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C. Le développement des recherches neurophysiologiques

1. L’activité cérébrale de repos

1.2. Intégrité fonctionnelle corticale

L’étude de l’activité cérébrale au repos des patients présentant un trouble de la conscience permet d’analyser le fonctionnement cérébral général de cette population particulière de patients. Par l’exploration et l’observation de l’activité corticale spontanée, il est alors possible d’évaluer, et ce de manière quantitative et qualitative, le maintien d’une certaine intégrité fonctionnelle. De plus, de telles études permettent de mettre en évidence de possibles différences au sein de l’activité cérébrale des patients en état de conscience altérée.

L’intégrité fonctionnelle cérébrale globale des patients en état de conscience altérée a pu être questionnée à l’aide de la technique de la stimulation magnétique transcrânienne (« Transcranial Magnetic Stimulation ») (TMS) couplée à un enregistrement électroencéphalographique à haute densité. Cette technique consiste à relever les modifications de l’activité électro-corticale induites par une stimulation magnétique appliquée sur le cortex cérébral. Les pattern d’activation observés seront analysés et comparés à ceux obtenus chez les sujets sains. De cette manière, le fonctionnement cortical dans son ensemble pourra être évalué. Les différentes études de TMS réalisées chez les patients en état de conscience altéré ont révélé que la complexité des activations électro-corticales enregistrées suite à la stimulation magnétique était corrélée au niveau de conscience (Casali et al. 2013; Rosanova et al. 2012). Ainsi, les patients en état de conscience minimale présentaient des patterns d’activation plus riches que les patients en état végétatif. Ces résultats démontrent donc une certaine préservation, bien que limitée, dans la transmission de l’activité corticale chez les patients en état de conscience altérée.

En outre, plusieurs études ont été menées chez des patients en état de conscience altérée afin d’identifier spécifiquement de potentielles anomalies d’activité au sein des réseaux du système externe et interne, respectivement liés à la conscience de l’environnement et à la conscience de soi (voir Chapitre 1, partie C. 1.). Une première étude réalisée en TEP sur une cohorte variée de patients a démontré certaines dérégulations associées à ces deux systèmes. Ainsi, comparativement à des sujets contrôles, les patients en état végétatif présentaient des dysfonctionnements importants à la fois au niveau des systèmes externe et interne alors que les patients en état de conscience minimale montraient principalement une altération de ce dernier (Thibaut et al. 2012). De plus, la reprise de la conscience s’accompagnait d’un rétablissement progressif de l’activité du système interne (Thibaut et al. 2012). Une deuxième étude, effectuée cette fois en IRMf, décrivait des perturbations importantes de l’activité au niveau des deux systèmes, interne et externe, chez des patients avec des troubles de la

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conscience (He et al. 2014). Les variations relevées par les auteurs, chez 9 patients en état végétatif et 3 patients en état de conscience minimale, conduisaient à une hyperactivité du système externe et une hypoactivité du système interne, relativement aux activations obtenues chez des participants contrôles (He et al. 2014). De cette étude préliminaire comportant un nombre réduit de patients, il est important de retenir qu’un dérèglement global semble toucher les deux systèmes cérébraux chez ces patients en état de conscience altérée. En outre, cette étude suggère l’idée d’un déséquilibre entre l’activité du système externe et celui du système interne. Le profil d’activité de ces deux systèmes pourrait donc constituer un bon marqueur du niveau de conscience.

1.2.1. Activité du système interne

Grâce en particulier à la méthodologie du « resting state », le fonctionnement du système cérébral interne, qui pour rappel est confondu avec celui du « mode par défaut », a été largement étudié en neuroimagerie. En effet, par le lien étroit que le système interne entretient avec une certaine forme de conscience de soi, l’étude de l’activité de ce système chez des patients présentant des troubles majeurs de la conscience paraît particulièrement pertinente. Les résultats obtenus chez des patients en état de conscience altérée démontrent que ces derniers sont caractérisés par une préservation partielle de la connectivité fonctionnelle du réseau du « mode par défaut » (Vanhaudenhuyse et al. 2010; Boly et al. 2009; Cauda et al. 2009). Ce maintien fonctionnel du « mode par défaut » s’appuierait sur une certaine sauvegarde de la connectivité structurelle au sein de ce même réseau (Demertzi, Soddu, et Laureys 2013; Fernández-Espejo et al. 2012). En outre, d’après une étude de « resting state » en IRMf réalisée chez 14 patients en état de conscience altérée, une correspondance entre le niveau de connectivité au sein de ce réseau et le degré de conscience des patients peut être admise : en effet, la connectivité était d'autant plus dysfonctionnelle que le degré de conscience du patient était bas.

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Figure 22 : La connectivité

fonctionnelle du réseau du « mode par défaut » est associée au niveau de conscience. a) aires cérébrales pour

lesquelles la connectivité fonctionnelle avec le réseau du « mode par défaut » est corrélée avec le niveau de conscience, b) Scores de corrélation normalisés pour les régions cérébrales présentant une corrélation significative. Plus le niveau de conscience est bas, plus la connectivité fonctionnelle au sein du réseau du « mode par défaut » sera altérée. D’après Vanhaudenhuyse et al.

2010.

Abbréviation et traduction : PCC : cortex cingulaire postérieur.

Ainsi, la corrélation d'activité entre les régions du « mode par défaut » était la plus haute chez les témoins, puis chez les patients en ECM, puis les patients en EV et enfin les patients en état de coma (Vanhaudenhuyse et al. 2010) (Figure 22). Cette relation entre intégrité fonctionnelle du « mode par défaut » et niveau de conscience a été confirmée dans de nombreuses études qui rapportent une conservation de ce réseau davantage marquée chez les patients en ECM comparativement aux patients en EV (Kotchoubey et al. 2013; Fernández-Espejo et al. 2010). Notamment, à la différence des patients en EV ou dans le coma, les patients en ECM présentaient une relative préservation de la connectivité du précuneus avec l’ensemble du réseau par défaut (Vanhaudenhuyse et al. 2010). Enfin, une étude très récente a mené, pour la première fois chez des patients en état de conscience altérée, une analyse de connectivité effective au sein du réseau du « mode par défaut » afin de déterminer les interactions causales existant entre différentes régions de ce réseau (Crone et al. 2015). Cette étude réalisée chez 12 volontaires sains, 12 patients en état de conscience minimale et 13 patients en état végétatif a permis de mettre en évidence des distinctions importantes, selon le degré de conscience, au niveau de l’architecture fonctionnelle du « mode par défaut ». En effet, l’organisation interne du réseau était significativement perturbée chez les patients en état de conscience altérée et ce, de manière plus soutenue, chez les patients en état végétatif

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par rapport aux patients en état de conscience minimale (Crone et al. 2015). Ces perturbations touchaient principalement l’activité du cortex cingulaire postérieur qui, sur la base des résultats obtenus chez les participants sains, paraît constituer un véritable

centre exécutif du réseau du « mode par défaut ». Néanmoins, bien que le

fonctionnement de ce « mode par défaut » semble intimement lié au niveau de conscience, l’estimation de ce dernier ne permet pas de différencier à l’échelle individuelle l’état de conscience minimale de l’état végétatif (Soddu et al. 2012).

En revanche, plusieurs études portant sur la relation entre la connectivité au sein du réseau du « mode par défaut » et le devenir à long terme de patients en état de coma soulignent l’importance de l’analyse de ce réseau chez cette population de patients. En effet, il a été montré qu’une connectivité fonctionnelle conservée au niveau de ce réseau était associée à un pronostic positif (Koenig et al. 2014; Norton et al. 2012). Norton et collaborateurs ont démontré plus spécifiquement que la connectivité du précuneus et du cortex cingulaire postérieur était directement liée à un devenir favorable (Norton et al. 2012).

Au regard de ces différentes études, il apparaît que l’activité du « mode par défaut », et plus particulièrement encore celle de la région précuneus/cortex cingulaire postérieur, se doit d’être prise en compte dans l’évaluation des patients présentant une altération de la conscience.

1.2.2. Activité du système externe

Le système externe, dont l’activité pour rappel est anti-corrélée à celle du système interne, est pour sa part le support de processus cognitifs impliquant des stimuli extérieurs. De ce fait, il est classiquement associé à des tâches cognitives actives. Cependant, il a été montré que ce système cérébral pouvait également être engagé, lors d’une phase de repos, de manière spontanée et en absence de toute tâche ou consigne expérimentale (Fox et al. 2006). En plus de son rôle évident dans l’exécution de tâches cognitives dirigées, le système externe serait possiblement mis en jeu dans une forme de cognition passive tournée vers l’environnement extérieur (Fox et al. 2006).

L’étude de ce système externe et en particulier de sa préservation chez les patients en état de conscience altérée s’est récemment développée. Demertzi et collaborateurs ont ainsi démontré que parmi les 10 réseaux neuronaux indépendants extraits de l’activité cérébrale au repos, 4 d’entre eux étaient particulièrement atteints chez les patients en état de conscience altérée (Demertzi et al. 2014). Il s’agissait du réseau du « mode par défaut » mais également de plusieurs réseaux appartenant au système externe. Ainsi, les

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composantes neuronales issues des réseaux du contrôle exécutif droit et gauche et du réseau auditif étaient présentes chez un nombre de patients limité par rapport aux sujets sains (Demertzi et al. 2014). De plus, le réseau du contrôle exécutif appartenant à l’hémisphère gauche était identifié chez seulement 37% des patients en état végétatif contre 67% des patients en état de conscience minimale (Demertzi et al. 2014). En outre, une étude encore plus récente rapporte que le degré de connectivité fonctionnelle associé au réseau auditif serait particulièrement efficace pour distinguer les patients en état de conscience minimale de ceux en état végétatif (Demertzi et al. 2015). En effet, la valeur de connectivité du réseau auditif était significativement plus importante chez les patients en état de conscience minimale comparativement à celle des patients en état végétatif (Demertzi et al. 2015).

Le système externe fronto-pariétal, représenté ici par le réseau du contrôle exécutif, mais également un des sous-systèmes sensoriels, le réseau auditif, semblent donc être altérés chez les patients en état de conscience altérée. De surcroît, cette perturbation de l’ensemble du système externe est davantage marquée chez les patients en état végétatif par rapport aux patients en état de conscience minimale. Ces résultats fonctionnels sont concordants avec les observations comportementales qui rapportent une certaine forme de conservation des capacités perceptives et cognitives chez les patients en état de conscience minimale. En effet, ces derniers peuvent produire des réactions comportementales en réponse à des stimulations extérieures, réactions comportementales rendues possible par la préservation du système externe à l’origine d’une cognition dirigée vers l’environnement. Bien que ces résultats demandent à être confirmées, il semble donc que l’intégrité fonctionnelle du système externe soit un bon indicateur du niveau de conscience.

2. L’activité cérébrale en réponse à des stimulations