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6. Analyse des résultats et discussion

6.1 Analyse des résultats – Jean-Luc Mélenchon

Nous avons procédé à une analyse stricte et fine des trois prises de paroles de Jean-Luc Mélenchon sur BFM TV le 30 novembre, le 1er et 2 décembre 2018 selon notre grille d’analyse. Puis nous avons croisé ces résultats pour évaluer si le politicien faisait preuve ou non de constance dans les stratégies choisies.

6.1.1 Stratégie de pathémisation

Nous avons pu constater que lors de ses trois prises de parole, Jean-Luc Mélenchon a appliqué des stratégies d’activation du pathos et ce à travers les six variables que nous avions répertoriées dans notre grille d’analyse à savoir : variables de Connivence, de Mythification, d’Axes émotionnels, de Présentation et Représentation de l’émotion, de Mimésis et enfin de Triggers. Parmi ces six variables, l’usage de triggers est très fréquent ; ces déclencheurs langagiers permettent de susciter de l’émotion parmi l’auditoire. En effet, Jean-Luc Mélenchon utilise à de nombreuses

reprises de superlatifs pour amplifier son propos, le rendre plus émouvant ou plus dramatique que ce qu’il est réellement. Souvent, et nous l’avons souligné dans la partie 5 (Retranscription et résultats), il avance des chiffres très précis pour appuyer et étayer son propos : nombre de personnes vivant en France, prix élevé de la taxe sur les carburants, salaire minimum français, etc.

Nous avons aussi constaté que Jean-Luc Mélenchon fait souvent état d’événements pas ou peu émotionnels en soi mais il sait les rendre émouvants suivant le contexte dans lequel ils s’intègrent. Cela tend à infirmer les théories évoquées notamment par Charaudeau (2000).

De surcroît, nous avons remarqué qu’à chacune de ses prises de paroles, l’élu populiste fait référence à l’histoire de France et à des figures mythiques qui l’ont incarnée, à savoir Jacques Chirac et Charles de Gaulle. Nous sommes donc à même de penser qu’il a voulu en ce sens permettre l’identification de son auditoire à ces deux figures historiques françaises, et ainsi susciter l’émotion recherchée par le locuteur.

De la même façon et avec la même finalité, Jean-Luc Mélenchon évoque durant ces trois interventions les manifestations estudiantines de Mai 68 et la Révolution française de 1789.

6.1.2 Positionnement énonciatif

Dans ces trois prises de parole, nous observons l’applicabilité des quatre dimensions répertoriées dans notre grille d’analyse, par rapport au concept de positionnement énonciatif, soit un positionnement vis-à-vis du pouvoir, un positionnement vis-à-vis du peuple, un positionnement vis d’un devoir-faire et enfin un positionnement vis-à-vis de soi.

Comme nous l’avons expliqué de manière détaillée dans la partie 5 (Retranscription et résultats), Jean-Luc Mélenchon se positionne à chaque fois dans une stratégie d’alliance avec le peuple, en recourant constamment à des attaques personnelles envers le Président de la République et ses ministres. Il ne manque jamais une occasion de remettre en question les stratégies ou les décisions prises par le Président de la République ou l’un des ministres au pouvoir. Il les attaque personnellement et remet en cause leur manière propre de gérer la crise. Parallèlement, Jean-Luc Mélenchon prend systématiquement position contre le pouvoir dont il remet en question la légitimité. Dans chacune de ses interventions, il remet en question le pouvoir en place, son organisation et la politique appliquée. D’une certaine manière, il critique avec virulence le fondement même du pouvoir et les personnalités qui l’incarnent avec des attaques soit de portée générale soit plus personnelles.

Ces attaques lui permettent, et à nouveau de manière systématique, de se positionner vis-à-vis de soi, à travers une autopromotion (Ebacher & Lalancette, 2012) de sa manière de penser, des solutions qu’il proposerait dans son programme politique s’il était président et de son parti politique La France Insoumise. Jean-Luc Mélenchon prend donc à chaque fois ce triple positionnement : vis-à-vis du peuple avec lequel il s’allie et pour lequel il montre une compassion sans faille, vis-à-vis du pouvoir qu’il remet systématiquement en cause et vis-à-vis de lui-même en se gratifiant constamment.

Parallèlement, il se positionne vis-à-vis d’un devoir-faire en se référant toujours à un passé qu’il considère idéal, à savoir Mai 68 et la Révolution française de 1789, avec notamment la prise de la Bastille. Il assène d’ailleurs à trois reprises que le mouvement des Gilets Jaunes est en train de faire une révolution populaire.

6.1.3 Partis populistes

Comme nous l’avons établi dans notre grille d’analyse, Taguieff (1997) a répertorié cinq types de populisme avec pour chaque type des critères de classification. Lors de notre analyse des prises de parole, nous n’avons jamais pu définir un seul type de populisme applicable au cas d’espèce. En effet, à chaque analyse, nous avons trouvé que Jean-Luc Mélenchon combine diverses caractéristiques de plusieurs types de populisme : le populisme-mouvement et populisme-régime pour la prise de parole du 30 novembre 2018, le populisme-rhétorique et populisme-régime pour celle du 1er décembre 2018, et enfin le populisme-mouvement et populisme-rhétorique pour celle du 2 décembre 2018.

Nous pouvons affirmer sans aucun doute l’existence d’un populisme-rhétorique car comme nous l’avons vu, Jean-Luc Mélenchon use à chacune de ses interventions du discours polémique. Mais il nous paraît difficile de dégager un autre type de populisme puisque Jean-Luc Mélenchon remplit certaines caractéristiques de la typologie de Taguieff (1997) sans pour autant en distinguer une en particulier.

6.1.4 Communication conflictuelle

Les trois prises de paroles s’inscrivent dans le concept de communication conflictuelle puisque à chacune de ses interventions, Jean-Luc Mélenchon tente de disqualifier le gouvernement et le Président de la République avec notamment des arguments ad personam. Il manie également l’ironie pour se moquer du gouvernement et/ou des stratégies appliquées par ce dernier. Cependant, les autres indicateurs relevant du discours polémique ne sont pas systématiquement présents.

6.1.5 Légitimité

Tout comme pour la typologie de populisme, il nous a été difficile d’établir tant un type de charisme systématique au sens de Charaudeau (2015) qu’une posture légitime selon Amey (2002).

En effet, nous avons remarqué que plusieurs types de charisme (Charaudeau, 2015) peuvent être appliqués à la personnalité de Jean-Luc Mélenchon : le charisme du sage, le charisme césariste et le charisme messianique. Toutefois, le type de charisme le plus flagrant dans chacune de ses prises de parole est le charisme césariste. Jean-Luc Mélenchon parle systématiquement au nom du peuple et pour lui. A chaque fois, il use de l’ironie et de formules chocs comme par exemple « la macronie ». Nous pouvons par conséquent tendre vers ce type de charisme sans pour autant affirmer que c’est le seul applicable à la personnalité de Jean-Luc Mélenchon ; il s’agit plutôt d’un mélange de plusieurs formes de charisme, et ce avec l’applicabilité de différents indicateurs.

Pour la posture légitime au sens d’Amey (2002), nous arrivons à la même conclusion.

Il est difficile de dégager une seule posture applicable à Jean-Luc Mélenchon puisqu’il adopte à chaque fois des postures différentes et nous remarquons souvent que plusieurs postures peuvent s’appliquer puisque plusieurs indicateurs sont présents.

Nous avons en effet relevé des indicateurs de chacune des postures : profane autodéclaré, profane générique et profane autodidacte. Néanmoins, nous avons

observé une plus forte présence d’indicateurs du profane autodidacte avec la présence d’arguments ad hominem et la valorisation des compétences personnelles. Si nous devons tendre absolument à une posture légitime, alors nous opterions pour celle-ci.