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A. Etat de conscience et contenu de la conscience

1. Etats de conscience

1.1. Du sommeil à l’éveil : différents états de conscience

1.1.1. Caractérisation électrophysiologique des stades de vigilance

Les différents stades de vigilance sont au nombre de trois et correspondent au sommeil lent, au sommeil paradoxal et à l’état de veille.

D’un point de vue comportemental, le sommeil est défini par quatre critères : une activité motrice réduite ; une réponse aux stimuli extérieurs atténuée ; une posture stéréotypée (couché et les yeux fermés chez l’humain) ; et un retour à l’état d’éveil possible et relativement facile à mettre en œuvre.

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Chez l’Homme, l’architecture du sommeil ainsi que les différentes phases qui le composent sont principalement étudiés par la polysomnographie qui consiste à enregistrer simultanément l’électroencéphalogramme (EEG), l’électrooculogramme (EOG) et l’électromyogramme (EMG). La respiration mais également le rythme cardiaque peuvent également être mesurés lors de cet examen. Des critères polysomnographiques standards précis ont été établis afin de différencier les stades de sommeil (Iber et al. 2007; Rechtschaffen et Kales 1968). Ces critères prennent en compte trois variables physiologiques distinctes : l’activité corticale objectivée sur l’EEG, les mouvements des yeux suivis par l’EOG et le tonus musculaire évalué par l’EMG.

Le sommeil lent ou « Slow Wave Sleep » (SWS) se caractérise par un

ralentissement progressif de l’ensemble des fonctions physiologiques. Ce sommeil dit classique peut être décomposé en deux grandes phases distinctes, le sommeil lent léger (stades N1 et N2) et le sommeil lent profond (stade N3) (pour des revues voir Brown et al. 2012; Carskadon et Dement 2011; Silber et al. 2007). Le stade N1 correspond à la période d’endormissement ou à un état de pré-réveil et représente donc une phase transitoire entre l’éveil et le sommeil. Le stade N2 fait suite à ce premier stade et correspond à un sommeil plus soutenu. Enfin, le stade N3 détermine un sommeil profond durant lequel les fréquences cardiaque et respiratoire sont lentes et régulières, l’activité motrice pratiquement réduite à néant et les mouvements oculaires absents ce qui a valu à l’ensemble du sommeil lent la dénomination anglaise de « Non-Rapid Eye Movement » (NREM). En revanche, le tonus musculaire, bien que diminué, est maintenu lors de ce stade.

Cette profondeur croissante du sommeil du stade N1 au stade N3 va de pair avec une diminution graduelle du rythme cérébral global : plus le stade de sommeil est avancé, plus la fréquence de l’activité cérébrale sera basse. En outre, cette baisse de fréquence s’accompagne d’un accroissement de l’amplitude : l’activité cérébrale sera d’autant plus ample à travers les trois stades du sommeil lent.

Ainsi le premier stade (stade N1) est marqué par un rythme de fréquences mixtes avec une prédominance comprise entre 3 et 8 Hz qui correspond au rythme thêta, rythme qui remplace le rythme rapide de l’éveil (13-30 Hz) nommé bêta. Ce rythme thêta s’amplifie et devient dominant lorsque le stade N2 est atteint. De plus, durant ce stade, les ondes thêta sont ponctuées par des trains occasionnels et spontanés d’ondes rapides de haute fréquence (11-15 Hz) qui portent le nom de fuseaux de sommeil ou « spindles ». Ces bouffées d’activité intense ont une durée d’une à trois secondes, sont générées par le thalamus et impliquent une boucle thalamo-corticale. Durant ce stade, une onde rapide de grande amplitude, le complexe K, peut également être observée. Enfin, l’entrée en

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stade N3 coïncide avec l’apparition d’ondes lentes et amples, d’activité delta d’une fréquence de 0.5 à 3 Hz et qui se caractérisent par une amplitude supérieure à 75 μV. Ces ondes lentes sont le résultat de l’activité oscillatoire de certains neurones du thalamus, qui par l’intermédiaire d’une importante synchronisation thalamo-corticale, entraînent à leur rythme l’ensemble du cortex cérébral.

Le sommeil paradoxal ou « Rapid Eye Movement » (REM) succède au sommeil lent et a été qualifié de paradoxal compte tenu du fait que l’activité cérébrale durant cette phase de sommeil s’apparente davantage à une activité d’éveil qu’à celle rencontrée durant le sommeil lent (pour des revues voir Brown et al. 2012; Carskadon et Dement 2011; Silber et al. 2007). En effet, l’activité corticale est intense et le rythme cérébral rapide et peu ample est très proche de celui de l’état de veille. Ce véritable éveil cérébral est accompagné d’importantes activités oniriques. Cependant, bien que la majeure partie des rêves surviennent durant le sommeil paradoxal, ces derniers n’ont pas lieu exclusivement durant ce stade et peuvent également apparaître lors du sommeil lent (pour une revue voir McNamara et al. 2010). Quant à l’appellation anglo-saxonne de REM, elle fait référence à la présence de mouvements oculaires répétés observables spécifiquement lors du sommeil paradoxal. En outre, en dehors de ces mouvements oculaires, il existe une atonie musculaire avérée à l’ensemble du corps. Enfin, contrairement au sommeil lent, les activités cardiaque et respiratoire sont irrégulières pendant ce stade de sommeil.

L’état de veille ou l’éveil est le troisième stade de vigilance et est par essence un état dit conscient. Nos yeux sont ouverts, notre activité motrice est importante et notre réactivité aux stimulations extérieures est élevée. Ces observations comportementales se traduisent en terme électroencéphalographique par une activité cérébrale rapide, peu ample et désynchronisée. Cet éveil actif est caractérisé par un rythme bêta supérieur à 13 Hz. Par opposition, un deuxième genre d’éveil dit éveil passif est à distinguer du premier. Cet éveil passif se différencie de son inverse par une activité plus lente, de type alpha (8-12 Hz), mais également plus ample et plus régulière. Cette activité apparaît lorsque le sujet éveillé garde les yeux fermés.

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Ces trois états de vigilance peuvent être caractérisés de manière sommaire comme suit (Figure 1) :

- L’éveil est associé à un tonus musculaire élevé ainsi qu’à de nombreux mouvements oculaires. L’activité corticale est dite désynchronisée avec des signaux électrophysiologiques à haute fréquence et de faible amplitude.

- Le sommeil paradoxal se caractérise par une atonie musculaire et la présence de mouvements oculaire rapides. L’activité corticale est comparable à celle évoquée pendant l’éveil : désynchronisée, à haute fréquence et de faible amplitude.

- Le sommeil lent se définit par une diminution du tonus musculaire et une absence de mouvements oculaires. L’activité corticale est synchronisée et constituée d’ondes lentes de basse fréquence et de haute amplitude.

Sommeil lent (« NREM »)

Eveil Sommeil paradoxal (« REM »)

EMG

EEG

EOG

Figure 1 : Les trois stades de vigilance et leurs tracés polysomnographiques. EEG :

électroencéphalogramme, EMG : électromyogramme, EOG : électrooculogramme. D’après Hobson et

Pace-Shott 2002.

L’état qui caractérise l’éveil est assimilé ici à la conscience en opposition aux états inconscients que sont les différentes phases de sommeil. L’ambigüité entre éveil et conscience provient notamment du fait qu’en temps normal le haut niveau de conscience, permis par l’état d’éveil, implique immanquablement l’apparition de capacités de perception, d’interaction et de communication avec l’environnement et autrui. Ce rapprochement classiquement établi entre conscience et éveil est limité mais fondamental. En effet, bien que l’éveil n’entraîne pas nécessairement le phénomène de conscience, il est concomitant à son émergence.

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