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III La Participation des Poitevins et le Bilan.

La bataille a des conséquences dramatiques pour le pays et aussi pour la région. Ainsi que le montre le Baker de Swinbroke, le sang des Français inonde la terre de Poitou :

« […] continuatur horrida Martis insania decertantibus Warwicensi Saresburiensique leonibus, quis eorum profusiori sanguine Franco terram Pictaviensem debriaret, armaque propria caldo

cruore gloriaretur maculari. »76

A - Combattants poitevins.

Françoise Bériac-Lainé, dans son étude sur les Prisonniers à la Bataille de Poitiers, montre que l’armée du roi de France recrute ses combattants dans toutes les provinces du pays. La Saintonge, le Poitou et l’Aunis sont donc également représentés. La bataille voit l’engagement de nombreux poitevins. L’avancée progressive du roi a permis l’adjonction de nombreux combattants, dans un recrutement de proximité. Certains de ces hommes sont déjà depuis longtemps présents sur les champs de bataille, comme celui de Crécy. Françoise Bériac établit une liste précise des français faits prisonniers à la bataille de Poitiers, et c’est ainsi que nous pouvons constater la présence de nombreux poitevins. Nous en fournissons la liste ci-dessous :

• Guichard d’Angle77,

• Renaud d’Aubigny • Guichard de Beaujeu • Les seigneurs de Craon, • Louis de Malval,

• Geoffroy de Matha, • Alain de Montendre, • Le seigneur de Parthenay,

• Le vicomte Jean de Rochechouart • Le seigneur de Rochefort,

Ces prisonniers ont, pour certains, fait un séjour en Angleterre, et c’est la raison pour laquelle

beaucoup ne peuvent prêter serment de fi délité à Jean Chandos en 136178.

B - Les Morts.

Cette liste des combattants doit être complétée par la liste des Poitevins décédés lors de la bataille. La liste des chevaliers décédés est assez diffi cile à établir. En croisant les différentes chroniques, on arrive néanmoins à un bilan fi nal, qui n’est pas exhaustif bien entendu puisqu’il ne prend en compte que les combattants ayant un certain rang.

Les Grandes Chroniques de France donnent cette estimation Le duc de Pierre de Bourbon (duc de Bourbonnois, beau-père du dauphin)

76 Le Baker de Swinbroke, op. cit. , p. 260.

77 Guichard d’Angle, Alain de Montendre, Jean de Rochechouart, et le seigneur de Parthenay ont tous été pris aux portes de Poitiers. F. Bériac, C. Given-Wilson, Les Prisonniers à la Bataillede Poitiers, op. cit. , p. 44.

78 Renaud d’Aubigny, fait quelques séjours en Angleterre de 1357 à 1360, mais Amaury de Craon, quant à lui, reste en Angleterre plus longtemps, de 1357 à 1360. F. Bériac, C. Given-Wilson, op. cit. , p. 397 à 400.

• « Le duc d’Athennes, connestable • Monseigneur de Clermont, maréchal,

• Monseigneur Gieffroy de Charny, qui portait l’orifl emble • Monseigneur Regnault Chauveau, evesque de Chaalons,

• Au total 800 morts79. »

La liste des morts d’ Adam Murimuth, diffère quelque peu :

« Nomina interfectorum in proelio juxta Peyters, commisso inter dominum Edwardum, primogenitum regis Angliae, principem Walliae, et regem Franciae Johannem, XIXme die mensis Septembris, anno Domini millesimo trencentisimo quinquaquesimo sexto.

Le duyk de Burboun. Mounsire Robert Duras. Le duyk de Athenes, Le conestable de Fraunce. Le evesque de Chalouns. Le marescahl de Clermound. Le viscomte de Bruse. Monsire Guichar de Besuge. Mounsire Reynaud de Pountz. Mounsire Geffray Charny, Le sire de Mathas.

Le viscounte de Richouware. Le seignur de Baundos.

Mounsire Eustas de Riplemound. Mounsir Andreu de Charny. Mounsire Johan de Lysle. Mounsire Gilliam de Nerbon. Mounsire Robert de Angest. Le sire de Chastel Vilayn. Le sire de Mountreham. Le sire Dargentyn.

Mounsire Johan de Sawcer. Mounsire Lowys de Bryche. Le fi ltz au seigneur de Mountagu.

Et aultres. M80M80 hommes darmes et aultres a nombre de DCCC. »80

Les Poitevins morts à la bataille de Poitiers sont assez peu nombreux, si l’on s’en tient bien sûr aux seuls hommes d’un certain rang. On déplore ainsi la mort du vicomte de Rochechouart, du sire de Pons, des sires de Mathas, d’Argenton et de Chauvigny. Le sire de Craon, qui est parfois comptabilisé avec les morts est en fait blessé et fait prisonnier tout comme Guichard d’Angle, comme nous l’avons vu précedemment.

79 Grandes Chroniques de France, Chroniques des règnes de Jean II et Charles V, p. 72-73. 80 Adam Murimuth, op. cit. , p. 468-469.

La bataille de Poitiers porte un coup fatal à la chevalerie française. Les maréchaux responsables, aveuglés par la certitude de leur supériorité, n’ont pas su s’adapter aux exigences du terrain, et ont été incapables d’adopter une stratégie, commune aux quatre batailles qui composaient l’armée du Roi Jean II. Habités par l’idée de servir la gloire du Roi, et ainsi de conforter la leur, ils ont conduit leurs troupes à la catastrophe, en se limitant à des charges de cavalerie, aussi meurtrières qu’improductives. Car, face à des combattants à pied parfaitement ordonnés, plus mobiles et plus effi caces, la cavalerie est mise à mal.

Face à eux, l’armée du Prince Noir, étant donné son nombre limité de combattants, a dû élaborer une stratégie qui, prenant en compte la réalité du terrain, a évité des charges inutiles et coûteuses en hommes.

De plus, le Prince n’a pas hésité à suivre les conseils d’un de ses capitaines, en la personne de Chandos, ce qui lui a permis d’achever brillamment le combat, en faisant prisonnier le Roi de France, victime de son aveuglement.

A ce propos, la Chronique des Quatre Premiers Valois relate un événement, dont elle est la seule à faire état, et qui illustre bien l’aveuglement de Jean II.

Il s’agit d’une prédiction, transmise par des voix, à un vavasseur, et qui aurait conseillé au Roi de ne pas combattre. « Et une aventure vous conteray d’une demonstrance qui avint de la prinse du roi Jehan. Ung vavasseur estoit des parties de Champaigne ou environ riches souffi samment, et tres preudons et devot envers Dieu estoit. Une voix horrible et espuantable lui dist qu’il alast denonchier au roy de France Jehan qu’il ne se combatit point contre nul de ses ennemis. » Il s’en ouvre à son aumônier, « […] qui estoit preudons et de bonne vie […] » lequel lui conseille, après lui avoir imposé un jeûne de trois jours et divers actes de pénitence, d’aller en parler directement au souverain. Le vavasseur arrive à la cour. Après avoir été moqué par les courtisans, il arrive à obtenir une entrevue avec le roi Jehan, guidé par l’aumonier du souverain, auquel il transmet son message : « Donc le preudomme aperçut qu’il ne povoit parler au roy et qu’il vit et congut la discreccion de l’osmonier et du confesseur, et leur dit son advision devant dicte. […] Et le roy qui estoit homs de tres grant courage plain, n’en tint conte […] »

La visite au souverain s’avère donc décevante, car ce dernier se désintéresse du messager. La

Chronique des Quatre premiers Valois, ayant été vraisemblablement écrite au XIVe siècle, il

ne saurait y avoir corrélation entre cet épisode, et l’intervention de Jeanne d’Arc auprès de Charles VII, en 1429. Pourtant le scénario est similaire : un souverain en diffi cultés. Un salut apporté par un humble sujet, qui, après avoir été éprouvé par l’autorité religieuse va informer le roi et le met en garde. L’aveuglement de Jean II est alors symptomatique de la rupture

existant entre le « puissant » et l’ « humble », qui contrairement au Roi a le bon sens pour lui. 81

Traductions latines et anglaises du Chapitre 2 :