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Evolution récente du foncier : un rétrécissement de l’espace traditionnel

Dans le document tel-00007513, version 1 - 25 Nov 2004 (Page 175-180)

Cohérence des systèmes techniques et systèmes sociaux

Encadré 30 : Adat à Sumatra

5.1.4 Evolution récente du foncier : un rétrécissement de l’espace traditionnel

Le changement régional le plus important aura certainement été la mise en place du projet NES de transmigration de Rimbo Bujang en 1980 dans une zone isolée au Nord-Est de la ville.

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En aout 2001, les paysans avaient décidé d’adopter le palmier à huile proposé par une société locale privée. Les terres en jachère pour le ladang et les vieux jungle rubber improductifs seront donc transformées en parcelles de palmier à huile.

Le cas de Jambi

La valeur d’un hectare en jachère (belukar) dans le village de Muara Buat, seules terres encore relativement disponibles, quoique limitées, est d’environ 120 000 Rp en 1997. Cette valeur augmente avec la raréfaction de la terre en pénéplaine : elle est de 322 000 Rp à Sepunggur et atteint 750 000 Rp à Rimbo Bujang (Transmigration NES). Un hectare d’agroforêt à hévéas en production se vend 300 000 Rp à Muara Buat, 780 000 Rp à Sepunggur et 900 000 Rp à Rimbo Bujang. Un hectare de plantation clonale NES en production se rachète entre 8 et 10 millions Rp (crédit non remboursé compris). Globalement, la valeur d’achat dépend étroitement du type d’occupation du sol mais aussi est fortement corrélée avec la densité de population. La valeur des terres est globalement deux à trois fois plus élevée à Sepunggur qu’à Muara Buat, et double encore en zone de transmigration. La demande provient d’ailleurs essentiellement des transmigrants officiels qui cherchent à étendre leur terres.

5.1.4 Evolution récente du foncier : un rétrécissement de l’espace traditionnel.

Nous allons voir rapidement l’évolution du foncier dans les trois témoins choisi pour cette étude (voir en annexe 5). La zone témoin du village de Bangkok (district de Pasaman-Est, province de Ouest-Sumatra) n’a pas globalement évolué en 6 ans entre 1994 et 2000 et reste une zone isolée et plutôt défavorisée. La zone sélectionnée de Jambi, autour de la ville de Muara Bungo n’a pas non plus fondamentalement changé

depuis les années 19805 avec cependant une accélération du processus

d’individualisation des terres dans les années 19906. Certains villages ont par exemple distribué aux familles fondatrices du village (ou aux plus anciennes), les terres initialement prévues pour le ladang et qui sont traditionnellement en indivision. Il y a bien eu processus de “privatisation de fait” de ces terres et la communauté a généralement également entériné des droits de propriété des familles sur les parcelles cultivées avec des espèces pérennes telles que l’hévéa. Cette individualisation du foncier correspond bien à un processus de sécurisation des terres qui a également contribué à la dynamique de plantation en jungle rubber. A la sécurité en terme de revenus et en terme de durabilité des systèmes hévéicoles, nous pouvons ainsi rajouter un troisième élément de sécurité sur le foncier.

A partir des années 1980, différents acteurs (Etat, sociétés privées, communautés locales Dayaks et populations transmigrées Javanaises...) développent des stratégies foncières qui imposent une nouvelle définition de l’utilisation des sols. La politique

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En 1980, les communautés locales étaient quasiment les seuls acteurs présents et contrôlaient la majeure partie du district de Sanggau encore recouverte essentiellement de forêt secondaire, ou exploitée (primaire dégradée), de plantations paysannes (essentiellement “ jungle rubber ” ou agroforêt à hévéa) et de savanes à Imperata.

gouvernementale de développement des concessions pour plantations de palmier à huile et d’Acacia mangium aboutit à une redistribution juridique des terres au détriment des populations locales. Le district de Sanggau, situé au centre du bassin du fleuve Kapuas, est représentatif des dynamiques récentes observées et affiche le plus fort taux de déforestation et de terres dégradées de la province.

La politique de redistribution des terres par le gouvernement à des sociétés de plantations est liée à l’introduction de ces nouvelles cultures (palmier à huile et Acacia

mangium). Celles ci se sont avérées être des opportunités extrêmement intéressantes

pour le secteur agricole dans le contexte indonésien (superficie des terres non limitantes, faible coût de la main d’oeuvre) et mondial (prix rémunérateurs et marchés en pleine croissance jusqu’en 1997). La taille des concessions agricoles varie entre 10 000 et 300 000 hectares. La taille des surfaces plantées pour chaque concession est généralement comprise entre 3 000 et 20 000 hectares. Elles contribuent ensemble à une nouvelle définition du paysage. Cette allocation des terres peut aussi créer des situations de conflits avec les communautés locales, quand des terres apparemment sans propriétaires (surtout sur les cartes), mais en fait appartenant à une communauté villageoise sont données à des projets ou à des plantations privées (concessions). Il convient de noter que les populations locales ne sont généralement pas informées du changement de statut des terres. On observe alors deux mondes avec deux logiques différentes qui ne se comprennent pas car leur perception de l’espace n’est pas la même7 ; l’une est ancestrale, basée sur l’Adat, c’est à dire la tradition, et l’autre répond à une logique “ juridique ” et officielle.

La dynamique de l’occupation des sols, en particulier dans la période 1990-1999, se fait clairement au détriment des terres disponibles pour les communautés locales tant pour l’agriculture que pour les zones de forêt de production puisque l’Etat reconnaît l’Adat (loi traditionnelle) sur les terrains non concédés. La loi forestière de 1967 reconnaît les droits des populations locales sur l’accès aux ressources forestières (Momberg 1993). Cette situation peut être une source potentielle de conflit dans un futur proche entre concessions et communautés locales qui ne contrôlent plus juridiquement que 29 % du district en 1998 (contre 52 % en 1985) (Voir cartes en

annexe 5).

Face à cette récupération des terres par les sociétés et à la perte du foncier par les communautés, la pression est telle dans certains villages, que l’expansion des cultures ne sera plus possible et les enfants devront quitter le village, même si une logique d’intensification prend le relais des systèmes de culture extensifs actuels. Cette stratégie d’amélioration du revenu à court terme et de blocage du foncier entraîne un

mécanisme potentiel d’exode rural à la seconde génération et, à terme, une possible déstabilisation, voire une certaine déstructuration des populations locales.

En 1998, dans la pratique, la situation sur le terrain est moins alarmante car ces concessions ne sont que partiellement plantées (en moyenne : 20 % pour les concessions avec palmier à huile et 10 % pour celles avec Acacia mangium). Il reste “ pratiquement ” 54 % des superficies utilisables par les communautés locales. Le constat de cette situation, source de conflits potentiels, doit donc être nuancé en fonction du taux réel d’occupation des sols. Il y a donc une nette différence entre une situation juridique très sensible en particulier sur un plan strictement politique si les populations venaient à réaliser cet état de fait, et la réalité de terrain, ou les populations sont toujours présentes avec leur “ territoire villageois ”, au sens géographique du terme, leurs systèmes de cultures et où les sociétés négocient l’utilisation réelle des espaces concédés. Cependant, les sociétés peuvent à tout moment exiger la disponibilité des terres et créer ainsi des conflits dans les zones les plus peuplées. Dans un futur proche, ces décisions et réformes gouvernementales devraient permettre de limiter la pression sur les communautés locales en terme de foncier, voire une utilisation plus raisonnée entre acteurs de l’espace.

Pour la province de Jambi, en 1997, 8 % des terres sont encore en forêt primaire et 43% forment un ensemble de jungle rubber et de forêt secondaire plus ou moins agées (entre 1 et 15 ans) qu’il est difficile, voire impossible de distinguer en imagerie satellitaire ou photos. Globalement les deux provinces (Jambi et Ouest-Kalimantan) ont donc bien des situations et des évolutions similaires (confirmées par l’évolution récente des statistiques de superficie et de production des grandes plantations).

A travers le développement des plantations pérennes et forestières industrielles, les communautés paysannes locales entrevoient des opportunités d’emploi à court terme. Elles constatent également la mise en place ou la restauration de voies d’accès ou de routes meilleures, et donc un meilleur accès au marché, ainsi que, pour ceux qui y ont accès, la possibilité de développer des plantations hautement productives. Les sociétés privées de plantation de palmier à huile en particulier reprennent en cela en partie la politique de développement local initialement réalisée par les projets sectoriels gouvernementaux et qui se sont terminés en 2000. Cependant, ces communautés n’ont pas d’information sur la réelle menace qui pèse au plan juridique sur leur espace. En terme foncier, la logique de développement des sociétés privées de plantation va à l’encontre de celles des populations locales. Cette évolution très récente de rétrécissement du foncier aboutit à deux logiques pas forcément antinomiques : d’une part le renforcement de la communauté face à “l’agression extérieure” et également un renforcement des stratégies individuelles avec l’acquisition de nouvelles plantations (palmier à huile) dont le statut foncier est similaire à celui des jungle rubber selon l’Adat.

La principale conséquence de la réduction drastique du foncier disponible est la recherche de l’intensification des systèmes de culture hévéicoles avec la transformation des jungle rubber en systèmes RAS ou en monoculture. La sécurisation du foncier, l’appropriation des terres par le biais des cultures pérennes s’en trouvent renforcées.

5.2 L’Organisation du travail : un facteur d’adaptation au changement. 5.2.1 Evolution des systèmes de production

Les modalités de mobilisation et d’organisation du travail sont un outil intéressant pour étudier l’évolution des systèmes de production et leur adéquation aux systèmes sociaux

Quatre phases, non automatiquement liées entre elles, peuvent être identifiées : U1 : une agriculture basée sur la défriche brûlis, par les populations locales ou migrantes (fronts pionniers) avec pour objectif principal la production de riz pluvial et autres palawijas (cultures vivrières annuelles secondaires). Ce système est condensé sous le terme “ladang”(Geertz 1966).

U2 : Adoption de l’hévéa au sein de systèmes agroforestiers : les jungle rubber . Passage d’une économie de subsistance à une économie de plantation familiale.

U3 : Intensification des systèmes de culture : adoption du clone : monoculture (projets).

U4 : Diversification et intégration d’autres systèmes de culture (palmier à huile) ou d’activités (off-farm).

Le passage à l’une ou l’autre de ces phases peut se faire de façon non consécutive. Chaque phase implique l’adoption ou l’intégration de systèmes de culture différents plus ou moins intensifiés et donc requérant plus ou moins de travail, comme indiqué dans le tableau 34.

Tableau 34 : main d’oeuvre , systèmes de culture et stratégies phases 1 2 3 4 Période pré-1900 1 2 3 système de culture agriculture sur défriche brûlis (ladang) Jungle rubber et ladang Jungle rubber Monoculture clonage + abandon progressif du ladang Jungle rubber Monoculture clonale Palmier à huile

autres activités collecte

extractiviste en forêt collecte extractiviste en agroforêt collecte (moindre) extractiviste en agroforêt off-farm type de système de culture principal cultures annuelles séches plantations pérennes et ladang plantations pérennes et ladang limité plantations pérennes Abandon des cultures sèches besoins en travail collectif individuelle et partiellement collectille individuel individuel et collectif (palmier à huile) type de main d’oeuvre goton royong essentiellement individuelel + “Upah”

Gotong Royong sur

ladang

individuel + “Upah” individuel + “Upah” + gotong royong renouvellé

Stratégies collectives individuelles et

partiellement collectives de plus en plus individuelles individualisées et retour au collectif pour le palmier à huile.

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Les coûts présentés pour chaque type de travail proviennent d’enquêtes réalisées par le SRAP en 1997 avec l’aide de deux stagiaires : Ph. Courbet (ENGREF)et A. Kelfoun (ENSAR). Les coûts sont donc

représentatifs de la situation de juillet 1997 avant la crise. Les ordres de grandeur n’ont pas fondamentalement changé depuis cette date.

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UTH = “Unité Travail Homme” correspondant au travail d’une personne adulte, 8 heures par jour, 22 jours par mois. Le travail des enfants et des personnes agées est compté généralement 0,25 et 0,5 UTH. Les enquêtes réalisées par le SRAP montrent une moyenne entre 2 et 2,5 UTH par exploitation montrant ainsi la prédominance de familles nucléaires peu à moyennement importantes. Presque tous les enfants sont scolarisés ce qui explique leur participation épisodique aux travaux agricoles.

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Le nom et le concept sont à l’origine Javanais mais le terme a été repris dans toute l’Indonésie. Il peut cependant recouvrir en réalité des systèmes différents selon les ethnies ou les situations.

Dans le document tel-00007513, version 1 - 25 Nov 2004 (Page 175-180)