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IV Les Pays de l’Ouest deviennent anglais.

A - Un homme de confi ance.

Les conditions d’annexion du Poitou par le roi d’Angleterre nous sont parfaitement connues car elles ont été retranscrites en détails dans un document publié par Alphonse Bardonnet. Y sont retranscrites les différentes prestations d’hommages. Selon les termes du traité, Chandos s’emploie à prendre possession de la région. Comme le signale Robert Favreau, Chandos fait partie des hommes de confi ance d’Edouard III. En 1360, il fi gure parmi les signataires de Traité de Brétigny pour l’Angleterre. A partir du 21 janvier 1361, sa charge évolue et il devient capitaine et lieutenant général : il est aussi le conservateur des trêves. Les villes de Poitou sont occupées les unes après les autres87.

B - Une Prise de possession rigoureuse et effi cace.

Chandos prend possession de ces villes selon un scénario identique dans la plupart d’entre elles. Les hommages se déroulent en deux temps. Tout d’abord, a lieu une prise de contact avec les hommes les plus infl uents de la ville ou de la place, maires, châtelains… Lors de cette prise de contact, beaucoup réclament la confi rmation des privilèges de la ville, de la place, ou même des individus. Ainsi pour la ville de Niort88 : « […] Lequil maire respondit asditz comissaires qu’ilz voulsissent dire au dit maire sire Jehan Chandos, lieutenant du roy d’Angleterre, comment il les voulist confermer et faire confermer au roy d’Engleterre, nostre sire, leurs privileges et libertes, ainssi comme ilz avoient este par le temps passe. Et empres ce, vindrent les diz comissaire au dit messire Jehan Chandos et li repporterent les paroles dudit maire […] feu par lui respondu au dit maire qu’il lui fereit voluntiers conffi rmermer et confi rmeroit ce que il requeroit, en tant qu’il pourroit et devroit, et tant avant comme la paix le porte. » Chandos recueille dans un deuxième temps les clés de la ville et les hommages des hommes les plus importants. La « tournée » de Chandos prend plusieurs mois (du 17 septembre au 18 décembre 1361), puisqu’il lui faut se rendre dans chacune des villes conquises. Cette procédure, même si elle est respectée scrupuleusement par Chandos, freine considérablement le processus d’annexion de la région. Les délais de transfert sont vite dépassés. Nous avons vu que, dès la signature du traité, tout doit être effectif en octobre 1361. Compte tenu des démarches nécessaires pour asseoir son autorité sur chaque place forte, chaque ville, ces délais ne sont pas tenables. Ce souci louable de respecter la procédure féodale, afi n d’éviter toute ambiguïté de souveraineté, porte en lui les germes d’un nouveau confl it, comme nous le verrons plus tard.

Certains montrent une légère réticence à accepter la domination anglaise. Deux cas sont ainsi mentionnés : Guichard d’Angle, qui pourtant ne s’était pas distingué par des velléités de rébellion, montre une certaine résistance à livrer le château de Marans89 : « Lendemain, jour tiers d’octobre, le dit monseigneur le lieutenant se departi du lieu dit de Fontenay et vint à Marant […] et disna au chastel du dit leiu de Marant. Et empres le disner, environ heure de vespres, le dit monseigneur le lieutenant requist[…] a messire Guichard d’Angle […] que il 87 Les tableaux présentés, en pages suivantes permettent de voir le déroulement de la tournée de Chandos. 88 A. Bardonnet, « Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos », dans Mémoire de la Société de Statistique,

Sciences et Arts du département des Deux-Sèvres, Niort, L. Clouzot, 1867p. 35. 89 Voir en annexes l’arbre généalogique de la famille d’Angle.

li feisist, […] serement tiel comme il devoit estre fait, a nostre dit sire le roy, pour cause du dit chastel et de la dite ville. Lequiel messire Guichard respondit qu’il n’estoit mie tenuz a faire le dit serement, pour ce qu’il n’estoit mie proprietaire du dit chastel ne n’y avoit aucun droit, pour aucun traicties et accors fays de nouvel entre messire Amaurri, seigneur de Craon, a cause de la fi lle de messire Regnault de Precegny90, laquielle devoit estre proprietaire du dit chastel et ville, d’une part, et le dit messire Guichard a cause de son fi lz dautre. » 91 On imagine aisément la scène, dans tout ce qu’elle a de convenu. Depuis le début de la tournée de Chandos, Guichard d’Angle l’accompagne : il fait partie du groupe d’hommes d’armes, anglais et français qui sillonnent la région, de concert, étrier à étrier, restant dans les mêmes villes le soir, vivant ensemble comme compagnons depuis environ une quinzaine de jours. Arrivés à Marans, ces hommes sont reçus au château, où ils dinent. Après le dîner, qui a duré fort longtemps, jusqu’à vêpres, Guichard d’Angle fait mine de ne pouvoir prêter le serment demandé. On ne peut voir dans ce refus, qu’une posture. Guichard n’a sûrement pas réellement le projet de s’opposer à Chandos. Il ne fait que jouer un rôle, auquel il est tenu, par la double propriété du château. De plus, son fi ls étant marié à la dite fi lle de Guillaume de Précigny, seigneur de Marans, il est certes châtelain, mais a un lien personnel direct avec les propriétaires de la place. Il s’agit donc pour lui d’exprimer une simple réticence, puisqu’il ne peut prendre parti qu’en son nom. Les frères du Sault, capitaines de Verteuil et de Roffi ec, sont obligés, par la menace à livrer les places dont ils avaient la garde : « Le XXVe jour du mois d’octobre, le dit monseigneur le lieutenant se parti de la dite cite d’Engolesme , en venant pour la delivrance deu lieu de Verteuil, que tenait Peyran du Sault, et vint a cocher a Roffi ec […] Et ilec vint au dit monseigneur le lieutenant, a son mandemant, Bernard du Sault, frere du dit Peyran ; si le fi st detenir en prison, ou chastel de Roffi ec, pour ce que son dit frere et li ne voloyent oubeir au dit monseigneur le lieutenant, sur la delivrance du dit lieu. […] Et le XXVIIIe jour du dit moys, monseigneur le lieutenant en la compaignie dessus dite, ala au chastel de Verteuil et ilec fi st mesner le dit Bernard davant le dit chastel ; et illec le comomanda, de par le roy d’Engleterre, nostre sire, si quant qu’il se pouvoit mensfere envers luy, qu’il fi st delivrer le dit chastel et qu’il le deist a son frere, qui estoit dedans, ou le li monstrast par ascuns signes coument il le fi st fere wider […] Et a la parfi n, quand le dit Peyran vit le dit Bertand son frer en peril, ouquel le dit monseigneur le lieutenant avoit mis de perdre la teste, si vint en obedience vers le dit monseigneur le lieutenant, et promist a li qu’il rendroit et delivreroit le dit chastel. » 92

Après de longues semaines de négociations, une tournée de prise en mains effi cace et rapide, les Pays de l’Ouest sont enfi n aux mains de leur nouveau seigneur. Il est temps d’intégrer ces régions à l’ensemble des terres possédées par le roi d’Angleterre.

90 On peut noter ici une erreur du manuscrit : il ne s’agit pas de la fi lle de Renaud de Pressigny, lequel est mort sans descendance en 1354. C’est son frère, Guillaume, qui hérite de tous ses biens. Voir arbre génalogique de la famille de Préssigny en annexes.

91 A. Bardonnet, op. cit. , p. 43-44. 92 A. Bardonnet, op. cit. , p. 60.