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La période historique divisée en quatre temps, d'après les quatre moments de l'erreur. — Premier moment : de l'explosion ou de l'innovation. — Second moment : de la réaction ou de la réflexion. — Troisième moment : de la solution ou transition de l'erreur à la vérité

— Moment de préparation, connu le dernier, quoiqu'il soit le premier en date. — Caractère des diverses phases. — Sens affirmatif et négatif qu'elles donnent aux formes alternées de la politique. — Leur durée. — Arithmétique des périodes sociales.

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p.105 Puisque les races sont toujours dans un système qui est leur providence, leur monde, leur Dieu, nous pouvons désormais les suivre dans le temps et compter leurs pas sur la route de l'histoire. Il ne nous reste plus qu'à découvrir l'unité de mesure qui s'applique à tous les systèmes, la période et, pour ainsi dire, le jour dans lequel se décompose la grande année des gouvernements, des traditions, des religions. Rien qu'à regarder le passé, on le voit confusément subdivisé en époques ; à chaque instant, ce sont des religions qu'on inaugure, des réformes qui séparent les peuples de leur passé, des fêtes p.106 nationales qui fixent certaines dates, des fondations, des libérations, des rédemptions qui sont comme des grandes pierres milliaires sur la voie du genre humain.

Or, on détermine la période historique par cette simple réflexion que tous les commencements supposent une action dont le résultat est de donner une lumière nouvelle à la société. Quand l'action est accomplie et qu'on regarde en arrière, on voit que les peuples se réveillent comme d'un sommeil, qu'ils repoussent leurs dieux auparavant vénérés, qu'ils considèrent leur ancienne gloire comme un songe, qu'ils croient à peine à son existence. On passe ainsi d'époque en époque en sortant des erreurs qui avaient captivé les générations antérieures, et on s'explique partant le mouvement de l'histoire d'après le procédé par lequel tout homme, tout animal corrige ses propres jugements.

Acceptons les exemples de l'erreur qui figurent dans tous les traités de logique : on sait qu'une tour carrée vue de loin semble ronde, qu'un bâton plongé dans l'eau paraît brisé. Tant que ces illusions durent, elles tiennent la place de la réalité ; il n'y a pas moyen de s'en séparer, et nos plus fausses pensées nous dominent avec autant de force, d'attrait et de séduction que les plus belles découvertes ; il n'y a pas d'absurdité qui ne puisse nous arracher de grands sacrifices.

On commence à douter quand, en approchant de la tour, sa rondeur apparente laisse poindre les angles du carré, quand le bâton retiré de l'eau se montre droit. C'est ce qu'on doit dire des illusions nationales en

p.107 considérant la société comme un individu, non pas par métaphore, mais parce qu'elle n'est vraiment la société que dans les principes, les idées, les croyances officiellement inaugurées dans ses institutions, écrites dans ses lois, proclamées dans ses livres sacrés, professées par son sacerdoce, identifiées avec sa vie. Hors de là, il n'y a que caprices, opinions, désagrégations : on perd de vue le système. Quand paraît donc l'erreur dans la société ? quand voit-on poindre la double apparence qui nous secoue et nous jette dans le doute ? Lorsque nous voyons deux gouvernements, deux religions, deux sociétés, deux États, deux armées décidées au combat dans l'impossibilité de coexister.

C'est le cas du christianisme naissant ; d'abord on ne le connaît pas, le paganisme tient lieu de vérité ; personne ne doute de Jupiter, de Mars ou de leur puissance, et Rome demande encore son éternité aux oracles ; mais quand on voit deux cultes, deux armées, deux capitales, deux générations d'hommes qui s'accusent mutuellement d'impiété et de folie, alors le ciel est double, la terre dualisée, le milieu ondoyant ; on ne peut vivre dans la contradiction, et on cherche une issue dans une société nouvelle, dans une autre civilisation. C'est le cas aussi du protestantisme quand il fait son explosion ; alors seulement la société doute du pape, de l'Église, de la tradition, des indulgences, des sacrements, des saints, des couvents, des rosaires, des reliques ; alors l'Europe est double, deux apparences contradictoires se la disputent.

Faut-il obéir au pape ou lire la Bible ? La question est p.108 posée. Même déchirement dans la société française, quand, en 1789, toute la

tradition catholique et féodale est mise en doute par la philosophie, en sorte que depuis lors il y a deux mondes aux prises sur le champ de bataille, deux sectes qui se vouent mutuellement à l'exécration de la postérité, s'accusant mutuellement de détruire la famille, la propriété, la religion, la civilisation.

Cependant la contradiction n'est que le doute entre deux apparences opposées, et pour revenir à nos exemples, tant que nous voyons la tour ronde de loin et carrée de près, le bâton droit hors de l'eau et brisé dans l'eau, nous comparons, nous délibérons, nous sommes dans l'incertitude ; nous savons qu'il y a une erreur, mais où est-elle ? en quoi consiste-t-elle ? comment se rectifie-t-elle ? On ne le sait pas encore, et on cherche une issue. Cette phase de recherches, de combinaisons et de réflexions se montre dans l'histoire au moment des réactions. L'histoire en est pleine. À toute explosion succède constamment une répression, un retour vers les institutions détruites, un effort pour ramener sur la scène les rois exilés, les patriciens expulsés, les prêtres sacrifiés. On conçoit qu'une croyance ait soulevé les multitudes, et qu'elle ait surpris la nation ; mais explique-t-elle le passé de l'ancienne croyance ? a-t-elle le droit de la considérer comme une erreur folle ? Après s'être affirmée, est-elle arrivée à s'établir avec l'autorité des anciens pouvoirs ? Cette apparence de la vieille tradition ne subsiste-t-elle pas au fond des campagnes ou dans les palais, semblable à la tour ronde, au bâton brisé, ne conserve-t-elle pas p.109 son illusion dans son milieu ? Longues et douloureuses, les réactions durent autant que les révolutions ; celle de Frédéric Barberousse en Italie s'établit pendant trente-deux ans ; celle de Frédéric II ne compte pas moins d'années, et la restauration de 1814 a pesé sur l'Europe jusqu'en 1848, pendant trente-quatre ans, comme les phases les plus néfastes de l'histoire italienne. Cependant ce sont là des retours superficiels, factices, impuissants ; on ne rétablit jamais les régimes détruits, on ne fait jamais oublier les révolutions aux peuples qui les ont vues ; mille ans de répression ne les effaceraient pas de la mémoire des hommes. D'ailleurs, moins sanguinaires que les explosions, les réactions se bornent à contenir les hommes nouveaux, en les forçant à discuter officiellement au jour le jour toutes les questions, à légitimer leurs prétentions, à reconquérir les positions surprises, à s'emparer des

postes oubliés, à se mettre à la tête du commerce, de l'armée, de l'art, de la science, et à dépasser les apôtres de l'ère antérieure. Ils poussaient aveuglément au martyre ; ils s'attendaient à des miracles, à des transformations soudaines ; ils ne se doutaient pas de la force de l'ancienne société barricadée dans toutes les forteresses de l'erreur, de l'ignorance, des mystères, des contradictions naturelles, de l'esprit et de la nature ; mais la nouvelle génération connaît tout, sait tout ; elle compare tout, et elle laisse la naïveté unilatérale aux hommes du vieux temps. La plus grande réaction, celle de l'empereur Julien, arracha subitement la victoire aux chrétiens. En relevant des dieux qu'on p.110 croyait sans vie, une philosophie qu'on avait insultée, une sagesse qu'on supposait folie, sans pour cela persécuter les chrétiens ni les supprimer, elle les obligea à montrer ce que pouvait leur orgueilleuse ignorance, quelle était la force de leur misère affichée, et ce fut alors que le christianisme apprit à combattre les fausses apparences du paganisme.

Enfin le mouvement de l'erreur s'achève quand l'erreur est remplacée par la vérité, quand le doute est vaincu, quand on voit que la distance rend la tour ronde de loin, que l'eau brise le bâton dans ses flots, quand on découvre enfin le terme intermédiaire (la distance de la tour, la réfraction de l'eau) qui produisait la double apparence de la contradiction. Alors on arrive aux solutions célébrées par des fêtes nationales. Ainsi, à la mort de Julien, le christianisme triomphe pour toujours en discréditant à jamais le paganisme, désormais exploité au profit de l'Église, en sorte que les anciens prêtres ne peuvent plus restaurer leurs temples, ni relever leurs autels, ni rappeler leurs traditions. Ce fut le même spectacle quand la réformation religieuse de Luther reçut enfin sa solution après la guerre de Trente ans, qui la dégagea de la restauration forcée de l'Autriche, et rassura à jamais toutes les Églises protestantes. Quand on a traversé les deux phases de l'explosion et de la réaction, on arrive toujours aux solutions.

Mais il n'y aurait ni explosion, ni réaction, ni solution si la poésie intérieure ne les cherchait pas, si les prédispositions de l'esprit ne les demandaient pas. Dès que p.111 l'inspiration manque, tout s'arrête, on reste même dans le doute qui devient notre oreiller, dans la

contradiction qui nous berce par ses oscillations, dans l'incertitude où se plaît la partie indolente et aléatoire de nos instincts, dans la somnolence qui est l'état habituel des masses occupées par le travail, les affaires, les affections domestiques, le beato vivere. Aussi, que d'idées douteuses et contradictoires, que de pensées oubliées et négligées dans les recoins de notre intelligence ! On n'y songe pas, on ne s'en soucie guère, quand tout à coup une illumination soudaine, un éclair de l'instinct nous agitent et nous imposent une recherche. Cette prédisposition à la recherche devient visible dans l'art, dans le style, dans les modes à certains intervalles, dans les poèmes poétiques ou satiriques qui révèlent une modification profonde dans le rythme de la vie. Cette prédisposition forme le quatrième moment de l'erreur. Mais la première, en réalité, elle précède tous les autres moments, et, semblable à l'amour naissant, elle entraîne à sa suite un cortège d'inquiétudes nouvelles, de méfiances étranges, des exigences impatientes de se traduire en succès positifs. De là, au temps d'Auguste, l'ancien monde discrédité avant même qu'on l'eût mis en cause, et le nouveau monde invoqué par la poésie de Virgile, par les métamorphoses d'Ovide qui avilit les dieux, par l'incrédulité dissimulée des historiens et des philosophes qui se détachent sournoisement de l'ancienne tradition. De là aussi, quand le moyen âge finit, les poètes italiens Pulci, Bojardo, l'Arioste, qui donnent une tournure comique aux

p.112 anciens romans de chevalerie en attendant que Luther et les rois combattent la tradition de Charlemagne et de l'Église.

La période actuelle de la révolution française montre les quatre phases aussi nettement dessinées qu'on peut le désirer. La phase de la prédisposition est évidente dès la seconde moitié du dix-huitième siècle, dans le style des écrivains, dans les nouvelles formes de la satire, dans l'incrédulité qui trouve enfin ses apôtres, dans la familiarité nouvelle qui confond les rangs, dans les questions qui arrivent pleines de nuages sur le trône et sur l'autel, et tout le monde connaît Voltaire, Rousseau, les encyclopédistes, tous ces hommes qui vivent sous Louis XV et qui alarment Louis XVI. Cependant rien n'est altéré dans la société, dont les lois restent les mêmes.

En 1789, c'est le moment de l'explosion ; il y a deux sociétés dans la société, deux États dans l'État ; le dogme nouveau triomphe par la république, forme éphémère, tyrannie momentanée, véritable arme de combat contre l'ancienne monarchie, aboutissant à une monarchie renouvelée pour envahir l'Europe.

La phase de la réaction succède bientôt avec les deux restaurations de Louis XVIII et de Louis-Philippe : c'est une discussion continuelle, croissante et visiblement transitoire entre la république et l'absolutisme, entre le temps de 89 et la monarchie antérieure.

La solution arrive en 1848, quand on proclame la république pour que la volonté générale librement interpellée donne sa conclusion définitive et arrive à l'empire p.113 qui accepte la révolution et la transporte dans la forme traditionnelle de la monarchie française.

La monarchie et la république sont à la société comme les catégories à la pensée individuelle, où l'affirmation et la négation s'alternent sans cesse. Si le gouvernement est monarchique, sa négation devient républicaine ; s'il est républicain, elle devient monarchique ; aucun peuple ne se soustrait à la nécessité de donner à son non la forme opposée aux affirmations régnantes. À défaut de réflexion, la parole toute seule devient républicaine contre les rois. Le spectacle des affaires concentrées dans un cabinet, les arrêts qui ressemblent à des caprices, les prodigalités princières où s'engouffrent les ressources de la nation, l'impossibilité de mettre en accusation les grands coupables, font désirer les assemblées, la liberté, la tribune ; tandis que sous les tribuns, quand le parlement est aux avocats, quand les débats s'emprisonnent dans des fictions constitutionnelles, quand la vérité ne peut se faire jour, quand la clameur universelle étouffe la parole des sages, quand on passe de délire en délire au milieu des déroutes et que la raison périt, alors l'attaque prend une forme monarchique et on invoque un dictateur redoutable, une action silencieusement sérieuse, un ennemi de la parole menteuse.

La force des choses nous condamne ainsi à élever et à détruire l'un après l'autre les gouvernements auxquels nous attribuons une bonté ou une sévérité qu'ils n'ont pas par eux-mêmes ; l'heure de notre

naissance nous rend irrésistiblement républicains ou monarchiques. Le

p.114 lieu nous oblige à aimer les tribuns ou les despotes suivant qu'on combat des rois obstinés ou des peuples attardés ; et tandis que le révolutionnaire français est enchaîné à la forme républicaine, avec les ligues, les frondes, les émeutes et les parlements pour renverser la monarchie, le révolutionnaire anglais suit les Tudor, les Cromwell, les despotes pour renverser le parlement traditionnel. De même, la république romaine comptait ses explosions et ses réactions par les dictatures ; sous les césars, au contraire, les séditions, les régicides, les conspirations du sénat et des généraux interrompaient à chaque instant la domination despotique.

Chaque tradition traîne donc à sa suite une guerre civile dont les victoires alternées déterminent les quatre phases de ses mouvements.

Qu'on prenne au hasard une chronique, un abrégé de l'histoire d'un peuple, le nom seul de ce peuple dira s'il est monarchique ou républicain. La simple indication des événements les plus considérables suffira à vérifier la loi de ses explosions et de ses réactions en sens inverse des traditions. Sous la monarchie, on aura des révolutions de palais, des émeutes formidables, des insurrections dans les provinces, des décompositions momentanées, des abdications volontaires ou forcées, des favoris disgraciés, envoyés à l'échafaud, de nouveaux rois congédiant tous les ministres du règne précédent, des princes se succédant avec toutes les vertus de la couronne, d'autres princes formant des séries néfastes comme si une influence malfaisante pervertissait leur esprit, et tous ces accidents dégagés du luxe de la

p.115 narration, de circonstances fortuites, des hasards exclusivement personnels se traduiront aisément en phases officiellement constatées par leur influence sur les lois de la monarchie. Que s'il s'agit d'une république, les sénats envahis par la plèbe, les consuls paralysés par la peur, les capitaines enlevés ou exécutés, les libertés violées, parfois l'invasion de l'ennemi, car souvent les partis s'associent avec l'étranger et triomphent grâce à une défaite, marqueront les inévitables intervalles des quatre temps. Plus la société est vaste, ferme par sa base, vivante par ses idées, plus ses phases sont régulières, isochrones, solennelles : témoin l'ancienne Rome. Que si la société chancelle, si de

nombreux ennemis l'entourent, si elle est forcée de répéter plusieurs fois ses essais avant d'aboutir, on lira l'histoire de Gênes ou de Sienne, qui multipliaient tellement les redites et les avortements que souvent elles comptaient plusieurs révolutions dans une même année.

Les fédérations suivent la loi des États unitaires, avec cette seule différence que, faute d'une capitale, elles livrent leurs batailles en rase campagne. Mais chaque bataille est la préparation, l'explosion, la réaction ou la solution d'une époque nationale. L'initiative part de l'État le plus avancé, et quand ses impatiences éclatent, il subjugue la fédération par une explosion unitaire, par une conquête qui efface les confins intérieurs, qui suspend la liberté des centres, qui expulse les rois obstinés, les patriciens insensés, les chefs aveugles, les héros d'outre-tombe, sauf à se laisser vaincre ensuite par les p.116 réactions à demi unitaires, à demi fédérales, jusqu'à ce qu'on arrive aux véritables solutions fédérales voulues par la préparation. On divise ainsi la grande époque de la Grèce dans les quatre temps de l'effervescence athénienne qui prépare l'explosion unitaire de Périclès, à laquelle succède la réaction spartiate connue sous le nom de guerre du Péloponnèse, et déjouée par la solution thébaine qui rend la liberté à la Grèce.

Par la même raison, les guerres de l'Allemagne préparent la réforme avec Luther, la font triompher avec l'explosion qui menace Vienne, et subissent ensuite la réaction de Wallenstein, pour arriver avec Gustave-Adolphe et Richelieu à la grande liberté des traités de Westphalie. Hier le canon tonnait sur le continent américain, et une formidable guerre semblait menacer la fédération des États-Unis, dont on voyait le Nord livré aux dictateurs, le Sud à une conquête : cette guerre n'était qu'une révolution, cette conquête qu'une explosion ; il ne s'agissait que de supprimer l'esclavage.

Les fédérations ne se bornent pas aux États réunis par un pacte catégorique, par une diète permanente, par des traités éternels ; partout où les idées sont communes à plusieurs centres, la fédération est sous-entendue, quel qu'en soit le trait d'union. Un temple suffit aux républiques de la Phénicie, l'amphictyonie aux Grecs, et il y a des fédérations si vastes que parfois leur pacte se dérobe aux yeux des

plus illustres historiens. C'est ce qui arrive à l'Italie, réunie depuis Charlemagne par une fédération pontificale et impériale sur la base d'un pacte p.117 sous-entendu, sous la présidence honoraire d'un pape désarmé et d'un empereur absent, et toutes les guerres italiennes n'ont été que des révolutions, des réactions, des solutions, si bien qu'aujourd'hui encore, quand on parle de l'Italie, on se demande si le pape est réellement désarmé, si l'empereur restera absent, si les deux chefs accepteront le royaume unitaire, s'il est une explosion momentanée destinée à se résoudre de nouveau dans une fédération soit républicaine, soit princière sous la présidence des deux chefs du moyen âge, ou si les temps de l'Église touchant à leur fin comme ceux de l'empire, la géographie italienne dans sa mobilité prépare à Rome un avenir qui réponde aux vœux de la philosophie. Enfin l'Europe forme à son tour une fédération contre les autres peuples du globe : elle avait ses symboles à Rome du temps de Charlemagne, ses espérances à Jérusalem à l'époque des croisades ; en présence des

plus illustres historiens. C'est ce qui arrive à l'Italie, réunie depuis Charlemagne par une fédération pontificale et impériale sur la base d'un pacte p.117 sous-entendu, sous la présidence honoraire d'un pape désarmé et d'un empereur absent, et toutes les guerres italiennes n'ont été que des révolutions, des réactions, des solutions, si bien qu'aujourd'hui encore, quand on parle de l'Italie, on se demande si le pape est réellement désarmé, si l'empereur restera absent, si les deux chefs accepteront le royaume unitaire, s'il est une explosion momentanée destinée à se résoudre de nouveau dans une fédération soit républicaine, soit princière sous la présidence des deux chefs du moyen âge, ou si les temps de l'Église touchant à leur fin comme ceux de l'empire, la géographie italienne dans sa mobilité prépare à Rome un avenir qui réponde aux vœux de la philosophie. Enfin l'Europe forme à son tour une fédération contre les autres peuples du globe : elle avait ses symboles à Rome du temps de Charlemagne, ses espérances à Jérusalem à l'époque des croisades ; en présence des