jungle rubber dans des conditions identiques de fronts pionniers. Ces “cultures agroforestières” sont aussi dépendante de l’histoire et peuvent apparaître puis disparaitre en fonction de l’évolution des sociétés. La surpopulation à Java depuis les années 1950 ne permet plus les plantations agroforestières de type extensives. Mais dans le même temps, ele autorise des jardins de case de type agroforestiers

extrêmement intensifs (les “Pekarangan”). Les Dayaks ont longtemps été proches de la forêt et tiraient par extractivisme l’essentiel de leurs revenus monétaires avant 1900. Ils ont recréé avec les “tembawang” (des agroforêts complexes à bois et à fruits) un environnement et des conditions de production proches de ceux de la forêt (Jong 1994). Les Minangs de Ouest-Sumatra, ont su intégrer une agriculture extrêmement intensive : la riziculture iriguée et les agroforêts complexes à Durian/cannelle /Surian(Michon, Mary et al. 1986). Les Malayus de la province de Jambi étaient par contre beaucoup moins proches de la forêt. Les royaumes pré-vingtième siècle étaient typiquement centrés sur la colonisation des zones d’accès faciles par le fleuve et les cultures vivrières (riz pluvial et irrigué, tubercules). Ils n’ont pas développé de systèmes agroforestiers particuliers. Mais tous ont adopté le jungle rubber depuis 1900. La logique technique, et indirectement économique , des pratiques agroforestières et de ses avantages ont donc apparemment primé sur le fait culturel.

Il faut donc présenter rapidement les sociétés rurales en présence et les contraintes globales auxquelles ces populations ont dû faire face dans des conditions de fronts pionniers.

Les sociétés rurales en présence

Quatre ethnies majeures sont présentes dans les trois provinces de notre zone d’étude : les Dayaks à Bornéo, les Minangs et Malayu à Sumatra, et les Javanais transmigrants dans les deux îles. Les caractéristiques de ces populations sont décrites en détail dans

l’annexe 3.

Sur le plan agricole, les stratégies paysannes se sont développées en fonction des contraintes écologiques, des contraintes de foncier et de l’accès aux différentes technologies, voire au crédit permettant de les intégrer. Pour certaines ethnies, les Minang en particulier, l’organisation sociale et les modes de transmission du patrimoine (matrimonial dans ce cas) ont pu jouer un rôle également déterminant dans la détermination des stratégies paysannes. Le tableau 4 permet de synthétiser l’information et les principaux systèmes de culture développés par les populations locales.

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A la suite d’une situation de tension croissante entre Dayaks et Madurais depuis les années 1980, les Dayaks ont réagi très vivement aux provocations maduraises et ont déclenché en 1997 une véritable insurrection contre cette population. Plus de 2000 morts (chiffres estimés localement et non officiels) et 10 000 réfugiés, avec également d’autres actions en 1998 et en 2000 ont abouti à la quasi disparition des Madurais dans la province. Une opération similaire a été menée en 2001 dans la province voisine de Centre-Kalimantan aboutissant à 102 000 réfugiés et officiellement plus de 400 morts. L’origine de ces tensions et l’explication complète de ces affrontements restent encore à établir mais l’important est de ne pas amalgamer ces problèmes entre populations différentes et qui ont des origines différentes. Le conflit Dayak-Madurais ne peut pas être généralisé à tous les migrants, officiels ou spontanés, et en particulier aux Javanais.

Tableau 4 : Systèmes de cultures , ethnies et agroforêts.

Ethnie Religion système de culture principaux type d’agroforêt ou de système

agroforestiers également développés.

Dayaks catholique jungle rubber ladang

monoculture hévéa (projets SRDP/TCSDP)

tembawang

Pekarangan (plus ou moins développé)

Malayu/Jambi musulmane jungle rubber ladang

Riz irrigué si proximité d’une rivière monoculture hévéa (projets SRDP/TCSDP)

Pekarangan (plus ou moins développé) Eventuellement “pulau buah”( ancien

pekarangan sur d’anciens sites de

villages)

Javanais musulmane syncrétique

riziculture irriguée ladang

monoculture hévéa (projet NES)

Pekarangan (très développé)

Minang musulmane Riziculture iriguée en bas fonds ladang

canelle

Agroforêt à Surian/duriuan/canelle

Jungle rubber Pekarangan

Kubus animiste chasse, pêche, cueillette 0

Indonésiens-chinois

chrétiennes ou boudhistes

pas d’agriculture. Pas de foncier. Activité commerciale (traders)

0

Ladang = agriculture itinérante. Pekarangan = jardin de case. Pulau bua = “iles à fruits”

U

UKalimantan : le pays Dayak (province de Ouest-Kalimantan).

Les Dayaks occupent l’intérieur des terres. Les Malayus (et les Madurais dans une moindre mesure) occupent les terres à proximité immédiate des routes, des fleuves et des côtes. Il n’y a pratiquement plus de Madurais depuis les graves événements de janvier 1997 et janvier 199816. On trouve principalement les Javanais dans les centres de transmigration. La côte et les centres urbains sont principalement peuplés de Malayus, de Javanais avec une très forte présence chinoise ou plus exactement sino-indonésienne (la plus importante en densité de toute l’Indonésie hors Jakarta). On constate donc pour cette province une très forte dichotomie ethnique entre ville et campagne.

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Du moins pour la province de Ouest-Kalimantan, car les populations Dayaks de Est-Kalimantan, des ethnies différentes, Punan etc... sont beaucoup plus isolées et moins intégrées économiquement du fait de la présence de zones montagneuses sans routes.

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y compris pour les aspects les plus sombres comme l’on montré les événements contre les Madurais.

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le contrôle colonial avant 1900 sur l’intérieur des terres est tout à fait théorique. Quelques comptoirs et postes sont mis en place le long des grands fleuves comme à Sintang et Nangah Pinoh à Ouest Kalimantan.

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Elle consacra aussi la “chute de l’occidental”, la démonstration de sa faiblesse et ouvrit la porte au transfert de souveraineté le 27 décembre 1949. Officiellement, la date de l’indépendance est le 17 août 1945.

Le terme Dayak représente un terme générique qui regroupe en fait plusieurs tribus avec des territoires plus ou moins juxtaposés. Ils sont de religion chrétienne. Les communautés Dayaks sont pratiquement maintenant toutes intégrées dans l’économie indonésienne en particulier par la production et la vente de caoutchouc et de riz

(encadré 4). Les Dayaks sont certainement la population ayant connu le changement

technique et social le plus rapide en un siècle. Si l’intégration économique, voire sociale, est apparente et évidente17, les Dayaks ont cependant gardé une identité culturelle très forte18. Ils ont encore un rapport à la forêt qui dépasse un simple rapport de production et reste un lien culturel très fort. Le monde Dayak est encore essentiellement rural : moins de 5 % de la population urbaine de Pontianak, la capitale provinciale, est Dayak. L’arrivée concrète et la présence réelle des européens sur le terrain coïncide aussi avec l’arrivée de l’hévéa19.

Ce dernier allait être très rapidement adopté, par les Banjars de Sud-Kalimantan dans les années 1920 et par les Dayaks, les Chinois et les Malayus de l’intérieur à Ouest-Kalimantan à partir de 1911. Une monétarisation croissante des exploitatations s’en suivit. De même, la consommation de biens de première nécessité, puis de biens manufacturés (bicyclettes en particulier), augmenta rapidement. Les changements pour les Dayaks portèrent non seulement sur les types de spéculation agricole mais aussi sur leur mode d’organisation. Le paiement de l’impôt avec l’arrivée d’une véritable administration et l’organisation de tribunaux locaux pour appliquer l’Adat, la loi coutumière au nom du gouvernement colonial, en sont deux exemples. Enfin, le développement d’une économie de plantation (même très limitée par rapport au “Estate

belt” de Nord-Sumatra) et des mines d’or aboutit à l’immigration de coolies chinois et

Javanais et donc à l’implantation durable de populations allochtones. S’ajoutèrent ensuite dès 1905 les premiers programmes de transmigration officiels (“Kolonisasi”sous le gouvernement colonial puis “Transmigrasi’ depuis l’indépendance).

La période 1900-1942 fut donc une période de développement de l’hévéa et de colonisation progressive de l’intérieur à partir des fleuves par les populations Dayaks. L’occupation japonaise de 1942-45 fut marquée par une répression terrible en particulier à Ouest-Kalimantan20. Si la population Dayak est effectivement la plus

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