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4. Les troubles du langage dans l’autisme

4.3. Autisme et comportements stéréotypés

Un comportement stéréotypé est un ensemble de gestes répétitifs, rythmés, sans but apparent. Ces gestes sont très souvent observés chez le jeune enfant, et disparaissent au cours du développement. Les enfants atteints de troubles du spectre autistique montrent une tendance exagérée à effectuer des mouvements répétitifs (stéréotypies). Par exemple, certains patients atteints de TSA se bercent, tapent des mains ou tournent sur eux-mêmes de façon incessante. Ils montrent également une dépendance excessive par rapport à des routines ou à des rituels particuliers. Très réfractaires au changement, ils ont un comportement restreint. Ils peuvent être fascinés par des objets habituels (bouts de ficelle, miette, plume…), par une caractéristique particulière d’un objet (par exemple une roue qui tourne sur un jouet).

4.4. Autisme et troubles du langage

Les enfants atteints de troubles du spectre autistique présentent souvent des difficultés à développer un langage cohérent et à comprendre leur entourage. Bien que non systématiques et exclus des symptômes centraux des troubles du spectre autistique par le DSM5 (American Psychiatric Association (APA) 2013), les déficits du langage, et particulièrement un retard dans son acquisition, sont une manifestation récurrente de la pathologie. Les troubles du langage sont souvent le premier symptôme se manifestant (Kurita 1985; Lord and Paul 1997) et sont la caractéristique prédictive majeure du pronostic et du développement futur du patient (Rutter 1970). Plus de la moitié de la population atteinte de TSA est affectée par au moins un type de trouble du langage. La moitié de ces enfants restent non-verbaux ou présentent un langage peu fonctionnel (Lord and Paul 1997; Gillberg and Coleman 2000). Le DSM5 précise que parallèlement au diagnostic, chaque patient sera évalué en termes de capacités intellectuelles, de causes génétiques (syndrome de Rett et syndrome de l’X fragile) et de niveau de langage.

Les troubles du langage oral dans les troubles du spectre autistique peuvent prendre la forme d’un retard dans l’acquisition et/ou d’anomalies dans le développementdu langage :

- L’enfant commence à parler plus tard que 2 ans.

- Il peut montrer un développement du langage suivi d’une perte inexpliquée des mots ou des phrases déjà acquis.

- L’enfant ne regarde pas son interlocuteur lorsqu’il s’adresse à quelqu’un. - L’enfant montre une incapacité à amorcer ou à soutenir une conversation.

- Il parle avec un rythme ou une tonalité anormale (une voix chantante ou « mécanique »).

- L’enfant est capable de répéter des mots mais n’en comprend pas le sens.

Il est difficile de caractériser les troubles du langage associés aux troubles du spectre autistique. La sévérité de troubles du langage (Kjelgaard and Tager-Flushberg 2001) et les performances langagières des patients atteints de TSA sont extrêmement variables, allant du mutisme total à une utilisation pragmatique anormale d’un langage d’apparence grammaticale correcte (le patient présente des difficultés à user du contexte de la phrase pour en comprendre le sens, d’où des difficultés à comprendre par exemple l’ironie et à interagir verbalement avec autrui). Les troubles du langage dans les TSA peuvent ainsi concerner de multiples aspects du

langage : la pragmatique, la sémantique, la syntaxe, la morphologie, la phonologie et la phonétique (Rapin and Dunn 2003).

4.5. Autisme et troubles sensoriels

Comme indiqué précédemment, les individus atteints de TSA présentent une hyper ou hypo-réactivité à l’influx sensoriel ou un intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l’environnement. Le fait que plus de 90 % des enfants atteints de TSA présentent également une altération sensorielle qui perdure généralement à l’âge adulte (Leekam et al. 2007) suggère qu’elle est au centre des syndrômes de l’autisme. Les troubles de la perception sensorielle rencontrés dans les TSA sont, à l’instar des troubles du langage, très hétérogènes. Au-delà d’une hypo-réactivité ou d’une hyper-réactivité aux stimuli sensoriels, ils peuvent aussi prendre la forme d’une aversion ou d’une fascination pour certains stimuli sensoriels (American Psychiatric Association (APA) 2013). Un exemple concret d’hypo-réactivité est l’absence de réaction portée par certains enfants atteints de TSA à leur prénom ou à des sons forts. D’autres, au contraire, peuvent être affectés fortement par certains sons, essayant de les éviter en se couvrant les oreilles.

Une grande partie des données disponibles et des conclusions sur les troubles sensoriels liés aux TSA proviennent de témoignages de personnes atteintes de TSA et/ou de leur entourage, fournissant une image très empirique de ce déficit. Par exemple, l’écrivain néerlandais Hans Van Dalen, diagnostiqué « autiste non sévère », conçoit lui-même l’autisme comme un déficit perceptif temporel :

« For me, time seems to flow out rapidly, or in other terms, a non-autistic person sees me as

living slowly. During a certain period of time a non-autistic person can digest more percepts than me because I am constrained to digest each object piece by piece… » (Van Dalen, 1994).

Concernant la modalité auditive, Daniel Tammet (2006), écrivain atteint du syndrome d’Asperger, indique : « She spoke very fast and I found it difficult to follow her…the rapid

succession of questions was intrusive…and it took me some time to answer her ».

Le témoignage de Donna Williams, auteur australien de best-seller diagnostiquée autiste, semble témoigner d’un surplus d’informations temporelles chez les personnes avec TSA :

« One of the ways of making things seem to slow down was to blink or to turn the lights on

and off really fast. If you blinked really fast, people behaved like in old frame-by-frame movies, like the effect of strobe lights without the control being taken out of your hands »

(Donna Williams, 1992).

Ces témoignages restent cependant des cas isolés, très subjectifs, obtenus de personnes atteintes de TSA dites de « haut niveau ». Depuis quelques années, des études scientifiques sont venues étayer ces observations plus anecdotiques que statistiques et ont démontré la présence de déficits du traitement sensoriel dans plusieurs modalités, incluant le domaine visuel, le domaine tactile, le domaine gustatif et le domaine auditif (Dahlgren and Gillberg 1989; Gillberg and Coleman 2000; Blakemore et al. 2006; Kern et al. 2006; Leekam et al. 2007; Klintwall et al. 2011). Seul le domaine auditif fera l’objet de notre attention dans le cadre de cette thèse.