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I Les Pays de l’Ouest : un enjeu de taille.

A - Les conséquences territoriales du Traité de Paris.

De la condamnation de Jean-sans-Terre en 1202, jusqu’en 1259, les territoires du roi d’Angleterre sont progressivement perdus4. Au sud de la Loire, les possessions du roi d’Angleterre sont comprises entre l’océan Atlantique et les contreforts du Massif Central, la Dordogne et les Pyrénées. Ces frontières montrent l’amputation subie par le roi d’Angleterre dans la première moitié du XIIIe siècle : le Poitou, le Limousin, sont passés sous le contrôle français. Les tentatives de conquête d’un « Grand Sud Ouest », ont été moins couronnées de succès. En 1258, les frontières des possessions anglaises correspondent à celles du Duché de Gascogne au XIe siècle, avant son annexion par Guy Geoffroy Guillaume, comte de Poitou5. Les clauses territoriales du traité de 1259 ne font, pour la plupart d’entre elles qu’entériner une situation déjà existante. Le roi d’Angleterre renonce à tous ses droits sur la Normandie, l’Anjou, le Maine, la Touraine, le Poitou6. Cela ne représente aucun avantage particulier pour le roi de France puisque ce dernier possède déjà ces terres conquises dans la première moitié du XIIIe siècle. Il s’engage par contre à rendre au roi d’Angleterre les trois évêchés de Cahors, Périgueux, Limoges7. Ces stipulations territoriales concernent néanmoins des terres dont la conquête était contestée par le roi d’Angleterre. Ce dernier conservait par exemple toutes les titulatures y faisant référence8, telles qu’elles sont présentes sur le sceau ci dessous.

4 P. Chaplais, « le Traité de Paris et l’inféodation de la Gascogne allodiale», dans Le Moyen Age, tome LXI, 4e série, tome X, Bruxelles, 1955, p. 121.

5 British Museum, Harl. MS. 476 3, fol. 169-170, et H. Barckhausen (ed. ), Livre des Coutumes dans Archives Municipales de Bordeaux, t. V , Bordeaux, 1890, p. 610-614.

6 Les termes exacts du traité sont les suivants :

« […] 6. Et par ceste pais fesant quitera li Rois de Angleterre & si diu fi l al Roi de France, & a ses Successours, & a ses heires, & a ses freres, si le Rois de Angleterre, ou si Ancessiors aucune droiture ont, ou orent onqes en choses qe li Rois de France tiegne ou tenist onqes, ou si Ancesseors, ou si frere, c’est assavoir en la Duchee, & en tote la tere de Normandie, en la Conte & en tote la tere de Anju, de Toraine, & del Mayne, & en la Conte & en tote la tere de Poitiers, ou aillours en aucune part del Roiaume de France, & es Isles s’aucune en tienent li Rois de France, ou li frere, ou autre de us, & toz arrerages».

Ils sont retranscrits et résumés dans les Annales Londonienses : « Rex Angliae Henricus, cum consensu fratris sui regis Alemanniae praelatorum et procerum regni Angliae, quietum clamavit imperpetuum regi Francorum quicquid juris requirebat in ducatu Normanniae et comitatibus Andegaviae, Cenomanniae, Turoniae et Pictaviae et eorum feudis, recipiendo ab eodem singulis annis. Rex autem Franciae quietum clamavit si quicquid

habuit juris in Burdegalia, in Baiona et Ageneis, in Wasconia et ceterarum terrarum , quae de Lemoncenensi, Petragoricensi et Sanctonensi, i. e Gasconia episcopatibus adjacet ; ut francorum parem et Aquitaniae ducem eum recepit, homagio pro ducatu Aquitaniae prius praestito. » W. Stubbs (éd), Annales Londonienses, dans Chronicle of the reigns of Edward I and Edward II, vol. 1, Londres, Longmann, 1882, p. 53.

7 Paragraphe 1 du traité : […] Li Rois de France donra al Roi de Angleterre tote la droiture, qe li Rois de France a, & tient en ces trois Eveschez, & es Citez, c’est a dire de Limoges, de Caturs, & de Pierregort, en fi ez, & en demaines;[…] (voir pièces justifi catives, p. )

8 L. Douët d’Arcq, Collection de Sceaux, Paris, Plon, 1863-1868, n°10011 et n°10012. Le sceau de Henri III, avant le traité de 1259 comporte encore les titulatures suivantes : « Henricus, dei gratia rex Anglie, dominus Hybernie » et sur le revers « Henricus dux Normanie et Aquitanie, comes Andegavie » (n°10011). Cette dernière titulature fait référence à des terres déjà perdues en 1224, la Normandie et l’Anjou. Le sceau n’est changé qu’après 1259. L’inscription suivante y est portée : « Henricus dei gratia rex Anglie, dominus Hybernie, dux Aquitanie » (n°10012).

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Sceau de Henri III Plantagenêt9.

Ces territoires cédés par le roi de France l’étaient avec des restrictions. En effet, certaines parties des trois évêchés avaient été cédées en fi ef à différents vassaux10. D’autres clauses territoriales sont aussi de probables sources de confl it. L’Agenais devait revenir au roi d’Angleterre si Jeanne de Poitiers, épouse d’Alphonse de Poitiers mourrait sans descendance11. L’Agenais avait été donné en dot par Richard cœur de Lion à sa sœur, Jeanne d’Angleterre12. Cela pouvait donner lieu à un litige. Il y eut donc enquête13. Le comte Alphonse de Poitiers ne se montre pas particulièrement favorable à cette enquête qui le desservirait, ou plutôt desservirait le royaume. Sa mort en 1271 ne règle pas la question. Le roi Philippe III n’applique pas les clauses du traité de Paris, qui ne présente aucun intérêt pour lui. Dès la mort de son oncle, le 21 octobre 1271, il procède à la saisie du comté de Toulouse et de l’Agenais. Ce faisant, il ne fait qu’appliquer le traité extorqué à Raymond VII de Toulouse pour compte de sa complète soumission au roi de France lors de la croisade albigeoise, en 1229.

Henri III proteste, et tente de faire valoir ses droits. Il envoie à deux reprises des émissaires en 1271 et 1272, mais ses démarches restent vaines14. Sa mort, en 1272 ne met pas fi n aux réclamations des rois d’Angleterre, et pour cause : le souverain anglais ne faisait que demander l’application du traité de 1259. Son successeur, Edouard Ier demande à ce que le roi de France restitue toutes les terres mentionnées dans le traité, en 1273, dans une plainte adressée au roi de France15. L’Agenais n’est restitué que le 23 mai 1279, lors du Traité d’Amiens16.

D’autres clauses territoriales du traité ne sont pas appliquées. Le Quercy et la Saintonge au sud de la Charente devaient être rendus. La partie nord de la Saintonge conquise par Louis VII sur

9 L. Douët d’Arcq, op. cit. , n°10011.

10 Cette situation crée une situation juridique complexe. Les anciens vassaux du roi de France refusent de prêter hommage, ou du moins n’y mettent pas de réel empressement. Certains vont même jusqu’à demander confi rmation des avantages concédés par le roi de France au Pape. N A, C66/44, m 5.

11 3 […] Et, s’il estoit trove qu’il eust ainsi este, & cele tere eschaoit al Roi de France, ou a ses heires, del deces la Contesse de Poitiers, il la donroit al Roi de Angleterre, ou a ses heires;[…] op. cit, note 2.

12 T. Rymer, Foedera (…), I, 1, 491.

13 Ch-V. Langlois, Le Règne de Philippe III le Hardi, Paris, 1887, réed. Genève, Mégariotis, 1979, appendices, p. 433

14 T. Rymer, Foedera (…), I, 1, 490, pour la première ambassade. T. Rymer, Foedera (…), I, 1, 491, pour la deuxième ambassade.

15 Roger de Wendover, Chronica sive Flores Historiarum, III, H. O. Coxe (ed. ), Londres, 1841-1848, p. 31 et H. T. Riley (ed. ), Chronica monasteri Sancti Albani, Londres, Logmann, Green, Roberts and Green, 1865, p. 80. 16 En compensation de l’Agenais, le roi de France payait une rente au roi d’Angleterre, fi xée en 1263 à 3720 livres,

8 sols, 6 deniers tournois. (T. Rymer, op. cit. , I, 2, 571. ) A partir du Traité d’Amiens, la rente ne fut plus versée. Au mois de Juin 1279, le terre de l’Agenais fut remise à Guillaume de Valence, représentant du roi d’Angleterre, par Guillaume de Neuville, archidiacre de Blois et Raoul d’Estrée, maréchal de France. (T. Rymer, op. cit, I, 2, 573, 574)

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Henri III demeurait sous contrôle français17. Lors des réclamations faites en 1271 et 1272 par Henri III, la Saintonge et le Quercy font bien entendu partie des terres réclamées. Elles ne sont pourtant pas intégrées au traité d’Amiens de 1279. Le roi Edouard 1er n’obtient l’application du traité de 1259 qu’en 128618, et encore ne s’agit-il que d’une application tronquée, puisqu’il abandonne ses droits sur le Quercy, contre trois mille livres tournois de rente19. La partie sud de la Saintonge, quant à elle, est rendue au roi d’Angleterre. La Saintonge se trouve donc séparée en deux parties : la partie située au Nord de la Charente est la Saintonge « française » et la partie au sud du fl euve est la Saintonge « anglaise ». Ce partage de la Saintonge est l’une des causes des futurs affrontements qui vont émailler la fi n du XIIe et le début du XIVe siècle.

B - Un rapport d’homme à homme mal défi ni.

1) Quel statut pour quelles terres ?

Le second problème posé par le traité de Paris est celui de la défi nition du rapport d’homme à homme existant entre le roi d’Angleterre et le roi de France. Cette question entremêle plusieurs réalités et on peut y trouver une des causes de l’affrontement opposant les deux rois à partir de 1337. La nature des rapports d’homme à homme est déterminée par la nature des terres en jeu. Les possessions du roi d’Angleterre en France sont organisées, outre le Maine, l’Anjou, la Normandie, autour de l’héritage d’Aliénor d’Aquitaine. Les terres de cette dernière ne constituaient pas un ensemble homogène, bien au contraire. Cette principauté territoriale était constituée de terres tenues en fi ef, et d’autres terres, dont la nature relevait plutôt de l’alleu. Les deux principales composantes du duché, le comté de Poitou et le duché d’Aquitaine n’ont pas le même statut juridique. Le comté de Poitou est un fi ef, relevant du roi de France, alors que le duché d’Aquitaine est une terre allodiale, dont la possession ne relève plus du lien féodal. C’est une possession personnelle d’Aliénor d’Aquitaine. C’est la raison pour laquelle elle représentait un intérêt tout particulier pour le roi de France. En rattachant par mariage ces terres au domaine royal, le roi Louis VII parvenait à assimiler au domaine royal une des plus considérables principautés territoriales du temps. Ainsi que le souligne Elie Berger, le roi de France prend en compte la spécifi cité et l’importance de cette nouvelle adjonction au domaine royal que constitue le duché d’Aquitaine20.

Il ajoute ainsi la titulature « duc des Aquitains », à son titre de roi de France. En 1152, lors de l’annulation de leur union, il perd tous ses droits sur les terres de son ancienne épouse mais tarde à se défaire de ce titre21. Il utilise ainsi cette titulature douze fois, à partir de la date de 17 T. Rymer, op. cit, I, 2, 673.

18 T. Rymer, op. cit, I, traité du mois d’août 1286. 19 British Museum Jul. E I fol. 102 «cité en entier».

20 E. Berger, « La formule « rex francorum et dux aquitanorum » dans les actes de Louis VII », Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. XLV, 1884, p. 309.

21 Lorsque le projet de séparation entre Aliénor et Louis VII est mis en place, le couple opère une tournée en Aquitaine. Le roi de France « relève ses troupes » et laisse place à celles de la duchesse. E-R Labande, « Pour une image véridique d’Aliénor d’Aquitaine, dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest et des Musées de Poitiers, 1952, réed. Geste Editions, La Crèche, 2005, p. 193. On peut aussi trouver mention de cette expédition dans la chronique de Guillaume de Nangis : « Louis, roi de France, enfl ammé de jalousie, alla en Aquitaine avec Eléonore, sa femme, retira ses garnisons et ramena ses gens de ce pays. En revenant, il répudia sa femme, qu’il affi rma sous serment être liée à lui de parenté. » Guillaume de Nangis, Chronicon, F. Guizot, (ed. ), Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, J. -L. Brière, Paris, 1843, p. 35. On retrouve les mêmes faits, dans la Chronicon Turonense magnum : « Anno domini MCLII […] Ludovicus rex Franciae zelotypiae de spiritu infl ammatus, cum Alienorde uxore sua in Aquitaniam vadit, munitiones removet, gentes suas exinde reducit, et postea rediens apud Baugenciacum castrum, jurat consanguinitate, uxorem suam repudiat. […] ibique Henricus

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l’annulation de son mariage, jusqu’en 1154, date du règlement temporaire de son confl it avec Aliénor. Ainsi que le montre Elie Berger, il est diffi cile pour Louis VII d’abandonner ce titre, car cela serait reconnaître qu’Henri Plantagenêt est le nouvel administrateur de l’Aquitaine. Cela constituerait à la fois une menace pour l’héritage de ses fi lles, et une menace pour l’intégralité du royaume. Louis VII se sert alors du prétexte du mariage pour convoquer son vassal22. Face au refus de ce dernier, le roi de France envahit la Normandie en juin1154. La paix est enfi n signée en août 115423, et l’hommage pour l’Aquitaine est prêté. On peut voir ici qu’indépendamment du problème posé par les unions successives d’Aliénor avec Louis VII, puis Henri d’Anjou, se pose la question du statut de ces terres, et donc de l’hommage s’y rapportant. L’Aquitaine est un bien propre d’Aliénor, et en plus une terre allodiale. On peut confi rmer cette hypothèse par le fait que Richard Cœur de Lion, lui-même, se trouve redevable de l’hommage envers sa mère seule. En 1182, à Caen, lorsque pour souder ses fi ls, Henri II demande expressément à Richard de prêter hommage à Henri, celui-ci refuse et s’appuie sur le fait qu’il tient ses terres directement de sa mère : « […] D’ailleurs, si les biens paternels reviennent à l’aîné, je revendique pleine légitimité sur les biens de ma mère. […] »24. Non seulement la terre lui vient de sa mère, mais encore elle est libre de tout hommage, en dehors de celui qui est dû à cette dernière. C’est pour cela qu’en 1186, Richard refuse clairement de prêter hommage au roi de France pour l’ensemble du comté de Poitou. Le terme « comté de Poitou » utilisé ici ne doit pas nous amener à penser qu’il ne s’agit que de cette seule terre. La terminologie employée, malgré cette confusion, est assez précise et il s’agit bien dans ce cas de l’Aquitaine25. On constate dès lors que le statut de la terre détermine le rapport entre les hommes. L’Aquitaine est considérée à part dans l’ensemble des terres de l’Ouest.

dux Normanniae eam duxit in uxorem, pro quo inter ipsum et Ludovicum regem Franciae magna discordia insurrexit. » On peut constater que les faits relatés le sont de la même manière. Guillaume de Nangis s’est sans aucun doute largement inspiré de la Chronicon Turonense Magnum (cette dernière datant de 1227, et l’œuvre de Nangis datant de 1292-1293). A. Salmon (éd), Chronicon Turonense Magnum, dans Recueil de Chroniques de Touraine, Tours, 1854, p. 135. Voir également pour ces mêmes faits F. Bonnélye (éd), Chronique de Geoffroy, prieur de Vigeois, Tulle, 1864, p. 437-a.

Louis VII ne se défait défi nitivement du titre de « Duc des Aquitains » qu’en 1154. Henri II, quant à lui, ne porte ce titre qu’à six reprises dans les chartes recensées par Léopold Delisle, pendant cette période fl oue de 1153 à 1154. L. Delisle (éd), H. d’Arbois de Jubainville (dir), Recueil des Actes de Henri II, roi d’Angleterre et duc de Normandie concernant les provinces françaises et les affaires de France, introduction, Collection des Chartes et diplômes de l’Histoire de France, Paris, Imprimerie Nationale, 1909, p. 130. (on peut signaler la confusion faite dans cette introduction entre l’appellation « duc de Guyenne », et « duc d’Aquitaine », alors que les textes sont clairs : il s’agit bien de l’appellation « dux Aquitanorum », duc des Aquitains).

22 « Sa femme [Aliénor d’Aquitaine], comme elle s’en retournait dans sa terre natale, Henri, duc de Normandie et Comte d’Anjou vint à sa rencontre et l’épousa : d’où il s’éleva entre lui et le roi une violente discorde. » Guillaume de Nangis, Chronicon, F. Guizot, (ed. ), Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, J. -L. Brière, 1843, p. 36 ; Bnf ms lat 12711, fol. 171, v°.

23 « Mense augusto, concordati sunt Ludovicus rex Francorum et Henricus dux Normannorum hoc modo : rex reddidit ei duo castella, Vernun et Novum Mercatum, et dux dedit ei duo milia marcarum argenti pro resarciendo dampno quod rex passus fuerat in capiendo, muniendo, tenendo easdem fi rmitates. » L. Delisle (ed. ), Chronique de Robert de Thorigni, abbé du Mont Saint-Michel, vol. I, Société de l’Histoire Normande, 1872-1873, p. 260- 261.

24 “Circa dies quoque illos rex Henricus diligentem operam impendit, ut fi lii ejus, Gaufrius de Britannia et Ricardus de ducatu Aquitanniae, homagium facerent fi lio primogenito, regi Henrico. […] Ricardus vero, cum rogatus a patre idipsum facere debuisset, ira incaduit vehementi, incongruum esse dicens, cum ex eodem patre et matre ducerent originem, si, patre vivente, fratrem primogenitum aliqua subjectionis forma agnoscerent superiorem ; sed, sicut fratri primogenito bona debentur paterna, sic et in bonis maternis successionem legitimam vendicabat. » Mathieu Paris, Historia Anglorum, I, A. D 1067-1189, sir F. Madden (ed), Londres, Longmann, 1866-1869, p. 317-318. 25 Ainsi, Rigord nous montre le peu d’empressement de Richard à prêter hommage : « Philippe exigeait d’abord

de Richard, fi ls du roi d’Angleterre et Comte de Poitiers, l’hommage de tout le Poitou ; et Richard, d’après les instructions de son père différait de jour en jour de le faire. » De même, Guillaume le Breton : « […] Il s’éleva une dissension entre lui [ le roi Philippe-Auguste] et Henri roi d’Angleterre, parce que Richard, fi ls de celui-ci, sommé plusieurs fois, refusait de faire hommage pour le comté de Poitou, en quoi il était approuvé de son père. » F. Guizot (ed. ), Viede Philippe Auguste par Rigord et de Guillaume le Breton, Collection de mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, J. -L. Brière, 1825.

90 2) Le problème de l’hommage.

Le traité de Paris constitue alors un changement radical du statut de l’Aquitaine. De terre libre, « allodiale », cette dernière devient un fi ef relevant du roi de France. Quand bien même cela serait-il compensé par le fait que le roi d’Angleterre devienne pair de France, ces derniers ont du mal à supporter et à accepter la chose. La prestation de l’hommage pose donc dès lors une série de problèmes. Les successeurs d’Henri II montrent, par la mauvaise volonté qu’ils mettent à prêter l’hommage, toute la diffi culté qu’ils ont à admettre cette nouvelle situation de soumission. La nature même de l’hommage, lige ou non, est aussi à l’origine de nombreux débats. En effet, l’hommage-lige doit être prêté au début de chaque nouveau règne. Cette obligation soulève très tôt des diffi cultés. Ainsi, Henri III le prête à Louis IX, mais pas à Philippe III. Il est en effet malade et ne peut faire la traversée26. Ce n’est que le début d’une série d’excuses et de volte-face. En 1272, Edouard 1er prête enfi n hommage à Philippe III, dans des termes volontairement vagues car les clauses du Traité de Paris, n’ont pas, comme nous l’avons vu, été remplies. A l’avènement de Philippe le Bel, le roi Edouard Ier doit à nouveau prêter hommage. C’est la pierre d’achoppement qui va être à l’origine du premier confl it opposant Edouard Ier et Philippe IV. Le roi d’Angleterre veut « retirer » l’hommage en vertu du fait que toutes les clauses du Traité de Paris n’ont pas été remplies. En 1293, il est cité devant le Parlement de Paris, mais ne s’y rend pas. En 1294, il retire effectivement l’hommage et la guerre se déclenche27. Ce n’est lors de la paix de 1303 que les modalités de la prestation de l’hommage sont fi xées. Les deux souverains conviennent que la maladie peut dispenser de venir prêter l’hommage28. Bien entendu, dès que la bonne santé du souverain est recouvrée, il doit s’acquitter de ses obligations. Pourtant, entre 1314 et 1325, le roi d’Angleterre ne traverse pas la Manche à chaque changement de souverain. Les souverains français se succèdent à un rythme trop rapide et Edouard II prend ce prétexte ainsi que le fait d’être trop occupé par les affaires internes de l’Angleterre pour éviter la prestation d’hommage29. De plus, cette cérémonie représente une véritable humiliation pour le roi d’Angleterre, qui compense cette dernière par le