• Aucun résultat trouvé

2. Cadre théorique

2.1 Les partis populistes

Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous allons dans ce travail nous focaliser sur les partis politiques extrémistes populistes français à savoir Le Rassemblement National dirigé à l’extrême droite par Marine Le Pen et La France Insoumise dirigé par le leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon.

Pour cerner la manière dont ces deux partis populistes agissent et interagissent, il est pertinent d’analyser le concept de populisme

Pour ce faire, nous nous sommes penchées de manière approfondie sur deux ouvrages, Nationalisme et populisme en Suisse : la radicalisation de la « nouvelle » UDC d’Oscar Mazzoleni (2008) et Le populisme et la science politique du mirage conceptuel aux vrais problèmes de Pierre-André Taguieff (1997).

Il semble important dans un premier temps de s’intéresser aux définitions rattachées au mot populisme.

D’emblée, nous constatons que le terme populisme est un concept fourre-tout et insaisissable. Suremployé, le mot a souvent une connotation fasciste dans le langage ordinaire selon Taguieff (1997). Il peut également selon l’auteur avoir une signification proche de la démagogie.

Et surtout, le terme populisme est connoté de manière péjorative depuis longtemps et ce bien évidemment en lien avec le contexte socio-politique dans lequel il a évolué en Europe. Le terme permet aujourd’hui d’accoler une « étiquette disqualificatoire » (Taguieff, 1997) à des mouvements politiques ou à des leaders pouvant être perçus comme détestables ou encore redoutables. En Europe, le terme représente souvent le mal et son incarnation, notamment en France avec les mouvements d’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen d’abord puis de sa fille Marine Le Pen.

En effet, Taguieff (1997) dans son ouvrage Le populisme et la science politique du mirage conceptuel aux vrais problèmes s’attèle longuement à définir et « […]

construire le type idéal du national-populisme lepéniste, en tenant compte à la fois du style démagogique du leader, des valeurs exaltées dans le discours orthodoxe et des caractéristiques de la mobilisation populaire réalisée. » (Taguieff, 1997). Cinq caractéristiques principales, qualifiées de types d’appel, sont mises en évidence :

• L’appel politique au peuple : l’autorité charismatique du leader est essentielle.

Il incarne un mouvement social et politique Le leader appelle personnellement le peuple à le suivre à travers un schéma hautement symbolique. L’auteur souligne que le parti populiste doit être « hyperboliquement personnalisé » (Taguieff, 1997). Ce type d’appel va impliquer l’usage de diverses ressources pour permettre cette connexion avec le peuple, notamment celui des ressources médiatiques telles que la télévision.

• L’appel politique au peuple dans son entièreté : l’auteur souligne l’ambition lepéniste d’appeler en son sein le peuple tout entier, sans distinction de classes, de cultures ou d’idéologies. Malgré ce but recherché par le leader d’extrême

droite Jean-Marie Le Pen, nous constatons que son électorat était en majorité constitué par les classes populaires voire prolétaires.

• L’appel au peuple authentique et sain : ce point semble en contradiction avec le deuxième type d’appel qui souligne l’ambition lepéniste d’appeler le peuple dans son entièreté à rejoindre le mouvement populaire en son sein, peu importe la classe, l’origine ou la race. Or, cette troisième caractéristique ambitionne d’appeler le peuple considéré comme sain, authentique et honnête. Le caractère ambivalent et surtout profondément ambigu des leaders nationalistes est souligné car ils jouent avec une manipulation certaine sur les deux sens du mot peuple, c’est-à-dire le peuple tout entier et une partie du peuple considérée comme saine. Le nationaliste est alors vu comme généreux et bon, avec un rejet des élites au bénéfice des classes populaires et défavorisées.

• L’appel à la purification et au trait salvateur de la nation : le mouvement lepéniste joue avec la rupture de l’ordre établi, qui comprend alors corruption, establishment, etc. pour amener à une nouvelle structure politique de type

« populisme autoritaire » (Taguieff, 1997). Les leaders populistes cherchent par ce biais à rompre avec le socialisme et créer un nouveau consensus à travers deux axes : la société de marché et la norme de préférence nationale (Taguieff, 1997). Néanmoins, l’auteur souligne sur ce point certaines contradictions :

« Or, la logique du libéralisme économique intégral est celle de la mondialisation, alors que la logique de la « préférence nationale » est celle du protectionnisme économique : cette tension entre les deux orientations idéologico-politiques du national-populisme autoritaire se traduit par des oscillations, voire des contradictions dans les énoncés programmatiques. Nationalisme ou mondialisation (« mondialisme ») : le dilemme resurgit dans l’espace doctrinal du nouveau populisme ».

(Taguieff, 1997)

• La cinquième caractéristique du mouvement lepéniste est définie par l’ambition du mouvement d’être un populisme autoritaire. En effet, l’auteur souligne l’importance de distinguer le national-populisme lepéniste du populisme bonapartiste (Taguieff, 1997). De fait, il s’agit surtout de mettre en avant le

« principe de préférence nationale » (Taguieff, 1997) afin de justifier le rejet et les discours de haine à l’égard des étrangers par exemple sur le marché de l’emploi. Cette attitude s’accompagne également de la suppression complète de l’Etat providence.

Ces cinq caractéristiques permettent d’appréhender un idéal-type de national-populisme et ainsi d’aborder la typologie de national-populisme. L’auteur mentionne ensuite la théorie de la politologue anglaise Margaret Canovan qui distingue quatre types de populisme politique (Taguieff, 1997) : la dictature populiste, que nous pouvons définir comme le national populaire ; la démocratie populiste, à l’exemple du modèle suisse ; le populisme réactionnaire, qui fait du racisme sa principale arme ; et enfin le populisme des politiciens qui se caractérise par un appel aux rassemblements du peuple au-delà des clivages socio-politiques.

Ce qui ressort des typologies et des définitions du populisme c’est le caractère et la structure polémique du mouvement. Nous l’avons compris, plusieurs types d’idéologies peuvent être qualifiées de populistes par la manière dont les discours sont articulés et les interprétations qui en sont faites. En effet, l’auteur souligne que « le populisme consiste dans la présentation des interpellations populaires-démocratiques comme un ensemble synthétique, en opposition à l’idéologie dominante « (Taguieff, 1997). Le populisme de manière générale, et plus particulièrement le discours populiste, peut donc être l’affaire des oppresseurs ou des oppressés, des classes dominantes ou des classes dominées. Taguieff fait ici appel au politique argentin Ernesto Laclau pour expliquer que l’on « […] en vient ainsi à distinguer un populisme de classes dominantes, lesquelles instrumentalisent selon leurs intérêts (conquérir ou renforcer une hégémonie) l’appel aux masses (ce fut le cas du nazisme), et un populisme de classes dominées, orienté vers le socialisme (certains aspects du maoïsme ou du titisme) » (Taguieff, 1997).

Taguieff (1997) souligne donc très justement l’ambiguïté du populisme :

« D’une part, il [le populisme] fait coexister une dimension protestataire avec une dimension manipulatoire : protestataire en tant que populisme-mouvement, manipulatoire en tant que populisme-propagande (offre démagogique). D’autre part, il articule une dimension solidariste avec une dimension autoritaire : orientation vers la solidarité nationale (de la nation une) en tant que populisme-idéologie, tendance à l’autoritarisme et plus précisément à la dictature de parti unique, en tant que populisme-régime » (Taguieff, 1997).

Il convient dès lors de relever que le populisme a souvent une connotation et une représentation négative puisque le concept apparaît comme foyer pour tous les antis (anticapitaliste, antisémite, anti-impérialiste, etc.) ; le populisme est réduit au complot et au « théorème des forces occultes » (Taguieff, 1997).

Nous comprenons par conséquent qu’il est difficile d’apposer une seule et unique définition ou signification au populisme. Cependant un trait commun aux diverses définitions semble se dégager : les populismes ont en commun la dénonciation des élites et souvent des étrangers. Les mouvements populismes vont quasi systématiquement opposer les pauvres aux riches sur la base de discours souvent démagogiques, et structurés autour de la notion du blâme et de l’éloge, en insistant sur la notion de l’homme honnête et bon (Taguieff, 1997).

Dans son ouvrage Nationalisme et populisme en Suisse : la radicalisation de la

« nouvelle » UDC (2008), Oscar Mazzoleni cite en ce sens l’exemple du populisme suisse représenté par le parti Union Démocratique du Centre (UDC). Il souligne que dans les années 1960 et 1970 le populisme était principalement un régime autoritaire.

Et c’est dans les années 1990 que le populisme apparaît avec la signification que nous avons décrite précédemment. L’UDC s’impose sur la scène nationale dès 1990 à travers un discours contestataire de l’establishment, de rejet et de peur des étrangers et désireux de défendre l’identité nationale ; ces idées apparaissent surtout lorsque des thématiques profondément polarisantes sont abordées, telles que l’immigration (Mazzoleni, 2008).

Nous remarquons par conséquent que les différents types de populisme ont un socle de valeurs et d’idées communes car toutes les théories populistes utilisent des stratégies d’appel au peuple à travers des discours mobilisateurs, symboliques et

faisant appel aux passions. Taguieff (1997) abonde en ce sens en s’appuyant sur la théorie d’Ernesto Laclau qui écrit que « le seul trait partagé par tous les populistes de droite, de gauche et du centre est un style rhétorique qui dépend étroitement des appels au peuple ». C’est sur ce point que l’on reconnaît un politicien populiste. Il va utiliser les appels au peuple comme instrument politique. La définition du populiste est large et elle nous amène à considérer différents types de leaders politiques tels que Mussolini, De Gaulle ou encore Castro ; leur objectif commun est d’organiser le peuple comme « force opposée à une puissance supposée établie » (Taguieff, 1997).

Au vu de ce qui précède, nous comprenons que le populisme est incarné dans diverses définitions, significations et typologies, avec toutefois de nombreux points communs.

Pour résumer ce qui vient d’être dit, mentionnons simplement les différentes significations que Taguieff (1997) applique à la notion de populisme :

• Le populisme-mouvement : ce type de populisme a pour objectif de mobiliser les classes moyennes et populaires, à travers une dimension nationaliste et protestataire ;

• Le populisme-régime : ce populisme est défini par les régimes de type autoritaire, avec à sa tête un leader charismatique qui parle à la « masse » ;

• Le populisme-idéologie : ce type de populisme est principalement marqué par l’idéalisation du peuple en qui réside tout le salut ;

• Le populisme-attitude : le populisme-attitude va surtout rejeter les élites et se baser sur des croyances indépendantes de toutes « visions ou traditions structurées » ;

• Le populisme-rhétorique : le populisme est ici polémique puisque les procédés de mobilisations recourent aux discours de manipulation des masses.

Cette évocation de l’aspect polémique du populisme permet d’élargir le champ des investigations en analysant le concept de communication conflictuelle.

2.2 La communication conflictuelle

La communication semble de prime abord refléter un échange harmonieux entre deux personnes ou plus. En effet, le schéma basique de la communication considère un émetteur, un récepteur et un message entre deux. Les informations sont considérées comme « comprises, admises et partagées » par tous les participants de l’échange (Windisch, 1987). Considérée comme une donnée essentielle, la communication est le « […] moyen qui permet aux individus et aux collectivités de se représenter, d’entrer en relation les uns avec les autres, et d’agir sur le monde » (Sani, 2010). Finalement, nous comprenons que les échanges sont considérés comme non conflictuels et ils sont étudiés comme tels. Mais, comme le souligne Windisch (1987) dans Le K.O verbal : la communication conflictuelle, il est faux de percevoir la société sous cet aspect uniquement, puisque de tout temps la société a dû faire face à divers conflits sociaux. En étudiant la communication conflictuelle, nous ne cherchons pas seulement à considérer les échanges comme une transmission unique d’informations puisque