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Ce quartier est considéré comme l’emplacement de l’Agora vieille ou « Agora de Kékrops » à l’est de l’Acropole, en relation avec les édifices et cultes de l’Ilissos2. (fig. 134)

Dans la description ci-dessous, nous présentons un ensemble des sites, qui abritaient des fonctions civiques de la cité d’Athènes et qui ont en même temps un caractère cultuel. Dans la plupart des cas, leur localisation n’est pas certaine, mais il paraît probable qu’ils se trouvaient dans le même quartier, à petite distance l’un de l’autre. Leur fondation est attribuée à un héros ou une divinité, dont le rôle aurait été de consolider l’unité territoriale de l’Attique.

Nous parlerons du Théseion, le lieu de culte de Thésée, héros fondateur d’Athènes, à qui l’on attribue le synœcisme de l’Attique ; de l’Anakeion, le sanctuaire des Dioscures ; du Prytanée, le lieu de sitisis des Prytanes et la siège de l’archontat éponyme ; du Basileion et du Boulokion, le siège du roi (?) ou un lieu consacré à Dionysos (?) ; de l’Horkomosion, le lieu de serment. Nous discuterons aussi l’emplacement d’autres édifices comme l’Epilykeion ou le Thesmothéteion.

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Le Théseion

La localisation et la datation exacte du Théseion demeurent un problème non résolu pour la topographie d’Athènes3. Dans la présente étude, nous voulons demontrer que le Théseion et le culte en l’honneur de Thésée ne furent fondés qu’au Ve s., même si la légende des travaux du héros était déjà répandue à l’époque archaïque. La présence de Thésée est pourtant importante dans les rites qui se déroulent dans d’autres édifices, comme l’Aglaurion ou le Prytanée. Nous récapitulerons brièvement les hypothèses sur la localisation du sanctuaire à l’époque classique et le but de notre présentation sera de comprendre comment ce héros fondateur avec son lieu de culte ont contribué à la construction symbolique du territoire attique et quels sont les traces qui datent de l’époque archaïque.

LO C A L I S A T I O N

La cité d’Athènes est le seul lieu de culte de Thésée ; et contre toute attente, on ne trouve pas de traces attestées du culte de Thésée, ni à Marathon ni dans les autres lieux liés aux épisodes de sa légende, sinon au centre d’Athènes4. Une source tardive, le

3 Travlos présente un avis différent dans ses trois publications relatives. Dans Πολεοδομικὴ

Ἐξέλιξις τῶν Ἀθηνῶν, 1960, p. 29 et 60, il le situe au nord de l’Acropole, pas loin de l’Éleusinion,

en dehors des limites de l’Agora ; TRAVLOS 1971, p. 234, écrit qu’une base de trépieds avec un relief de Thésée, Égée et Médée fut trouvée à côté de la « Stoa Centrale », dans l’Agora, ce qui nous indiquerait la localisation du Théseion ; plus loin, p. 578-579, il propose comme localisation probable, suivant Thompson, la région à l’est de l’Agora romaine. Cette base en marbre était destinée à un grand trépied en bronze, probablement un prix aux concours des Théseia.

Agora XIX, pl. 47 ; Agora XI, n° 128, p. 79-81.

4 La légende des travaux de Thésée se déroule à plusieurs endroits, surtout aux limites du territoire attique : à Marathon se trouvait le taureau (Plutarque, Thésée, XIV, 1) ; à Sphettos, à l’est de l’Hymette, a eu lieu une bataille contre les Pallantides (XIII, 2) ; à Gargettos, les Pallantides veulent de nouveau attaquer Thésée et de cet endroit Thésée repassera à la fin de sa

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passage des Scholies à Eschine, III (Contre Ctésiphon), 13b, cite que dans la ville d’Athènes, deux Théseia auraient existé : le premier dans la ville, le téménos de Thésée, fondé par Cimon sur la tombe du héros, et le deuxième, en dehors des limites de la ville, lui aussi fondé par Cimon, pour conserver les ossements de Thésée, qu’il avait rapportés de Skyros5.

Δύο Θησεῖα ἐν τῇ πόλει <τέμενος Θησέως, Κίμωνος> αὐτοῦ ἐπιτάφιον ποιήσαντος·καὶ ἔξω τῆς πόλεως, ὃ ἔκτισεν αὐτῷ ἱερόν, ὅτε κατήνεγκεν αὐτοῦ ἐκ Σκύρου τὰ ὀστᾶ.

Le passage du Scholiaste ne nous donne pas plus de renseignements sur la localisation exacte du Théseion. Si l’on interprète le terme πόλις, d’après le texte de Thucydide (II, 15, surtout § 3 et VI, 61, 2) qui indique que la cité archaïque fut développée au sud de l’Acropole, on concluera que le Théseion était situé lui aussi au sud de l’Acropole6, ce qui nous amène à une fausse conclusion. On peut donc supposer, après une étude approfondie des sources, que le plus ancien Théseion, ἱερόν, se trouvait probablement quelque part dans la région au nord de l’Acropole, entre les sites de l’Aglaurion (sur le pente nord-est de l’Acropole, supra, p. 92), de l’Anakeion (dans le quartier actuel de Plaka, infra, p. 217) et de l’autel des Semnai Théai (à l’est de l’Aréopage, infra, p. 216)7 et que le Théseion le plus récent, le σηκός ou téménos, fondé

vie pour s’embarquer pour Skyros ; de Phalère, Thésée s’embarque pour la Crète et les Oschophories ont lieu ; à Aphidna, Thésée confie Hélène à sa mère et tue Halikos ; à Thymaitadai, au Pirée, il construit sa flotte pour lutter contre Minos ; et ailleurs. Nulle part dans ces lieux attestés par les sources, on ne connaît l’existence d’un édifice en l’honneur de Thésée. LUCE 1998, p. 7-9 et fig. 1 propose de discerner le principe du déplacement de la légende depuis la chôra vers l’asty ; WALKER 1995, p. 20.

5 Le transfert des ossements de Thésée est cité aussi dans d’autres sources plus anciennes : Hérodote, I, 60 ; Plutarque, Thésée, XXXVI, 2 ; CLAIRMONT 1983, p. 13-14.

6 C’est la proposition d’OIKONOMIDES 1964, p. 69. Voir supra, p. 127 et note 455, nous avons essayé de donner une explication à ce passage de Thucydide : les pentes sud de l’Acropole auraient servi d’habitation au moins pendant une période à l’époque géométrique et archaïque.

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par Cimon en 476/5, se trouvait à côté du Léokorion, ou plus loin dans le quartier du gymnase8.

Il est récurent, dans l’histoire de la recherche, d’attribuer un culte à Thésée dans le Temple d’Héphaïstos du milieu du Ve s., au nord-est de Kolonos Agoraios9. Une telle hypothèse n’est nullement confirmée par un quelconque vestige et elle est due à une mauvaise interprétation des représentations des métopes du temple10. Cette fausse identification a donné le nom de « Théseion » au quartier.

DA T A T I O N

D’après Aristote, le Théseion est le lieu où Pisistrate a désarmé le peuple et a pris le pouvoir11. Mais selon Hérodote, c’est à l’époque de Cimon que l’on cherche à édifier au milieu de la cité, après un oracle en 476/5, l’hérôon central de Thésée, en transférant les reliques de Skyros à Athènes12. Nos sources archéologiques ou littéraires ne sont pas suffisantes pour soutenir qu’un Théseion existait à l’époque archaïque ; et s’il existait déjà au VIe s., il était sûrement construit sur un cénotaphe13.

La fondation des deux sanctuaires attribuée à Cimon n’est pas certaine et il est fort probable que le culte de Thésée était encore inconnu à la fin du VIe s. Nous considérons que les études qui tendent à prouver l’existence du culte de Thésée dès le VIIe s.

8 Plutarque, Thésée, XXXVI, 2 ; Pausanias, I, 17, 2-3 ; Strabon, IX, 1, 16-17 (C 396). KOUMANOUDIS 1976, p. 199. Sur la localisation de Léokorion, voir infra, p. 323.

Le deuxième Théseion, le simple téménos, fondé par Cimon, s’il avait vraiment existé, aurait pu avoir pour rôle de marquer les limites de l’espace civique athénien, sur sa partie nord, de la même manière que Thésée accomplit ces travaux aux confins de l’Attique pour assurer l’unité du territoire dont le centre fut Athènes.

9 Voir dernièrement KOCH 1995, p. 9, qui considère qu’Héraclès fut associé à Thésée dans le temple et parle d’un autel commun de Thésée et d’Héraclès. CAMP 2010, p. 37-41 avec bibliographie.

10 R.E. Wycherley, « The Temple of Hephaistos », JHS 79, 1959, p. 143-156.

11 Aristote, Constitution d’Athènes, XV, 4-5.

12 Hérodote, I, 67-68 ; Plutarque, Thésée, XXXVI, 2 ; CLAIRMONT 1983, p. 13-14.

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n’apportent aucun argument solide à part des anachronismes dus aux sources littéraires de l’époque classique14.

MY T H E D E TH É S É E, É V O L U T I O N D E S A L É G E N D E

Le mythe de Thésée commence à être représenté sur les vases athéniens à partir du deuxième quart du VIe s.15, et dans un sens politique précis, où il se pourrait qu’il ait pris la place d’Héraclès16. Plus précisément, l’introduction du sujet dans la céramique a lieu entre 570 et 550 ; il monte en popularité vers 550-540 et sa représentation décline une décennie plus tard entre 530 et 520. À l’époque archaïque, parmi les travaux de Thésée, seul l’épisode du Minotaure est représenté ainsi que son voyage en Crète. La représentation de la figure de Thésée redevient importante à partir de 50017. Il s’agit probablement de la légende du parcours initiatique du héros, de l’image qui montre son évolution, afin de devenir le roi d’Athènes18.

Si la représentation de Thésée aurait pu remplacer celle d’Héraclès, c’est parce que les deux héros ont des points communs et des caractéristiques très différentes. Héraclès devient un dieu après avoir combattu les monstres qui menaçaient l’humanité aux marges du monde. Thésée est un héros politique, fondateur de la cité, avec une origine double, humaine ou divine, fils d’Égée ou de Poséidon et d’Æthra, il est le roi qui unit le territoire de l’Attique et dont les travaux vont du monde périphérique au centre de la polis.

14 Voir récemment HOFF 2010, p. 304.

15 HOFF 2010, p. 302-304 ; WALKER 1995 ; F. Brommer, Vasenlisten zur griech. Heldensage, Marburg, 19602 ; DUGAS 1943. Deux scènes, Thésée avec ses compagnons sur leur bateau à Délos et Thésée à la bataille des Lapithes et Centaures, sont représentées sur le Vase François, 570-560, Musée archéologique de Florence, n° inv. : 4209. Voir LISSARAGUE 1999, p. 188-196. Les scènes de la vie de Thésée reviennent sur la Poikilè Stoa, Stoa de Zeus et le trésor des Athéniens à Delphes.

16 BÉRARD 1983, p. 48.

17 SERVADEI 2005, p. 191.

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Pourtant, il nous est très difficile d’évaluer à quelle époque les légendes prennent une valeur de représentation politique et nous ne pouvons être d’accord, sans une certaine hésitation, avec Herter19 qui considère que Thésée est devenu une figure politique symbolique déjà à l’époque de Pisistrate. De plus, une version de la légende raconte qu’Ariane, la fille de Minos, roi de Crète, séduite par Thésée, l’aide à sortir du labyrinthe et qu’après avoir tué le Minotaure, notre héros l’abandonna à Naxos. Le choix de ce lieu d’abandon serait expliqué par l’amitié de Pisistrate avec Lygdamis, le tyran de Naxos20. Mais, on ne peut pas proposer une date pour la fabrication du mythe ou de sa version, qui aurait pris une valeur interprétative de conquête du pouvoir et du territoire.

Le parcours initiatique du héros sert de récit étiologique pour le lien entre Thésée et l’éphébie. Les rites éphébiques avec leurs sacrifices d’entrée et de sortie (eisitéria et exitéria) s’accomplissaient au Prytanée, probablement parce qu’on y retrouvait la référence à Thésée qui y rassemblait, selon la tradition, les jeunes destinés à être sacrifiés au Minotaure de Crète. Ainsi, on peut constater le rôle tenu par le Prytanée dans les rites archaïques21. Le serment des éphèbes se tenait dans l’Aglaurion, à côté du Prytanée22. S’il s’agissait d’une invention de l’époque classique, on pourrait facilement supposer qu’un site à l’Agora au nord de l’Acropole aurait été choisi.

CO N C L U S I O N S

Le Théseion est un site à forte charge symbolique, qui marque le synœcisme légendaire de Thésée dans le centre civique athénien et, à partir du Ve s., devient le lieu de refuge des esclaves et un lieu d’asile23. On a attribué à Thésée cette charge, puisque sa

19 H. Herter, PW, Suppl. XIII (1973), 1045-1238. HOFF 2010, p. 304-306.

20 COSTA 1996 ; Aristote, Constitution d’Athènes, XV, 2-3 ; Hérodote, I, 62-64.

21 LUCE 1998, p. 11.

22 Pour le Prytanée, voir infra, p. 164.

23 Cet indice est attesté par Aristophane (Cavaliers, 1311-12 ; frg. 577 Kassel-Austin = Pollux VII, 13) et Plutarque (Thésée, XXXVI, 4). CONNOR 1970 ; J.D. SMART, JHS 87, 1967, p. 136.

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figure légendaire est liée à la protection des exilés et des bannis de la société24. La légende du pouvoir de persuasion de Thésée pour convaincre les Athéniens de procéder au synœcisme a été très développée à partir de l’époque de Clisthène et a donné lieu à des nombreuses études et interprétations25. La fête des Synœcies se déroule dans ce quartier jusqu’au IVe s. à l’époque où le déroulement de la fête se transfère au nord-ouest, vers les sanctuaires de Zeus Phratrios et d’Athéna Phratria26. Les lieux des cultes en l’honneur du héros fondateur de la cité deviennent une manifestation politique pour signifier la formation de la cité.

24 CHRISTENSEN 1984, p. 25 décrit le lieu de refuge des esclaves qui cherchent un nouveau maître. Pour ROBERTSON 1998, p. 297 il s’agit d’un asile des suppliants.

25 Voir par exemple les articles de BARRON 1972 ; PODLECKI 1975 ; LUCE 1998.

26 ROBERSTON 1986, p. 166 ; 1992, p. 33 ; Agora XIV, p. 139-140. Sur Athéna Phratria et Zeus Phratrios, voir aussi Hesperia 7, 1938, p. 612-625 et SEG XLI, 183 : [Δι]ὸς Φρατρίου, | Ἀθηνᾶς | Φρα[τρίας]. Le sanctuaire se trouve sur la rue Athinas, au croisement des rues Vissis et Voréa (place Karamanou) et son autel date de la deuxième moitié du IVe s. Le site se trouve à mi-chemin entre l’extrémité nord de la Stoa d’Attalos et la Porte d’Acharnes. Le culte continua sur le site avec celui de Héros Iatros (héros médecin). Dans sa publication, Fr. Versakes, « Τὸ ἱερόν τοῦ ἥρως ἰατρού », AE 1910, p. 267-270, propose de voir dans cet endroit la limite nord de la ville.

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L’Anakeion

L’Anakeion est le sanctuaire des Anakes, c’est-à-dire des seigneurs, des rois, autre nom des Dioscures, des deux frères jumeaux d’Hélène, Castor et Pollux, qui sont liés à l’Attique par la légende de l’enlèvement de leur sœur par Thésée et de la guerre qu’ils ont menée contre Aphidna, au nord-est de l’Attique, afin de la récupérer27. De double origine, divine et mortelle, ils sont les fils de Léda et de Tyndare ou de Zeus. Ce mythe étiologique mentionne les héros et nous donne les traces des divinités d’origine péloponnésienne reçues et honorées à Athènes28.

Sources et vestiges

Les fouilles dans le quartier contemporain de Plaka ont mis au jour des édifices qui sont éventuellement identifiés avec l’Anakeion29. Les indices archéologiques sont pourtant très faibles et aucun bâtiment fouillé ne peut être identifié à l’Anakeion avec certitude. Cet édifice se trouvait d’après les sources30 à côté du Théseion et au-dessous de l’Aglaurion31. C’est seulement l’ancienneté de la légende qui rend possible une datation haute du bâtiment, qui a pris une valeur importante au Ve s., décoré avec des peintures

27 Cet épisode légendaire est mentionné par plusieurs auteurs : Hérodote, IX, 73 ; Diodore de Sicile, IV, 63, 2-5 ; Strabon, IX, 17 (C 396) ; Plutarque, Thésée, XXXI-XXXII ; Apollodore, III, 10, 7 ; Pausanias, I, 17, 5 ; I, 41, 3-4 ; V, 19, 3 ; Hellanicos, FGrH 4 F 134. Sur Aphidna, voir

infra, p. 429.

28 PARKE 1977, p. 173.

29 Selon l’interprétation des vestiges par SCHMALZ 2006, repérés sur la rue Thespidos, d’après les Fouilles de l’Éphorie des Antiquités de l’Acropole dirigées par M. Korres, AD 37, 1982, B’1, p. 9-10 et AD 38, 1983, B’1, p. 13, dess. 2. Et surtout l’inscription IG I3 1052 : Ἀνακίο | hιερο̑ |

hόρος. (fig. 136).

30 Voir les sources cités dans Agora III, p. 61-65 ; Pausanias, I, 18, 2.

31 SHEAR 1995, p. 227 propose avec plus de précision le quartier moderne d’Anafiotika, par rapport au sanctuaire d’Aglauros.

Anakeion

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murales par Polygnote et Mikon et qui a même reçu l’assemblée des hoplites lors de la guerre du Péloponnèse32. Polyen (I, 21, 2) décrit comment Pisistrate a réussi à désarmer les Athéniens et les assembler dans l’Anakeion. Aristote (Constitution d’Athènes, XV, 4) quand il décrit le même événement, se réfère au Théseion. De toute façon, les deux édifices se trouvaient dans le même quartier et d’ailleurs, aucune des deux sources ne peut être une preuve irréfutable de l’existence de ces bâtiments à l’époque de Pisistrate.

La première source épigraphique qui atteste le culte des Anakes en Attique est le calendrier d’Erchia de Thorikos, du deuxième quart du IVe s.33. Aucune précision topographique du sacrifice n’est attestée pour le déroulement, mais d’après l’organisation du calendrier, on arrive à la conclusion qu’il s’agit du sanctuaire des héros à Athènes, situé non loin du Pythion34. En revanche, il nous est impossible de considérer si des pratiques comme la vente des esclaves35 avaient lieu déjà à l’époque archaïque.

Un vase du Musée national de Naples est décoré d’une image qui a reçu de nombreuses interprétations. Une pélikè, datée d’environ 520-510, représente deux hommes assis sur une klinè, sous l’inscription ΜΥΣΤΑ, probablement des initiés aux Mystères (fig. 135)36. Un prêtre leur donne une kylix et des rameaux (de myrte ?), au-dessus d’une table pleine d’offrandes alimentaires. À l’arrière-plan, une colonne dorique porte un pinax en bois représentant les Dioscures à côté de leurs chevaux37. On peut supposer que les deux personnages assis sur la klinè suivent l’exemple des Dioscures et sont initiés aux Mystères en tant que non Athéniens. La représentation des Dioscures sur

le pinax – l’image dans l’image – sert de symbole, d’image parlante pour comprendre le

moment de jeunes initiés. Si l’identification des figures représentées est correcte, l’interprétation de la scène complète le récit de Plutarque sur les deux frères qui ont

32 Pausanias, I, 18, 1 ; Thucydide, VIII, 93, 1.

33 Dans le calendrier d’Erchia, daté d’environ 375-350, SEG XXI, 541, col. IV.1, v. 49-50 :

Θαργηλιῶνος τετράδι ἱσταμένο, Ἀνάκοιν, (= le 4 du mois de Thargélion, on sacrifie aux Anakes). Musée épigraphique, n° inv. : 13163. PARKER 2005, p. 72 note 88.

34 DAUX 1963, p. 623.

35 Démosthène, XLV, Sur la couronne I, 80, vers 351 ; Bekker, Anecdota Graeca, I, 212, 12 :

Διοσκούρων ἱερόν, οὗ νῦν οἱ μισθοφοροῦντες δοῦλοι ἑστᾶσιν.

36 Musée de Naples, n° inv. : 81083 (H3358).

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demandé à être initiés aux Mystères d’Éleusis38. Normalement, seuls les Athéniens y étaient acceptés, mais les Dioscures sous prétexte de liens avec Athènes, demandaient ce privilège d’être initiés aux Mystères39.

La scène représentée sur ce vase est aussi interprétée comme une théoxenia, c’est-à-dire, un repas qu’on fait en l’honneur d’une divinité40 : les deux hommes avec le prêtre auraient honoré les Dioscures. Le repas, la sitèsis, a lieu soit à Anakeion même41, soit au Prytanée. Pendant la théoxénia, les Dioscures étaient censés se loger dans le Prytanée, où se trouve le foyer (ἑστία) de la cité42.

CO N C L U S I O N S

D’après nos sources, on peut supposer l’existence du culte des Dioscures à partir de l’époque de Pisistrate, mais sans pouvoir pour autant reconstituer le déroulement des rites, ni la forme de l’édifice qui les aurait accueillis. L’Anakeion, même s’il précède chronologiquement le Théseion, est lié par son culte à celui de Thésée, ainsi qu’aux autres édifices de cette zone, comme on le verra ensuite.

38 Plutarque, Thésée, XXXIII, 1-3. L’initiation aux Mystères est entendue ici comme facteur d’entente entre Athènes et les peuples voisins. Après que ce privilège leur fut accordé, on les nomma anakes et Plutarque cite trois explications possibles pour ce nom : « soit à cause de la trêve (ἀνοχαί) qu’ils avaient accordée, soit en raison de leur soin et de leur sollicitude à éviter que personne n’eût à souffrir de la présence d’une si nombreuse armée dans la ville, … ; ou encore ce nom d’anakes vient de la manière dont leur constellation apparaît dans le ciel… » Flacelière, (CUF, p. 227) commente : « il est possible que ἄνακες soit un ancien pluriel de ἄναξ, mais les autres étymologies proposées par Plutarque sont, bien entendu, purement fantaisistes ».

39 SHAPIRO 1989, p. 149-154.

40 SIMON 1983, p. 68. F. Pfister, RE, s.v. Theoxenia, surtout n° 5 sur les Dioscures à Agrigente.

LIMC III, 1, p. 576, n° 111.

41 Athénée, VI, 235b décrit une stèle érigée dans l’Anakeion, avec des réglementations pour la distribution des repas aux prêtres et aux parasites, ceux qui y mangent.

42 PARKER 2005, p. 404 ; Agora III, p. 61-65. Pourtant les sources littéraires qui attestent la célébration des Dioscures sont très douteuses. ROBERTSON 1999, p. 180, note 9.

Prytanée

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Prytanée (Prytaneion)

Dans la littérature athénienne, la fondation du Prytanée est attribuée à Thésée qui aurait érigé cet édifice, pour remplacer les Prytanées des autres petites cités de l’Attique avant le synœcisme43. Cet édifice hébergeait le feu perpétuel de la cité (Ἑστία τῆς πόλεως, Ἄσβεστον πῦρ)44, les éphèbes y venaient pour accomplir des sacrifices, les axones de Solon y étaient conservés45, l’archonte y habitait46.

DE S C R I P T I O N D E S S O U R C E S A R C H É O L O G I Q U E S E T L I T T É R A I R E S

Localisation

Les vestiges du Prytanée ont été identifiés à l’est de l’Acropole, au nord-est de la grotte d’Aglauros dans le quartier où l’on localise le Théseion, l’Anakeion, le Boukolion, le Basileion, l’Epilykeion et le Thesmothéteion47. Des propositions pour une localisation du Prytanée plus précise ont été exprimées : au-dessous de l’église de Hagios Nikolaos Rangavas48 ou sous la place de Hagia Aikaterini, dans le quartier de Plaka, à côté de la rue des Trépieds et du monument de Lysikratès49. Pourtant l’interprétation des vestiges

43 Thucydide, II, 15, 2 ; Plutarque, Thésée, XXIV, 3. Voir ROBERTSON 1998, p. 298.

44 HANSEN & FISCHER 1994, p. 31 ; Suda, s.v. Πρυτανεῖον ; MILLER 1978, p. 182 n° 264.

45 Pausanias, I, 18, 3 ; Harpocration, s.v. ἄξονι ; Plutarque, Solon, XIX, 3 et 25, 1-2.

46 Aristote (Constitution d’Athènes, III, 5) cite qu’à l’époque de Solon, tous les archontes se réunissaient au Thesmothéteion.

47 Pour le Théseion, voir supra, p. 155, l’Anakeion, sanctuaire des Dioscures, p. 161, le Boukolion, sanctuaire de Dionysos, le Basileion, siège du basileus, l’Epilykeion ou