• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 8 LE PARTENARIAT : ÉLABORER UNE STRATÉGIE

1. L‟intégration et le développement social

Les partenariats qui travaillent dans ce domaine ont tous les mêmes groupes cibles : les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires de l‟aide sociale, les jeunes sans expérience professionnelle, les femmes et les immigrants qui travaillent dans des conditions précaires, les personnes handicapées, et celles qui éprouvent des problèmes de santé.

Pour ces groupes, les problèmes rencontrés sur le marché du travail et dans la vie quotidienne sont souvent étroitement liés. L‟exclusion sociale va au-delà du fait de ne pas avoir d‟emploi. Elle se caractérise aussi par les difficultés liées à l'insuffisance des revenus, de la protection sociale et des services sociaux (par exemple, services sanitaires, aide au logement, prestations scolaires, services juridiques) (European Social Fund Programme Evaluation Unit, 1999). C‟est pourquoi l‟objectif du partenariat dans ce domaine est double : 1) aider le groupe cible sur le marché du travail, et plus précisément, à trouver un emploi et à le garder, et 2) améliorer les conditions de vie. L‟évaluation des diverses mesures qui interagissent avec ces objectifs a souvent révélé que des liens faisaient défaut et montré la nécessité d'adopter une approche plus globale au traitement des problèmes. En Espagne, en Finlande et en Irlande, des partenariats ont pris cette approche. Pour s'acquitter de leur mission, ils ont défini et poursuivi des objectifs dans une gamme très large (Encadré 3). Les activités permettant d‟atteindre ces objectifs couvrent des domaines variés allant de services de l‟emploi et l'aide à l‟accès au crédit aux mesures destinées à lutter contre l‟alcoolisme et la toxicomanie.

Encadré 3. Les stratégies d’inclusion sociale en Irlande

Un exemple représentatif de stratégies adoptées par des partenariats en faveur de la réinsertion et de l'amélioration de la qualité de la vie des groupes défavorisés est donné ci-après. Cette stratégie, qui s'articule autour de sept grands objectifs, a été formulée par un partenariat opérant dans les comtés d'Offaly et Kildare :

 promouvoir l’emploi et la création d’entreprises ;

 aider les chômeurs à développer leur potentiel et à améliorer leur aptitude à rechercher un emploi ;

 s’attaquer aux problèmes liés aux sorties précoces du système scolaire ;

 dispenser une formation au développement communautaire et assurer le renforcement des capacités ;

 encourager l’organisation des groupes cibles et la mise en réseau ;

 s’attaquer aux problèmes liés au transport, au manque d’information, à la précarité des infrastructures et à l'absence d’équipements collectifs ;

 contribuer à améliorer la qualité de la vie de toutes les composantes de la population.

Source : OAK Partnership.

Certaines de ces activités relèvent des services publics existants, d‟autres non. Par exemple, en Irlande, la promotion de la création d'entreprises relève du ministère de l'Entreprise, du Commerce et de l'Emploi (Department of Enterprise, Trade and Employment), mais aucun organisme n'est chargé du développement communautaire. Quand d‟autres organisations sont actives dans le domaine concerné, les partenariats proposent souvent l‟élaboration commune de programmes et services spécialisés pour compléter ceux qui sont en place. Par exemple, en matière de politique du marché du travail, les partenariats ont suggéré que des services spéciaux de conseil, disposant de plus de temps et de compétences pluridisciplinaires, soient proposés par le SPE aux chômeurs de longue durée, en coopération avec d'autres partenaires.

Les services publics au niveau local et régional ont éprouvé des difficultés à donner une suite favorable à ces initiative, étant entendu que les nouveaux services proposés n‟auraient pas été en totale cohérence avec les cadres d‟intervention existants et auraient détourné des ressources destinées à poursuivre des objectifs fixés à l‟échelon national. Par conséquent, plusieurs parmi les objectifs des

partenariats ont été poursuivis sur la base d‟initiatives distinctes. En Irlande, s‟inspirant d‟initiatives syndicales, les partenariats ont créé leur propre réseau de services locaux de l‟emploi (Local

Employment Services, LES) afin d‟offrir des services aux groupes cibles. En Finlande, où, en raison

d'une stricte gestion axée sur les résultats attendus, le SPE a eu des difficultés à adapter les services dans le sens préconisé par les partenariats, divers services distincts ont été créés avec l‟aide d‟ONG. En retrouve ce cas de figure dans tous les pays.

Bien sûr, ces activités n'ont pas été réalisées en complète isolation des services publics. Les antennes locales des services publics ont souvent souhaité participer d‟une manière ou d‟une autre aux initiatives lancées, apportant ici leur savoir-faire par le biais de leur représentation au conseil d‟administration et dans les groupes de travail, participant là au financièrement à ces initiatives en utilisant des crédits budgétaires dont ils peuvent disposer librement à l'échelle locale. En Irlande et en Finlande, il existe plusieurs exemples de projets élaborés par des partenariats auxquels le SPE a coopéré activement. En Irlande, le SPE a même détaché du personnel auprès du LES.

Mais la difficulté pour les instances publiques de modifier les cadres de gestion des politiques pour pouvoir participer plus ouvertement à ces initiatives provenant du milieu local a fait en sorte que la gestion de la plupart des initiatives a dû être assumée par les partenariats eux-mêmes. Les partenariats ont ainsi pris en charge la fourniture d'une gamme de services à la population, ce qui a fait de la mission des partenariats une réalité tangible sur le plan institutionnel.

Reconnaissant l‟utilité des initiatives prises à l‟échelle locale, les gouvernements ont eux-mêmes alloué directement des fonds aux partenariats pour développer de telles activités. Ils ont aussi intégré certaines initiatives des partenariats dans les cadres d‟intervention nationaux. On citera à nouveau les LES à titre d‟exemple. En 1995, les pouvoirs publics ont élargi le réseau de ces services, composé au début de 12 unités, à toutes les régions où des partenariats opéraient, en fournissant les fonds nécessaires (via le ministère de l'Entreprise, du Commerce et de l'Emploi). En 1999, ils ont franchi une nouvelle étape en confiant la responsabilité de la gestion de ces services à l‟organisation tripartite chargée de la mise en œuvre de la politique du marché du travail (FÁS). Autre exemple irlandais, un programme destiné à promouvoir le travail indépendant parmi les bénéficiaires de l‟aide sociale (Back

to Work Allowance), lancé par un partenariat local mais désormais proposé dans toutes les régions.

Dans une même logique, des gouvernements sont allés jusqu‟à créé des partenariats afin de mettre en œuvre de nouvelles mesures, comme ce fut le cas au Royaume-Uni avec les New Deal Partnerships, destinés à appliquer le programme de welfare to work.

Les partenariats irlandais fournissent un excellent exemple d‟institutionalisation. Ils se sont implantés dans tout un secteur que les services publics n‟étaient pas préparés à développer et à gérer. En comblant le vide qui existait entre différentes politiques gouvernementales, leur action a servi à créer en quelque sorte un nouveau champ d‟intervention : le développement social des groupes défavorisés, lequel est devenu un objectif explicitement poursuivi dans le pays. La cohésion instituée au niveau local entre les divers acteurs, y compris les groupes de la société civile et les fonctionnaires, que l‟on a évoquée au chapitre 7, a joué pour beaucoup dans l‟élaboration d‟une approche plus globale des problèmes rencontrés par les groupes défavorisés.

S’associer au développement économique ?

Les partenariats chargés du développement social ont parfois cherché à s‟associer davantage aux affaires économiques. L‟aide à la création de nouvelles entreprises, le développement des infrastructures et les transports publics peuvent avoir des répercussions directes sur la réinsertion des chômeurs de longue durée. La revitalisation des zones urbaines et le développement des aménités rurales pour stimuler les activités touristiques sont des considérations qui ne peuvent être ignorées dans les régions défavorisées. Les interactions entre ces domaines expliquent pourquoi les partenariats ont tenté d‟encourager une approche intégrée des problèmes des groupes défavorisés, en faisant participer tous les organismes concernés au processus de prise de décision, y compris ceux qui sont responsables des politiques économiques.

Cet engagement des partenariats a parfois eu lieu au risque de créer la confusion quant au rôle et responsabilités des partenariats. En Irlande, les partenariats ont certes axé leur participation aux affaires économiques sur les préoccupations de leurs groupes cibles, mais ils ont parfois donné l'impression qu'ils revendiquaient la responsabilité du développement économique en raison du nombre de leurs initiatives en la matière. Or il est apparu qu‟une répartition mal définie des pouvoirs peut affaiblir la coopération avec les acteurs intervenant dans les domaines économiques et engendrer la concurrence là où s‟imposerait une plus grande coordination.

Pour éviter ce genre de situation, plusieurs partenariats ont tenu à bien dissocier les tâches relevant respectivement des domaines économiques et sociaux. Par exemple, dans une région du centre de la Finlande (municipalités de Iisalmi, Sonkajärvi et Vieremä), le plan d‟action en faveur de la réinsertion des chômeurs de longue durée élaboré par le partenariat a été explicitement dérivé du plan de développement régional, conçu par l‟association des municipalités. Cela a permis de garantir la cohérence des actions entreprises de part et d'autre et de mettre leur complémentarité en évidence. En Flandre aussi, les objectifs d'emploi poursuivis sur la base d‟un pacte territorial s‟inscrivant dans une

initiative de l'UE (dans la sous-région de Halle-Vilvoorde) ont été stipulés en conformité avec le plan de développement socio-économique conçu au niveau provincial par l'agence de développement économique en coopération avec le gouvernement de la province du Brabant flamand.

Bien que certaines questions soient communes aux secteurs économique et social, il est difficile en pratique de relier les exercices. La planification d‟une stratégie de développement économique comporte des difficultés qui lui sont propres comme le montre la section suivante.