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DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET DESCRIPTION DU TERRAIN DE RECHERCHE

Encadré 12 Participant en public et observateur en privé

Nous pouvons distinguer au moins quatre phases où nous avons adopté des profils différents. La première phase va d’août 2005 à septembre 2007. Le changement stratégique observé est alors en cours, nous sommes essentiellement professionnels, dans l’action. A cette date, nous ne sommes pas encore inscrits en thèse mais nous avons débuté notre formation de « chercheur ». Notre mémoire de master recherche porte sur la même entreprise mais sur une autre thématique : le passage d’un management par pays à un management global européen. Notre travail s’accompagne de collecte de données, sous forme de prises de notes, de collectes de documents qui semblent intéressants.

La seconde phase va de septembre 2007 à septembre 2008. Nous sommes toujours dans l’action, au cœur du changement de stratégie. Mais à ce moment-là, notre sujet de thèse est fixé. Les observations sont davantage orientées sur l’utilisation des outils de contrôle dans le changement de stratégie. La collecte de documents s’organise en corpus complets : revues budgétaires, reportings hebdomadaires, etc. (voir encadré 10, p. 143). Nous sommes chercheurs dans la collecte des données. De septembre 2008 à Avril 2010, la période sur laquelle porte l’étude est terminée, mais nous sommes toujours en poste dans l’entreprise, au poste de directeur financier France. Nous côtoyons toujours certains acteurs de la période de recherche. Le facteur temps joue. Certains projets aboutissent, d’autres sont remis en cause. Nous regardons cela avec davantage de détachement, car nous ne sommes plus directement concernés. Le professionnel laisse peu à peu la place au chercheur. Nous entamons des analyses systématiques des documents collectés : essais de codage, on retrace les évolutions thème par thème, etc. On revoit les différents éléments à partir des questions que l’on a jugées pertinentes suite à nos réflexions aidées par la revue de littérature. La quatrième phase va de mai 2010 à la fin de rédaction de cette thèse. Nous ne sommes alors plus sur le terrain. Nous sommes seuls face à nos données. Le professionnel a quasiment disparu. Le chercheur, entouré du monde académique (laboratoire, pairs…), essaye de trouver la façon de rédiger une description pertinente de ce qui s’est passé.

Le chercheur-acteur alterne des phases où il est davantage acteur que chercheur avec des phases où le travail de recherche reprend une position

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dominante. Dans tous les cas, il doit en permanence se positionner par rapport à ces deux composantes par un processus réflexif.

3.2 L’APPROCHE REFLEXIVE COMME PRISE EN COMPTE DE LA SUBJECTIVITE DU CHERCHEUR

Positionné à l’intérieur de l’organisation, le chercheur doit se poser la question de ses relations avec le terrain, en particulier de son influence sur la situation étudiée. L’immersion dans l’entreprise donne une place d’observateur privilégié. Mais elle a pour corollaire une certaine forme de participation, donc d’influence sur la situation observée. Contrairement aux approches positivistes, cela n’est pas un problème dans une approche constructiviste, à condition néanmoins que le chercheur soit conscient de son influence. Emerson (2003, p 410) explique ainsi que « la solution est davantage du côté de la prise de conscience des effets de l’enquête que de la tentative de les minimiser (…). On tient pour allant de soi que l’observateur altère ce qu’il observe, mais ces altérations font partie de l’objet d’étude (…) Le travail de terrain est donc nécessairement de nature interactionnelle, et la présence de l’enquêteur a des conséquences sur la vie des enquêtés. Les solutions à la réactivité ne sont pas dans la régularisation, la restriction ou la suppression des interactions sur le terrain. Elles réclament que l’on devienne sensible à la façon dont les protagonistes se perçoivent et se traitent les uns les autres. Le chercheur est une source de résultats, non pas de contamination de ceux-ci. ». Favret Saada (1990) conclut ainsi sa recherche après une immersion au milieu de la sorcellerie : « De tous les pièges qui menacent notre travail, il en est deux dont nous avions appris à nous méfier comme de la peste : accepter de participer au discours indigène, succomber aux tentations de la subjectivité. Non seulement il m’a été impossible de les éviter mais c’est par leur moyen que j’ai élaboré l’essentiel de mon ethnographie. ».

Plutôt que nier sa subjectivité, le chercheur peut donc en faire un atout pour sa recherche. Nous éclairons cette affirmation par trois éléments qui se sont révélés essentiels pour l’étude du cas Equipment Company.

Le premier élément est lié à la nature du poste occupé, contrôleur de gestion. Le deuxième vient de l’affrontement entre nos valeurs et le mode de

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management suivi qui s’est révélé être une source d’inspiration pour la recherche, tandis que le troisième est relatif aux relations avec les autres acteurs de l’organisation.

3.2.1 DE NOMBREUSES SIMILITUDES ENTRE LA FONCTION DE CONTROLEUR DE GESTION ET LE ROLE DU CHERCHEUR QUI OBSERVE SON TERRAIN

Le contrôleur de gestion, en tant que membre d’un service fonctionnel de l’entreprise, a un double rôle : d’une part de régulation et de coordination, d’autre part de conseil et d’assistance (Malleret 1998). Le contrôleur de gestion est alors hors des circuits d’autorité hiérarchique, ce n’est pas la personne qui exerce le contrôle (Anthony 1965, p. 28), ni celle qui définit la stratégie. En revanche, il a un rôle relationnel important, au contact de nombreux acteurs de l’organisation (Bollecker et Niglis 2006, Lebas 1995, Lorino 2001). Cela lui permet d’être au cœur des actions et interactions avec la possibilité d’y tenir un rôle relativement neutre. Chez Equipment Company, le rôle du contrôleur de gestion était conforme à cette vision comme le montre l’encadré 13.

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Encadré 13 : Le rôle du contrôleur de gestion chez Equipment Company