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Patterns oscillatoires atypiques et troubles du spectre autistique

4. Les troubles du langage dans l’autisme

4.10. Patterns oscillatoires atypiques et troubles du spectre autistique

4.10.1.1. La réponse évoquée auditive stable (Auditory steady-state response ou ASSR)

Comme dans le cas de la dyslexie, les réponses corticales du lobe temporal gauche à une modulation d’amplitude à 40 Hz est réduite chez les enfants et adolescents atteints de TSA (Wilson et al., 2007), suggérant une incapacité de l’activité corticale à s’aligner temporellement sur le rythme phonémique. Aucune étude n’a étudié à ce jour la fréquence de « résonance » préférentielle des neurones du cortex auditif chez les personnes atteintes de TSA.

4.10.1.1.1. Réponse évoquée précoce dans la bande gamma

La réponse précoce dans la bande gamma à des stimuli auditifs simples est également atypique chez les personnes atteintes de TSA. Son amplitude apparaît réduite chez les enfants et adultes avec TSA (Rojas, Maharajh, Teale, & Rogers, 2008) lors de la présentation d’un son sinusoïdal simple, et son alignement en phase par rapport au début du son est réduit comparativement aux individus neuro-typiques (Rojas et al. 2008; Gandal et al. 2010; Edgar et al. 2013).

Plus récemment, une étude en MEG a rapporté des anomalies de l’amplitude de la bande gamma dans la ligne de base pré-stimulus (Edgar et al. 2013). Constatant la co-existence d’anomalies dans la latence de la réponse auditive évoquée (décrite dans un paragraphe précédent) et d’anomalies dans la bande gamma dans le gyrus temporal supérieur chez les personnes atteintes de TSA, les auteurs se sont intéressés au lien entre les deux observations. Un paradigme très simple d’écoute de sons purs sur un large échantillon de sujets avec TSA (105 enfants) a montré une augmentation de l’activité oscillatoire pré-stimulus dans de multiples bandes de fréquences, dont la bande gamma, dans le gyrus temporal supérieur, de façon bilatérale. L’amplitude totale de la ligne de base pré-stimulus, toutes fréquences confondues, était prédictive de la latence de la composante M100 post-stimulus ainsi que des scores langagiers, démontrant ainsi un déficit dans le ratio signal/bruit chez les individus avec TSA. L’activité oscillatoire pré-stimulus suggère des anomalies dans la condition de repos. Une hyperactivité basale peut expliquer une incapacité à retourner à un état hypo-activé avant le stimulus suivant, et une incapacité à s’engager dans le traitement du stimulus suivant.

La réduction de l’ASSR dans la bande du gamma bas et les déficits de la réponse précoce induite dans la bande gamma ont été reproduites chez les parents d’enfants atteints de TSA (Rojas et al., 2011, 2008), suggérant sa possible utilisation en tant que marqueur des troubles du spectre autistique.

4.10.1.1.2. Anomalies oscillatoires dans la bande gamma et tâches linguistiques

Les études ayant exploré les anomalies de la bande gamma en réponse à des stimuli langagiers sont peu nombreuses et, comme dans le cas des études fonctionnelles, ont principalement étudié les processus de haut ordre de traitement de la parole.

L’étude des mécanismes neuraux sous-tendant les fonctions pragmatiques du langage montre également des réponses atypiques dans la bande gamma chez les sujets atteints de TSA. Dans un paradigme en MEG de violation sémantique (phrases sémantiquement congruentes et incongruentes), les sujets avec TSA montraient des pattern de synchronisation atypiques (Braeutigam et al. 2008). Les réponses évoquées (synchronisées sur le début du stimulus) et induites (non synchronisées sur le début du stimulus) dans la bande gamma sont prolongées dans le temps chez les individus avec TSA. L’activité gamma étant un index de l’équilibre entre l’excitation et l’inhibition neuronale (Buzsáki and Wang 2012), ce résultat suggère à nouveau un état d’hyperactivité corticale chez les sujets atteints de TSA.

Parallèlement, le gyrus frontal inférieur gauche (LIFG) montre une réponse gamma évoquée atypique dans la population autistique lors de tâches linguistiques. Elle est diminuée dans cette région chez les enfants atteints de TSA lors d’une tâche de dénomination, et associée à une connectivité fonctionnelle accrue avec le gyrus temporal supérieur gauche (Buard et al. 2013). Elle est à l’inverse augmentée chez les parents d’enfants atteints de TSA lors d’une tâche de dénomination et de reconnaissance auditive de mots (McFadden et al. 2012). Cette augmentation peut être interprétée comme un mécanisme de compensation dans cette population.

4.10.1.1.3. Anomalies oscillatoires dans la bande gamma au repos

Des patterns oscillatoires anormaux au repos ont été observés chez les patients atteints de TSA. Les anomalies rapportées sur l’activité intrinsèque dans la bande du gamma bas sont partagées entre augmentation et diminution de cette activité. Les enfants atteints de désordres

autistiques montrent une activité accrue de la bande gamma (25-90 Hz) durant le repos les yeux ouverts ou fermés (Cornew et al., 2012; Orekhova et al., 2007). Cette augmentation d’activité gamma est particulièrement localisée dans les lobes temporaux et occipitaux (Cornew et al. 2012). Elle est également prédictive de la suppression de la composante P50 dans un paradigme de présentation de paires de sons chez les sujets atteints de TSA (Orekhova et al. 2012). Chez le sujet sain, la P50, appelée la composante « préattentive », décroît en amplitude lors de la répétition rapide d’un son (intervalle de temps entre les deux sons inférieur à 50 ms) et reflète la perception de la redondance entre les deux stimuli et son inhibition. Une valeur basse de P50 indique le bon fonctionnement du blocage sensoriel, une valeur élevée un manque de blocage. Ainsi, plus l’activité gamma au repos est élevée chez un sujet, moins la P50 diminue au 2e click. L’activité gamma élevée observée chez les sujets atteints de TSA au repos va ainsi dans le sens d’une hyperactivité corticale et d’une altération des processus d’inhibition.

Une augmentation de l’activité gamma (20-60 Hz) a été reproduite au repos dans les régions temporales centrales et droites chez des frères et sœurs autistes de 10 mois (Elsabbagh et al. 2009) ;

4.10.1.1.4. Anomalies oscillatoires dans la bande thêta (4-7 Hz)

Des anomalies oscillatoires ont également été mises en évidence dans la bande thêta (4-7 Hz) chez les adultes atteints de TSA. Contrairement aux oscillations dans la bande gamma, les circuits cérébraux conduisant à l’émergence des oscillations dans la bande thêta sont moins bien connus. Les mécanismes neurobiologiques sous-tendant les oscillations thêta sont moins bien caractérisés. Pour cette raison, les anomalies observées dans cette bande de fréquences chez les sujets atteints de TSA ont été peu reliées à des tâches cognitives, et ont essentiellement été observées dans des paradigmes de repos.

Les adultes atteints de TSA montrent une cohérence intra-hémisphérique réduite des activités oscillatoires delta (1,5-3,5 Hz) et thêta (3,5-7,5 Hz) en comparaison avec les adultes neuro-typiques, particulièrement marquée au niveau des électrodes moyenne et longue-distance (Coben et al., 2008). Les oscillations dans la bande thêta sont impliquées dans la communication à longue distance (entre réseaux neuronaux spatialement éloignés), qui est associée au traitement cognitif de haut niveau (Von Stein and Sarnthein 2000). Ces résultats suggèrent donc des altérations de la connectivité entre régions cérébrales distantes dans les

troubles du spectre autistique. Cette hypothèse a été récemment confirmée par deux études. Les sujets avec TSA montrent une cohérence dans la bande thêta réduite entre régions antérieures et régions postérieures. Cette réduction de connectivité antéro-postérieure corrèle avec la sévérité de leurs symptômes (Kikuchi et al. 2015). Une hyper-connectivité a également été observée dans les bandes de fréquences bêta et gamma entre les régions frontales et temporales, et une hypo-connectivité entre les régions pariétales et occipitales dans les bandes de fréquences alpha et thêta, chez des adolescents atteints de TSA (Ye et al. 2014).

Parallèlement, une augmentation de la cohérence locale (entre électrodes séparées par de courtes distances) dans la bande thêta caractérise les adultes atteints de TSA dans les régions frontale et temporale (Murias et al., 2007), suggérant que des patterns de sur-connectivité et de sous-connectivité coexistent au repos dans les troubles du spectre autistique.

Ainsi, bien que les profils oscillatoires observés dans le cerveau autistique ne soient pas encore clairement définis, les anomalies oscillatoires sont récurrentes et affectent plus spécifiquement la bande gamma durant les tâches auditives et linguistiques, et la bande thêta au repos. Les résultats des différentes études suggèrent l’existence de patterns d’hyper-connectivité associés à des patterns d’hypo-d’hyper-connectivité dans les troubles du spectre autistique, à des échelles spatiales et temporelles différentes, susceptibles de résulter d’un déséquilibre entre l’activité corticale excitatrice et l’activité corticale inhibitrice, conformément au modèle proposé par Rubenstein et Merzenich (Rubenstein and Merzenich 2003).

5. Autisme et dyslexie : des points communs ?