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C. Le développement des recherches neurophysiologiques

1. L’activité cérébrale de repos

1.1. Organisation générale des stades de vigilance

1.1.1. Chez les patients en stade de coma

Le coma étant défini cliniquement par une absence totale d’éveil comportemental, il a naturellement été écarté de la plupart des études menées sur l’alternance des activités de veille et de sommeil chez les patients en état de conscience altérée. Avant d’aborder les rares études réalisées chez les patients en état de coma, il convient de revenir rapidement sur l’activité cérébrale mise en évidence chez ces derniers. L’activité cérébrale de ces patients est portée par un ralentissement global important qui prend la forme en électroencéphalographie d’une prédominance des rythmes delta et thêta. Actuellement, aucune distinction n’a été faite entre les rythmes lents observés pendant le sommeil d’un sujet sain et ceux retrouvés de manière pathologique chez ces patients en état de coma. Néanmoins, cette activité lente, continue et de grande amplitude, caractéristique du coma, ne doit pas être confondue avec celle développée pendant le sommeil lent. En effet, l’état de coma est associé à une dérégulation importante du système cérébral d’éveil et l’apparition de ces rythmes lents est à considérer comme une anomalie dans le

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fonctionnement de ce système et non pas comme un indice de la mise en place d’un sommeil lent classique.

Les quelques études portant sur le sommeil dans la phase de coma se rapportent à l’analyse d’un pattern particulier décrit sous le terme de « spindle coma » (voir Chapitre 2, partie B. 2.1.1.). Pour rappel, ce pattern se caractérise par la présence sur l’électroencéphalogramme de grapho-éléments, similaires à des fuseaux de sommeil ou

« spindles », qui apparaissent superposés à l’activité basale lente et ample typique au

stade de coma. L’apparition d’un tel pattern, proche d’une activité physiologique appartenant au sommeil lent, a tout d’abord été étudiée chez les patients traumatiques (Chatrian, White, et Daly 1963) puis l’observation a ensuite été étendue à diverses étiologies non-traumatiques (Lopez, Freeman, et Schomer 2002; Nogueira de Melo, Krauss, et Niedermeyer 1990). En outre, ces fuseaux de sommeil sont principalement présents dans les phases aigües du coma (1 ou 2 jours après l’accident) (Rumpl et al. 1983; Hansotia et al. 1981). Concernant les caractéristiques électrophysiologiques de ce pattern, aucune étude n’a été menée quant à leur topographie et leur dynamique temporelle. Le « spindle coma » demeure donc peu étudié et ces différentes formes restent à établir. Toutefois, d’un point de vue fonctionnel et malgré le cruel manque de données, il est couramment admis que ce pattern représente une combinaison entre un état de sommeil physiologique et celui du coma. En tenant compte des différentes limitations soulevées, certains auteurs ont émis l’hypothèse que le « spindle coma » serait une forme de coma moins sévère que le coma classique et que la présence de ce pattern, associée à une bonne réactivité corticale, pourrait être un indice d’une récupération favorable (Chéliout-Heraut et al. 2001; Kaplan et al. 2000; Hulihan et Syna 1994).

Etant donné l’absence apparente de changements d’activité chez les patients en état de coma, qui par définition ne peuvent être éveillés, rares sont les études qui ont cherché à mettre en évidence des modifications à moyen terme au sein de l’activité cérébrale de ces patients. Quelques équipes ont tout de même réalisé des études polysomnographiques chez ces patients et ont cherché à établir des échelles d’observations mettant en lien des changements dans l’activité cérébrale ou l’apparition d’éléments électrophysiologiques particuliers avec un pronostic de récupération. Une première étude a été menée en 1995 sur 138 patients dans le but de déterminer des profils d’activité sur la base d’une analyse purement qualitative de l’EEG, enregistré sur une période allant de 30 à 60 minutes (Evans et Bartlett 1995). Les moyens techniques

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limités ainsi que le temps d’enregistrement restreint ont amené ces auteurs à décrire des modifications assez élémentaires de l’activité cérébrale à l’état d’éveil et n’ont pas permis de relever de potentiels changements marquant le passage de l’état d’éveil à l’état de sommeil. Sur le même principe, une étude plus récente a été réalisée chez 24 patients en état de coma afin de déterminer la valeur prédictive associée à des profils électrophysiologiques spécifiques (Valente et al. 2002). A la différence de l’étude précédente, les patterns pris en compte dans la détermination des différents profils étaient des éléments physiologiques représentatifs des stades de sommeil. Les patients, soumis à un enregistrement polysomnographique de 24h, étaient classés en 5 groupes distincts selon la complexité et la variété des activités observées propres aux phases de sommeil. Après des analyses de corrélation entre la présence de patterns spécifiques aux stades de sommeil et le devenir à long terme du patient évalué par la « Glasgow Outcome

Scale », il apparaît que plus le profil électrophysiologique de sommeil est riche et

structuré, meilleure sera la récupération. En effet, les devenirs les plus favorables sont associés aux groupes qui se distinguent des autres par la présence de stades de sommeil bien définis (sommeil lent et/ou sommeil paradoxal). Les auteurs de cette étude en ont donc conclu que l’apparition d’une activité de sommeil organisée était un marqueur prédictif fort d’une bonne récupération.

De manière générale, plus l’activité cérébrale du patient se rapproche de celle développée lors du sommeil chez le sujet sain, plus le pronostic sera positif. En dépit du peu d’études réalisées, il semble qu’il existe, au sein de l’activité électrophysiologique des patients en état de coma, plusieurs marqueurs indicateurs d’un pronostic favorable tels qu’une activité phasique d’éveil, la présence de fuseaux de sommeil ou encore la préservation de certains stades de sommeil. Malgré les résultats encourageants et l’éventuel intérêt pronostique que représente l’étude de l’organisation du sommeil dans la phase de coma, cette dernière reste très peu développée. Par ailleurs, les enregistrements polysomnographiques ne font actuellement pas partie de la routine clinique des services de soins intensifs.

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