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CHAPITRE 7 LE PARTENARIAT : ENCOURAGER LA COOPÉRATION

4. Vers une approche intégrée

Au cours du processus d'encouragement de la coopération, il arrive que des secteurs ou des groupes restent en dehors du partenariat. Les services publics dont les champs d'action ne sont pas directement liés aux principales questions dont se préoccupe le partenariat ont souvent peu de raisons d'être représentés. Fréquemment, les organisations patronales et les syndicats ne participent pas activement par manque d'intérêt et, souvent, la société civile n'est pas invitée, notamment dans les partenariats ayant pour principal objectif d'assurer une interface entre les institutions publiques.

Pourtant, il existe de nombreux exemples de partenariats ayant privilégié une approche plus intégrée de la prise de décision. En pareil cas, des acteurs très différents ont été conviés à apporter leur contribution en termes de soutien, de savoir-faire, d'avis et de propositions.

Mais qu‟entend-on exactement par approche intégrée ? Suivant OCDE (2001), il s'agit de la capacité de soumettre des propositions ou de prendre des décisions concernant une question donnée en faisant participer des organismes et acteurs susceptibles d‟avoir une incidence sur la pertinence, la justesse et l‟efficacité des décisions prises. L‟intégration a deux dimensions : 1) une dimension intersectorielle, qui se réfère aux champs d'action ; elle se traduit par la représentation des services publics ayant des intérêts dans les champs d'action couverts par la question à l'étude ; et 2) une dimension inclusive, qui se réfère à la capacité de prendre en compte les avis exprimés par les institutions et les groupes de la population qui s'intéressent à la question à l'étude, ou qui pourraient contribuer utilement au processus de prise de décision. En associant les deux dimensions, l‟intégration établit un lien entre le gouvernement, les partenaires sociaux, les autorités régionales, les groupes d‟intérêts et d‟autres secteurs de la société civile. Les sections suivantes présentent plus en détail ces deux dimensions et voient comment elles se matérialisent au travers de l‟expérience des partenariats.

4.1 La dimension intersectorielle

Plusieurs champs d‟action relevant de différents niveaux d'administration peuvent être visés par l'étude d'une question déterminée. Par exemple, on estime que la coopération entre les autorités responsables de la politique du marché du travail, du développement économique, de l‟enseignement et de la formation est nécessaire pour apporter une réponse efficace au problème de l'exclusion des chômeurs de longue durée. En raison des obstacles structurels auxquels sont confrontés les groupes

défavorisés, il est également indispensable que les services sociaux (logement, soins de santé et garde des enfants), d'infrastructures et de transport public participent. Autre exemple : pour étudier les questions liées au développement économique, il conviendrait idéalement d'adopter une approche encore plus large en faisant participer plusieurs des partenaires déjà mentionnés plus les organismes chargés de l‟attraction des investissement étrangers et de la politique concernant les petites et moyennes entreprises (PME) pour ne mentionner que ceux-là.

Comme de nombreux exemples l‟attestent, les services publics participent largement aux partenariats, et il n'est apparemment guère difficile de faire participer les principales autorités concernées aux réunions prévues. On ne peut dire pour autant qu‟il s‟agit là d‟une pleine et entière participation institutionnelle. Une large couverture intersectorielle ne garantit pas un degré de participation élevé. Dans certains cas il est difficile pour cette participation d‟aller au-delà d‟un engagement purement personnel de la part des représentants locaux. En Irlande, les partenariats ayant pour objectif le développement social des groupes défavorisés ont réussi à rassembler localement, autour d'une même table, les représentants des organismes les plus concernés, et seul le ministère de l‟Éducation s‟est nettement tenu à l‟écart du processus pour diverses raisons. Les services publics participants, habilités à décider eux-mêmes des modalités et conditions de leur participation, ont généralement nommé des responsables sans toutefois leur confier de mandat de représentation spécifique. De ce fait, la possibilité d'assurer une plus grande cohérence des politiques entre les organismes intéressés a été subordonnée à l'aptitude personnelle des représentants à convaincre, au cas par cas, leur administration de prendre les mesures convenues au sein des partenariats et proposées par ces derniers. Cette situation a abouti à des résultats très différents d'une région à l'autre.

En Espagne, en Finlande et en Irlande, l'engagement résolu dont certains fonctionnaires ont fait preuve à titre personnel a pu compenser dans une certaine mesure la faiblesse de l‟engagement institutionnel. La bonne connaissance que les fonctionnaires ont du contexte local et des programmes disponibles a été utile pour lancer des projets bien construits, répondant aux besoins locaux et entrepris en exploitant les diverses ressources disponibles sur place. Le gouvernement a reconnu cette capacité d'entreprendre et d'exécuter des projets efficaces au niveau local, comme nous le verrons plus loin.

Les travaux ont montré que le renforcement de la cohésion des secteurs qui s‟est opéré dans certains partenariats a contribué à cet engagement personnel fort de la part de responsables locaux. Le renforcement de la cohésion au sein du secteur volontaire et associatif a notamment augmenté la clarté et la précision des objectifs de ce groupe aux contours souvent flous, ce qui, en retour, a facilité

l'identification de domaines d'intérêt commun par les fonctionnaires locaux désireux de participer davantage aux affaires locales.

4.2 La dimension d’intégration

Les syndicats, les organisations patronales mais aussi les employeurs non affiliés, les ONG, les groupes de la société civile et les institutions religieuses sont tous membres d'un partenariat. Ils échangent leurs points de vue sur la façon de s‟attaquer aux problèmes locaux et fournissent un soutien, des informations et une aide dans leurs domaines de compétences respectifs.

Les partenaires sociaux (syndicats et patronat) participent à la majorité des partenariats dans la zone de l'OCDE. Ils contribuent principalement à leur travail en mettant à disposition des informations et de savoir-faire. Dans les partenariats étudiant les questions liées à l'emploi, les syndicats et les organisations patronales fournissent des informations capitales sur les besoins et disponibilités en compétences et qualifications, par secteur. Les partenariats bénéficient aussi de l‟expertise acquise par les syndicats de certains pays en matière de prestation de services. En Espagne et en Irlande, les syndicats ont aidé à mettre en place des services locaux d‟emploi gérés par les partenariats locaux. Les milieux d'affaires font souvent profiter de leurs compétences en matière de gestion de projets, organisant des séminaires et fournissant une assistance spécifique, comme en Autriche et au Mexique (état de Sinaloa).

Parfois, les syndicats et les organisations patronales s‟investissent davantage dans les partenariats et, avec l‟aide de l‟État, ils négocient des mesures en faveur du développement économique local. En Italie, l‟un des types d'accord de partenariat, appelé contrat de zone (contratti d’area), prévoit entre autres objectifs principaux l'application de mesures exceptionnelles visant à accroître la flexibilité du marché du travail, à simplifier les formalités administratives relatives à l‟investissement des entreprises et à renforcer les procédures de sécurité susceptibles d'avoir une incidence sur l‟investissement dans les zones en difficulté du Mezzogiorno. Pour les autres types de partenariats les plus courants (pactes territoriaux), les procédures d‟autorisation des projets d‟investissement ont également été simplifiées, ce qui a nécessité l'intervention de plusieurs services publics et organisations. Ces mesures ont accéléré de façon spectaculaire le processus de création d'entreprise, le ramenant dans certaines régions de deux ou trois ans à 60 jours, et ont institué des organismes à guichet unique, où toutes les procédures peuvent être exécutées.

En général, cependant, la participation des partenaires sociaux est relativement faible. Comme cela est le cas pour les services publics, les délégués nommés remplissent souvent leurs fonctions de

manière volontaire et à titre personnel. Il est difficile d‟évaluer la mesure dans laquelle les délégués représentent effectivement leur organisation car rares sont les mécanismes donnant à penser que les organisations concernées participent officiellement. Dans leur majorité, les délégués n‟ont pas de mandat clairement défini auquel se référer et il ne leur est pas demandé de rendre compte à leur organisation des discussions qui se sont déroulées dans le cadre du partenariat. Les organisations assignent rarement des objectifs de résultats aux partenariats.

Peu de partenaires sociaux ont adopté une ligne d'action en ce qui concerne les affaires gérées par les partenariats. Par exemple, peu de syndicats ont une politique spécifique en matière de développement local. Ce n‟est cependant pas le cas dans tous les pays. En Italie, les principaux syndicats sont partisans d‟une approche ascendante (bottom-up) du développement économique, qui confère à leurs représentants une légitimité pour proposer ou entreprendre des actions au nom de leur organisation. En outre, les syndicats italiens encouragent en priorité les mesures en faveur de l‟emploi en général, et pas seulement pour leurs membres, ce qui explique leur désir de discuter par exemple de la façon d‟accroître la flexibilité du marché du travail dans les zones défavorisées. Une démarche similaire a été adoptée dans d‟autres pays, comme l‟Espagne et plus précisément en Catalogne, où les syndicats (notamment l‟UGT) participent activement à la majorité des pactes territoriaux pour l‟emploi. En Belgique, à la fois dans les régions flamande et wallonne, les syndicats ont reconnu la nécessité de déployer davantage d‟efforts en faveur du développement économique au niveau sous-régional. Ils ont convenu avec les organisations patronales de promouvoir le développement des zones défavorisées, et se sont mis d'accord sur un nouveau rôle commun pour favoriser la réinsertion des chômeurs de longue durée et des exclus sociaux.

Le fait que les partenaires sociaux aient une politique claire en ce qui concerne le développement local, ou plus précisément les mesures que devraient appliquer les partenariats, donne à leurs représentants l'occasion de jouer un rôle important, au même titre que ceux qui sont membres d‟une organisation tripartite gérant la politique du marché du travail. Promouvoir une politique en la matière renforce la légitimité de leurs représentants et, de ce fait, celle du partenariat dans son ensemble. En effet, promouvoir une politique exige de rendre compte des actions entreprises afin d'évaluer si le partenariat est un instrument approprié dans le domaine en question. Au Danemark, les représentants des syndicats et des entreprises ont des mandats clairement définis et se réunissent régulièrement au niveau régional et national, au sein de leurs organisations respectives, pour discuter des actions entreprises et des résultats obtenus par le SPE. Le vif intérêt porté aux performances du partenariat incite véritablement les institutions à s‟efforcer d'optimiser les résultats.

Représenter la société civile

Dans les nombreux pays (par exemple, l‟Autriche, la Belgique, le Danemark), où ils représentent la majorité des employeurs et des salariés, les partenaires sociaux ont souvent été réputés représenter l'ensemble de la société civile. Cette opinion est remise en question par les organisations de la société civile, notamment les associations bénévoles et les ONG, qui rassemblent et représentent des individus, comme les chômeurs et les personnes appartenant à des minorités, dont les intérêts ne sont pas directement défendus par les syndicats et les organisations patronales. La société civile, représentée par ces groupes, a souvent joué un rôle important dans la formation des partenariats.

Il existe sans doute une relation d‟arbitrage entre la dimension inclusive et l'engagement institutionnel. Le rôle actif joué par les organisations communautaires et les associations bénévoles dans les activités du partenariat dissuade parfois les partenaires sociaux de renforcer leur participation aux partenariats ouverts. Les syndicats et les organisations patronales sont des organisations qui représentent officiellement leurs membres respectifs -- degré de représentation auquel les autres représentants de la société civile ne parviennent pas toujours. On s'attend souvent à ce que le processus de prise de décision reflète cette situation, sous la forme d'un rôle prédominant pour les partenaires sociaux.

Pourtant, les divers groupes de la société civile apportent fréquemment une importante contribution à certains partenariats, notamment à ceux s‟efforçant de répondre aux besoins locaux non satisfaits dans le domaine social. Convier l'ensemble de la société civile à participer se justifie entre autres par le fait que la coopération entre les décideurs et les groupes cibles des politiques et programmes accroît la quantité et la qualité des informations pouvant servir à renforcer l‟efficacité des mesures prises. Dans la pratique, toutefois, les représentants des groupes cibles (chômeurs, jeunes, femmes, immigrants) n‟ont été invités au conseil d‟administration que dans quelques pays (notamment en Irlande et dans certaines régions de Finlande). Plus fréquemment, la société civile est représentée par les ONG qui à la fois défendent les intérêts de ces groupes et leur fournissent des services.

Les ONG sont souvent enthousiastes à l‟idée de faire partie de partenariats, ces derniers représentant un instrument de démocratie participative qu'elles peuvent utiliser pour exprimer leur opinion. Mais l'un des principaux obstacles à leur pleine et entière participation est la faiblesse de leurs mécanismes de représentation. La participation n‟a pas été structurée dans tous les pays, et les ONG ont parfois été invitées aux conseils d'administration sans avoir été soumises à un processus de sélection ou d'élection. Bien qu'à plusieurs reprises il ait été fructueux pour les décideurs de procéder à des échanges de vues avec des ONG connaissant bien les besoins de la communauté locale, la

faiblesse de la représentation est susceptible de porter préjudice à la légitimité de leur participation. En outre, un faible degré de représentation a souvent pour corollaire l'absence de mécanismes de compte-rendu et de consultation, ce qui affaiblit la transparence de l'ensemble du processus du partenariat.

Des mécanismes de représentation acceptés par tous les partenaires renforcent et inscrivent dans la durée l‟implication de chaque partenaire, et représentent un élément crucial de l‟effort général visant à renforcer la responsabilité des partenariats et leur légitimité. Cette question a trouvé une réponse en Irlande, où tous les représentants du secteur volontaire et associatif sont élus par leurs pairs. De ce fait, dans ce pays, la légitimité de la représentation de la société civile n'est généralement pas contestée au niveau local. Au contraire, la forte participation et l'expérience de ce secteur sont considérées comme un atout précieux.

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En résumé, le renforcement de la coopération et de la cohésion a aidé les organisations à prendre des décisions appuyées par de meilleurs éléments d‟information et à prendre conscience de la diversité des préoccupations. Les partenariats parviennent davantage à renforcer la cohésion au sein des différents secteurs (autorités locales, partenaires sociaux, société civile) que la coopération entre les secteurs. Les partenariats réussissent également à fournir une interface technique entre les principales institutions concernées, bien que cette forme de collaboration puisse se révéler plutôt décevante sur le plan de la gouvernance : les partenariats au sein desquels une ou deux grandes organisations jouent un rôle prédominant peuvent être un cadre propice à l'obtention de résultats efficaces mais risquent de surestimer l'importance de questions particulières qui ne reflètent pas un ensemble représentatif de priorités. L'établissement de relations de coopération informelles entre les organisations peut s‟avérer aussi avantageuse que les structures partenariales plus formelles. La mise au point d‟une approche intégrée est une entreprise difficile : les partenaires sociaux peuvent jouer un rôle important dans la conduite des affaires locales à condition de mener un exercice de définition stratégique ; la société civile peut accroître son influence par la mise en place de mécanismes de représentation acceptables par les autres partenaires.

Pour bénéficier de tous les avantages de la coopération instaurée, les partenaires conviennent le plus souvent de poursuivre des objectifs stratégiques permettant la réalisation en commun de séries d‟actions. Ces exercices seront étudiés dans le prochain chapitre.