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4. Les troubles du langage dans l’autisme

4.7. Quelques théories de l’autisme

4.9.1. Données fonctionnelles et langage

4.9.1.1. Tâches auditives et déficit du traitement de l’information temporelle

De meilleures performances à traiter des sons simples (sons purs) semblent caractériser un sous-groupe seulement de la population autistique, dite de « haut niveau » (Bonnel et al. 2010). Une réponse corticale atypique à la complexité auditive semble à l’inverse associée à l’ensemble de la population atteinte de TSA. Cette observation a été confirmée par une étude en IRM fonctionnelle chez 15 sujets avec TSA et 13 sujets neuro-typiques lors d’une tâche de détection de modulation (Samson et al. 2011). Dans ce paradigme, les sujets entendaient des sons dont la complexité spectrale ou temporelle variait. Leur tâche consistait à indiquer si le son était modulé ou non. La complexité spectrale était modulée en faisant varier le contenu harmonique ; la complexité temporelle en introduisant un taux de modulation de fréquences plus ou moins important. Le taux de modulation (ou profondeur de modulation) représente la mesure de la variation d'amplitude par rapport à l'amplitude de la porteuse non modulée (cf. figure 18).

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Figure 23 : Modulations d’amplitude à un taux de 50, 100 et 150 %.

La performance de détection de modulation était la même dans les deux conditions dans les deux groupes. L’augmentation de complexité spectrale ou temporelle était associée dans les deux groupes à une augmentation d’activité dans le cortex auditif primaire (gyrus de Heschl)

et dans le cortex auditif associatif (gyrus temporal supérieur antéro-postérieur). Dans la condition « augmentation de la complexité temporelle », le groupe affecté présentait un effet plus fort dans le cortex auditif primaire et un effet moindre dans le cortex auditif antéro-postérieur, effet non retrouvé dans le cas de l’augmentation de la complexité spectrale. L’augmentation d’activité dans l’aire auditive primaire suggère un effort accru à détecter les informations temporelles complexes « bas niveau ». Cette observation est cohérente avec les données comportementales de détection de la parole dans le bruit chez les personnes atteintes de TSA, qui se montrent moins performantes à détecter des mots dans un bruit temporellement complexe plutôt que dans un bruit spectralement complexe (Alcantara et al. 2004; Groen et al. 2009). Elle est également renforcée par l’observation d’un déficit de l’activité BOLD du cortex auditif en réponse à des stimuli non langagiers mais complexes (Boddaert et al., 2003, 2004).

Cette observation va également dans le sens de nombreuses études montrant que les patients atteints de TSA présentent des troubles du traitement dynamique des stimuli environnementaux multisensoriels : moindre réactivité aux mouvements biologiques et physiques humains (Gepner et al. 1995; Gepner and Mestre 2002), déficit dans le timing précis de l'anticipation motrice (Schmitz et al. 2003). Ces observations suggèrent une altération du traitement temporel du flux sensoriel dans l’autisme. Sur le plan clinique, les méthodes de stimulation sensorielle intensive (méthode ABA, Applied Behavior Analysis ou analyse appliquée du comportement ; méthode 3I, basée sur une stimulation sensorielle par le jeu) donnent actuellement de bons résultats d’amélioration des troubles du spectre autistique, ce qui vient renforcer l’idée qu’une partie au moins des déficits observés dans les troubles du spectre autistique touche le domaine de la captation des stimuli biologiques.

La reconnaissance et la compréhension des sons de parole reposant principalement sur l’analyse des variations temporelles qu’ils contiennent (Shannon et al., 1995), les déficits du traitement temporel observés chez les patients atteints de TSA suggèrent un traitement atypique de l’information langagière dans l’autisme.

4.9.1.2. Tâches linguistiques

En matière de langage, les études sont hétéroclites étant donné la grande variabilité des troubles du langage rencontrés dans les troubles du spectre autistique, pouvant affecter tant les

aspects sémantiques, syntaxiques que pragmatiques du langage (Groen et al. 2008). L’IRM fonctionnelle a été largement utilisée pour explorer ces déficits.

Une réduction de l’activation du gyrus inférieur frontal gauche et une augmentation de l’activité dans le planum temporale gauche ont été observées chez des patients adultes atteints de TSA lors d’une tâche de compréhension de phrase (Just et al. 2004). La synchronisation entre les aires corticales impliquées dans la compréhension de la phrase est également diminuée chez les sujets affectés (Just et al. 2004), suggérant une connectivité antéro-postérieure réduite dans le cerveau autistique. Ce pattern d’activation a été reproduit dans plusieurs études utilisant des tâches sémantiques (Harris et al. 2006; Gaffrey et al. 2007). Alors que les adolescents avec TSA de haut niveau ont des performances normales dans une tâche de dénomination, ils montrent une réduction de l’activité du gyrus frontal inférieur gauche, débouchant sur une moindre latéralisation de cette région (Knaus et al., 2008), et sur une connectivité réduite entre l’activation du gyrus frontal inférieur et le planum temporale dans l’hémisphère gauche.

La compréhension pragmatique a été également explorée chez des enfants et des adultes atteints de TSA de haut niveau. Il semble difficile de mettre en relation ces résultats avec les troubles du langage chez les personnes avec TSA de bas niveau. Néanmoins, ils permettent d’appréhender les déficits des mécanismes de perception de la parole de plus haut niveau. À nouveau, le résultat récurrent de ces études concerne une activation atypique du gyrus frontal inférieur. Par exemple, les sujets atteints de TSA montrent une latéralisation réduite durant une tâche de fluence verbale, due à une activation significativement supérieure des lobes frontaux et temporaux droits, suggérant une altération de l’asymétrie des régions impliquées dans le traitement du langage dans les troubles du spectre autistique (Mason et al. 2008; Tesink et al. 2009).

Les corrélats neuro-anatomiques fonctionnels du développement du langage ont été étudiés en IRMf chez le jeune enfant atteint de troubles du spectre autistique. Durant leur sommeil, les enfants avec TSA âgés de 2-3 ans montrent une diminution de l’activité des aires cérébrales normalement recrutées chez l’enfant neuro-typique durant la phase précoce d’acquisition du langage, notamment des régions frontales et temporales gauches (Redcay and Courchesne 2008). Cette observation souligne une déviance précoce de la trajectoire développementale du langage dans les troubles du spectre autistique.

4.9.1.3. Perception de la voix humaine

Les individus atteints de TSA montrent souvent une absence de réaction à la voix humaine, mais les cause en sont encore largement méconnues. L’exploration des bases neurales du traitement de la voix humaine a fourni quelques pistes quant aux déficits biologiques. Le cortex temporal supérieur, et particulièrement le sulcus temporal supérieur, est activé bilatéralement en réponse à des stimuli vocaux (parole ou non parole) comparativement à des stimuli auditifs non vocaux (Belin et al. 2000) chez l’adulte neuro-typique. Les adultes atteints de TSA échouent à activer ces deux régions (Gervais et al. 2004).

4.9.1.4. Synthèse sur les données fonctionnelles

Ainsi, les données fonctionnelles observées chez des personnes atteintes de TSA mettent en exergue trois points majeurs :

(i) des déficits dans la détection de la modulation temporelle des stimuli auditifs ;

(ii) un profil d’asymétrie fonctionnelle altéré, avec une latéralisation gauche diminuée de l’activité du cortex temporal et du cortex préfrontal ;

(iii) des profils de connectivité fronto-temporale altérés. Un nombre croissant d’études de neuroimagerie apportent des preuves convergentes quant à une connectivité cérébrale perturbée dans l’autisme. Alors que la première étude à rapporter un déficit de connectivité fonctionnelle dans les troubles du spectre autistique a été publiée il y a une vingtaine d’années (Horwitz et al. 1998), c’est seulement récemment que l’étude de la connectivité a reçu une grande attention. La théorie d’un déficit de la connectivité (Just et al, 2004) a largement influencé toutes les recherches actuelles en matière de connectivité dans l’autisme. Elle propose « l’autisme comme un trouble cognitif et neurobiologique marqué et causé par une circuiterie intégrative moins fonctionnelle résultant en un déficit de l’intégration de l’information à la fois localement au niveau neural et globalement au niveau cognitif ».

4.10. Patterns oscillatoires atypiques et troubles du spectre autistique