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1. Le coma

Le coma a été défini par Plum et Posner en 1982 comme étant un « état pathologique lié à une perturbation grave et prolongée de la vigilance et de la conscience » (Plum et Posner 1982). Cet état qualifié d’ « état de non réponse » représente l’état d’altération de la conscience le plus sévère après la mort cérébrale. D’un point de vue clinique, cet état est caractérisé par une absence complète d’éveil qu’il soit spontané ou consécutif à des sollicitations extérieures. Ce défaut d’éveil, dû à l’inactivité de la formation réticulée activatrice ascendante, se traduit comportementalement par une fermeture permanente des yeux et par une absence de réponses motrices ou verbales suite à une commande ou à des stimulations sensorielles. Le patient en état de coma n’ouvre pas les yeux ni spontanément ni après une stimulation. Il n’émet aucun son et n’obéit à aucun ordre verbal. Enfin, aucune réponse volontaire et consciente n’est observée chez ces patients, seule persiste une activité réflexe (American Congress of Rehabilitation Medicine 1995).

Cet état de coma, pouvant durer de quelques jours à plusieurs semaines, correspond à la phase aigüe du trouble de la conscience et ne représente par conséquent qu’un état transitionnel. Ce stade transitoire de coma peut, dans un premier temps, aboutir au décès ou à l’éveil complet du patient. Toutefois, dans certains cas, la progression vers l’éveil est plus lente et les patients transitent alors par une phase dite d’éveil (Figure 13). Ainsi, suite à cette période de coma, qui généralement n’excède pas 4 semaines, le patient va alors pouvoir évoluer vers des états de conscience supérieurs ; l’évolution vers la chronicité du coma restant exceptionnelle.

Dans certaines rares occasions, l’accident cérébral, à l’origine du coma, provoque une atteinte bilatérale spécifique d’une zone limitée du tronc cérébral, le pont. A la sortie de l’état de coma, les patients présentent une paralysie complète, exception faite de la motricité oculaire pour la plupart d’entre eux. En revanche, l’état de conscience et les fonctions cognitives du patient sont intacts bien que partiellement altérés chez certains. Cet état neurologique singulier dans lequel le patient est éveillé et conscient a pris le nom de « syndrome d’enfermement » ou « syndrome de verrouillage » et est connu en anglais sous le terme de « Locked-in syndrome » (LIS). La classification de Bauer et collaborateurs déterminent trois niveaux de LIS distincts selon l’étendue du handicap

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moteur : le LIS dit classique est caractérisé par une immobilité complète à l’exception des mouvements verticaux du regard et les mouvements des paupières ; le LIS incomplet s’accompagne d’une motricité volontaire plus large (mouvements de la tête, des membres supérieurs ou inférieurs) ; et enfin le LIS complet implique une immobilité totale y compris de la motricité oculaire (Bauer, Gerstenbrand, et Rumpl 1979).

Figure 13 : Les différents états de conscience altérée. D’après Laureys et al. 2004.

2. Les éveils de coma

2.1. Etat Végétatif

L’état végétatif (EV) survient en moyenne 2 à 4 semaines après l’apparition de l’état de coma et constitue le repère habituel du début de la phase d’éveil (Figure 13). Cet état se distingue du coma par la présence d’épisodes dits d’éveil comportemental pendant lesquels le patient garde les yeux ouverts alors même qu’aucun signe de conscience n’est observé, ce qui a valu à cet état la dénomination d’ « état de veille sans conscience ». Si le rétablissement d’un certain niveau de vigilance est effectivement caractéristique de cet état, le niveau de conscience demeure quant à lui indéterminé et aucun indice d’émergence de la conscience n’est présent. En effet, le patient ne répond pas à la commande verbale et, s’il peut émettre des grognements, il ne produit aucun mot. Dans certains cas, des comportements involontaires et inadaptés, tels que des rires ou des pleurs peuvent être observés. Ces comportements ne reflèteraient pas des signes de conscience mais traduiraient plutôt une activité réflexe (Working Party of the Royal

Syndrome d’éveil non répondant = Récupération Eveil complet = Récupération Eveil complet = Récupération Eveil complet

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College of Physicians of London 2003). Un patient en EV ne démontre donc aucun signe de conscience, ni de lui-même, ni de son environnement.

En revanche, les patients en EV présentent des périodes de veille comportementale avec ouverture des yeux, alternées à de longues phases de fermeture des yeux associées à une absence d’activité musculaire. Ces cycles d’ouvertures et de fermetures des yeux ont été apparentés à la reprise d’un cycle veille/sommeil, a minima d’un point de vue comportemental. Toutefois, même si la majorité des études font état d’une préservation comportementale du cycle veille/sommeil chez la plupart des patients en EV, la correspondance entre ces cycles d’ouvertures et fermetures des yeux et des changements dans l’activité cérébrale n’est pas évidente (de Biase et al. 2014; Cologan et al. 2013; Malinowska et al. 2013; Landsness et al. 2011). La transition de l’état de veille à celui de sommeil, déterminée cliniquement par la fermeture des yeux, ne semble pas être accompagnée de fluctuations au sein de l’activité cérébrale ni des signes électrophysiologiques caractéristiques. Le rétablissement d’un cycle veille/sommeil n’est donc pas clairement affirmé et reste un sujet encore débattu au sein de la communauté scientifique.

L’ouverture spontanée des yeux, reflet comportemental de la récupération d’un certain niveau de vigilance, témoigne de la restauration des mécanismes d’éveil dépendants du tronc cérébral et en particulier de la formation réticulée activatrice ascendante. L’EV implique souvent une altération globale du cortex ou, dans certains cas, une lésion thalamique bilatérale avec préservation de la substance réticulée (The Multi-Society Task Force on PVS 1994). La conservation fonctionnelle du tronc cérébral permet également le maintien des fonctions autonomes telles que la régulation cardiovasculaire, la thermorégulation et les fonctions respiratoires.

Cette préservation du système nerveux végétatif a d’ailleurs directement inspiré le qualificatif de « végétatif » utilisé pour définir cet état de conscience. Cependant, ce terme de végétatif possède une connotation péjorative qui fait écho à une notion de chronicité et de fatalité quant à l’état du patient. C’est pourquoi, afin de réduire le sentiment négatif associé à cette terminologie mais également dans le but de donner une définition se rapprochant davantage de la réalité clinique et comportementale, il a récemment été renommé « syndrome d’éveil non répondant » (ou « Unresponsive

Wakefulness Syndrome ») (Laureys et al. 2010).

Ce syndrome d’éveil non répondant peut représenter un état transitoire vers une récupération progressive du patient et mener à un état de conscience minimale. A l’inverse, la situation clinique du patient peut stagner, ce syndrome peut alors se

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pérenniser et conduire à la chronicité. Jennett définit en 1975 le terme d’état végétatif persistant pour désigner la persistance d’un état végétatif à partir du premier mois qui suit la phase de coma (Jennett, Teasdale, et Knill-Jones 1975). Actuellement, l’appellation d’ « état végétatif persistant » qui dérive directement de la traduction princeps de Jennett tend à être abandonnée en raison de son caractère anticipé de pronostic défavorable. Dorénavant, les praticiens utilisent plus volontiers le terme d’ « état végétatif permanent » pour qualifier l’installation d’un état végétatif lorsque que celui-ci persiste au-delà de 3 mois si la lésion cérébrale est d’origine non traumatique et au-delà de 12 mois en cas d’étiologie traumatique. Il est important de souligner le fait que l’adjectif « permanent » comporte un caractère pronostique négatif réfutable et identifie le moment où la récupération d’un état de conscience est hautement improbable mais pas impossible.

2.2. Etat de conscience minimale

L’état de conscience minimale (ECM), correspondant à l’état dit pauci-relationnel dans les pays francophones, a été décrit pour la première fois par Giacino et collaborateurs en 2002 (Giacino et al. 2002). Comme indiqué par l’appellation même de cet état de conscience, ce dernier se caractérise par la réapparition d’un certain degré de conscience que ce soit de soi-même ou de l’environnement. Cette reprise partielle de la conscience se manifeste cliniquement par des comportements, parfois incohérents, mais néanmoins reproductibles et soutenus qui se distinguent des mouvements réflexes (Giacino et al. 2002). Les comportements réalisés par le patient peuvent être une localisation des stimulations nociceptives, une fixation ou une poursuite visuelle ou encore une réponse à des commandes simples telles que « fermer les yeux » ou « serrer la main ». Le patient peut également communiquer de manière élémentaire, et ceci verbalement ou gestuellement, même si ses réponses ne sont pas toujours adaptées. Enfin, contrairement aux patients en EV, un patient en ECM peut manifester des comportements émotionnels adaptés. La présence d’un seul de ces critères suffit à établir le diagnostic d’état de conscience minimale. Il est néanmoins important de souligner que ces réponses sont souvent fluctuantes d’un jour à l’autre ou même selon le moment de la journée. De plus, une sollicitation importante et répétée est parfois indispensable avant d’obtenir une réponse claire.

Devant la large gamme d’états cliniques regroupés sous l’appellation d’état de conscience minimale, ce dernier a récemment été scindé en deux sous-catégories, nommées ECM- et ECM+ (Bruno et al. 2011). L’ECM- est caractérisé par des réponses

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comportementales de bas niveau telles que la fixation ou la poursuite visuelle, la localisation de stimuli nociceptives ou encore des comportements émotionnels appropriés. L’ECM+ se définit par des réponses comportementales de haut niveau comme un suivi correct des consignes, une verbalisation intelligible ou la mise en place d’un code de communication oui/non basé sur des réponses verbales ou gestuelles.

Cet état de conscience minimale constitue un état transitoire dans le contexte d’une dynamique d’éveil favorable et la sortie de cet état signe le point de départ du recouvrement de la conscience (Figure 13). Il est considéré en pratique clinique qu’il y a émergence de l’ECM, lorsque le patient est capable d’utiliser un système de communication de façon cohérente et/ou plusieurs objets de manière adéquate (Giacino et al. 2002; Taylor et al. 2007). Toutefois, cette sortie de l’ECM est un indice purement clinique. En effet, la récupération de la conscience suit un continuum et sa limite supérieure n’est donc pas fixe.

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