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L'idée initiale de la thèse était d'étudier les pratiques des adolescents en ligne par rapport à l'utilisation de la pornographie. Cette proposition de projet poursuivait un chemin de recherche commencé à l’EHESS avec une étude sur l'utilisation de la pornographie par les jeunes en Italie. Néanmoins, les méthodes traditionnelles adoptées, telles que des questionnaires et des groupes de discussion, avaient leurs limites. Par conséquent, nous avions d'abord pensé mettre au point une méthode plus intrusive, comme l'observation participante. Cependant, cette perspective aurait été très limitée à un contexte local, avec un impact minimal sur le débat politique international. Notre objectif restait de soulever une réflexion sur le sujet enquêté dans l’espace européen. Cette décision s’inspirait des échanges auxquels nous avions assisté à la Commission européenne du fait de notre participation au programme Safer Internet186. D’autre part, une fois

l'expérience professionnelle terminée, il était compliqué d’avoir accès aux événements dont nous avions été témoins pendant les cinq mois de stage Bluebook. Bien que cette observation naïve ait été déterminante dans nos décisions ultérieures, elle n'avait pas été suffisamment documentée pour pouvoir être étudiée. D'une certaine manière, nous avons regretté ce manque de trace ; d'autre part, un regard désintéressé et libre nous a permis de détecter un certain nombre d'informations supplémentaires. À travers un dialogue ouvert et spontané avec les différents interlocuteurs rencontrés à diverses occasions, nous avons choisi la perspective qui nous paraissait la plus intéressante pour développer une réflexion internationale, ancrée dans l’actualité du débat et basée sur nos compétences plurilinguistiques. Notre ambition a dû être recadrée à un moment donné avec l’aide des directeurs de recherche, avec lesquels nous avons privilégié le terrain des débats du Parlement européen. Bien que dépourvue de la vitalité et la joie qui nous avaient motivée dans nos recherches avec les jeunes, cette perspective relevait d'une responsabilité éthique à l’égard des adolescents et des enfants. Nous trouvions que cette approche permettait d’agir de manière plus décisive sur le débat scientifique et politique à

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l’international. En réalité, lors des rencontres précédentes, d’autres experts nous avaient invitée à ne pas négliger le point de vue que nous avions pu acquérir dans l'observation des relations parmi les différentes parties prenantes.

Après une sélection minutieuse des débats du Parlement européen, leur traduction et leur archivage, nous avons procédé à l'application de deux méthodes d'analyse des données : l’analyse de contenu et la méthode Alceste. La première consistait en une méthodologie traditionnelle qui nous permettait, par une méthode inductive, de produire des hypothèses interprétatives par rapport à la grande quantité de données collectées. Nous avons avancé selon des hypothèses initiales au développement d'une grille d'analyse. Une fois l'ensemble des débats codifiés, nous avons continué avec l'extraction par code des parties du texte et à un deuxième examen plus détaillé des données. À partir de l'analyse de contenu, nous avons décidé d'exclure l'identité des parlementaires, car nous avons jugé pertinent de recueillir les principaux arguments soutenus concernant les questions qui nous intéressent. Nous avons plutôt pris en compte les arguments essentiels du débat international en cours que nous décrivons en détail dans les paragraphes suivants. L'autre méthode adoptée s'appelle Alceste ; il s’agit d’une technique d'analyse de données réalisée au moyen d’un logiciel187, particulièrement utilisé en

psychologie sociale par les chercheurs de la théorie des représentations sociales. La méthode Alceste nous a permis de synthétiser les principaux domaines thématiques à travers une méthodologie quantitative basée sur l'analyse descendante hiérarchique. Les classes de mots et les segments de texte, identifiés par le logiciel IRaMuTeQ, nous ont fourni la matière pour analyser les principaux systèmes d'idées qui guident le débat. Bien que nous ayons appliqué cette méthodologie après l'analyse de contenu, il nous a été utile de reformuler certaines interprétations sur la base de données quantitatives. De plus, la comparaison des résultats des deux méthodes nous a permis de prendre davantage de distance réflexive par rapport aux données. Dans les deux cas, nous avons privilégié l'utilisation de logiciels d'analyse de données tels que ATLAS.ti188 et Alceste. Ces choix ont donné lieu aux réflexions méthodologiques que

nous présentons ci-après.

En effet, nous avons remarqué que, bien que l'utilisation de ces logiciels accélère de nombreuses procédures d'organisation et de gestion des données, ils ne se combinent pas toujours au rythme de la pensée philosophique ou sociologique qui exige, à notre avis, des temps plus lents. Cela est particulièrement vrai pour ATLAS.ti, logiciel qui organise les données dans l'ordre des codes établi par le chercheur lui-même. Un autre discours prévaut pour

187 Nous avons utilisé la version libre du logiciel, appelée IRaMuTeQ. Son usage est expliqué à la section 3.3. 188 Pour une description détaillée de l’analyse de contenu par ATLAS.it, voir à la sous-section 3.2.3.

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un logiciel comme IRaMuTeQ qui, au contraire, retravaille des masses de données et en propose une élaboration, en en facilitant l’analyse sociologique. D'autre part, en offrant une visualisation par classes de mots, Alceste a pour limite de fournir des réponses rapides, qui peuvent induire en erreur si elles ne sont pas soigneusement vérifiées par une lecture qualitative des mots-clés dérivés.

Dans les sections suivantes, nous décrivons toutes les étapes de la recherche, de la sélection des matériaux à l’analyse de contenu par ATLAS.ti, de la mise au point d’une grille pour le codage du contenu jusqu’à l’application de la méthode Alceste et l'analyse des données.

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3.1. Le terrain d’enquête :

le Parlement européen

Le choix des débats parlementaires à analyser n'a pas été immédiat, mais il a résulté d'une série de changements visant à sélectionner les textes les plus pertinents pour nos objectifs. Le débat parlementaire européen est un point focal de l'attention internationale, médiatique, politique et législative. Son analyse s'est distancée des décisions politiques des réalités nationales, dans notre cas les panoramas italien et français, et nous a mis en lien avec les parties prenantes d'autres pays non européens. Ce choix offrait donc un point d'observation privilégié pour pouvoir communiquer à une communauté académique et politique plus large que les réalités nationales et qui, à notre avis, avait une influence décisive sur les choix politiques relatifs aux questions traitées. D'autre part, en analysant les documents, nous avons trouvé de nombreuses limites au champ de recherche choisi par rapport à nos objectifs initiaux. Nous souhaitons en souligner certaines et expliquer les raisons pour lesquelles nous avons décidé de poursuivre dans ce domaine d'enquête. Un premier point est l'influence limitée des débats du Parlement européen sur la prise de décision politique des institutions européennes. Bien que cela ait constitué un fort élément de frustration au cours de la recherche, il nous a permis de recueillir facilement des informations en tenant compte des limites budgétaires et temporelles du projet. Un deuxième point est le manque d'informations sur les relations extérieures à ce qui se passe dans les débats. Bien que nous ayons participé aux échanges entre les fonctionnaires de la Commission européenne, les membres du Parlement européen et les différents acteurs impliqués, nous n'avons pas pu identifier une piste plus complète et accessible, avec une dimension sociologique et historico-philosophique. Ce n'est que suite à de nombreuses recherches, et désormais en retard pour pouvoir repenser la méthodologie, que nous avons été informée de l'existence du registre de la transparence du Parlement européen189. Ce champ

d'investigation pourrait être exploré dans de futures recherches sur le sujet, ce qui pourrait fournir des éléments importants pour une réflexion sur le pouvoir d'influence des autres acteurs impliqués dans les processus décisionnels. Un troisième point concerne les limites de représentativité de la diversité culturelle de la part des participants au débat européen. Pour les hypothèses de départ, nous nous attendions à trouver des interventions qui exprimaient la vivacité interculturelle typiquement européenne ; d'autre part, dans les débats, nous avons relevé un certain aplatissement des positions exprimées, qui suivaient principalement des lignes

189 Le registre est disponible à ce lien :

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politiques déjà déterminées. L'impression est donc que, malgré le terrain choisi pour restituer des informations importantes pour une reconstruction historique et socio-politique, d'autres points d'observation et d'autres méthodologies fourniraient une vue plus pertinente. Par exemple, des méthodologies alternatives, certainement plus coûteuses et risquées, auraient pu être la conduite d'entretiens et l'observation participante lors de réunions avec des parties prenantes externes.

3.1.1. La construction du corpus : la sélection des débats

dans les archives du Parlement européen

À partir de la section « Plénière » du site web du Parlement européen, nous avons retracé les débats relatifs aux questions qui nous intéressaient190. Les principales étapes de la collecte des

documents ont été la recherche dans les sous-sections, la division du corpus en sous-thèmes et la traduction des textes. Ces phases successives sont décrites en détail ci-après. Nous terminons par des observations finales sur les choix effectués.