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DEUX LEVIERS DIFFERENTS OU UN CONTINUUM D’USAGES PLUS OU MOINS DIAGNOSTIQUES, PLUS OU MOINS INTERACTIFS ?

PREMIERE PARTIE: LES RELATIONS ENTRE CONTROLE ET STRATEGIE : A LA RECHERCHE D’UN CADRE INTEGRE

Encadré 3 : Dimensions de la participation budgétaire par l’échelle de Milani (1975)

2.6 DEUX LEVIERS DIFFERENTS OU UN CONTINUUM D’USAGES PLUS OU MOINS DIAGNOSTIQUES, PLUS OU MOINS INTERACTIFS ?

Pour définir un système interactif de contrôle, Simons (1995, p. 108-109) définit cinq caractéristiques, déclinées en cinq dimensions indépendantes par Bisbe et al. (2007).

Le levier interactif se distingue clairement du concept de participation, notamment tel qu’il est repris dans la plupart des recherches (Shields et al. 2000). En se focalisant sur la fixation des objectifs, la participation apparaît comme relative à un système cybernétique, donc diagnostique. A contrario, cela signifie que le dialogue est aussi présent dans le système diagnostique. A lui seul, il n’est pas une caractéristique du levier interactif. L’ajout des autres dimensions, telles que l’implication fréquente des deux parties, est donc nécessaire. Or, les autres dimensions sont indépendantes les unes des autres (Bisbe et al. 2007). Les paragraphes précédents l’ont montré : on peut imaginer un usage intensif par les dirigeants sans usage intensif de la part des opérationnels. L’usage intensif ne mène pas obligatoirement à la tenue de discussions et de débats en face à face. Ces débats peuvent porter sur autre chose que les incertitudes stratégiques ou peuvent avoir une tonalité plus contraignante.

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Or, si les cinq dimensions sont indépendantes, leur présence simultanée ne peut être que rare. D’ailleurs Simons (1995) reconnaît qu’en général un seul outil de contrôle est utilisé de manière interactive. Les autres seraient donc diagnostiques. Or, ces derniers répondent aussi à un certain nombre de critères : la capacité à mesurer les résultats d’un processus, l’existence de standards pouvant servir de comparaison aux résultats réels, la capacité à corriger les variances par rapport aux standards (Simons 1995, p. 59). Ce sont les caractéristiques habituelles des contrôles cybernétiques.

Différentes typologies font apparaître la non-adaptation des contrôles cybernétiques à de nombreuses activités. Hofstede (1981) distingue ainsi trois modes de contrôle non cybernétiques :

- Le contrôle politique quand les objectifs sont ambigus ;

- Le contrôle par jugement quand les résultats ne sont pas mesurables ; - Le contrôle intuitif quand les effets des interventions ne sont pas

connus et que l’activité n’est pas répétitive.

N’entrant pas dans le cadre du contrôle diagnostique, ces différents contrôles devraient-ils être alors interactifs et vérifier les cinq caractéristiques précédemment définies ? On peut en douter. L’ambiguïté des objectifs peut être liée à l’existence d’incertitudes stratégiques, entre autres, mais n’amène pas obligatoirement l’implication des dirigeants. Le caractère mesurable des résultats n’est en rien une caractéristique des systèmes interactifs, de même que la connaissance du processus.

Pour les acteurs impliqués dans le contrôle, Simons se focalise sur la relation verticale entre les cadres dirigeants et leurs subordonnés. Or, d’autres acteurs interviennent au niveau du contrôle et de la stratégie, nécessitant des relations horizontales ou transversales. Il faut alors déterminer comment les leviers portant sur les croyances, les limites ou encore interactifs et diagnostiques sont susceptibles d’agir sur ce type de relation. A contrario, il exclut le dirigeant de tout un pan du contrôle, notamment le levier diagnostique qui est délégué à d’autres membres de l’organisation. Le dirigeant n’y consacre que

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peu de temps. Il y aurait alors des interactions qui incluraient le dirigeant, d’autres dont il serait absent. Le levier diagnostique serait alors suffisamment fort pour agir sur le comportement des autres acteurs de l’organisation sans intervention directe du dirigeant. On peut alors penser que certaines pratiques de contrôle et de la stratégie relèvent de routines tandis que d’autres nécessitent des interactions, mais encore faut-il en déterminer la raison.

Plutôt que deux leviers du contrôle bien distincts, on peut penser qu’il existe un continuum d’usages possibles du contrôle, plutôt cybernétiques ou plus ouverts sur un jugement qualitatif, laissant plus ou moins de latitude aux subordonnés, impliquant plus ou moins les dirigeants, etc.

Cela pose par ailleurs le problème de la relation entre les différents leviers : interactifs et diagnostiques mais aussi croyances et limites. La question est au cœur de la réflexion de Simons.

La question de l’effet des systèmes interactifs se pose ainsi à travers leurs liens avec les autres systèmes de contrôle en place dans l’entreprise. Globalement, il ne semble pas que l’usage interactif soit suffisant pour favoriser le changement. Les systèmes interactifs doivent être équilibrés avec des systèmes diagnostiques (Henri 2006), accompagnés de systèmes de croyance (Bruining et al. 2004) ou encore de relations informelles (Frow et al. 2005). L’action simultanée sur tous les leviers de contrôle permet de mettre l’organisation sous tension. Deux des leviers du contrôle créent une énergie positive (croyance et interactif), les deux autres créent une énergie négative. Ces deux types d’énergie sont nécessaires pour créer une tension dynamique. Les leviers doivent s’équilibrer de manière à gérer les tensions entre les opportunités illimitées et les capacités d’attention limitées, la stratégie intentionnelle et la stratégie émergente, les intérêts individuels et le désir de contribuer à l’œuvre commune (Simons 1995).

En fait, les quatre systèmes doivent être activés simultanément pour être efficaces (Simons 2000). Ils sont interdépendants (Milgrom and Roberts 1995).

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Néanmoins les études doivent être poursuivies pour comprendre les liens entre les différents leviers. « Une compréhension plus complète des relations entre contrôle et stratégie requiert l’intégration de recherches théoriques et empiriques portant à la fois sur les rôles traditionnels et les rôles plus actifs des systèmes de contrôle ainsi que sur la tension résultant de ces usages.» (Henri 2006 p. 531). Ces études devront aussi prendre en compte le contrôle informel. La définition que Simons (1994) donne des systèmes de contrôle comme « les processus et procédures formels basés sur l’information pour maintenir ou altérer les schémas d’action de l’organisation » se limite en effet aux contrôles formels et exclut de fait les contrôles informels. Or, les contrôles formels ne sont qu’un élément d’un ensemble de contrôles organisationnels (Flamholtz 1983, Abernethy et Chua 1996, Alvesson et Kärreman 2004, Collier 2005, Merchant et Van der Stede 2007). Simons inclut néanmoins deux leviers, croyances et limites, qui, bien que constitués de contrôles formels, servent de base aux contrôles informels, que ce soit en générant des valeurs communes ou des « interdits ».

Que ce soit à travers le seul système interactif ou à travers l’ensemble formé par les quatre leviers du contrôle, la question de l’équilibre des interactions se pose et, à travers elle, celle de l’autonomie consentie au subordonné.

2.7 LES CONSEQUENCES SUR LES RECHERCHES UTILISANT LE