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I L’administration des Pays de l’Ouest de 1360 à 1362.

A - L’organisation administrative des Pays avant la domination anglaise.

Quand les Anglais s’emparent des pays de l’Ouest en 1360, ces territoires sont organisés de la manière suivante. Ils sont constitués en quatre sénéchaussées :

- Poitou,

- Saintonge,

- Angoumois,

- Limousin.

Même si nous concentrons notre étude sur le Poitou, la Saintonge et l’Angoumois, le Limousin est aussi intégré à l’espace étudié, dans la mesure où certains hommes y ont des possessions, au même titre que la Touraine ou les Pays de Loire. Lors de l’annexion par les Anglais, les territoires ont été organisés deux à deux :

- Saintonge/ Poitou

- Angoumois/ Limousin

Les postes principaux des quatre sénéchaussées sont au nombre de trois :

- Le sénéchal, le représentant du roi dans la province,

- Le receveur, qui perçoit les taxes et les impôts,

- Le procureur, qui exerce la justice au nom du roi,

Après les châtelains, on trouve les gouverneurs des villes, …Le territoire est ainsi sillonné par les agents du roi.

Ainsi en Saintonge six châtellenies, cloisonnent le territoire. Les différents châteaux et les places fortes sont tenus par des agents royaux, qui permettent à ce dernier de contrôler la région.

B - La mise en place en place d’une administration temporaire.

Lors de sa prise en mains de la région, Chandos met en place une administration particulière. Il apparaît clairement que son objectif est, surtout en Saintonge, de ne pas s’aliéner le soutien des élites locales. La soumission de La Rochelle a été suffi samment diffi cile à obtenir, pour éviter de se rendre hostile à toute la région en menant une politique trop agressive. Plus vite le calme sera revenu, plus vite ces régions rapporteront au roi d’Angleterre. Le personnel déjà en place est donc maintenu à son poste dans la plupart des cas. En effet, il s’agit d’un personnel aguerri, ce qui permet également de procéder à la transition en douceur. On peut percevoir dans les décisions de Chandos une prise de conscience évidente des réalités locales. Il s’agit

d’une forme spécifi que d’annexion, que l’on pourrait qualifi er de « recovery »4, même si ce

terme exprime plutôt le retour de régions perdues dans leur giron. Nous employons à dessein cette expression en ce qui concerne ce moment de 1360-1361, pour les Pays de l’Ouest, car ceux-ci, nous l’avons vu, ont une place particulière dans les ambitions et l’imaginaire politique du roi d’Angleterre. La prise de possession prend des formes différentes selon les régions. D’une part, Chandos montre une fermeté certaine à la réception des hommages des différentes villes et localités de Poitou, Saintonge et Angoumois. Certaines villes, tentant de montrer leurs réticences, ne connaissent pas la même indulgence que la Rochelle. Ainsi les frères du Saut

font l’expérience de la fermeté de Chandos5. D’autre part, il met en place une administration

nouvelle, mais de manière extrêmement subtile. Cette administration, composée d’anciens administrateurs de la région, aguerris à leurs tâches, est agrémentée, çà et là d’Anglais ou d’Anglo-gascons. Nous ne pouvons réellement affi rmer qu’il s’agisse, pour Chandos, de mettre en place une administration transitionnelle. Mais l’on peut voir dans ses décisions, et les nominations qu’il effectue, un sens politique particulier et la conscience que la région doit être intégrée en douceur à l’ensemble des territoires possédés par l’Angleterre sur le continent. Nous présentons sous forme d’organigrammes, en annexes à ce chapitre, les différents postes administratifs, fi nanciers ou militaires ayant fait l’objet d’une nomination par Chandos. Ces organigrammes ont été effectués à partir de l’étude approfondie de l’ouvrage de Abel

Bardonnet6…Ce texte pose des problèmes d’identifi cation et de classement mais il apporte

des renseignements extrêmement riches sur les conditions d’annexion de la région par Jean Chandos. Nous avons réalisé deux organigrammes locaux, pour la Saintonge et le Poitou. L’Angoumois ne pouvait bénéfi cier du même traitement systématique car nous ne disposons pas de renseignements complets concernant cette sénéchaussée. Sûrement considérée comme étant de moindre importance, elle est simplement intégrée, dispose d’un sénéchal, Richard Totesham, et d’un receveur, Bernard Grandin. Elle est ensuite contrôlée par des capitaines qui balisent le territoire local. Il s’agit donc bien d’une administration différente pour cette région, moins stratégique. En observant les différents organigrammes présentés ci-dessous, on peut constater que le personnel employé est mixte. Les postes à grandes responsabilités sont tenus par des Anglais « de haut vol ». Les postes secondaires sont tenus par des locaux d’un niveau inférieur. On peut observer à travers ces organigrammes un certain nombre de constantes. Il apparaît ainsi que certaines sénéchaussées sont considérées comme plus importantes par les Anglais. Elles sont donc tenues par un certain type de personnel. On peut ainsi établir une forme de statistiques en fonction des sénéchaussées. Celles sur lesquelles nous disposons d’un plus grand nombre de renseignements sont les sénéchaussées de Poitou et de Saintonge. Dans l’organisation administrative des Pays de l’Ouest, elles semblent être celles qui font l’objet des attentions soutenues des Anglais. Comprenant deux cités de grande taille, Poitiers et La Rochelle, elles disposent aussi d’ateliers monétaires et de structures juridiques de poids.

Dans le cas présent, cette réalité est ancienne (plus d’un siècle). Le terme implique aussi la récupération, le recouvrement. Cet aspect de la notion, sous-entend que la « recovery » est le retour dans les mains du seigneur légitime de terres lui ayant été enlevés pendant un temps, et pas seulement la mise en place de nouvelles structures liées à une conquête récente.

5 Partie 3, chapitre 1 .

6 A. Bardonnet, « Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos », dans Mémoire de la Société de Statistique, Sciences et Arts du département des Deux-Sèvres, Niort, L. Clouzot, 1867.

On peut, en ayant observé ces organigrammes, classer le personnel en quatre catégories : le personnel administratif, fi nancier, judiciaire et militaire. Ces quatre entités suivent une logique différente. C’est pourquoi il est intéressant d’analyser la répartition chiffrée des « nationalités » selon les types de postes occupés. Nous proposons donc cinq tableaux pour évaluer la répartition générale selon les postes, et ensuite selon la nature des postes.

On constate de manière générale que la typologie des hommes employés change selon les régions.

En Poitou et en Saintonge, le personnel est mixte. Le personnel anglais n’est en surnombre nulle part, sauf en Angoumois, ou le personnel local est absent, du fait de l’annexion spécifi que de cette sénéchaussée. Ainsi, la plupart des postes y sont occupés par des Anglo-Gascons, sûrement à cause de la proximité géographique de l’Angoumois et de la Guyenne.

De même, il faut faire une distinction entre postes à responsabilités et postes secondaires. L’étude des différents organigrammes montre également que les Anglais ont tenu compte de la spécifi cité de chaque région. Au niveau supérieur de l’administration, les Poitevins sont favorisés. Sur cinq postes administratifs d’importance, deux sont occupés par les Anglais, et ce n’est qu’après la mort de Bertrand de Montferrand que Chandos prend le poste de sénéchal. Au niveau des postes à responsabilité juridique, on peut constater que les Poitevins gardent leurs charges. Au niveau fi nancier, par contre, le poste « stratégique » de Maître des eaux et forêts est tenu par des capitaines anglais. Se pose alors la question de la qualifi cation et de l’implication de ces hommes face à leur nouvelle tâche. Le cas de Walter Huet est assez édifi ant. C’est un homme de guerre. Il succède à Walter Spridlington au poste de « maître des

Eaux et forêts », en 1862. En 1366, il est nommé à d’autres fonctions7. Il serait donc resté

à son poste environ 4 ans sur les 10 qu’a duré la Principauté d’Aquitaine. Il a, de plus, de nombreuses responsabilités outre-Manche, en plus de ses responsabilités militaires et ne peut donc avoir été aussi présent que l’exigeait sa tâche. Dans ce cas sa nomination ne serait donc qu’honrifi que. Que penser alors de ce choix ? Sa fonction est-elle réellement effectuée par un autre que lui, par exemple Walter Spridlington auquel il a succédé à ce poste, et qui, lui, a fait souche en Poitou ?

Le poste de « maitre des eaux et forêts » fait même l’objet d’une nomination double en Saintonge : le poste est conjointement occupé par un Français et par un Anglais. Cela s’explique aisément. La nature même du poste demande une bonne connaissance du terrain, ce qui n’est pas le cas d’un combattant anglais fraîchement débarqué.

Sur un autre plan l’emploi des locaux pose aussi un certain nombre de questions. Il semble, dès le début de l’annexion, que le roi Edouard nourrisse le projet de la création de l’Aquitainecomme Principauté. On peut le constater dans certaines titulatures du Prince Noir qui comportent le titre de « Prince d’Aquitaine, avant même que cette dernière n’ait une existence légale. L’emploi du personnel local peut donc être envisagé et analysé dans deux perspectives :

- Créer une phase de « mise en place » de transition pour bénéfi cier de l’expertise d’hommes

rompus à la tâche demandée. Le but est peut-être également de former un futur personnel anglais, pendant les deux ans de la phase de transition. Cette option n’est envisageable que dans la mesure où l’objectif du roi d’Angleterre ait été la mise en place de la Principauté.

- Si l’objectif du roi a été différent et « nouveau », le fait de mettre des locaux, ou de

maintenir les hommes « existant », en place répondait au même souhait que celui nourri en Ponthieu.

En Ponthieu8, le personnel local est maintenu en place. Il n’y a pas, comme en Poitou, de création

d’une nouvelle entité administrative. On ne peut donc constater ce moment de « reprise en mains » de la part des Anglais, qui a lieu en Poitou et cette nouvelle politique.

C - Les châtelains.

Les villes et les châteaux dont ces hommes obtiennent la garde révèlent ainsi une géographie de la domination. Les villes son plutôt soumises de manière générale à l’autorité d’Anglais ou d’Anglo-Gascons. Les postes secondaires, inhérents soit à la police, soit à la vie communnale, sont tenus par des locaux. Les hommes choisis par Chandos sont des hommes de confi ance, capitaines, hommes de guerre. Pour le Poitou, l’octroi des différentes places fortes est le résultat de la campagne de Derby qui a précédé la bataille de Poitiers ; Montreuil-Bonnin, qui a été sauvagement pillée et dont l’atelier monétaire a été brûlé est tenu par le sénéchal de Poitou lui-même, Guillaume Felton. Les Anglais et les Anglo-Gascons dominent, sauf pour deux châteaux d’importance, qui eu égard à leur situation géographique, doivent impérativement rester sous le joug anglais, Lusignan et Rochefort. Confi és aux deux commissaires qui ont certifi é le traité de Brétigny, ces deux places fortes stratégiques « balisent» le territoire poitevin. Il en est de même pour la Saintonge où trois places fortes et trois cités sont données à des capitaines locaux. La tenue « stratégique » des différentes sénéchaussées est donc assurée. Le personnel employé est surtout dominé par des hommes de guerre, ce qui, compte tenu de la nature de la charge exercée, semble répondre à une certaine logique. Mais il ne s’agit pas systématiquement de « capitaines de compagnie » ; on peut parfois avoir à faire à des hommes de guerre subalternes, comme Walter Spridlington par exemple. L’objectif n’est donc pas de « saigner » le pays mais plutôt d’y maintenir l’ordre.

D - Le cas spécifi que de l’Angoumois.

L’Angoumois a une position particulière dans notre étude. Nous disposons de sources lacunaires concernant cette sénéchaussée. Il apparaît néanmoins que l’Angoumois ait subi une domination toute différente de celle subie par les autres sénéchaussées. Cette région, moins stratégique que le Poitou ou la Saintonge dans l’ensemble des Pays de l’Ouest, est simplement rattachée à la Principauté. On peut voir que l’apport économique de cette région est effectivement limité,

comme cela est démontré, dans le chapitre suivant9.

Elle est soumise à l’autorité de différents capitaines anglo-gascons. Le recrutement n’est pas du tout local. Il s’agit d’une région frontière avec la Guyenne. Elle ne connaît pas le même moment de transition que les autres sénéchaussées en 1362.

Même si la région ne connaît pas le même traitement que les deux autres, elle bénéfi cie quand même du goût du Prince pour la ville d’Angoulême.