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4. Méthodologie

4.2 Grille d’analyse

Concepts Dimensions Variables Indicateurs

Stratégie de Axes émotionnels Agréables (heureux, exalté,

excité, vif, etc.)

vis-à-vis du peuple Stratégie d’alliance

Arguments ad personam

Concepts Dimensions Variables Indicateurs

Partis populistes Typologie de populisme (Taguieff, 1997) Charisme énigmatique Usage du langage de

la séduction

Posture légitime (Amey, 2002)

Profane autodéclaré Rôle de candide, position basse

Notre grille d’analyse se divise en cinq concepts, repris de notre cadre théorique, et pertinents pour notre analyse de discours. Nous retrouvons par conséquent les concepts de stratégie de pathémisation, du positionnement énonciatif, des partis populistes, de la communication conflictuelle et enfin de la légitimité. Ces concepts sont eux-mêmes subdivisés en dimensions, elles-mêmes divisées en variables puis ces variables en indicateurs.

Cette grille permet d’affiner notre analyse de discours avec des critères précis tendant à répondre à nos hypothèses. Explicitons ces dimensions et variables.

4.2.1 Stratégie de pathémisation

Le concept de stratégie de pathémisation, articulé par le concept de pathos comme nous l’avons abordé dans la partie cadre théorique (2), traite de l’usage de l’émotion à des fins stratégiques de manipulation et de captation de l’auditoire (Martin, 2009).

En stimulant les passions des citoyens, nous cherchons à les séduire et in fine les faire adhérer à nos idées, nos envies, etc. Tout d’abord marginalisé en politique, ce concept est désormais reconnu comme une stratégie manipulatoire par les hommes politiques.

Afin de répondre tout ou en partie à nos hypothèses, il nous a donc semblé essentiel de nous pencher sur les stratégies linguistiques notamment celles d’activation du pathos. Nous avons subdivisé ce concept en six variables :

1. La variable Connivence : Cette stratégie se veut de créer une certaine proximité avec l’autre. Cela peut notamment s’indiquer par le fait de tisser un lien affectif avec l’auditoire, chercher à créer un lien communautaire et parler d’un « nous » collectif au détriment d’un « je » individuel. L’humour est aussi utilisé notamment avec des private jokes.

2. La variable Mythification : le locuteur fait appel à des figures historiques et mythiques pour toucher et émouvoir l’auditoire. Le but étant sur ce point de

permettre à l’auditoire de pouvoir s’identifier ou s’associer à ces figures légendaires connues et admirées de tous.

3. La variable Axes émotionnels permet de comprendre les émotions que veut faire passer locuteur. En effet, il peut s’exprimer sur l’axe émotionnel de l’ordre de l’agréable ou à l’inverse de l’ordre du désagréable. L’usage de certains mots ou de certains adjectifs par le locuteur (par exemple : heureux, excité, colère, tristesse, etc.) facilite l’identification de cet axe. Le graphique de Russel &

Feldman Barrett (1999) permet visuellement de mieux saisir ces deux axes :

Figure 2 : Graphique de Russel & Feldman Barrett (1999)

4. La variable Présentation et Représentation de l’objet permet au locuteur de jouer l’émotion en mettant en scène certains éléments. Comment ? En montrant des objets ou des scènes émouvantes qui suscitent l’émotion que nous voulons véhiculer. Par exemple, il semble a priori évident que des images de naissance ou de mariage vont susciter des émotions agréables. Enfin, cela peut s’illustrer par le verbe et la mise en image de manifestations d’émotions.

5. La variable Mimésis permet au locuteur d’activer le pathos par l’amplification de l’émotion sur des objets notamment qui n’ont pas de valeur intrinsèque. Le locuteur va décrire des choses émouvantes et va feindre l’émotion.

6. La variable Triggers indique que le locuteur va utiliser des déclencheurs langagiers afin de susciter l’émotion chez l’auditoire. Plusieurs types de triggers sont répertoriés tels que l’usage de termes d’adresse qualitatifs de proximité, le vocabulaire relatif à la vie et à la mort, l’usage de métaphores et expressions (notamment bibliques) mais également le recours à des superlatifs et des expressions quantifiées.

4.2.2 Positionnement énonciatif

Nous avons subdivisé le concept de positionnement énonciatif du locuteur en quatre dimensions (elles-mêmes divisées en variables et indicateurs) :

1. Le positionnement du locuteur vis-à-vis du pouvoir : face au pouvoir en place, le locuteur adopte une certaine stratégie argumentative qui lui permet de le disqualifier et de montrer ses failles et ses erreurs. Le locuteur va dès lors attaquer le pouvoir avec des arguments ad hominem soit contre le pouvoir.

2. Le positionnement du locuteur vis-à-vis du peuple : le locuteur met en place des stratégies d’alliance pour créer une certaine proximité et complicité avec ce dernier en utilisant des arguments ad personam. En effet, le locuteur va attaquer le pouvoir en place de manière personnelle à travers les personnes qui gouvernent.

3. Le positionnement du locuteur vis-à-vis d’un devoir faire : le locuteur va utiliser des procédés de langage afin de se positionner par rapport à un « devoir faire » qui se traduisent notamment par l’usage de citations qui font référence à des autorités ou alors le réinvestissement de scènes ancrées dans l’imaginaire social, par exemple en faisant référence à des mythes idéaux ou des scènes bibliques.

4. Le positionnement du locuteur vis-à-vis de soi : le locuteur se positionne par rapport à lui-même et à la manière dont il se présente aux autres. Il adopte certaines stratégies de présentation de soi telles que l’autopromotion de soi (mise en avant de ses compétences et ses titres), les bonnes grâces (présentation comme un homme proche du peuple pour le séduire), l’exemplification (propos étayés par des exemples de son vécu), la supplication et l’intimidation (inversion du rapport de force et par contrainte et arguments d’opposition).

4.2.3 Partis populistes

Il s’agit pour ce concept de reprendre comme dimension la typologie des populismes présentée par Taguieff (1997) et subdivisée en cinq variables (qui représente donc les cinq typologies) :

1. La variable populisme-mouvement : le populiste souhaite parler à la classe moyenne et populaire avec des discours de type nationaliste.

2. La variable populisme-régime : le populiste veut être ici perçu comme un leader charismatique qui parle à la masse dans son entièreté ; c’est le leader de tout le peuple.

3. La variable populisme-idéologie : le populiste inscrit ici tout son travail et son salut dans le peuple, qui est lui-même idéalisé.

4. La variable populisme-attitude : dans son discours, le populiste va rejeter les élites et toute croyance considérée comme traditionnelle.

5. La variable populisme-rhétorique : le populiste recourt ici à des discours de type polémique dans le but de mobiliser et de manipuler les masses.

4.2.4 Communication conflictuelle

La communication conflictuelle est conceptualisée par le discours polémique. Afin d’analyser ce type de discours et ses articulations langagières, nous avons choisi de diviser ce concept en deux variables :

1. La variable Disqualification de l’autre permet au locuteur de disposer de stratégies, qui s’inscrivent dans le discours polémique afin de disqualifier l’adversaire en se mettant en avant et en valorisant ses propres arguments. Le locuteur utilise des termes injurieux, des adjectifs dévaluatifs et subjectifs visant à dévaloriser et disqualifier l’adversaire, mais également d’arguments ad personam.

2. La variable Réfutation des arguments : au-delà de la disqualification de l’adversaire, le locuteur va s’atteler à réfuter les arguments de son adversaire pour a contrario valoriser ses propres arguments. Il emploie certaines stratégies linguistiques telles que le discours rapporté direct et/ou indirect, ou des stratégies de démasquage ou de masquage de l’information et enfin l’ironie pour se moquer et détourner ouvertement les propos de l’autre.

4.2.5 Légitimité

Nous avons subdivisé le concept de légitimité en deux dimensions, qui elles-mêmes se divisent en variable et indicateurs.

Tout d’abord, au sein du concept de légitimité nous pouvons aborder la question du charisme selon la typologie établie par Charaudeau (2015). De part ces types de charisme, nous pouvons analyser comment les populistes vont s’inscrire en ce sens et les stratégies langagières qu’ils vont adoptés. L’auteur aborde en effet cinq types de charisme, qui représentent alors nos variables :

1. Le charisme messianique : le leader est caractérisé par une figure qui excède le quotidien de l’humain ; c’est un surhomme.

2. Le charisme césariste : le populiste est caractérisé par la figure du battant, qui use de sa puissance et de son autorité.

3. Le charisme énigmatique : le populiste est ici caractérisé par la figure du séducteur, et va par conséquent user du pathos.

4. Le charisme du sage : le populiste est dans le cas d’espèce caractérisé par la figure du sage voire du père protecteur ; celui qui représente l’idéal humain, au-delà de toutes les contradictions.

5. Le charisme alma mater » : le populiste est caractérisé par un pouvoir d’attraction sur le peuple.

Nous pouvons également nous pencher sur la posture légitime du locuteur en nous basant sur l’apport théorique d’Amey (2002) qui distingue trois types de profanes, représentant alors nos trois variables pour cette dimension :

1. Le profane autodéclaré : le locuteur occupe dans ce cas une position basse dans le discours ; il va utiliser cette position pour se présenter comme une émanation de la base citoyenne.

2. Le profane générique : le locuteur a sur ce point une figure de méta-énonciateur ; il va s’adresser à un « nous » collectif au détriment d’un « je » individuel.

3. Le profane autodidacte : le locuteur ne parle que de lui. Il construit son discours de manière à se mettre en avant et à vanter ses qualités personnelles et ses compétences.

En conclusion, notre grille d’analyse, à travers ces diverses dimensions, nous permet d’aborder les discours prononcés par les élus populistes de manière précise et méthodique. Nous pouvons recenser les stratégies langagières de ces élus et le type de populisme et/ou le type de charisme qui caractérisent le leader. Nous pouvons ensuite comparer les usages qu’en font nos deux élus et voir si les stratégies d’activation du pathos sont utilisées ou non.