• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 5 AMÉLIORER LA GOUVERNANCE : LES OUTILS DISPONIBLES

4. Le partenariat

Afin de stimuler une coordination basée sur les problèmes et les priorités locales de manière décentralisée, on opte souvent pour le partenariat comme outil de gouvernance. Le partenariat est créé dans un objectif général pré-déterminé dans la plupart des cas (et notamment par le niveau central lorsque c‟est lui qui en prend l‟initiative) mais il doit établir une stratégie adaptée à son contexte. Les membres des secteurs public, privé et de la société civile interpellés par l‟objectif général fixé pourront participer s‟ils le souhaitent et s‟il leur en est possible en fonction des mécanismes de représentation qui auront été mis en place le cas échéant. Les moyens d‟actions dépendront de ce qui est disponible : ou bien on utilisera les programmes et services déjà mis en place, ou bien ou pourra chercher à en créer de nouveaux.

Les partenariats ont été reconnus il y a plus d‟une vingtaine d‟années comme un moyen prometteur d‟aider les communautés locales à résoudre les problèmes spécifiques à leur région. Pour répondre aux pressions croissantes, les autorités locales, les entreprises privées et les organisations de la société civile ont cherché de nouveaux moyens de promouvoir le développement économique et social à l'échelle locale. Le partenariat a été recommandé comme moyen d‟obtenir une mobilisation des ressources et un impact maximum, et a contribué à apporter une réponse aux situations de crise, comme la fermeture d‟usines et les problèmes des quartiers défavorisés. Le partenariat a ainsi été une caractéristique fréquente des initiatives locales en faveur de l‟emploi et du développement économique à la fin des années 1970 et dans les années 1980.

L‟OCDE a étudié quelles réponses les initiatives fondées sur le partenariat ont apporté à la montée du chômage (OCDE, 1993). L‟étude a montré que les initiatives locales de création d‟emplois étaient plus efficaces quand des accords, formels ou informels, étaient conclus entre les différents niveaux de gouvernement, le secteur privé et le secteur associatif. En l‟absence de partenariat, les chances de réussite sont plus faibles, les divers groupes et individus étant susceptibles de s‟efforcer de résoudre d‟importants problèmes structurels sans disposer des informations et du soutien nécessaires, sans parler du risque de chevauchement et d‟actions contre-productives. Cela dit, les partenariats peuvent compliquer le processus, car les objectifs et méthodes des partenaires peuvent ne pas être complémentaires et provoquer des conflits d‟intérêt. Les partenariats devraient donc être flexibles et définir clairement les objectifs, les méthodes et les responsabilités.

L‟étude a également porté sur plusieurs initiatives locales de création d‟emplois prises dans le cadre d‟un partenariat et recensé les caractéristiques communes aux initiatives les plus efficaces : i) les objectifs et stratégies sont formulés plus clairement et avec plus de réalisme après évaluation des

atouts et faiblesses de la région concernée et acquisition d'une bonne connaissance de l‟environnement économique, des ressources et des débouchés existant à l‟échelon local pour les produits locaux ; ii) les actions étant davantage susceptibles d‟être durables lorsqu‟elles mobilisent fortement les acteurs locaux, il est nécessaire qu‟elles s'appuient sur les ressources humaines, physiques et financières locales.

Intégration dans les cadres d’intervention politique

Les premières politiques gouvernementales en matière de partenariat ont été mises en œuvre peu après les premières expériences locales. Au Canada, le programme Développement des collectivités a été mis sur pied dès 1986 pour aider les communautés locales à parvenir à une autonomie économique durable grâce aux partenariats. Il s‟est fondé sur l‟expérience de projets pilotes menés à partir de 1979 (Nanaïmo, Colombie-britannique, et Gainsborough, Nouvelle-Écosse) et qui ont rapidement essaimé sur le territoire canadien. Deux Sociétés d‟aide au développement des collectivités voient notamment le jour au Québec, à Maniwaki et aux Îles de la Madeleine, en 1981. En Irlande, 12 partenariats pilotes ont été mis en place en 1991 par le gouvernement pour lutter contre le chômage de longue durée. L‟expérience s‟étant avérée probante, le soutien financier (complété par une aide de l‟Union européenne) a été étendu à 38 zones en 1994. Une nouvelle mesure étendra le partenariat à l‟ensemble du pays en 2007-2008 (qui comptera entre 60 et 70 partenariats). Des partenariats ont aussi été lancés dès 1993 en Italie méridionale (notamment à Caltanissetta, Sicile), plus tard soutenus par la législation (1996) et promus à l‟ensemble du Mezzogiorno.

C‟est à époque que l‟Union européenne a commencé à considérer le partenariat comme un moyen de faciliter la lutte au chômage et de réduire les disparités en matière de développement, et qui pouvait stimuler l‟allocation des ressources financières prévues à ces fins. Le modèle de partenariat mis sur pied par l‟initiative européenne (qui a reçu une aide financière spéciale pendant les années 1997- 1999), le « Pacte territorial pour l‟emploi », est toujours en opération dans plusieurs pays et régions de l‟Union, et notamment en Autriche, en Espagne, en Finlande, en France, en Grèce, en Irlande et en Italie.

Une étude consacrée au réseau de partenariats locaux en Irlande à ses premières heures a permis de mieux déterminer le rôle que peuvent jouer les partenariats pour améliorer la gouvernance (OCDE, 1996a). Elle montre que les partenariats constituent des modèles pour l‟élargissement de la participation à la transformation de l‟économie et de la société. Les partenariats permettent de canaliser la participation des acteurs locaux au développement local mais aussi à la formulation des politiques nationales, dès lors que les autorités nationales sont informées des leçons tirées et des

questions soulevées au niveau local. À cet égard, les partenariats irlandais ont été considérés comme ayant un rôle important à jouer dans la stimulation des réformes de l‟administration publique et dans l‟adaptation des objectifs nationaux afin de mieux répondre aux besoins locaux.

On a dénoté un point faible : le manque de légitimité institutionnelle et démocratique qui fait que les partenariats sont vulnérables aux problèmes de coordination, tant sur le plan horizontal (entre partenaires) que vertical (entre les partenariats et l‟administration centrale). Pour aider les partenariats à définir leur rôle et préserver leur capacité à innover, il faut mettre en place un cadre d‟action plus stable. Il a été recommandé de renforcer leur cadre d‟imputabilité des résultats tout en continuant à leur laisser une marge de manœuvre importante dans la gestion des activités locales. On pourrait y parvenir par un processus d'expérimentation, de comparaison et d'évaluation des différents modèles de coordination et de combinaisons de relations utilisés à l‟échelon local (un processus désigné sous le terme d‟ « expérimentalisme démocratique »). D‟autres études plus récentes ont permis d‟étayer les faiblesses des partenariats sur le plan de l‟imputabilité, en particulier envers la communauté locale (Skelcher, Mathur & Smith, 2005 ; Geddes, 2000). Elles ont identifié une tension entre participation universelle, qui sous-tend les institutions de démocratie représentative, et participation sélective telle qu‟elle est pratiquée dans les nouvelles de formes de gouvernance comme les partenariats, et qui n‟est pas exempte de contradiction en ce qui concerne l‟objectif d‟amélioration de la gouvernance (Quinn, 2005).

Aujourd'hui, dans la plupart des pays de l'OCDE, les gouvernements soutiennent des réseaux de partenariats, qui rassemblent des acteurs des secteurs public, privé et associatif, représentant l'État, les employeurs, les travailleurs et l'ensemble de la société civile. Bien qu‟il n'existe pas de modèle universel de partenariats, ils partagent quelques tâches principales :

1. poursuivre un objectif général, comme stimuler le développement économique, promouvoir la cohésion sociale, améliorer la qualité de la vie ;

2. s'efforcer d'atteindre cet objectif principalement en augmentant le degré de coordination entre les politiques et les programmes à travers les différents services et niveaux d'administration, et en les adaptant au contexte local ;

3. lorsque le résultat d‟une meilleure coordination est insuffisant, créer de nouveaux projets et services ;

4. travailler à l‟échelon local afin de faire participer les acteurs locaux, notamment la société civile, à la définition des priorités et au développement des projets, et d'exploiter les ressources et compétences locales.

La mission est bien illustrée par la politique du gouvernement du Royaume-Uni concernant les partenariats stratégiques locaux (LSPs, Local Strategic Partnerships). Cette politique vise à rassembler, au niveau local, les différentes composantes du secteur public et des secteurs des entreprises, communautaire et associatif afin de mieux coordonner les initiatives et services, pour atteindre un objectif de politique plus général :

"Notre objectif est d'améliorer la qualité de la vie de chacun. Le simple bon sens veut que

nous y parviendrons mieux si nous travaillons ensemble. Le gouvernement considère que les partenariats stratégiques locaux sont le principal moyen de veiller à ce que nous collaborions. Les LSP sont des partenariats stratégiques multi-agences, multisectoriels. Ils peuvent assurer la coordination entre les services, les agences et les organismes locaux de manière à ce que le travail soit accompli de façon cohérente et efficace au niveau local. Ils peuvent réunir les secteurs communautaire, associatif et privé pour s'assurer qu'ils jouent un rôle dans la fourniture du service. (...)

Les LSP reposent sur l'idée que tous les prestataires de service locaux devraient travailler ensemble, et avec le secteur privé et l'ensemble de la communauté locale pour se mettre d'accord sur une approche holistique de la résolution des problèmes, s'appuyant sur une vision commune, des objectifs partagés, la mise en commun des compétences et des priorités partagées en ce qui concerne l'allocation des ressources" (Rt Hon Hillary Armstrong MP,

avant-propos du document de consultation sur les LSP, Department for the Environment, Transport and Regions, 2000).

Des travaux menés par l‟OCDE (2001, 2004) et d‟autres ont montré que l‟impact principal des partenariat devait être vu en terme de l‟amélioration de la gouvernance. C‟est par leurs efforts pour mettre en cohérence les actions autour de stratégies partagées et en impliquant les différents secteurs de la société que les partenariats sont parvenus à connaître des résultats en matière d‟entrepreneuriat, d‟amélioration des compétences ou de cohésion sociale. Mais les partenariats souffrent d‟un déficit d‟imputabilité. Lorsque des ressources provenant de différents secteurs sont dépensées par un partenariat, qui est responsable de quoi ? Comment attribuer les résultats aux différents membres qui le composent ? La gestion de ressources publiques est-elle compatible avec la nature volontaire de la participation au partenariat ? Comment concilier différents degrés de représentation et de légitimité

(gouvernement, autorités locales, secteur privé, société civile), chacun avec un cadre d‟imputabilité différent ?

***

Comme on vient de le voir, le partenariat cherche à conjuguer les efforts des services publics, du secteur privé et de la société civile autour d‟un objectif général pour lequel une stratégie adaptée doit être élaborée. Il est le seul instrument visant à la fois à améliorer la coordination, l‟adaptation et la participation, tous les autres instruments étudiés dans ce chapitre n‟ayant qu‟un objectif indirect en cette matière ou un effet incertain sur la gouvernance :

 la décentralisation permet d‟ajouter un degré de flexibilité dans la gestion de la politique qui peut être mis à profit afin d‟améliorer la gouvernance, un objectif cependant mis en rapport avec celui d‟améliorer l‟efficacité par rapport aux coûts ;

 la délégation au secteur privé, par la contractualisation et les PPP, a pour principal objectif d‟améliorer l‟efficacité par rapport aux coûts, bien qu‟elle puisse conduire à une meilleure adaptation des mesures aux besoins locaux et à une plus grande participation d‟autres secteurs lorsque ces effets concordent avec l‟objectif principal ;

 l‟expérimentation institutionnelle permet d‟adapter les mesures aux besoins des utilisateurs mais au prix d‟une plus faible capacité de coordination. La gestion de réseau peut permettre de mieux adapter les services aux utilisateurs et, dans les cas de grande fluidité de l‟information, de résoudre des problèmes de coordination sur des problèmes circonscrits. Les effets de mesures transversales prises au niveau central sont incertains sur l‟adaptation et la participation.

Le partenariat suscite cependant autant de questions qu‟il semble apporter de réponse. Il soulève notamment des défis importants en matière d‟imputabilité. Est-il la clé d‟une meilleure gouvernance, celle d‟actions plus cohérentes et efficaces pour accroître le niveau de vie dans un cadre d‟interdépendance ?