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L’usage du pathos par les partis populistes lors d’un événement médiatique : Discours prononcés lors de l’« Acte III » des Gilets Jaunes

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

L'usage du pathos par les partis populistes lors d'un événement médiatique : Discours prononcés lors de l'« Acte III » des Gilets

Jaunes

MACHEREL, Alexandra

Abstract

A travers ce travail de recherche, nous souhaitions démontrer l'usage du pathos et de discours de type pathémique en politique, ainsi que l'adoption de positionnements énonciatifs pour les politiciens, et ce dans une stratégie manipulatoire et avec un objectif de captation des voix électorales. Il nous a semblé particulièrement pertinent de relever ces stratégies, mises en place chez les partis populistes. Pour ce faire, nous avons décidé de centrer nos recherches sur la crise sociale des Gilets jaunes en France, et plus particulièrement l'« Acte III ». Nous avons analysé les prises de parole des élus populistes Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dans l'immédiateté de l'événement, sur une chaîne d'information en continu, à savoir BFM TV.

MACHEREL, Alexandra. L'usage du pathos par les partis populistes lors d'un

événement médiatique : Discours prononcés lors de l'« Acte III » des Gilets Jaunes. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:153306

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Mémoire de diplôme

Master en journalisme et communication

L’usage du pathos par les partis populistes lors d’un évènement médiatique

Discours prononcés lors de l’« Acte III » des Gilets jaunes

©DR

Alexandra Macherel N° étudiant : 14-314-538

Sous la direction du professeur Patrick Amey Mai 2021

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Remerciements

Je souhaite en premier lieu remercier le professeur Patrick Amey qui m’a accompagnée tout au long de ce travail de recherche. Je le remercie pour ces précieux conseils, ses apports théoriques et littéraires et le soutien qu’il m’a témoigné pendant l’élaboration de ce travail.

Je souhaite également remercier Mme Dominique Torrione-Vouilloz qui a pris le temps et le soin de relire avec minutie ce travail et de me fournir également ces précieux conseils notamment au niveau de la rédaction.

Enfin, je remercie mon compagnon, ma famille et mes amis, qui m’ont soutenue tout au long de ma formation universitaire et de ce travail de recherche. Leurs encouragements et leur soutien m’ont été plus que précieux.

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Table des matières

1. Introduction ... 5

2. Cadre théorique ... 7

2.1 Les partis populistes ... 7

2.2 La communication conflictuelle ... 10

2.3 L’événement médiatique et la crise ... 13

2.4 Le concept de légitimité ... 19

2.5 Le positionnement énonciatif ... 24

2.6 Le Pathos ... 30

3. Problématique et hypothèses ... 35

3.1 Problématique ... 35

3.2 Hypothèses ... 36

4. Méthodologie ... 37

4.1 Choix de la méthode ... 37

4.2 Grille d’analyse ... 41

4.2.1 Stratégie de pathémisation ... 43

4.2.2 Positionnement énonciatif ... 45

4.2.3 Partis populistes ... 45

4.2.4 Communication conflictuelle ... 46

4.2.5 Légitimité ... 46

4.3 Choix du médium ... 47

4.4 Choix des personnalités politiques ... 51

4.5 Choix des vidéos ... 53

4.6 Analyse des vidéos ... 54

5. Transcriptions et résultats ... 56

5.1 Prises de paroles courtes ... 56

5.1.1 Prise de parole de Jean-Luc Mélenchon le vendredi 30 novembre 2018 ... 56

5.1.2 Prise de parole de Marine Le Pen le 1er décembre 2018 ... 64

5.1.3 Prise de parole de Jean-Luc Mélenchon le 1er décembre 2018 ... 67

5.1.4 Prise de parole de Marine Le Pen le 2 décembre 2018 ... 75

5.2 Longues interviews ... 77

5.2.1 Prise de parole de Jean-Luc Mélenchon, le 2 décembre 2018 ... 77

5.2.2 Prise de parole de Marine Le Pen le 26 novembre 2018 ... 100

6. Analyse des résultats et discussion ... 118

6.1 Analyse des résultats – Jean-Luc Mélenchon ... 118

6.1.1 Stratégie de pathémisation ... 118

6.1.2 Positionnement énonciatif ... 119

(5)

6.1.3 Partis populistes ... 120

6.1.4 Communication conflictuelle ... 120

6.1.5 Légitimité ... 120

6.2 Analyse des résultats – Marine Le Pen ... 121

6.2.1 Stratégie de pathémisation ... 121

6.2.2 Positionnement énonciatif ... 121

6.2.3 Partis populistes ... 122

6.2.4 Communication conflictuelle ... 122

6.2.5 Légitimité ... 122

6.3 Analyse comparative et discussion ... 123

6.3.1 Stratégie de pathémisation ... 123

6.3.2 Positionnement énonciatif ... 124

6.3.3 Partis populistes ... 124

6.3.4 Communication conflictuelle ... 125

6.3.5 Légitimité ... 125

6.3.6 Réponses à nos hypothèses ... 126

7. Limitation et critiques ... 127

8. Conclusion ... 129

9. Références ... 131

Toute désignation de personne, de statut ou de fonction s’entend indifféremment au féminin et au masculin.

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Liste des figures

Figure 1 : Tableau des instances de prises en charge (Rabatel, 2012) ... 26

Figure 2 : Graphique de Russel & Feldman Barrett (1999) ... 44

Figure 3 : Graphique indiquant le nombre de sujets relatifs aux Gilets Jaunes à la TV ... 49

Figure 4 : Graphique du classement des personnalités ayant fait le plus d’apparitions TV ... 50

Liste des tableaux

Tableau 1 : Grille d’analyse ... 43

Tableau 2 : Synthèse des prises de paroles ... 54

Tableau 3 : Grille de retranscription ... 55

Tableau 4 : Grille de retranscription : Jean-Luc Mélenchon – 30 novembre 2018 ... 62

Tableau 5 : Grille de retranscription : Marine Le Pen – 1er décembre 2018 ... 66

Tableau 6 : Grille de retranscription : Jean-Luc Mélenchon – 1er décembre 2018 ... 72

Tableau 7 : Grille de retranscription : Marine Le Pen – 2 décembre 2018 ... 76

Tableau 8 : Grille de retranscription : Jean-Luc Mélenchon – 2 décembre 2018 ... 94

Tableau 9 : Grille de retranscription : Marine Le Pen – 26 novembre 2018 ... 112

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1. Introduction

Ce travail de recherche souhaite démontrer l’usage du pathos et du discours de type pathémique en politique et l’adoption de positionnements énonciatifs par les politiciens, dans une stratégie manipulatoire de captation de voix électorales.

Pour ce faire, nous avons décidé de centrer nos recherches sur la crise sociale des Gilets Jaunes en France. Revenons un court instant sur le contexte de ce mouvement de contestation.

Apparu dès l’automne 2018, ce mouvement contestataire, social et populaire a été spontané. Des appels ont été relayés sur les réseaux sociaux afin d’inviter le peuple français à manifester contre l’augmentation du prix des carburants issue d’une taxe nationale. Des manifestations ont éclaté partout en France et ce principalement les samedis, en réaction aux décisions du gouvernement, dirigé par le président Emmanuel Macron. Les revendications se sont étendues à d’autres thématiques à caractère social et les manifestations ont pris un caractère de plus en plus violent et des heurts ont éclaté, ce fut notamment le cas à Paris. De fait, et pendant plusieurs samedis consécutifs, Paris a été le terrain de violents affrontements entre policiers et manifestants, avec de surcroît des dégradations de mobiliers et de célèbres monuments de la capitale. Ce fut notamment le cas le samedi 1er décembre 2018, lors du fameux « Acte III » des Gilets Jaunes, où quelque 75’000 personnes ont participé à la manifestation faisant plus de 100 blessés et 287 interpellations (Le Parisien, 2018).

Médias et politiciens se sont emparés de cette crise. D’une part, les médias ont couvert largement ces manifestations en les feuilletonnant pour les transformer en événement médiatique. La couverture médiatique, notamment avec les chaînes d’information en continu, a maintenu les téléspectateurs en haleine. D’autre part, les politiciens de tous bords, mais surtout les « anti-Macron » ont profité de ces événements pour rentrer dans la brèche, adapter leurs discours critiques en fonction des manifestations et in fine capter des voix. Cette récupération politique a été facilitée par les médias qui ont permis aux politiciens de s’exprimer sur les événements en cours, la plupart du temps en direct sur les chaînes de télévision.

Cette articulation entre médias et politiques et surtout l’usage des médias par les politiques leur ont permis de mettre en place leurs stratégies dans le but de décrédibiliser le gouvernement en place et ce au profit de leurs propres partis.

Comme nous l’évoquerons tout au long du travail, nous nous sommes surtout intéressés aux techniques que choisissent ces personnalités politiques et plus particulièrement l’usage du pathos et des positionnements énonciatifs.

Pourquoi ce choix de la problématique du pathos en politique ? Parce que ce sont deux notions qui semblent de prime abord antinomiques voire oxymoriques, peu enclines à être reliées selon nos conceptions préétablies : dans l’imaginaire collectif, le politicien est une figure rationnelle, logique et peu perméable aux émotions qui sont de l’ordre des passions et de l’irrationnel. Cependant nous pouvons avoir une vision plus nuancée et voir dans l’utilisation politique des émotions une stratégie de manipulation de l’audience. Les émotions sont de l’ordre de l’agréable ou du désagréable. L’usage du pathos va donc produire une réaction du citoyen. Par le discours, nous pouvons susciter toute une gamme d’émotions dont celles qui font agir ou à l’inverse qui paralysent, et les politiques l’ont bien compris. Ils ont à leur

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disposition tout un panel de techniques stratégiques manipulatoires oratoires et/ou gestuelles.

Il nous apparaît donc pertinent de nous intéresser à ces multiples techniques usitées dans les discours politiques, et ce bien entendu à des fins stratégiques.

Pour ce faire nous avons décidé de nous pencher sur les « samedis noirs » des Gilets Jaunes et particulièrement sur l’« Acte III » du 1er décembre 2018 à Paris. Nous nous sommes dès lors intéressés aux prises de positions des personnalités politiques sur les chaînes françaises d’informations en continu. Afin de concentrer notre travail et notre cadre d’analyse, nous avons pris en compte uniquement les discours prononcés sur la chaîne française BFM TV. De plus, nous nous sommes centrés uniquement sur les discours des partis populistes extrémistes français, à savoir La France Insoumise, présidé par Jean-Luc Mélenchon, et le Rassemblement National, dont la leader est Marine Le Pen.

Pour effectuer ce travail de recherche, nous avons construit notre analyse comme suit : après avoir défini la problématique et les hypothèses de recherche, nous nous sommes appuyés sur de solides apports théoriques pour orienter nos propos (recherche sur les partis populistes, la communication conflictuelle, les médias, le pathos, le concept de légitimité et le positionnement énonciatif).

Nous avons ensuite axé notre étude sur les discours prononcés, dans l’immédiateté de l’événement médiatique, par les deux élus populistes lors de leurs interventions sur BFM TV le samedi 1er décembre 2018 et les jours aux alentours en procédant à une analyse fine des champs lexicaux, de la linguistique de l’énonciation qui ont construit les prises de paroles des élus. Les stratégies d’activation du pathos, afin de remettre en cause la légitimité du pouvoir en place, ont été analysées dans un cadre pathémique pour confirmer ou infirmer nos hypothèses.

Plusieurs raisons ont motivé ce choix de recherche : un attrait certain pour la politique ; la curiosité de comprendre quelles sont les stratégies manipulatoires qui font naître le pathos en politique et leur fonctionnement ; et enfin l’intérêt pour l’analyse du discours qui permet in fine d’allier la passion de la politique à celle de la linguistique.

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2. Cadre théorique

2.1 Les partis populistes

Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous allons dans ce travail nous focaliser sur les partis politiques extrémistes populistes français à savoir Le Rassemblement National dirigé à l’extrême droite par Marine Le Pen et La France Insoumise dirigé par le leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon.

Pour cerner la manière dont ces deux partis populistes agissent et interagissent, il est pertinent d’analyser le concept de populisme

Pour ce faire, nous nous sommes penchées de manière approfondie sur deux ouvrages, Nationalisme et populisme en Suisse : la radicalisation de la « nouvelle » UDC d’Oscar Mazzoleni (2008) et Le populisme et la science politique du mirage conceptuel aux vrais problèmes de Pierre-André Taguieff (1997).

Il semble important dans un premier temps de s’intéresser aux définitions rattachées au mot populisme.

D’emblée, nous constatons que le terme populisme est un concept fourre-tout et insaisissable. Suremployé, le mot a souvent une connotation fasciste dans le langage ordinaire selon Taguieff (1997). Il peut également selon l’auteur avoir une signification proche de la démagogie.

Et surtout, le terme populisme est connoté de manière péjorative depuis longtemps et ce bien évidemment en lien avec le contexte socio-politique dans lequel il a évolué en Europe. Le terme permet aujourd’hui d’accoler une « étiquette disqualificatoire » (Taguieff, 1997) à des mouvements politiques ou à des leaders pouvant être perçus comme détestables ou encore redoutables. En Europe, le terme représente souvent le mal et son incarnation, notamment en France avec les mouvements d’extrême- droite de Jean-Marie Le Pen d’abord puis de sa fille Marine Le Pen.

En effet, Taguieff (1997) dans son ouvrage Le populisme et la science politique du mirage conceptuel aux vrais problèmes s’attèle longuement à définir et « […]

construire le type idéal du national-populisme lepéniste, en tenant compte à la fois du style démagogique du leader, des valeurs exaltées dans le discours orthodoxe et des caractéristiques de la mobilisation populaire réalisée. » (Taguieff, 1997). Cinq caractéristiques principales, qualifiées de types d’appel, sont mises en évidence :

• L’appel politique au peuple : l’autorité charismatique du leader est essentielle.

Il incarne un mouvement social et politique Le leader appelle personnellement le peuple à le suivre à travers un schéma hautement symbolique. L’auteur souligne que le parti populiste doit être « hyperboliquement personnalisé » (Taguieff, 1997). Ce type d’appel va impliquer l’usage de diverses ressources pour permettre cette connexion avec le peuple, notamment celui des ressources médiatiques telles que la télévision.

• L’appel politique au peuple dans son entièreté : l’auteur souligne l’ambition lepéniste d’appeler en son sein le peuple tout entier, sans distinction de classes, de cultures ou d’idéologies. Malgré ce but recherché par le leader d’extrême

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droite Jean-Marie Le Pen, nous constatons que son électorat était en majorité constitué par les classes populaires voire prolétaires.

• L’appel au peuple authentique et sain : ce point semble en contradiction avec le deuxième type d’appel qui souligne l’ambition lepéniste d’appeler le peuple dans son entièreté à rejoindre le mouvement populaire en son sein, peu importe la classe, l’origine ou la race. Or, cette troisième caractéristique ambitionne d’appeler le peuple considéré comme sain, authentique et honnête. Le caractère ambivalent et surtout profondément ambigu des leaders nationalistes est souligné car ils jouent avec une manipulation certaine sur les deux sens du mot peuple, c’est-à-dire le peuple tout entier et une partie du peuple considérée comme saine. Le nationaliste est alors vu comme généreux et bon, avec un rejet des élites au bénéfice des classes populaires et défavorisées.

• L’appel à la purification et au trait salvateur de la nation : le mouvement lepéniste joue avec la rupture de l’ordre établi, qui comprend alors corruption, establishment, etc. pour amener à une nouvelle structure politique de type

« populisme autoritaire » (Taguieff, 1997). Les leaders populistes cherchent par ce biais à rompre avec le socialisme et créer un nouveau consensus à travers deux axes : la société de marché et la norme de préférence nationale (Taguieff, 1997). Néanmoins, l’auteur souligne sur ce point certaines contradictions :

« Or, la logique du libéralisme économique intégral est celle de la mondialisation, alors que la logique de la « préférence nationale » est celle du protectionnisme économique : cette tension entre les deux orientations idéologico-politiques du national-populisme autoritaire se traduit par des oscillations, voire des contradictions dans les énoncés programmatiques. Nationalisme ou mondialisation (« mondialisme ») : le dilemme resurgit dans l’espace doctrinal du nouveau populisme ».

(Taguieff, 1997)

• La cinquième caractéristique du mouvement lepéniste est définie par l’ambition du mouvement d’être un populisme autoritaire. En effet, l’auteur souligne l’importance de distinguer le national-populisme lepéniste du populisme bonapartiste (Taguieff, 1997). De fait, il s’agit surtout de mettre en avant le

« principe de préférence nationale » (Taguieff, 1997) afin de justifier le rejet et les discours de haine à l’égard des étrangers par exemple sur le marché de l’emploi. Cette attitude s’accompagne également de la suppression complète de l’Etat providence.

Ces cinq caractéristiques permettent d’appréhender un idéal-type de national- populisme et ainsi d’aborder la typologie de populisme. L’auteur mentionne ensuite la théorie de la politologue anglaise Margaret Canovan qui distingue quatre types de populisme politique (Taguieff, 1997) : la dictature populiste, que nous pouvons définir comme le national populaire ; la démocratie populiste, à l’exemple du modèle suisse ; le populisme réactionnaire, qui fait du racisme sa principale arme ; et enfin le populisme des politiciens qui se caractérise par un appel aux rassemblements du peuple au-delà des clivages socio-politiques.

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Ce qui ressort des typologies et des définitions du populisme c’est le caractère et la structure polémique du mouvement. Nous l’avons compris, plusieurs types d’idéologies peuvent être qualifiées de populistes par la manière dont les discours sont articulés et les interprétations qui en sont faites. En effet, l’auteur souligne que « le populisme consiste dans la présentation des interpellations populaires-démocratiques comme un ensemble synthétique, en opposition à l’idéologie dominante « (Taguieff, 1997). Le populisme de manière générale, et plus particulièrement le discours populiste, peut donc être l’affaire des oppresseurs ou des oppressés, des classes dominantes ou des classes dominées. Taguieff fait ici appel au politique argentin Ernesto Laclau pour expliquer que l’on « […] en vient ainsi à distinguer un populisme de classes dominantes, lesquelles instrumentalisent selon leurs intérêts (conquérir ou renforcer une hégémonie) l’appel aux masses (ce fut le cas du nazisme), et un populisme de classes dominées, orienté vers le socialisme (certains aspects du maoïsme ou du titisme) » (Taguieff, 1997).

Taguieff (1997) souligne donc très justement l’ambiguïté du populisme :

« D’une part, il [le populisme] fait coexister une dimension protestataire avec une dimension manipulatoire : protestataire en tant que populisme-mouvement, manipulatoire en tant que populisme-propagande (offre démagogique). D’autre part, il articule une dimension solidariste avec une dimension autoritaire : orientation vers la solidarité nationale (de la nation une) en tant que populisme- idéologie, tendance à l’autoritarisme et plus précisément à la dictature de parti unique, en tant que populisme-régime » (Taguieff, 1997).

Il convient dès lors de relever que le populisme a souvent une connotation et une représentation négative puisque le concept apparaît comme foyer pour tous les antis (anticapitaliste, antisémite, anti-impérialiste, etc.) ; le populisme est réduit au complot et au « théorème des forces occultes » (Taguieff, 1997).

Nous comprenons par conséquent qu’il est difficile d’apposer une seule et unique définition ou signification au populisme. Cependant un trait commun aux diverses définitions semble se dégager : les populismes ont en commun la dénonciation des élites et souvent des étrangers. Les mouvements populismes vont quasi systématiquement opposer les pauvres aux riches sur la base de discours souvent démagogiques, et structurés autour de la notion du blâme et de l’éloge, en insistant sur la notion de l’homme honnête et bon (Taguieff, 1997).

Dans son ouvrage Nationalisme et populisme en Suisse : la radicalisation de la

« nouvelle » UDC (2008), Oscar Mazzoleni cite en ce sens l’exemple du populisme suisse représenté par le parti Union Démocratique du Centre (UDC). Il souligne que dans les années 1960 et 1970 le populisme était principalement un régime autoritaire.

Et c’est dans les années 1990 que le populisme apparaît avec la signification que nous avons décrite précédemment. L’UDC s’impose sur la scène nationale dès 1990 à travers un discours contestataire de l’establishment, de rejet et de peur des étrangers et désireux de défendre l’identité nationale ; ces idées apparaissent surtout lorsque des thématiques profondément polarisantes sont abordées, telles que l’immigration (Mazzoleni, 2008).

Nous remarquons par conséquent que les différents types de populisme ont un socle de valeurs et d’idées communes car toutes les théories populistes utilisent des stratégies d’appel au peuple à travers des discours mobilisateurs, symboliques et

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faisant appel aux passions. Taguieff (1997) abonde en ce sens en s’appuyant sur la théorie d’Ernesto Laclau qui écrit que « le seul trait partagé par tous les populistes de droite, de gauche et du centre est un style rhétorique qui dépend étroitement des appels au peuple ». C’est sur ce point que l’on reconnaît un politicien populiste. Il va utiliser les appels au peuple comme instrument politique. La définition du populiste est large et elle nous amène à considérer différents types de leaders politiques tels que Mussolini, De Gaulle ou encore Castro ; leur objectif commun est d’organiser le peuple comme « force opposée à une puissance supposée établie » (Taguieff, 1997).

Au vu de ce qui précède, nous comprenons que le populisme est incarné dans diverses définitions, significations et typologies, avec toutefois de nombreux points communs.

Pour résumer ce qui vient d’être dit, mentionnons simplement les différentes significations que Taguieff (1997) applique à la notion de populisme :

• Le populisme-mouvement : ce type de populisme a pour objectif de mobiliser les classes moyennes et populaires, à travers une dimension nationaliste et protestataire ;

• Le populisme-régime : ce populisme est défini par les régimes de type autoritaire, avec à sa tête un leader charismatique qui parle à la « masse » ;

• Le populisme-idéologie : ce type de populisme est principalement marqué par l’idéalisation du peuple en qui réside tout le salut ;

• Le populisme-attitude : le populisme-attitude va surtout rejeter les élites et se baser sur des croyances indépendantes de toutes « visions ou traditions structurées » ;

• Le populisme-rhétorique : le populisme est ici polémique puisque les procédés de mobilisations recourent aux discours de manipulation des masses.

Cette évocation de l’aspect polémique du populisme permet d’élargir le champ des investigations en analysant le concept de communication conflictuelle.

2.2 La communication conflictuelle

La communication semble de prime abord refléter un échange harmonieux entre deux personnes ou plus. En effet, le schéma basique de la communication considère un émetteur, un récepteur et un message entre deux. Les informations sont considérées comme « comprises, admises et partagées » par tous les participants de l’échange (Windisch, 1987). Considérée comme une donnée essentielle, la communication est le « […] moyen qui permet aux individus et aux collectivités de se représenter, d’entrer en relation les uns avec les autres, et d’agir sur le monde » (Sani, 2010). Finalement, nous comprenons que les échanges sont considérés comme non conflictuels et ils sont étudiés comme tels. Mais, comme le souligne Windisch (1987) dans Le K.O verbal : la communication conflictuelle, il est faux de percevoir la société sous cet aspect uniquement, puisque de tout temps la société a dû faire face à divers conflits sociaux. En étudiant la communication conflictuelle, nous ne cherchons pas seulement à considérer les échanges comme une transmission unique d’informations puisque

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d’autres « fonctions sociales » (Windisch, 1987) vont prendre le pas, par exemple dominer, ou se distinguer. Comme le souligne l’auteur : « […] la prise de parole peut servir à lutter, à combattre, à vaincre, à résister, à se révolter » (Windisch, 1987).

Amossy (2014) dans Apologie de la polémique aborde la notion de dissensus au sein de la société qui engendre l’impossibilité de trouver une opinion commune. Et cette divergence menace le bon fonctionnement de la démocratie. Elle oppose cette notion à la rhétorique d’Aristote qui se définit comme « l’art de négocier les différences pour arriver à un accord » (Amossy, 2014). L’auteure explique :

« […] la rhétorique pose la nécessité de trouver à travers l’échange verbal, une réponse commune qui permette de dépasser les différends et de parvenir à la décision et l’action collectives. C’est précisément dans cette recherche de l’accord qu’intervient la délibération, qui se concrétise dans le discours et le débat politique, en prenant politique au sens large : tout ce qui concerne les affaires publiques et le bien de la communauté. »

(Amossy, 2014) Nous voyons par conséquent que le discours polémique est partie prenante de l’argumentation, la polémique est un des « […] pôles de l’activité argumentative » (Amossy & Burger, 2011).

Dans cette perspective, le débat s’inscrit comme une joute verbale qui permet de parvenir in fine à un consensus au sein de la communauté. Amossy (2014) souligne toutefois que cette vision utopique n’est aujourd’hui plus possible. Il s’agit dès lors de reconsidérer la « rhétorique du dissensus » et notamment le discours polémique.

Pour l’auteure, il y a polémique dans le discours dès le moment où nous pouvons percevoir des « émotions violentes de l’ordre de la colère et de l’indignation » (Amossy, 2014). Nous sommes alors face à une dégradation des échanges entre l’émetteur et le récepteur ; le but n’est plus la manière dont nous allons débattre mais plutôt le but que l’on cherche à atteindre ; c’est la « fin qui justifie les moyens » (Amossy, 2014).

La persuasion ne semble pas être l’unique but du discours polémique. Amossy &

Burger dans Introduction : la polémique médiatisée (2011) mentionnent la possibilité que la polémique « […] délibérément ou non, celle-ci remplirait aussi dans l’espace social d’autres missions, dont l’importance ne le cèderait en rien à l’adhésion des esprits ».

Il semble en effet que le dissensus ne soit pas le seul effet recherché mais qu’il puisse y avoir d’autres missions ou buts tels qu’un « […] partage de la parole susceptible d’assurer une coexistence dans le désaccord » ou encore la possibilité d’un « vivre ensemble » malgré les conflits et les possibles divisions et tensions au sein de la société (Amossy, 2011).

Il faut toutefois souligner que le discours polémique va la plupart du temps s’affirmer sur un court laps de temps, en réponse à une situation donnée.

Pour Sani (2010), le discours conflictuel s’articule surtout en disqualifiant l’autre via une « adroite distorsion du message » (Sani, 2010). Le discours conflictuel est perçu comme un contre-discours puisqu’il s’agit avant tout de « […] reprendre le discours de l’autre pour le réfuter en le disqualifiant » (Sani, 2010).

Cette disqualification de l’autre se met en place par diverses stratégies linguistiques.

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Comme nous l’avons souligné, l’objet le plus important du discours conflictuel est l’adversaire. Il s’agit avant tout de le discréditer, en parlant de lui de manière négative, en rejetant avec fermeté ses propos et en usant d’adjectifs dévaluatifs (Windisch, 1987). Comme le souligne Amossy (2014) : « […] chacune des parties se réapproprie le discours de l’autre en l’intégrant par inversion dans son système propre : « Quand on cite le discours de l’adversaire, c’est pour en faire le négatif de son propre discours ».

Kerbrat-Orrecchioni dans L’énonciation : De la subjectivité dans le langage (2009), parle des « subjectivèmes affectifs et évaluatifs » qui rendent un discours subjectif par l’utilisation de substantifs pouvant être des termes péjoratifs, des verbes ou adverbes subjectifs. L’usage de ces termes permettant dès lors de disqualifier ou de rabaisser l’autre.

Les échanges polémiques sont donc argumentés et mis en place à travers de multiples procédés rhétoriques et argumentatifs (Amossy, 2011), comme « […] la dichotomisation, la polarisation et la disqualification de l’autre » (Amossy, 2014). Cette polarisation permet entre autres, l’opposition d’un « nous » face à un « ils ». Elle insinue dès lors qu’il existe un ennemi commun à la communauté même. Au sujet de la dichotomisation, l’auteure précise :

« On ne s’étonne donc pas de voir que l’exacerbation des oppositions (la dichotomisation) se concrétise sur le terrain par une division en groupes antagonistes où chacun pose son identité sociale en s’opposant, et en faisant de l’autre le symbole de l’erreur et du mal ».

(Amossy, 2014) In fine, nous comprenons que le débat est polémique dans le sens où il est conflictuel et basé sur des rapports de force, mais cela passe surtout – et les auteurs sont sur ce point unanimes – par la disqualification de l’adversaire. Nous retrouvons à foison dans ce type de discours des arguments ad hominem (Amossy, 2014). L’autre est représenté comme le mal absolu, le diable en personne. Comme le souligne Amossy (2014), la diabolisation est « […] une forme poussée à l’outrance de la polarisation » et ce type d’attaque « […] déshumanise et appelle à l’éviction radicale du fléau […] ».

Ces stratégies argumentatives sont complétées par diverses techniques rhétoriques telles que le discours rapporté direct ou indirect, le démasquage, le masquage, la concession, l’ironie ou encore la représentation fantasmatique de l’autre (Windisch, 1987).

Nous retrouvons également comme stratégie argumentative la reformulation, qui permet alors de transformer la perspective énonciative d’une phrase et de remettre en question l’objet de cette phrase en proposant une toute nouvelle lecture. Cela peut notamment se traduire par le « […] changement lexical, l’intonation exclamative, [ou]

le changement de locuteur » (Steuckardt, 2007).

Relevons encore qu’un parallèle peut être établi entre la communication conflictuelle (et donc le discours polémique) et le pathos. En effet, Amossy (2014) souligne que la polémique peut s’articuler comme une stratégie pour faire naître les passions et les affects de l’auditoire. Pour l’auteure, « […] la présence d’une vive émotion suffit pour qu’on parle de polémique ». Kerbrat-Orrechioni (2009) la rejoint sur ce point puisque selon elle la polémique s’inscrit continuellement « […] dans un contexte de violence et

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passion ». On retrouverait dès lors la vision manipulatoire du pathos dans le discours polémique. En ce sens, le pathos ne serait pas indispensable à la polémique mais il la renforcerait notamment par les visées manipulatoires de l’autre et de l’auditoire (Amossy, 2014). Ce procédé s’inscrit également dans une visée de séduction du public-témoin, en mettant de fait l’adversaire dans une position gênante (Sani, 2010).

Les discours polémiques, nous l’avons vu, vont surtout se retrouver au sein des débats et bien évidemment dans tout débat politique. Ils occupent une place prépondérante sur cette scène et avec l’aide savamment orchestrée des médias ; nous sommes dans une « société du spectacle » (Amossy, 2014). Nous remarquons dès lors la notion fondamentale d’espace public dans la communication conflictuelle. C’est dans cet espace que vont se déployer les « […] débats houleux sur des questions controversées d’intérêt général » (Amossy, 2014). Finalement, la polémique gère les conflits à travers des débats contradictoires tout en évitant le recours à la violence physique : « Elle remplit de ce fait des fonctions importantes qui vont de la possibilité de la confrontation publique au sein de tensions et de conflits insolubles, à la formation de communautés de protestation et d’actions publiques » (Amossy, 2014).

Cela est d’autant plus évident dans le domaine politique qui permet des jeux de positionnements et traduit les rivalités (Amossy, 2014). Dans cette perspective, les arguments de type ad hominem vont sans autre être utilisés à ces fins. Il s’agit pour l’homme politique d’assurer son positionnement et le langage le lui permet, notamment en raison de son capital initial (Sani, 2010). L’usage de la communication conflictuelle pour les politiciens leur permet de « […] combattre les idées de l’autre, faire triompher sa propre idéologie par l’adhésion des électeurs, faire partager les enjeux discutés » (Sani, 2010).

Finalement, le discours polémique devient une stratégie quasi indispensable pour tout politicien car, comme le souligne Sani (2010), c’est un « instrument d’influence sur les électeurs ».

2.3 L’événement médiatique et la crise

Il convient avant toute chose de définir la notion même d’événement de manière générale et de l’événement médiatique en particulier. L’événement apparaît comme une rupture des « activités routinières du quotidien » (Sini, 2015). Il introduit une discontinuité dans le cours actuel des choses ; comme le souligne Sini dans Evénements, discours, médias : réflexions à partir de quelques travaux récents (2015), l’événement induit nécessairement un aspect nouveau et inédit. Il souligne : « Quand un événement s’est produit, quelle qu’en soit l’importance, le monde n’est plus tout à fait le même : les choses ont changé » (Sini, 2015). Nous comprenons donc l’aspect disruptif de l’événement avec le quotidien ou le monde d’avant ; il y a un avant et un après l’événement.

Il faut également relever l’imprévisibilité et le côté inattendu des événements. Cela rejoint la discontinuité de ces derniers. Sini (2015) relève également la connexité avec les événements antérieurs :

« […] c’est l’événement qui fait comprendre son passé et son contexte conformément à la nouveauté qu’il fait surgir. C’est en cela que consiste son pouvoir de révélation et de dévoilement : il manifeste quelque chose de son propre passé et de son propre contexte qui, sans lui, serait resté invisible. […]

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l’événement n’est pas seulement une cible à comprendre, par la contextualisation et par la reconstruction de l’enchaînement causal qui y a conduit ; il est aussi une source de compréhension. »

Sini (2015) Sini (2015) traîte un événement x ou y comme un fait dans le temps avec des limites spatiales et temporelles, et lui donne un sens à la lumière de nos constructions sociales et/ou politiques. L’événement, comme nous l’avons vu, modifie de manière abrupte le cours du temps, imprègne notre mémoire sociale, politique et historique.

L’événement permet de comprendre l’actualité à laquelle nous devons faire face et en retour de comprendre l’événement en lui-même (Garcin-Marou, 1996). Comme le souligne Garcin-Marou dans L’événement dans l’information sur l’Irlande du Nord (1996), la définition de l’événement « […] articule les dimensions du passé, du présent et du futur ».

Pour qu’un fait se transforme en un événement, il faut de surcroît qu’une « dynamique événementielle » soit déclenchée (Sini, 2015). Ce processus d’événementialisation permet la construction de l’identité de l’événement, en relation avec nos « prérequis » sociaux, politiques ou historiques. Molotch & Lester (1996) soulignent la définition de l’événement comme un « objet du monde social ».

Toutefois, et il nous semble important de le relever, ce qui donne sa force à l’événement, notamment dans son lien avec l’actualité, c’est sans conteste l’apport médiatique qui l’entoure. En effet un événement est avant tout un événement médiatique.

Du point de vue des médias, un événement se définit par deux caractéristiques : la rupture avec l’ordinaire et le retentissement (Arquembourg, 2003). L’événement a quelque chose d’extraordinaire ; cette rupture avec la banalité du quotidien capte l’attention du public et le traitement médiatique de l’événement amplifie cette captation.

Arquembourg dans Le temps des événements médiatiques (2003) souligne la construction d’une expérience publique à travers l’événement médiatique. Les médias captent les événements sans généralement les dénaturer et ou les transformer. Cette conception naturaliste des événements par les médias est intrinsèquement liée à la diffusion en direct et en continu de l’information sur les chaînes comme CNN ou BFM TV. L’auteur mentionne que l’apparition des événements en direct date du couronnement de la reine Élisabeth II le 2 juin 1953 qui fut retransmis par les chaînes télévisées du monde entier.

Cette retransmission marque un tournant important : à partir de 1953, les médias vont pouvoir se réapproprier les événements et construire une trame narrative autour de ces derniers ; nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Aujourd’hui les événements médiatiques ne sont plus forcément des événements historiques, comme ce fut le cas par exemple pour le couronnement de la reine d’Angleterre. Cela s’explique notamment par la « prolifération des canaux d’informations » (Sini, 2015).

En reprenant les mots de Nora (1972), Sini (2015) souligne que « Au XXe siècle, les médias fabriquent des « événements monstrueux » en attribuant « au discours, à la déclaration, à la conférence de presse, la solennelle efficacité du geste irréversible ».

Nous comprenons dès lors le rôle fondamental des médias dans la construction d’un événement, et par extension, d’un événement médiatique. Ils alimentent constamment une « faim d’événements » (Neveu & Quéré, 1996). Les médias ne créent pas

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artificiellement des événements mais ils sont continuellement à l’affût du moindre fait qui pourrait potentiellement se transformer en événement. Ces faits, pour devenir événements, doivent être connus et cette connaissance ne peut se faire sans les médias. Nous comprenons dès lors l’articulation et le lien fondamental si ce n’est obligatoire entre événements et médias. Finalement, il n’y a pas d’événements s’il n’y a pas de médias pour les narrer.

Nous l’avons compris, les médias ont donc un rôle essentiel dans la construction des événements ; ils vont les mettre en forme et en scène ; cela passe donc par une construction d’événements publics correspondant aux « produits ou résultats des activités, des pratiques routinières et des stratégies d’acteurs sociaux ». (Neveu &

Quéré, 1996).

L’événement se mesure notamment à sa valeur. Sa newsworthiness lui permet un certain traitement médiatique, dans une logique d’agenda ou de stratégies concurrentielles de diffusion. Nous comprenons donc qu’un fait se construit, est travaillé et élaboré médiatiquement pour devenir pleinement un événement.

Molotch & Lester dans Informer : une conduite délibérée de l’usage stratégique des événements (1996) ont élaboré un processus propre à l’avènement d’un événement médiatique : quatre types d’acteurs vont intervenir de manière consécutive dans ce processus :

L’effecteur de fait : il est responsable de l’occurrence ; c’est celui qui agit ou profère quelque chose. En ce sens, il « lance » l’événement ;

Le promoteur de l’événement : il a un rôle d’identificateur et de mise en visibilité d’une occurrence ; il fait reconnaître et sensibiliser l’occurrence. Soulignons que le promoteur et l’effecteur peuvent être une seule et même personne, mais cela n’est pas nécessairement le cas ;

Les assembleurs d’informations : ils interviennent après le promoteur puisqu’ils utilisent les informations fournies par le promoteur pour les assembler et les transformer en un événement public. Cela s’effectue en plusieurs étapes : la vérification des faits, leur sélection et leur catégorisation. Ce dernier point est essentiel car les événements vont être catégorisés dans des familles d’événements (par exemple fait divers ou catastrophe naturelle) ;

Les consommateurs d’informations : ils arrivent en bout de chaîne puisque ce sont eux qui accèdent à l’information comme produit fini.

Les médias sont donc le socle, si ce n’est fondateur, du moins amplificateur d’un événement.

De nombreux auteurs se sont penchés sur le traitement médiatique des événements et ce notamment en élaborant une typologie et une classification des événements.

Penchons-nous sur les théories de Molotch & Lester (1996), Coman (1996) et Arquembourg (1996).

Dans la continuité du processus de création d’un événement, Molotch & Lester (1996) ont établi un modèle regroupant une typologie des événements :

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L’événement de routine : il se caractérise par une pratique habituelle intégrée dans un processus ; il y a une intentionnalité dans l’événement de routine qui suppose une initiative de la part de l’effecteur qui est également le promoteur.

Il s’agit également de distinguer trois types d’événements de routine, à savoir : les événements de routine dont les promoteurs ont un accès habituel à l’espace public grâce à un pouvoir certain ou un fort capital symbolique. Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple des conférences de presse dont le succès va fortement dépendre du capital symbolique de l’intervenant ; l’accès perturbateur est marqué par une réappropriation de l’espace public. Il y a une perturbation de l’ordre établi pour créer un événement et marquer les esprits, non parce que l’effecteur-promoteur a un fort capital symbolique mais parce que les individus perturbent l’événement de routine classique et se réapproprient l’espace public ; enfin, l’accès direct est la troisième distinction de l’événement de routine du modèle de Molotch & Lester. Il se caractérise par une fusion entre les assembleurs et les promoteurs. Les journalistes vont aller directement à la

« pêche aux informations ». Il y a sur cet aspect un important travail d’investigation pour ensuite publiciser ces informations et ainsi créer l’événement.

• L’accident : c’est le deuxième type d’événement prévu dans le modèle de Molotch & Lester (1996) qui démontrent que l’accident marque une rupture dans l’ordre des choses et est de manière générale non prévu. Les accidents, par opposition aux événements de routine, ne sont pas intentionnels. Les promoteurs ne vont donc pas à être effecteurs (a contrario des événements de routine). Il est important de relever que les événements de type accident supposent des faits imprévus qui surviennent dans une pratique habituelle. Le fil rouge quotidien est rompu. On retrouve la rupture dans l’ordre des choses que soulève Arquembourg (2003). Les accidents n’imposent pas de jugements et de manière générale ne remettent en cause les valeurs sociétales.

• Le scandale : pour Molotch & Lester (1996), le scandale est une occurrence qui se transforme en événement. Le promoteur n’est pas l’effecteur et produit une action indésirable de promotion. Le scandale est indéniablement lié à une personnalité qui doit avoir un capital médiatique important pour permettre la survenue de l’événement.

Dans L’événement rituel : médias et cérémonies politiques. La Place de l’Université à Bucarest en décembre 1990 (1996), Coman apporte des précisions sur l’événement de routine et les événements qualifiés de rituels, en analysant la manifestation qui eut lieu en 1990 sur la Place de l’Université à Bucarest, qui mobilisa pendant plus de deux mois des citoyens aux revendications politiques.

L’auteur explique que la manifestation en elle-même n’avait rien de sensationnaliste et n’était finalement que peu porteuse d’éléments pouvant fonder un événement médiatique selon les définitions que nous avons vues précédemment. Néanmoins, les médias bulgares et internationaux (notamment la presse écrite) ont réussi à monter cet événement en épingle et à en faire un véritable Media event (Coman, 1996), en mettant constamment le sujet à la Une. Coman (1996) démontre que selon la classification de Molotch & Lester (1996), l’événement était routinier dans le sens qu’il était prévisible et redondant. Il souligne qu’il n’y avait ni rupture dans l’ordre des choses

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ni rupture sur l’échelle du temps. Finalement, ce fut un événement que parce que les médias en ont décidé ainsi. L’auteur s’en explique :

« Ni épique et ni dramatique, cet « avènement » attirant l’attention des journalistes et les émouvait à cause de la forte mobilisation des participants, une mobilisation d’un type différent de celui des émeutes, des meetings ou des mouvements sociaux habituels. Cette mobilisation, cause et produit en même temps du travail des médias, fonctionne comme « le propre de l’événement moderne » ; celui-ci se déroule « sur une scène immédiatement publique » et donne « cette impression de jeu plus vrai que la réalité, de divertissement dramatique, de fête que la société se donne à elle-même » (Coman, 1996).

Nous comprenons alors que les médias ont un rôle d’amplificateur des faits qui vont se répandre dans l’espace public comme une traînée de poudre et parfois créer un événement médiatique alors qu’il n’aurait pas lieu d’être. Coman (1996) dénonce une manifestation rituelle. L’événement est alors vu comme un fait cérémonial, amplifié par les médias et « doté d’un surplus de pouvoir émotif, devenant un facteur de fédération symbolique des groupes et des individus ». Les médias ont dès lors une double casquette : non seulement ils relatent et transmettent une histoire mais ils deviennent partie prenante du rituel. Finalement, les médias sont spectateurs et acteurs de l’événement (Coman, 1996).

Dans son article décortiquant l’exemple de Bucarest, Coman souligne la dimension hautement symbolique propre aux événements qui sont souvent amplifiés par les médias. Se développent alors des médias « symbol-oriented » (Coman, 1996), dont les discours permettent de représenter une réalité construite symboliquement.

L’auteur démontre la métaphorisation de la réalité ; il explique que « Les rituels, concentrés d’action et de sens, s’offrent dans ces périodes, comme une réalité plus dense, plus fascinante, plus volubile que la réalité elle-même, comme des événements les plus attractifs, comme, en dernière instance, la matrice de tout événement » (Coman, 1996).

Arquembourg dans L’événement dans l’information en direct et en continu. L’exemple de la guerre du Golfe (1996) s’intéresse à la couverture et au traitement médiatique consécutivement à un événement et plus particulièrement dans le traitement de l’information en direct et en continu. Cela est donc fortement pertinent pour notre cas d’analyse. Pour étayer ses propos, l’auteure prend l’exemple du traitement journalistique de la guerre du Golfe.

Cet événement marque une rupture dans l’ordre des choses et dans le cours du temps.

Sa médiatisation est nécessaire et fondamentale car l’être humain, en quête perpétuelle de sens, a besoin de mettre des mots et de comprendre ce qu’il se passe, ce qu’il voit. Le rôle des médias prend ainsi tout son sens.

L’auteure souligne encore l’importance de l’information en direct et en continu qui permet de situer l’information sur une échelle temporelle mais aussi « au niveau d’un enchaînement de réactions ou de « coups stratégiques » (Arquembourg, 1996). A l’inverse du reportage, qui relate les faits de façon neutre, le direct, par la mise en place de duplex, permet d’établir des liens avec la réalité du terrain : nous sommes dans l’immédiateté la plus totale. Relevons également la différence de structure temporelle entre le reportage et le direct. En effet, ce dernier moyen technologique permet de situer l’action sur un spectre temporel large, naviguant entre le passé, le

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présent et le futur ; ce sont plusieurs niveaux temporels qui vont pouvoir se superposer (Arquembourg, 1996).

A travers l’analyse de la couverture médiatique de la guerre du Golfe, l’auteure souligne la construction de l’événement autour des journaux télévisés par la mise en place de flashs spéciaux et de directs. La chaîne de télévision américaine CNN a joué un véritable rôle dans la couverture de l’événement en effectuant un travail de routinisation de l’information dans le but de couvrir entièrement l’événement « pour être sûr que rien ne passe entre les mailles du filet tendu par la couverture médiatique » (Arquembourg, 1996). Les chaînes du monde entier, notamment les chaînes françaises vont adopter ce procédé pour finalement relater l’événement heure par heure, minute par minute. Depuis, nous constatons que de plus en plus de chaînes ont éclos dans le paysage médiatique tels que BFM TV ou LCI en France, pour suivre le procédé mis en place déjà à l’époque par CNN.

L’apparition des directs et des événements en continu permet de construire un récit détaillé, captivant et finalement de créer l’événement médiatique lui-même.

Intéressons-nous un instant à cette construction narrative.

Comme nous l’avons dit précédemment, l’être humain est en quête de sens et de réponse. Lorsqu’une occurrence survient, il a besoin de la comprendre, de la raconter et/ou de la nommer. La construction d’un récit narratif autour de l’événement prend dès lors tout son intérêt et permet d’une part de « réduire le désordre » autour de l’événement et d’autre part de le comprendre (Arquembourg, 1996). Garcin-Marou, dans L’événement dans l’information sur l’Irlande du Nord (1996), indique que la mise en récit de l’événement implique la « transformation d’une occurrence en information ».

Pour construire l’information et l’intégrer dans un récit, il faut avant tout que l’informateur ait identifié l’événement et compris ce qu’il s’est passé, son implication, sa durée et les acteurs concernés (Garcin-Marou, 1996). Il est également souligné le fait que le narrateur doit impérativement maîtriser « […] les structures d’intelligibilité » de l’événement : les éléments constitutifs de ce qui est arrivé permettent l’identification du fait comme une entité événementielle repérable » (Garcin-Marou, 1996). La dénomination même de l’événement ressort d’une construction narrative (Sini, 2015).

Le type de récit dépend de l’immédiateté de l’actualité, une certaine forme du récit est imposée quasi-synchroniquement selon Sini (2015). Finalement, l’événement est présenté sous un certain angle et un certain éclairage, adoptés par la société. Il en va de même pour l’axe de la temporalité. Nous comprenons dès lors que l’actualité fait émerger un événement qui prend forme par la construction du récit. (Sini, 2015). Nous pouvons affirmer sans nul doute que sans récit, il n’y a en définitive pas d’événement médiatique.

L’information délivrée en continu et en direct contribue à la construction de la trame narrative et in fine de l’événement lui-même. Comme le souligne Arquembourg (1996), l’information en continu va fragmenter le récit en plusieurs petites intrigues qui s’insèrent dans une structure narrative générale. Toutefois elle indique la non-linéarité de cette trame narrative qui se manifeste par plusieurs séquences apposées les unes aux autres dans des occurrences temporelles diverses (passé, présent, futur). En effet, elle explique que :

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« […] Concevoir le direct comme la pure mise en visibilité d’un instant ou d’une durée ponctuels, coupés du passé et de l’avenir renvoie à une conception du présent qui lui dénie la dimension d’une architecture temporelle à part entière. Il est vrai que des cérémonies médiatiques aux duplex, le direct recouvre de documents variés. Au sens strict, il est caractérisé par la coïncidence entre le temps de l’action, celui de la renonciation et celui de la diffusion ».

(Arquembourg, 1996) Selon l’auteure, la construction en direct du récit de la guerre du Golfe va finalement s’imposer de trois manières :

• A travers l’intervention de chefs d’Etat, d’hommes politiques de ministres, etc. ;

• A travers la diffusion d’images tournées sur le terrain ou d’interventions des militaires présents ;

• Par l’établissement de contacts « permanents et routiniers » avec les envoyés spéciaux présents sur le terrain et qui peuvent parfois délivrer des scoops.

(Arquembourg, 1996) A travers notamment le traitement en continu de l’information, nous comprenons l’importance des médias de manière générale mais également des journalistes en particulier. En effet, l’expérience pratique d’un journaliste dans la transformation d’une information en événement est essentielle. Garcin-Marou (1996) souligne le lien entre discours et expérience : « [le] discours doit organiser le monde de l’événement pour constituer une information lisible » ; d’où l’importance de l’expérience journalistique, pour narrer les événements à travers les « exigences narratives liées à la production de l’information » (Garcin-Marou, 1996).

Comme pour tout traitement journalistique, l’important est donc de répondre aux cinq questions essentielles : Qui, Quand, Quoi, Comment, Où. De surcroît, et cela souligne d’autant plus la mise en récit, pour qu’une actualité soit événement, il faut lui attribuer un sens ou une valeur, afin de « configurer son événementialité » (Garcin-Marou, 1996).

Pour terminer, relevons, toujours dans la perspective de mise en récit de l’événement, les stratégies manipulatoires qui peuvent en découler. En effet, tout discours tend à un effet de persuasion, de séduction, ou tout simplement cherche à convaincre l’auditoire ; la mise en récit de l’événement relève alors de ces stratégies et Sini (2015) conclut dès lors son ouvrage en relevant que « […] tout acte énonciatif qui conduit au bout du compte à la dénomination d’un événement est un acte performatif. ».

2.4 Le concept de légitimité

Nous l’avons compris au travers de concepts et théories, la communication est la base fondamentale de tout échange entre un émetteur et un récepteur, et ce dans tous les domaines. Au niveau politique, la communication est devenue une absolue nécessité pour tout politicien, particulièrement au niveau de son image. Il semble aujourd’hui

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impensable qu’un homme politique soit un mauvais communicant tant la communication est devenue primordiale dans son activité ; s’ils ne sont peut-être pas de prime abord de bons communicants, ils savent aujourd’hui, pour la majorité, s’entourer de conseillers personnels pour assurer ce travail.

De prime abord, il n’est pas commun de lier communication et politique ; toutefois, nous l’avons évoqué, la politique va désormais user et abuser des canaux de communication pour sa propre activité et à ses propres fins. Wolton (1989) dans La communication politique : construction d’un modèle, soutient que :

« […] la communication est donc indispensable au fonctionnement de la démocratie de masse dans le sens « descendant » du pouvoir politique à l’électorat par l’intermédiaire des médias et « ascendant », de l’opinion publique aux hommes politiques par l’intermédiaire des sondages ».

(Wolton, 1989) L‘auteur montre une vision moderne de la communication, qui inclut plusieurs phénomènes tels que l’étude des médias, de la publicité ou du marketing politique que nous aborderons ultérieurement.

La communication devient pour les politiciens un outil majeur dans leurs stratégies politiques de manière générale et en particulier la stratégie de captation des citoyens et in fine de leurs voix. Sur ce point, une confusion entre communication et manipulation peut s’établir. En effet, dans une stratégie de captation, l’auteur Kouassi Kouassi, dans son article sur La Communication politique d’Arnaud Mercier (2018), dénonce ce risque de frontière floue entre manipulation et communication. L’auteur, pour éviter toute confusion, définit de manière approfondie la notion de communication politique. En se référant à Mercier, Kouassi Kouassi énumère les trois grandes fonctions de la communication politique, à savoir la fonction anthropologique, soit une mise en scène des détenteurs du pouvoir ; la fonction gouvernementale, lorsque la communication politique devient un outil de propagande et de mobilisation des citoyens ; et enfin la fonction axiologique et électorale, qui fait référence à la morale avec pour but de persuader en toute transparence (Kouassi Kouassi, 2018).

L’auteur souligne, au-delà de la confusion communication/manipulation, une confusion certaine entre la communication politique et le marketing politique. En effet, un lien indivisible semble se nouer entre ces deux domaines, notamment par le simple fait que le marketing politique utilise la communication politique comme rouage, créant ainsi une confusion chez le citoyen. Il est important de définir ici ces deux concepts afin de comprendre ces frontières floues.

La communication politique tend à une vision instrumentaliste de la politique. Gerstlé

& Piar (2016) dans La communication politique la décrivent ainsi :

« Tous les efforts de communication accomplis par ceux qui cherchent à faire adhérer, soit en l’imposant par la propagande, soit en la rendant acceptable par la discussion (négociation, délibération) à des perceptions publiques qui orienteront les préférences ».

(Gerstlé & Piar, 2016)

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Afin de compléter notre définition, nous pouvons également apporter un complément de Wolton (1989) qui définit la communication politique comme un lieu d’affrontement dont le but est la « maîtrise de l’interprétation politique de la situation ». Du surcroît, il ajoute que ce lieu est une plateforme d’échanges de discours souvent opposés entre trois types d’acteurs dont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique est acquise, à savoir l’opinion publique (les sondages), les politiciens et les journalistes (Wolton, 1989).

Nous voyons alors que la communication politique s’immisce dans des espaces traditionnels tels que médias et espace public et touche les citoyens. Nous comprenons que ce lien indivisible entre marketing et communication politique, appuyé également par la définition du marketing politique, que proposent Gerstlé & Piar (2016) se définit comme une activité à l’intérieur de la communication politique ; ils expliquent notamment que :

« […] l’application des techniques de marketing par les organisations politiques et les pouvoirs publics pour susciter le soutien des groupes sociaux. Il est fondé sur le postulat que le comportement des consommateurs et des citoyens sont justiciables d’analyses voisines ».

(Gerstlé & Piar, 2016) Le marketing politique est dès lors vu comme l’application des techniques de marketing commercial dans le but de remporter l’adhésion. Le marketing commercial fonde sa stratégie sur la segmentation des consommateurs. Cela ne fait pas exception en marketing politique qui cible les électeurs au travers de leurs caractéristiques principales pour ensuite être au plus proche de leurs attentes en tant que citoyen.

Avec Kouassi Kouassi (2018), nous pouvons toutefois différencier le modèle propagandiste de la communication politique (comme nous l’avons vu avec les trois fonctions de la communication politique), du modèle marketing, qui va chercher à persuader les électeurs avec des techniques publicitaires et le support des médias.

La communication politique est donc une stratégie pour manipuler l’électorat. Le but est d’aboutir à une décision collective par trois moyens, l’argumentation, la négociation et le vote (Gerstlé & Piar, 2016). L’argumentation et la négociation requièrent l’usage du discours et de la parole ; elle peut donc aisément être assimilée à la communication.

Ces deux moyens sont des techniques et des procédés dont vont faire usage les politiciens afin de séduire l’opinion publique. Ces ensembles de techniques vont varier selon la position et le pouvoir de l’acteur concerné et selon le but recherché (Gerstlé

& Piar, 2016).

Il faut également souligner le lien évidemment nécessaire entre l’usage de ces techniques et l’usage des médias comme moyen de persuasion. En effet, nous ne pouvons évoquer l’apparition de la communication politique sans faire le rapprochement avec l’apparition des médias et en particulier les médias de masse.

Gerstlé & Piar (2016) définissent ce lien comme un « […] processus interactif concernant la transmission de l’information entre les acteurs politiques, les médias d’informations et le public. » Finalement, ces trois publics acquièrent une légitimité pertinente dans la communication politique qui permettent d’assurer la confrontation entre ces trois entités, à savoir les médias, le politique, et l’opinion publique (Wolton,

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1989). Wolton relève, définit et explique à ce sujet la légitimité acquise par ces entités.

Premièrement, il explique que les politiciens vont tirer leur légitimité de l’élection. La politique est leur « raison d’être », la communication devient une « stratégie de conviction » pour faire adhérer l’électorat à leurs idées (Wolton, 1989).

Deuxièmement, l’auteur évoque la légitimité des médias et en particulier des journalistes, qui est liée à la valeur informationnelle ; dans le but de rapporter l’information, le droit et la légitimité à créer le récit leur sont autorisés parallèlement à l’exercice du droit critique. Médias et journalistes ne font pas de politique mais ils se retrouvent constamment face au milieu politique pour en relater les faits (Wolton, 1989). Troisièmement, l’auteur évoque la légitimité scientifique et technique de l’opinion publique à travers notamment l’établissement de sondages d’opinion qui revêtent une importance fondamentale pour les politiciens ; ils vont ajuster leurs comportements en fonction des résultats de ces sondages ; l’auteur souligne toute la légitimité pour l’opinion publique c’est-à-dire les citoyens (Wolton, 1989).

Par conséquent nous comprenons que la légitimité de ces acteurs, et en particulier celle des hommes politiques, est fondamentale pour pouvoir prendre part au processus démocratique, persuader et obtenir les voix électorales. Ndiaye, dans La communication intercommunale sur le changement climatique : entre stratégies et paradoxes. L’exemple de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) (2014) énonce la problématique de la mobilisation des citoyens autour d’une thématique. Elle se questionne sur les moyens et le type de communication que les acteurs politiques peuvent utiliser afin de mobiliser les passions autour d’une cause ou d’un engagement, en l’occurrence sur la question de l’urgence climatique. Elle mentionne plusieurs types de communication possibles en évoquant aussi la question de la légitimité.

L’auteure parle tout d’abord du possible usage d’une communication axée autour des risques. Elle arrive toutefois rapidement à la conclusion que ce genre de communication ne permet pas d’arriver à un résultat satisfaisant puisque c’est souvent un sentiment de peur qui est engendré. En effet, Ndiaye (2014) explique que, dans le cas de mouvements sociaux notamment, communiquer à propos des risques amène finalement d’autres risques et produit des effets indésirables, la peur par exemple.

L’auteure évoque ensuite la communication engageante, qui tire sa pratique de la psychologie sociale en se basant sur des actes préparatoires ou des messages engageants afin d’influer sur les comportements des citoyens. A l’inverse de la communication axée autour des risques, la communication engageante permet d’intégrer le citoyen au sein d’un mouvement collectif et ainsi le mobiliser, par exemple pour un parti ou une idée politique. Cela donne une certaine légitimité au citoyen qui va s’intégrer dans la stratégie politique globale. L’auteure explique en effet que :

« […] l’engagement quel qu’il soit, a quelque chose de spéculaire puisque le citoyen a besoin de la reconnaissance de ses pairs et de l’institution à laquelle il appartient pour s’épanouir. Ceci, sous-entend que l’on donne une légitimité à autrui, un pouvoir sur nous, le droit de nous valoriser ou de nous dénigrer : on se rend vulnérable. »

(Ndiaye, 2014) Nous le voyons, l’engagement a donc un fort impact sur le citoyen. L’action collective apporte elle aussi sa pierre à l’édifice, notamment à travers l’usage du « nous » au détriment du « je ». Cela s’inscrit dans le « grand récit », dans le but de le légitimer et de le faire exister (Ndiaye, 2014). Nous comprenons alors l’importance des discours

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