• Aucun résultat trouvé

Optimisation de l’utilisation du travail

Dans le document tel-00007513, version 1 - 25 Nov 2004 (Page 146-151)

fonctionnement des systèmes agroforestiers

chapitre 7) qui confirme que des paysans investissent alors que leurs moyens sont

4.3 Optimisation de l’utilisation du travail

4.3.1 Une forte productivité du travail pour les systèmes agroforestiers.

Le contexte écologique des grandes plaines de Sumatra et Kalimantan a été favorable au passage d’une agriculture de chasse-pêche-cueillette à une agriculture itinérante sur brûlis (ladang), essentiellement basée sur le riz pluvial. Il est cependant très vite apparu d’autres contraintes. La première concerne la densité de population. On considère généralement que ce type d’agriculture est encore “soutenable” jusqu’à une densité de population maximale de 20 habitants/km². Au delà de cette limite, les jachères raccourcissent, la fertilité des sols décroît. Les rendements chutent et le système n’est plus renouvelable. Les autres contraintes de type écologiques (eau-sol-climat) montrent que, dans de nombreuses situations, les sols sont généralement peu fertiles. Les pluies peuvent être trop violentes ou irrégulières (et ce, d’autant plus que l’on se rapproche de l’équateur). Les cultures souffrent d’attaque des insectes ou de champignons. L’envahissement par des adventices (Imperata cylindrica entre autres) peuvent très sérieusement limiter le potentiel des cultures sèches, que ce soit en système traditionnel (variétés locales sans intrants) ou amélioré, c’est-à-dire intensifié (variétés améliorées et intrants).

De telles conditions écologiques sont défavorables à la stabilisation d’une agriculture intensifiée basée sur les cultures annuelles. Elles sont par contre favorables à certaines cultures pérennes dont l’hévéa en premier lieu. Les stratégies de moindre risque ont orienté les choix techniques vers les systèmes de culture, intensifiés ou non, les moins risqués avec en particulier les cultures pérennes. Le passage de la culture du sago (en cueillette) au riz pluvial itinérant a permis de sécuriser la production, de rendre la ressource durable (du moins tant que la pression démographique était faible et autorisait une agriculture itinérante non destructrice des ressources) et de profiter de la rente-forêt (Ruf 1987). Elle a surtout permis d’adopter un type de mise en valeur à plus forte productivité du travail par rapport à la collecte ou même par rapport à des systèmes plus intensifs (voir infra). La sécurité alimentaire par le ladang (riz pluvial en agriculture itinérante a été une première étape dans la fixation des populations. Une seconde étape a été l’adoption du jungle rubber avec la sécurisation des revenus puis une transition progressive vers une stratégie de monétarisation et d’achat de riz (abandon progressif du ladang au profit des cultures pérennes).

La comparaison de la productivité du travail entre la riziculture irriguée très intensive et le riz pluvial itinérant très extensif est éloquente : 4,2 kg de riz/journée de travail pour le premier (à Java) pour 7,8 kg pour le second (chez les Dayaks Kantus de la province

25L’administration indonésienne a trouvé avec le paysan le bouc émissaire idéal alors que la déforestation massive des années 1990, par exemple, a plutôt été le fait des grandes plantations.

26

Ce calcul moyen provient de résultats d’enquête auprès des producteurs dans les trois provinces du SRAP. Il y a bien sur des diférences locales mais c’est globalement l’ordre de grandeur entre systèmes qui nous intéresse ici et non les chiffres dans l’absolu.

27En juillet 1997, le revenu moyen d’une journée de travail dans les plantations est de 5 000 Rp dans la région de Sanggau.

de Ouest-Kalimantan en 1984) (Dove 1985f). Un débat sur les avantages et les inconvénients de l’agriculture itinérante dans les années 1980 a débouché d’une part sur une certaine réhabilitation de l’agriculture itinérante, du moins sur une meilleure compréhension des pratiques qui sous tendent le recours à cette technique.

L’agriculture itinérante25 apparaît comme un système durable de gestion de la ressource forêt pour une production agricole donnée jusqu’à un seuil maximal de pression foncière et de population. A terme, avec la pression démographique, ce système de mise en valeur devient rapidement générateur de déséquilibre (déforestation). Le passage de l’agriculture itinérante aux jungle rubber a permis de mieux fixer cette agriculture et de la rendre plus durable sur les plans économiques et écologiques grâce à l’adoption de systèmes de type forestiers. Le ratio d’utilisation du sol riziculture irriguée permanente/agriculture itinérante peut aller jusqu’à 50 (Dove 1985f). L’agriculture itinérante, de par sa relativement forte productivité du travail et la faible consommation en travail (autour de 100 jours-homme/ha chez les Dayaks (Dove 1985f), permet justement l’intégration de cultures de rente telle que l’hévéa, le poivre, le café ....

On retrouve dans le tableau 26 l’expression de la valorisation de journée de travail par types de systèmes de culture en 199726. La valorisation de la journée de travail est multipliée par 4,5 entre riz pluvial et jungle rubber à Kalimantan (2.7 à Jambi car les jungle rubber sont plus productifs), puis par 13 entre riz pluvial et hévéa clonal à Kalimantan (par 6,8 à Jambi, idem). Elle est également multipliée par 3 entre le jungle rubber et la plantation clonale à Kalimantan (2,4 à Jambi). Par ailleurs, le revenu moyen par journée de travail issu des jungle rubber dans les années 1930 est estimé à 5 fois celui du revenu d’un coolie (Lindblad 1988) ce qui justifie pleinement la dynamique de plantation des paysans ou des anciens ouvriers de plantation à cette époque. Cette proportion est tombée à 1,3 en juillet 199727 ce qui montre également l’érosion du revenu issu des jungle rubber (et ce avant la crise économique). Cette érosion est due d’une part à la baisse tendancielle des prix du caoutchouc (initiée avant la crise économique de 1997), malgré une apparente stabilité des prix pendant la période 1960-1996 et d’autre part à la valeur de la monnaie locale.

28 Note : Le calcul de la valorisation de la journée de travail est ramenée en roupie nominale .Valeur de I US $ = 2400 Rp. Prix du caoutchouc (TSR 20) entrée usine GAPKINDO = 1US $.

Tableau 26 : Valorisation de la journée de travail28

par types de système de culture et par province en Roupie/jour de travail (valeur de juillet 1997).

Systèmes de culture Kalimatan/

Bornéo index/ladang variété locale Jambi/ Sumatra index/ladang variété locale Riz pluvial (ladang) variété locale 2 100 base 8000 base

Riz irrigué (sawah ) variété locale 4 000 190 4 800 60

Riz irrigué (sawah) : variété améliorée

8 100 385 8 200 102

jungle rubber 9 600 457 22 300 278

monoculture clonale SRDP 27 200 1295 54 200 677 Source : Penot, 1997,: Kelfoun 1997, Courbet 1997.

D’autre part, le passage à l’agriculture de plantation a fortement diminué la pression foncière. L’agriculture itinérante demande en moyenne 30 ha en rotation (soit 2 ha en culture ladang avec des jachères de 15 ans) pour faire vivre une famille, alors que 3 à 4 hectares de jungle rubber suffisent pour la même famille avec des revenus cependant supérieurs. La pression foncière devient donc moins forte avec des systèmes plus productifs (jungle rubber, puis systèmes à base de clones par rapport au ladang) ou générateurs de revenus plus importants. Ce rapport s’accentue avec l’adoption du clone dont la production est triple. Pour mieux focaliser ce point de vue, Dove compare pour une zone assez peu peuplée au Nord-Est de Sintang caractéristique des fronts pionniers, les 44 hectares moyens nécessaires à une famille Kantu avec les 2,5 hectares d’une famille Javanaise en centre de transmigration dont 2 seulement en palmier à huile et dont les revenus sont pourtant bien supérieurs (Dove 1985f).

L’utilisation des clones permet le triplement des rendements (passage du jungle rubber aux systèmes clonaux). Une telle productivité et un tel revenu autorise la reproduction du capital productif et surtout, améliore la capacité de replantation des vieux jungle rubber. Le passage du jungle rubber aux systèmes clonaux représente une augmentation sensible de la productivité du travail (5 fois plus, tableau 26). Le coût d’opportunité ramené à l’hectare utilisé par an était en 1985 de 75 kilos de riz (par rapport à une agriculture itinérante avec un rendement de 750 kg/ha et une jachère de 9 ans, lorsque le jungle rubber en période de production produit toute l’année) (Dove 1985f).

La forte augmentation de la productivité du travail du jungle rubber par rapport au système traditionnel avant 1900 est donc majeur. Elle explique la forte dynamique de plantation continue pour ce système. La seconde augmentation par l’adoption des clones en monoculture ou en système agroforestier explique la forte demande

29Sous le prétexte fallacieux évoqué en Indonésie par les services de vulgarisation que les paysans ne sauraient en aucun cas être raisonnables et capables d’utiliser à bon escient cette technique qui il est vrai peut aboutir à la mort des arbres quand elle est mal appliquée.

paysanne pour les systèmes clonaux. L’histoire se répète avec la différence notable que les systèmes clonaux demandent un capital, un savoir-faire et des sources d’approvisionnement plus contraignant que pour le jungle rubber.

4.3.2 : Disponibilité du travail : le facteur travail pendant la période immature : un frein à l’adoption des clones.

Une contrainte majeure apparaît dans la gestion des systèmes clonaux. Elle réside dans la quantité de travail à investir pour la mise en place d'une plantation, pendant la période immature (c'est à dire pendant les 5 à 6 années entre la plantation et la production pour les systèmes à base de clones). Le retour sur investissement en intrants et travail est long puisque il faut attendre entre 5 et 6 ans pour le début de production et entre 8 et 9 ans pour une production de croisière. Ceci constitue un frein majeur pour le planteur traditionnel pour qui la mise en place d'un “jungle rubber” ne demande qu'une main d'oeuvre marginale, même si la durée de la période immature en est rallongée (entre 8 et 15 ans). En effet, seules quelques journées sont nécessaires par hectare pour la plantation des plants seedlings (après le riz pluvial). La période immature ne demande pratiquement plus de main d'oeuvre avec généralement un nettoyage léger par an, et un nettoyage plus conséquent avant la mise en saignée. Les petits planteurs traditionnels sont extrêmement sensibles à la productivité du travail qui reste importante pour le jungle rubber par rapport à la riziculture sèche sur brûlis.

Le travail investi en période mature (collecte du latex et entretien) est relativement identique selon les systèmes car la saignée consomme la même quantité de travail quel que soit le niveau de production. Par contre, il reste un important réservoir de productivité du travail en hévéaculture avec l’utilisation de technique de saignée avec stimulation à l’Ethrel (Ethyléne gazeux) et fréquence réduite. Il est en effet possible de réduire le nombre de saignées par an en passant d’une saignée type d/2 (tous les 2 jours) à une saignée type d/4 (tous les 4 jours) sans perte significative de production en stimulant plusieurs fois par an le système laticifère des clones. La production reste la même mais le temps de travail en période de production est divisé par deux. Même si ce système est encore peu développé en Asie du Sud-Est29, il reste donc un important réservoir potentiel d’amélioration de la productivité en hévéaculture clonale. Par comparaison, la réserve de productivité du palmier à huile est faible car le système est déjà très fortement optimisé.

Le degré d’investissement en intrants et en travail pendant la période immature reste un point majeur dans le choix du type de système de culture pour le petit planteur. Les clones demandent quel que soit le mode gestion choisi un changement certain d'organisation et de répartition de la main d'oeuvre, dans les systèmes agroforestiers améliorés comme en monoculture. Adopter les clones, en RAS ou monoculture, constitue une intensification significative en travail, en particulier pour les trois premières années après plantation. Ces trois années sont les plus critiques en terme de croissance des arbres. Une bonne gestion pendant cette période assure d’un bon développement ultérieur de la plantation, quel que soit le système choisi. Le travail et l’entretien en période immature est donc un investissement sur le long terme. Cette quantité de travail ne génère pas de revenu immédiat et peut rentrer en conflit avec les stratégies à court terme de certains planteurs. Le cas le plus courant est celui du salariat temporaire dans les sociétés de plantations qui assure un revenu immédiat mais empêche le planteur de consacrer le temps nécessaire à l’entretien correct de ses nouvelles parcelles hévéicoles.

Les cultures intercalaires (vivrières ou fruitières bisannuelles telles la banane ou l’ananas) permettent de mieux valoriser le travail investi en période immature car elles permettent un revenu annuel. Dans cette optique, les arbres à croissance rapide en systèmes RAS 3, utilisés pour leur ombrage permettant de limiter la consommation d'herbicide contre l'Imperata. Cette technique est un excellent exemple de meilleure valorisation du travail marginal investi dans la plantation et l'entretien des arbres associés. Ils sont ensuite valorisés pour la fabrication de pâte à papier (avec une coupe entre 4 et 8 ans selon la croissance des arbres). Les autres cultures pérennes associées à l'hévéa (fruits et bois) complémentent le revenu hévéicole en période mature.

Les planteurs sont habitués depuis au moins un siècle à investir sur le long terme : une

nécessité pour les plantations pérennes. La quantité de travail à investir en période immature, donc sans résultat financier immédiat est une contrainte existante mais pas suffisante pour empêcher le développement de nouvelles plantations. Les pratiques agroforestières des systèmes améliorés qui limitent l’investissement en intrants (contrainte numéro 1) et les temps d’entretien (contrainte numéro 2) s’inscrivent donc bien dans une logique d’adaptation des systèmes.

La recomposition des savoirs est orientée vers la résolution de ces deux premières contraintes mais elle dépend aussi de l’accès à l’information dite “extérieure” qui constitue le troisième frein au développement des plantations de type clonales.

30Le Gaharu provient de l’aubier de certains arbres attaqués par un champignon et qui crée une substance très odoriférante utilisée dans la fabrication de certains encens. Si le Gaharu est très rare, il est aussi très cher et constitue un revenu très appéciable. Il est cependant collecté de façon très aléatoire et ne peut être cultivé.

Dans le document tel-00007513, version 1 - 25 Nov 2004 (Page 146-151)