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IN T R O D U C T I O N D É B A T H I S T O R I O G R A P H I Q U E

Notre étude de l’entrée de l’Acropole, du Péripatos et surtout des zones d’Athènes à l’ouest et au nord de l’Acropole a dévoilé de nombreux éléments touchant à un sujet assez fragile et mal connu de la topographie d’Athènes, celui du Pélargikon. Nous constaterons la difficulté de comprendre de quoi il s’agit exactement, de lui attribuer une datation valable, de le situer avec précision sur la carte et enfin de comprendre ses fonctions. Nous avons choisi de reprendre les détails de ce dossier avec une attention particulière, parce que nous sommes convaincue qu’il contribue de façon importante à la question de la définition de l’espace sacré à l’époque archaïque. Dans tous les cas, l’étude de ce dossier fournit de nombreux indices sur la topographie de la ville archaïque d’Athènes, ainsi que quelques éléments pour la localisation de son Agora427.

Sur cette question les querelles historiographiques se sont multipliées. Les deux grandes tendances interprétatives sont les suivantes.

- D’une part, les études plus anciennes428 soutiennent que le mur pélasgique date du XIIe s. Selon la tradition, il fut construit par des Pélasges qui se seraient installés en Attique. On a repéré de petites sections de la fortification qui permettent de reconstruire approximativement son tracé.

427 Dans GRECO 2010 et 2011, le Pélargikon n’est cité qu’en passant, p. 78, et son existence éventuelle n’est pas prise en compte pour la localisation de l’Agora.

428 KÖSTER 1909, DÖRPFELD 1895 et 1937 et les études qui ont adopté le même principe, comme BÉRARD 1951, IAKOVIDIS 1962, WYCHERLEY 1978, VALDÉS 2002, PAPADOPOULOS 2008.

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- D’autre part, des études plus récentes429 font une distinction entre les vestiges mycéniens (la première fortification de l’Acropole, le pélasgikon teichos) et l’existence du pélargikon, le monument archaïque qui désigne à la fois le mur d’enceinte et l’espace compris dans cette enceinte, laquelle, dans la partie basse, suivait un antique tracé mycénien. Mais, dans ce cas, aucune pierre de la construction n’est identifiable avec certitude et cette absence totale de trace est difficile à expliquer.

Nous récapitulons brièvement les arguments des deux côtés430 : Le pélasgikon, fortification mycénienne

À Athènes, il n’y a eu aucune enceinte archaïque, à part les fortifications de l’Acropole et le pélasgikon, construits à l’époque mycénienne, qui sont toujours en usage en 480, et à l’époque où le mur de Thémistocle a commencé à être construit431. La fortification du pélasgikon correspond au mur construit par les Pélasges432. Sur la partie nord de l’Acropole, une petite section du mur est repérée et l’on considère qu’il est remplacé par le mur construit après les guerres médiques par Cimon, qui garde la même forme irrégulière. Des indices pour l’emplacement des portes existent à l’est et à l’ouest de l’Érechtheion. Sur sa partie sud, où les lignes droites de Cimon sont mieux conservées, de grandes sections sont encore visibles, notamment au niveau des Propylées et au sud-est du Parthénon.

Le pélasgikon a probablement entouré toute l’Acropole, suivant plus ou moins le tracé du Péripatos433. Il aurait été construit à l’origine comme une ligne de défense supplémentaire de la fortification mycénienne, dans le prolongement des entrées ouest et

429 TRAVLOS 1960 et 1971, YOUNG 1951, WINTER 1982, GRAS 1985, WEIR 1995, HOLTZMANN 2003.

430 Voir aussi la bibliographie sur ce sujet citée par WEIR 1995, p. 247.

431 J.K. Papadopoulos, compte-rendu de l’ouvrage de FREDERIKSEN 2011, in Bryn Mawr Classical Review 2012.05.08, où il résume les arguments contre l’existence éventuelle d’une fortification archaïque.

432 WYCHERLEY 1978, p. 7 qualifie les Pélasges de premiers habitants d’Athènes. Mais les sources littéraires affirment que les Pélasges sont un peuple marin appelés par les Athéniens pour construire les murs. Voir plus loin, Hérodote.

433 A. Bötticher, Die Akropolis von Athen, Berlin 1888, p. 58, fig. 7 fut le premier à proposer cette reconstitution.

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nord de l’Acropole, et il avance vers le sud et l’est à l’emplacement de l’Asclépieion434. Une de ses fonctions fut d’assurer l’approvisionnement en eau435. Le mur est donc associé aux constructions mycéniennes et sa construction remonte au XIIe s.436. Dans ce cas, il n’y a aucune distinction entre pélargikon et pélasgikon.

Le Pélargikon, enceinte archaïque

Les sources écrites invitant à envisager l’existence d’un mur de fortification à l’époque archaïque sont pourtant relativement abondantes et assez parlantes437. En outre, des fortifications du même type ont été développées à la même époque, comme à Mounychia et à Éleusis438. Les sépultures archaïques au nord-ouest de l’Aréopage et l’Éleusinion en ville fournissent aussi de nombreux éléments de réflexion invitant à étudier le Pélargikon par rapport à certains dispositifs cultuels439.

Vers 1250 une enceinte isole pour la première fois le plateau de l’Acropole de ses pentes, faisant de la colline une citadelle. La forteresse semble impressionnante et comparable à celles des plus grands sites mycéniens440. Au VIe s. une enceinte basse, le Pélargikon, aurait été construite et englobait la partie ouest du rocher autour de l’entrée principale, de la zone de l’Éleusinion et de la Clepsydre au nord de l’Acropole à la zone de l’Asclépieion (au sud de l’Acropole). Le XIIe s. et l’époque archaïque sont deux réalités différentes et les murs archaïques se distinguent de la fortification mycénienne.

434 PAPADOPOULOS 2008. 435 CAMP 1984, p. 38-41. 436 VALDÉS 2002, p. 95-96. 437 WEIR 1995.

438 FREDERIKSEN 2011, p. 133 ; p. 11, note 28 pour Mounychie ; p. 135-137 pour Éleusis. L’auteur veut soutenir l’idée qu’Athènes fut aussi fortifiée.

439 YOUNG 1951, p. 132-133 : il est probable qu’Athènes a été entourée d’un péribole à une époque entre 546 (deuxième retour de Pisistrate) et 514 (Tyrannicides).

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La description qui suit fournit une image beaucoup moins rigide que les tendances mentionnées ci-dessus et nous permettra de formuler l’hypothèse d’une troisième interprétation.

DE S C R I P T I O N D E S S O U R C E S L I T T É R A I R E S E T A R C H É O L O G I Q U E S Il est nécessaire de combiner toutes les informations, par type et par date, afin d’arriver à une description et reconstitution claires du tracé et de l’étendue du Pélargikon. Localiser et dater celui-ci est un problème encore non résolu et probablement impossible à résoudre441.

Sources

Les références dans les sources littéraires au Pélargikon ou pélasgikon, en tant que

τεῖχος ou περίβολος à l’époque archaïque sont assez nombreuses442. Pourtant il n’est pas évident de discerner les anachronismes et la confusion accidentelle ou voulue entre la fortification mycénienne et l’enceinte archaïque.

Hérodote

Hérodote consacre une partie de son livre VI aux Pélasges installés en Attique et ensuite répartis entre les îles d’Égée443. Nous résumons le récit : Les Pélasges construisent la plus ancienne enceinte de l’Acropole et les Athéniens, pour les payer, leur donnent de la terre au pied de l’Hymette444. Les Pélasges rendent cette terre, auparavant mauvaise et

441 Voir O. Broneer dans son compte-rendu de l’ouvrage d’IAKOVIDIS 1962, in Gnomon 35, 1963, p. 707-711.

442 La liste complète des références a été déjà compilée par E. Curtius, Die Stadtgeschichte von Athen, Berlin, 1891, LXXVI-LXXVII. WEIR 1995, p. 247-248, cite aussi d’autres références au

τεῖχοςou au περίβολος, qui renvoient aussi, d’après lui, au Pélargikon.

443 Hérodote, VI, 137-139, cite les récits d’Hécatée, prêtant à ses œuvres une grande importance, même si la version de l’histoire ne met pas en valeur les Athéniens ; Cf. aussi Myrsilos de Méthymne, écrivain du IIIe s., fr. 3 Müller, et Pausanias, I, 28, 3.

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sans valeur, bien cultivée et les Athéniens désirent ainsi réoccuper le sol. Les Pélasges partaient du pied de l’Hymette pour insulter les Athéniens. Les jeunes filles athéniennes se rendaient constamment à Ennéakrounos pour chercher de l’eau et les Pélasges les outrageaient avec insolence et mépris. À la fin, ils complotèrent un coup de force, mais furent pris en flagrant délit. Les Athéniens avaient le droit de les tuer, mais ils leurs signifièrent de sortir du pays. Les Pélasges ayant ainsi quitté l’Attique occupèrent divers lieux. Puis ceux établis sur l’île de Lemnos voulurent se venger. Connaissant les coutumes des Athéniens, ils guettèrent les femmes athéniennes tandis qu’elles célébraient une fête à Brauron (en l’honneur d’Artémis), en enlevèrent un grand nombre et reprenant la mer les emmenèrent à Lemnos, où ils firent d’elles leurs concubines. Les enfants issus de cette union reçurent une éducation athénienne par leurs mères et commandaient aux autres enfants445. Les Pélasges décident alors de tuer les enfants nés des Athéniennes ainsi que celles-ci. Cet acte engendre une famine : pas de récoltes, plus d’enfants, plus de troupeaux sur l’île de Lemnos. Ils s’adressent donc à Delphes et la Pythie répond qu’il faut donner satisfaction aux Athéniens pour que le mauvais sort parte. Les Athéniens dressèrent alors dans le prytanée un lit somptueux ; ils placèrent à côté une table chargée de toutes sortes de bonnes choses et ils ordonnèrent aux Pélasges de leur livrer Lemnos en un pareil état. Les Pélasges répondent : Ἐπεὰνβορέῃἀνέμῳαὐτημερὸνἐξανύσῃνηῦςἐκ τῆς ὑμετέρης ἐς τὴν ἡμετέρην, τότε παραδώσομεν446, parce qu’ils croyaient que c’était impossible.

Beaucoup plus tard, quand la Chersonèse de Thrace fut passée sous la domination athénienne, Miltiade, fils de Kimon, accomplit le voyage en un jour et signifia aux Pélasges qu’ils devaient sortir de l’île, leur rappelant l’oracle dont ils pensaient ne jamais voir la réalisation.

Dans le livre précédent (V, 64-65), Hérodote décrit l’expédition de Cléomène, roi de Sparte, fils d’Anaxandride, qui réussit à envahir le territoire de l’Attique par voie de

445 Chez Hérodote, Lemnos est considérée comme un endroit semi-barbare. Les Athéniens jouent donc un rôle de civilisateurs.

446 Hérodote, VI, 139 : « Quand, par vent du Nord, un vaisseau accomplira en un jour le trajet de votre pays au nôtre, alors nous vous livrerons Lemnos » (Ph.-E. Legrand, CUF).

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terre447. Les Thessaliens étaient venus aider les Pisistratides, mais les Lacédemoniens vainquirent rapidement la cavalerie thessalienne. Cléomène entra dans la ville et, avec le concours de ceux des Athéniens qui voulaient être libres, assiégea les tyrans dans l’enceinte du Pélargikon448.

Il ressort du récit d’Hérodote que les populations chassées vers Lemnos sont celles qui, quelque temps après449, reviennent en Attique pour se venger et enlèvent les femmes de Brauron. J. Bérard s’appuyant sur la datation archéologique du mur mycénien de l’Acropole, date l’épisode de la construction du mur pélargique et du départ des Pélasges de l’Attique pour Lemnos, vers 1200450.

Si donc on accepte que ces événements ont eu lieu au XIIe s., il est impossible de comprendre dans le récit d’Hérodote les références à l’Ennéakrounos, au Prytanée et aux rites de Brauron. Le récit est apparemment structuré sur des anachronismes et relie des traditions de deux époques différentes : d’une part, les Pélasges ont probablement été des marins (pirates), venus à Athènes pour la construction du grand mur mycénien en appareil cyclopéen, qui aurait demandé une connaissance avancée pour sa réalisation, et d’autre part le récit reflète l’architecture de la ville au VIe s.

447 Aristote, Constitution d’Athènes, XIX, 5-6, décrit le même événement. Les Lacédémoniens agissent ainsi après un oracle de Delphes, peut-être sous l’initiative des Alcméonides.

448 Hérodote, V, 64, 2, ἐντῷΠελαργικῷτείχεϊ : Ph.E. Legrand (CUF) note (p. 106, note 1) : « La lecture de la plupart des manuscrits - Πελασγικῷ - traduit une confusion entre le τεῖχος dont il s’agit et une enceinte entourant l’Acropole qui aurait été construite par les Pélasges (VI, 137). S’il s’agissait ici d’une telle enceinte, Hérodote aurait dit simplement ἐντῇἈκροπόλι. Le Πελαργικὸν était une partie du versant nord-ouest de l’Acropole et de l’espace subjacent (Thucydide, II, 17). C’est là que les tyrans avaient leur résidence et un château fort ; en souvenir de quoi cet espace resta longtemps maudit et inhabité. »

449 Il s’agit d’une imprécision temporelle : quelques années ou quelques générations plus tard ? 450 BÉRARD 1951, identifie les Pélasges aux Tyrrhéniens et considère que le pélasgikon sert à dater conventionnellement la descente dorienne dans le Péloponnèse, c’est-à-dire le retour des Héraclides, et l’Âge héroïque (vers 1200 ou au début du XIIe s.), ceci tout en reconnaissant la divergence de la chronologie d’Ératosthène qui situait le « Retour des Héraclides » à la fin du XIIe s. (1104 av. J.-C) et avec les autres chronologies qui le situaient encore plus tard. Il a aussi noté l’accord avec les chronologies hautes (celles d’Hérodote et de Thucydide).

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En revanche, si le commentaire de Legrand (CUF)451 sur le texte d’Hérodote est correct et si l’on accepte l’idée que le Pélargikon renvoie à une construction archaïque, il est impossible d’expliquer pourquoi les Athéniens avaient besoin d’appeler un grand nombre d’étrangers pour réaliser une construction peu résistante dans le temps. L’histoire des Pélasges a probablement beaucoup intéressé les Athéniens, puisqu’elle crée ou justifie les liens entre Athènes et l’île de Lemnos, et la mer Égée du Nord-Est452.

Thucydide et l’oracle

Thucydide (VI, 57, 1-3), à propos de l’assassinat d’Hipparque, décrit la procession des Panathénées et indique que le Céramique était en dehors de l’enceinte. L’attaque a eu lieu à l’intérieur des portes. Cet événement est probablement décrit et localisé par rapport à l’enceinte de Thémistocle et au Léokorion, les deux constructions en usage à l’époque de l’auteur.

Mais Thucydide (II, 17, 1)453 se réfère au Pélargikon, quand il cite l’oracle de Delphes qui interdit de s’y installer. L’oracle n’a pas pu être respecté à cause du déclenchement de la guerre du Péloponnèse. Thucydide se réfère aux évènements qui ont lieu en 431 quand les habitants de la chôra de l’Attique sont venus s’installer provisoirement dans le Pélargikon, c’est-à-dire en ville. Comme il n’y avait pas assez de place pour tous, ils s’installèrent aussi le long des murs de Thémistocle et dans la

451 Ci-dessus, p. 126, note 448.

452 Commentaire historique par G. Nenci dans la collection Scrittori greci e latini de la Fondazione Lorenzo Valla, vol. V, 1994, p. 252 ; vol. VI, 1998, p. 315-319.

453 Thucydide, II, 17, 1 : τότεΠελαργικὸνκαλούμενοντὸὑπὸτὴνἀκρόπολιν, ὃκαὶἐπάρατόντε

ἦν μὴ οἰκεῖν καί τι καὶ Πυθικοῦ μαντείου ἀκροτελεύτιον τοιόνδε διεκώλυε, λέγον ὡς ‘τὸ

Πελαργικὸνἀργὸνἄμεινον,᾽ὅμωςὑπὸτῆςπαραχρῆμαἀνάγκηςἐξῳκήθη …

Trad. : « pour l’endroit appelé le Pélargikon, au pied de l’Acropole – une malédiction défendait de s’y installer, interdit exprimé également par la formule finale d’un oracle de Delphes, disant : « mieux vaut que le Pélargikon ne soit pratiqué par personne ». Mais malgré cela, sous la pression des nécessités du moment, il fut entièrement occupé » (J. de Romilly, CUF).

Voir aussi le commentaire de HORNBLOWER 1991, p. 269-270 ; PARKER 1983, p. 164 et note 115 ; RUBEL 2000, p. 137-139 ; PAPAZARKADAS 2011, p. 33.

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fortification du Pirée454. Dans ce passage, la qualification du Pélargikon comme ἐπάρατον

par Thucydide a appelé diverses explications455. Le Pélargikon était un terrain sacré, mais les réfugiés qui s’y sont installés ont construit des autels pour se défendre contre l’éviction456. Mais quels sont les autels construits pendant ce temps d’occupation ? Nenci457 propose le sanctuaire de Pan. Le Pélargikon passait devant la grotte de Pan et d’Apollon sur la pente nord de l’Acropole, sur le tracé du Péripatos. Le culte de Pan, qui avait beaucoup aidé les Athéniens à se défendre à Marathon en semant la peur panique parmi les Perses458, connaît une expansion au Ve s. et les Athéniens auraient fondé un sanctuaire pour demander son aide une seconde fois, contre les Lacédémoniens.

Cette interdiction implique que Pélargikon désigne un lieu, un espace défini que l’on aurait eu tendance à exploiter d’une manière ou d’une autre ; d’où la nécessité d’interdire officiellement toute activité.

L’inscription éleusinienne et Pollux

Que le Pélargikon ait bénéficié dans le passé d’une protection particulière est aussi expliqué par Pollux459 au IIe s. ap. J.-C. Il n’est pas impossible qu’il se réfère à l’oracle cité par Thucydide ou à l’inscription éleusinienne IG I3 78, de la fin du Ve s.460.

454 NENCI 1982.

455 Legrand (voir p. 126, note 448) explique le terme ἐπάρατόν par le fait que les tyrans y avaient leur résidence et une forteresse et ce souvenir avait rendu l’endroit maudit et inhabité. Cette interprétation n’est soutenue par aucun élément qui puisse nous indiquer l’existence ou la localisation de la demeure de la famille de Pisitrate à cet endroit.

456 SOKOLOWSKI 1969, p. 11. 457 NENCI 1982, p. 39. 458 Voir, Péripatos.

459 Pollux, Onomastikon, VIII, 101, à propos de magistrats athéniens (sans doute les πάρεδροι)

οὗτοιγὰρπαρεφύλαττον μήτιςἐντὸςτοῦ Πελασγικοῦκείρειἢ † καταπλέαἢέξορύττει, καὶτῷ

ἄρχοντιπαρεδίδοσαν, « en effet, ceux-ci veillaient à ce que personne ne coupe de l’herbe (ou du

bois) (ou taille la pierre), ne… ni ne creuse à l’intérieur du pélasgikon, et ils remettaient (le contrevenant) à l’archonte éponyme ». Le texte est corrompu.

460 KERAMOPOULOS 1935, p. 94-95 date précisément des années 423 et 418 ; MEIGGS & LEWIS

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Ce décret461 est gravé sur deux stèles trouvées à Éleusis et Athènes462 et cite les obligations du basileus relatives au contrôle de la construction des lieux de culte dans la région définie par le Pélargikon463.

Selon Keramopoulos464, le Pélargikon est administré par les mêmes personnes qui dirigent l’Éleusinion. L’inscription IG I3 78, aux lignes 54-59, renvoie à la surveillance et au contrôle du Pélargikon, tandis que le décret, qui a été peut-être érigé également sur l’Acropole, concerne surtout les prémices à offrir aux dieux. Au Ve s., l’Éleusinion était une construction fermée, tandis que le Pélargikon était accessible et ouvert. On pouvait y entrer et y construire un autel, tailler et extraire des blocs de l’ancien rempart ou d’autres murs archaïques ou extraire de la terre ou peut-être de l’argile. À cette époque la zone fut occupée par des habitants venant de la campagne ou d’ailleurs qui y trouvèrent refuge, d’où la nécessité de la loi et de l’interdiction de certaines pratiques.

À la ligne 57, il est explicitement interdit d’en extraire de la terre. S’appuyant sur ce passage, Keramopoulos, à la suite de Th. Bergk465, corrige le passage de Pollux

καταπλέα (ou κατὰ πλεόν)466 en καὶ πηλὸν ou κατὰ πηλόν467 et donne au passage le même sens que l’inscription. Selon le fouilleur, l’extraction de terre était possible dans

461 IG I3 78, décret de 419/8, sous le secrétaire Timoléos d’Acharnes, sur la proposition d’un certain Lampôn, l. 54-59 : τὸνδὲβασ[ι]λέαhορίσαιτὰhιερὰτὰἐντ[ο̑]- ιΠελαργικο̑ι, καὶτὸλοιπὸνμὲἐνhιδρύεσθαιβομὸςἐντο̑ιΠελα- ργικο̑ιἄνευτε̑ςβολε̑ςκαὶτο̑δέμο, μεδὲτὸςλίθοςτέμνενἐκτο̑ [Π]- ελαργικο̑, μεδὲγε̑νἐχσάγενμεδὲλίθος. ἐὰνδέτιςπαραβαίνει v τ⁝⁝⁝ούτοντι, ἀποτινέτοπεντακοσίαςδραχμάς, ἐσαγγελλέτοδὲh- [ο] βασιλεὺςἐςτὲνβολέν.

Trad. : « Le basileus délimite les sanctuaires dans le Pélargikon, et de nouveaux autels ne seront pas érigés dans le Pélargikon sans consentement de la boulé et du démos ; il est aussi interdit de tailler des pierres du Pélargikon ou extraire de la terre ou des pierres ; si quelqu’un désobéit aux régulations, il devra payer une amende de 500 drachmes et sera dénoncé par le basileus à la boulé. »

462 SOKOLOWSKI 1969, p. 8-11 ; OIKONOMIDES 1964, p. 21.

463 PAPAZARKADAS 2011, p. 33, note 80, suppose qu’il avait les mêmes fonctions dès le VIe s. 464 KERAMOPOULOS 1935, p. 90.

465 Th. BERGK, Philologus, 14, 1859, p. 388-389. 466 Voir ci-dessus, note 459.

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des cavités naturelles présentes dans le rocher dans la zone de l’Asclépieion sur les pentes sud de l’Acropole468.

En tout cas, dans les passages de Thucydide et de Pollux et dans l’inscription, il s’agit d’une référence à la gestion particulière d’un site à caractère sacré469.

Lettre de Servius à Cicéron et enclos funéraire

Le 31 mai 45 avant J.-C., le proconsul d’Achaïe, Servius Sulpicius Rufus, avait adressé à Cicéron un rapport méticuleux sur la mort et la sépulture du consul Marcellus470. Le passage de cette lettre sur le lieu de sépulture (§ 3 : Ab Atheniensibus locum sepulturae intra urbem ut darent impetrare non potui, quod religione se impediri dicerent, neque tamen id antea cuiquam concesserant471) incite Young, dans sa publication du cimetière archaïque au nord-est de l’Aréopage en 1951, à considérer qu’il y avait une régulation sur l’ensevelissement intra urbem, ce qui équivaut pour lui à intra muros. Il parvient donc facilement à la conclusion que le Pélargikon passait au nord-ouest du cimetière archaïque472, que la région du cimetière était probablement incluse dans les murs de la ville et qu’enfin l’interdiction fut imposée vers 500. D’autre part, le fait que les sépultures sont interdites à l’intérieur de la cité conduit Greco à envisager l’existence d’un circuit construit, daté de la fin du VIe s. – postérieur aux tombes les plus

468 Voir plus loin, la description des vestiges.

469 Cf. aussi la référence de Philostrate quand il décrit la procession des Panathénées, Vies des Sophistes II, 1, 7 cite : « … ἐκ Κεραμεικοῦ δὲ ἄρασαν… ἀφεῖναι ἐπὶ τὸ ἐλευσίνιον καὶ

περιβαλοῦσαναὐτὸπαραμεῖψαι τοπελασγικόν, κομιζομένηντεπαρὰ τὸπύθιονἐλθεῖν, οἷνῦν

ὥρμισται ».

470 Cicéron, Correspondance, lettre DCLII = Ad familiares, IV, 12.

471 Trad. : « Je ne pus obtenir des Athéniens qu’on lui accordât un lieu de sépulture à l’intérieur de la ville : ils alléguaient une interdiction religieuse » (J. Beaujeu, CUF, 1983).

472 TRAVLOS 1960, p. 33-35, fig. 14, fait une distinction entre le Pélargikon, la deuxième ligne de rempart au-dessus de l’Acropole et le péribole pré-persien (προπερσικός περίβολος) dont il suppose qu’il aurait pu passer au nord-ouest de l’Aréopage.

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tardives de l’Aréopage (deuxième moitié du VIe s.) et antérieur à 514 (date de l’assassinat d’Hipparque)473.

Les deux interprétations peuvent être facilement critiquées et l’on peut considérer qu’urbem renvoie à la région urbanisée de la ville et non aux murs474. En outre, il paraît