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Section 3. Intranet : un outil d’apprentissage

2. La gestion des connaissances et les problèmes rencontrés

2.1. Le paradoxe de Solow

A ce niveau, il est essentiel de se poser une question très importante, au cœur même de notre travail de recherche, à savoir : comment valoriser l’apport de l’intranet dans l’amélioration d’une démarche de management des connaissances ?

Ces dernières années « de nombreuses organisations ont mis en place des programmes de management des

connaissances sans pour autant arriver à mesurer l’apport véritable de cette démarche»544. Le management

des connaissances étant une pratique très répandue dans les entreprises. Il peine encore à se généraliser en raison d’un manque de données concernant sa valeur ajoutée pour les organisations. Le retour sur investissement représente dans ce cas un frein important. Il réside dans l’incapacité de l’entreprise à prouver les gains obtenus. Donc, « Même en tenant compte du phénomène de l’attente d’une prochaine version, de

542 MÉTAIS et MOINGEON, 2001, p.117.

543 L’ergonomie est un élément important qui favorise l’utilisation de l’intranet.

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l’incompatibilité culturelle ou de la résistance au changement, il restera toujours l’éternelle question du retour sur investissement et sa difficulté à calculer les retours tangibles et intangibles comme obstacle

important à l’adoption du 2.0 »545. Une étude du cabinet de conseil KPMG – gestion des connaissances en

Europe (2003) a montré que : « les entreprises européenne déclarent dépenser moins de 2% de leur CA dans le management des connaissances. Mais deux tiers des entreprises interrogées n’arrivent pas à quantifier le

retour sur cet investissement »546. Ces constats ont poussé les responsables informatiques des grandes

entreprises Françaises membres du CIGREF, à admettre que : « les projets de management des

connaissances ont relevé jusqu’ici plus du pari que de l’investissement réfléchi »547. Ces responsables

dénoncent par la même le manque de méthodologie pour valoriser cette démarche. Ils déclarent que : « La presse et les cabinets de conseil ne cessent de proclamer depuis la fin des années 90 que la matière grise, et de façon plus générale la connaissance, devient une ressource stratégique vitale pour les organisations dont la valeur ne cesse de croître. Si l’on se réfère à leur discours, les enjeux de la capitalisation et de sa gestion semblent donc très importants. Hélas, derrière leur « slogans » n’apparaît aucune méthodologie satisfaisante pour l’évaluation de la valeur de ce capital immatériel ou intellectuel, ni du ROI et des gains potentiels qui

peuvent être formellement attendus après une démarche de gestion des connaissances »548.

La difficulté à mesurer la rentabilité générée par l’intranet est appelée « paradoxe de Solow » ou « paradoxe de la productivité » devenu célèbre en 1987. Solow a écrit les propos suivants : « on voit partout l’âge de l’informatique sauf dans les statistiques de productivité ».

Avant la prise de conscience de ce paradoxe, les TIC étaient considérées comme des innovations importantes. Ces outils étaient considérés comme la clé de réussite des entreprises. Mais, leur exploitation ne s’est pas suivie d’une amélioration de la productivité telle qu’elle était imaginée par les gestionnaires. Ce paradoxe a donc freiné les politiques de déploiement des nouvelles technologies.

L’idée étant que les savoirs sont moins contrôlables549 et plus volatiles. Il est donc difficile d’arriver à gérer

le savoir qui est une chose insaisissable. C’est ainsi que, les recherches effectuées sur ce sujet ont affirmé qu’à travers les années, les entreprises se sont rendu compte qu’elles ne savaient pas calculer les retombées de cet outil sur leur fonctionnement.

L’auteur VAAST explique que « L’intranet est comme toutes les autres TIC. Afin d’effectuer leurs tâches quotidiennes, les utilisateurs et les groupes de travail exploitent simultanément différentes applications liées à l’intranet, telles que : les systèmes de messagerie, des applications de travail collaboratif, des bases de

545 IDEM, p.3.

546 IDEM, p.3.

547 CIGREF, 2000. Cité par : PERRIN. A,op.cit, p.3.

548 IDEM.

549 Le problème de l’estimation des avantages qu’il peut apporter, demande de mesurer l’ampleur de ses retombées sur le domaine social et du travail. Le problème est que l’évaluation ne se limite pas à la seule utilisation d’indicateurs quantitatifs (tels que le nombre de documents, de connexions, de contributions, de pages intranet visitées, …), mais, il existe également le problème de l’intégration de critères qualitatifs (tels que la satisfaction des utilisateurs, les retours d’expérience, …). C’est ainsi que, la difficulté pour l’entreprise de faire apparaître les gains générés par ces projets serait l’une des causes d’échec de la mise en œuvre du projet intranet. Le problème n’est pas que l’on ne sait pas reconnaitre les bénéfices intangibles, mais qu’on ne dispose pas de capacité à les mesurer et à les transposer en valeur financière.

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données techniques, … »550 Ainsi, « si on est amenés à énumérer les avantages de l’outil, on ne doit pas se

limiter au référencement de ses potentialités techniques seulement. Ces applications opèrent conjointement, sans que ces derniers soient capables d’identifier précisément l’apport de chaque application aux démarches

de management des connaissances »551. L’exemple de la vidéoconférence nous parait significatif. Le

problème rencontré avec cette application réside dans le fait qu’on est incapable de mesurer les bénéfices qu’elle permet de réaliser. La mise en place de la visioconférence peut coûter à l’entreprise des sommes importantes. Ces dépenses apparaîtront aux moments de l’investissement ou du fonctionnement. Mais, l’exploitation de la visioconférence permet de réduire les déplacements en procédant à des réunions virtuelles à distance. Ce qui est susceptible d’avoir un effet bénéfique mesurable sur les frais généraux. Elle favorise également le travail coopératif à distance, pouvant être un facteur de réactivité important pour l’entreprise. Un apport qui est difficile à cerner.

Toujours dans ce sens, on peut dire que quand on envoi un document électronique à un collaborateur. Celui-ci gagne du temps, et sans doute de l’efficaCelui-cité, mais la somme économisée reste inconnue. Un directeur des systèmes d’information chez une entreprise appelée USINOR a écrit sur internet les propos suivants : « il semble qu’il vaut mieux partager un organigramme à jour dans une base de données que ranger un organigramme obsolète au fond d’une armoire. Mais le gain d’efficacité est difficile à quantifier, s’ils

reposent sur des ressorts immatériels, les bénéfices n’en sont pas moins réels »552.

On peut conclure dans ce cas que, lorsqu’on évoque la question de la rentabilité des TIC, on est incapable d’argumenter nos propos en utilisant des outils purement comptable. Ces constats ont fait qu’un grand nombre d’économistes et de dirigeants d’entreprises ont émis l’idée suivante : il faut croire en l’efficacité des investissements TIC sans pour cela chercher à en démontrer les conséquences. Il faut seulement chercher à optimiser l’utilisation de ces outils. On ajoute que, les auteurs BRYNJOLFSSON et HITT ont écrit les propos suivants : « il n’est plus temps de s’interroger sur les impacts des TIC sur la performance, complexes à mesurer et probablement limités s’ils ne sont pas accompagnés de changements organisationnels, mais sur

la meilleure façon d’utiliser l’ordinateur »553.

Mais, l’existence de cette idée n’a pas empêché d’autres chercheurs de réaliser des études de cas concernant l’utilisation des TIC et leurs impacts. Des méthodes de calcul des actifs intangibles sont apparues. C’est dans cette optique que « les sociétés CISCO et VERIZON ont tenté de définir une nouvelle mesure : la Return on Collaboration (ROC). Cette dernière mesure l’incidence de la collaboration sur les domaines fonctionnels ou métiers clés. Elle peut être utilisée pour mesurer la collaboration à l’échelle du développement, des ressources humaines, des ventes, des relations publiques, etc. Le ROC suit la quantité d’amélioration

550 VAAST.E, « Comprendre les territoires de l’organisation par les pratiques des intranets », Centre de recherche en gestion de l’école polytéchnique, 2002. Cité par AZZOUZ. M, BIDAN. M, op.cit, p.164.

551 BENGHOZI (2002). Cité par PASCAL. A, op.cit, p.187.

552 IDEM

553 Marcellin. H- N- N, « Informatisation et performance dans la PME au Cameroun », Revue internationale P.M.E., Volume 17, numéro 2, 2004, Document généré le 19 déc. 2017.

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provenant d’un investissement financier dans le domaine collaboratif. Le ROI est une mesure de résultat,

alors que le second est une mesure de processus »554. Le ROC est différent en fonction du nombre

d’employés d’une organisation. Il évolue selon le nombre d’utilisateurs ou de collaborateurs dans l’entreprise. Le ROC devient de plus en plus élevé à l’arrivée d’un nouveau membre, lequel apporte de la valeur à l’utilisation et au maintien de la communauté.

Ainsi, malgré que, l’outil est apparu récemment, certaines entreprises ont pu témoigner de retours sur investissements ou de gains de productivité réalisés suite à son exploitation. Nous allons présenter dans ce qui va suivre quelques témoignages concernant les retombées de l’exploitation de l’intranet sur les

entreprises qui l’ont mises en place. Chevron, compagnie pétrolière Américaine, économise 150 millions555

de dollars par an. SKANDIA, compagnie d’assurances Suédoise, réduit la durée d’ouverture d’une

succursale au Mexique de sept ans à six mois. DEW CHIMICAL a augmenté ses revenus annuels de 100

millions de dollars par un management de son capital intellectuel. « Une étude de Lan CAMPBELLE sur les

intranets précise que le retour sur investissement en matière d’intranet est de 100%. Qu’un investissement

technologique incluant le coût du matériel et du personnel d’un dollars doit rapporter 10 dollars »556. On peut

également prendre l’exemple de SILICON GRAPHICS Corps, qui a réalisé sur trois ans une économie de 24

millions de dollars pour un investissement de 1,3 millions de dollars, soit un retour sur investissement de

1427 % (1000 personnes connectées à travers 800 sites web internes)557.

Un autre exemple nous montre qu’un « constructeur aéronautique a réduit de plus de 40% les temps de conception de ses appareils grâce à l’ingénierie simultanée : dispersées en Europe, ses équipes d’ingénieurs et de designers de toutes disciplines travaillent à l’écran en même temps sur les mêmes plans. En développant des bases de données partagées, qui permettent à ses collaborateurs de consulter instantanément

tout projet similaire réalisé par d’autres équipes dans le monde »558.

Andersen Consulting a divisé par cinq le temps d’établissement d’un devis pour les grands projets de ses clients. Il faut « penser global », et l’importance des enjeux liés à la mise en place des NTIC impose une vision claire des objectifs et de la démarche stratégique.

Après l’analyse de leurs résultats, les entreprises ont observé que leur rentabilité s’est fortement accrue. Ces mêmes entreprises sont arrivées à la conclusion qui permet d’affirmer que les NTIC, participent à cette évolution. On peut également présenter l’exemple suivant qui permet de rendre compte de l’importance de

l »intranet. Cisco 559 société Californienne de vente de produits informatiques, affirme que le lancement de

son intranet lui a fait économiser 200 millions de dollars en moins d’un an, notamment grâce à la prise de

554 LETOURNEAU. P, LESPERANCE.L, SHABAH.Y, GAUDREAULT-PERRON. J, op.cit, p.33.

555 PRAX. J-Y, op.cit, p.19.

556 IDEM, p.19.

557 IDEM, p.19.

558 Le monde 30/03/1999.

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commandes et à la maintenance en ligne, à la suppression de budgets d’impression et de distribution, et à la baisse du nombre d’appels monopolisant le service des ventes.

En définitive, on peut dire qu’en l’absence de méthodologie et d’outils d’évaluation de la rentabilité des outils TIC, ces études réalisées sont le seul moyen qui permet de rendre compte de la réalité des intranets en entreprise.