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L’emplacement de l’Hékatompédon, sa fonction, son décor et sa datation ont donné matière à débat159. Ci-dessous, nous adoptons la théorie qui considère l’Hékatompédon comme le « grand-père » du Parthénon, avec des sculptures architecturales dignes de sa taille et de son rayonnement. Mais nous voulons aussi, dans notre thèse, exprimer des doutes sur les cultes associés aux prédécesseurs du Parthénon et poser la question de l’usage de cet édifice : s’agit-il vraiment d’un deuxième temple en l’honneur d’Athéna sur l’Acropole ou avait-il un rôle différent ?

(fig. 53-61)

LO C A L I S A T I O N E T D E S C R I P T I O N D E S V E S T I G E S

L’identification de l’édifice a été rendue aisée après la découverte de l’inscription dite « inscription de l’Hékatompédon », datée vers 485/4, d’après l’archontat de Philokratès, qui publie la loi sacrée relative à la protection du temple et de ses trésors avec des réglementations précises160. Les deux blocs de marbre, où l’inscription fut

159 Synthèse brève dans GRECO 2010, p. 86.

160 IG I3 4 : face B.1, l. 8-19, en marbre de l’Hymette. ⁝τὸςἱ̣ε̣[ρορ]γ̣ο̑ντα[ς] μ[․․5․․] με[․․․7․․․ν]ε̣ὸ⁝καὶτο̑προ[․․․8․․․․]ο̣β̣[ο]μο̑⁝ [․․5․․] τοθεν⁝τ̣[ο̑ν]εὸ⁝ἐντὸςτο̑Κ[εκροπίομεδἀν]ὰπᾶν⁝τὸḥε- κατόμπ[εδ]ον⁝μεδὄνθο[ν] ⁝ἐγβ[αλε̑ν·ἐὰν] δ̣έ̣τις⁝τούτο- ντιδρᾶ[ιεἰδὸςἐ]χ̣σ[ε̑]ναι⁝θοᾶν̣ [μέ]χ̣ριτριο̑ν⁝ὀβελο̑- ν⁝τοῖσιταμ̣[ίασι⁝⁝⁝τὰς] hιερέα̣ [ς] τ̣ὰςἐμπόλει⁝καὶτ- ὰςζακόρος [μὲhέχενοἴ]κεματ̣αμιεῖον⁝ἐμπόλει⁝μ- εδὲhιπνε[ύεσθαι·ἐὰνδέτιςτ]ούτοντιδρᾶι⁝εὐθύ- νε[σθαιhεκατὸν] ⁝δραχμε̑σ[ικαὶ] τ̣ὸ̣ςταμίας⁝ἐὰνἐο̑- σ[ιεὐθύνεσθαι] hεκατὸνδραχμε̑[σι⁝⁝⁝] τὰο̣ἰκέματα [․․․․το̑ιhεκατ]ομπέδοι⁝ἀνοίγεν⁝ [τὸς] τ̣αμίας⁝μὲὄ- [λειζοντρὶςτ]ο̑μενὸ[ς] θ̣εᾶσθαι⁝

Hékatompédon

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gravée, furent détruits par les Perses peu après avoir été érigés. À l’origine, les blocs servaient de métopes au temple du début du VIe s., mais en 485, on ignore où ces inscriptions furent érigées161. L’Hékatompédon de l’inscription était donc un édifice de cent pieds de longueur, probablement en forme de temple, qui définit une région sacrée particulière, en relation avec le temple principal d’Athéna, son autel et le sanctuaire de Kékrops162. Mais dans l’inscription, hékatompédon peut signifier un espace et non un bâtiment, car le texte veut interdire certaines pratiques dans une aire précise, et non dans un bâtiment163.

Or, il est impossible d’attribuer avec certitude à l’édifice de l’Hékatompédon les restes architecturaux164 qui peuvent correspondre aussi bien à l’« Architecture-H », qu’aux oikémata ou trésors165. Certains chercheurs considèrent que l’Hékatompédon fut un temple, localisé sur les fondations de Dörpfeld, daté d’environ 560, avec les frontons représentant lions et taureaux, qui sont restés là jusqu’à son démantèlement ; il aurait été rebâti à la fin du VIe s.166. Mais, dans ce cas, aucun temple n’aurait été prévu sur le côté sud de l’Acropole jusqu’au début du Ve s. L’ambiguïté est plutôt résolue après les travaux

Trad. : « Il est interdit aux officiants de […] entrer le temple, et l’ […] autel […] qui lui fait face, en [contre-bas ?] du temple, à l’intérieur du Kécropion et dans toute l’étendue de l’hécatompédon, ainsi que d’y jeter des excréments ; tout contrevenant averti sera passible d’une amende de trois oboles au maximum de la part des trésoriers. Il est interdit aux prêtresses et desservantes de l’Acropole de faire des provisions dans un local de service et de faire la cuisine ; tout contrevenant sera passible d’une amende de cent drachmes, de même que les trésoriers qui les laisseraient faire. Les trésoriers devront ouvrir à la visite des locaux de l’hécatompédon au moins trois fois par mois… ». (HOLTZMANN 2003, p. 85).

161 WIEGAND 1904, p. 110. 162 BANCROFT 1979, p. 13-14, 20. 163 HOLTZMANN 2003, p. 86.

164 Pour une description des fragments voir DINSMOOR 1947.

165 Oikémata, c’est-à-dire des bâtiments, désigne soit des trésors, comme ceux de Delphes et d’Olympie, soit des constructions diverses, comme nous en connaissons sur l’Acropole classique. ROLLEY 1994, p. 191-192. TÖLLE-KASTENBEIN 1993 identifie l’Hékatompédon avec les oikèmata.

166 HURWIT 1985, p. 243, suivant DÖRPFELD 1890 et 1919, considère qu’il y avait un seul temple sur l’Acropole, celui d’Athéna Polias, et que les οἰκέματα étaient des chambres dans cet édifice nommé Hékatompédon.

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de Korres167 : l’Hékatompédon se trouvait sans aucun doute à l’emplacement du Parthénon.

Décor

D’après Ridgway168, l’Hékatompédon était le premier temple sur l’Acropole à être décoré exclusivement de sculpture en tuf. Relativement grand, périptère, l’Hékatompédon désigne un espace de 100 pieds, plutôt qu’une structure qui fait cette longueur. La date de sa construction semble être liée à la réorganisation des Panathénées en 566.

Il est aussi important de noter qu’aucune statue sur l’Acropole n’est datée avant 570-560. L’activité de construction monumentale sur le rocher sacré, comme nous l’avons déjà signalé, est florissante après 570. Athènes n’est pas experte en construction de grands bâtiments religieux en pierre sur une grande échelle, et elle reçoit beaucoup d’influences de l’étranger pour réaliser ces constructions. La sima en marbre qui entourait le bâtiment était munie de gargouilles en forme de trompettes pour évacuer l’eau de pluie, élément assez rare en Grèce centrale et surtout attesté en Grande Grèce et à Corfou, même si quelques constructions sur l’Acropole semblent l’avoir adopté. La sima de l’Hékatompédon, à deux bandeaux qui se croisaient et formaient des akrotéria, courait sur tous les côtés. À la croisée des « ailes » se tenait chaque fois une figure : Persée et la Gorgone de part et d’autre, l’un poursuivant l’autre perpétuellement tout autour du toit169. Ce type de décoration est plutôt commun en Phrygie ou en Étrurie. La corniche est ornée de sujets naturalistes – fleurs de lotus et d’oiseaux volants – qui sont plutôt propres aux régions de l’Est qu’à l’Attique.

167 M. Korres, BCH 112, Chron., 1988, p. 612. En 1986, Korres, en conduisant des travaux de restauration, constate que sur le premier degré du sékos du Parthénon, les blocs intérieurs proviennent en totalité de ce qu’il appelle « Vieux Parthénon », ce qui pourrait être l’Hékatompédon. Le fait que tous ces blocs présentent, sur ce qui était à l’origine leur parement externe, les marques d’une violente dilatation thermique (incendie), constitue une indication supplémentaire pour les véritables causes de l’inachèvement de l’édifice et sa datation avant l’invasion perse.

168 RIDGWAY 1993, p. 283-287.

Hékatompédon

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Un autre groupe de reliefs est associé à l’Hékatompédon170 : neuf fragments de marbre pour 5 ou 6 lions allongés, dont aucun n’est conservé entier. Tenant compte des dimensions du temple et des proportions des lions, Ridgway propose de restaurer ces animaux en décoration in antis, au niveau du chapiteau in antis, pour les deux porches ; ce qui leur donne une fonction apotropaïque, comme protection des entrées.

Les frontons171

Le fronton Est : au centre, un groupe monumental d’un lion et d’une lionne qui dévorent un taureau. Dans les angles se situeraient Héraclès contre Triton vers la gauche, et les trois corps des monstres vers l’angle droit172. Nombreuses sont les propositions d’identification de ce complexe des trois figures liées sur une même queue. Benton propose de voir Typhon ou les Tritopatores, liés au culte des vents173. Si cette interprétation est correcte, le fronton porte sur les deux extrémités, à droite et à gauche, les symboles de deux éléments de la nature, la mer et le ciel. Boardman propose de voir dans chaque torse un des partis politiques d’Athènes de cette époque, forcés à la réconciliation par Pisistrate174. Par conséquent, le torse qui tient un oiseau représenterait les hommes des montagnes ; celui avec une vague, les habitants de la côte ; et celui avec une branche de blé symboliserait les gens de la plaine. Les trois corps de serpent feraient ainsi allusion aux rois de l’Attique. L’ensemble de cette théorie interprète les exploits d’Héraclès de telle manière que la lutte avec Triton commémorerait l’expédition de Pisistrate contre Mégare en 566175. À cause de la couleur noir-bleue de la barbe d’une des

170 BROUSKARI 1974, p. 29, fig. 18 : panthère plutôt que lion, en marbre d’Hymette ; description détaillée par RIDGWAY 1993, p. 284, fig. 26 : la reconstitution graphique de la frise continue du pronaos.

171 Nous suivons la reconstitution proposée par DINSMOOR 1947, p. 285, fig. 27. Pour une description détaillée et une discussion sur la problématique de la datation, voir ROLLEY 1994, p. 193-196.

172 Musée de l’Acropole, n° inv. : 35 ; HOLTZMANN 2003, p. 78, fig. 58, attribue ce fronton à une phase du temple d’Athéna et le date de la première moitié du VIe s.

173 BENTON 1965. Voir infra, p. 353. 174 BOARDMAN 1994, p. 153-155.

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trois figures, le temple où ce fronton appartenait est souvent appelé conventionnellement « le temple du Barbe-bleue ».

Le fronton Ouest : une lionne sur un petit taureau176, un lion (dont une patte est conservée), les angles remplis par deux serpents énormes, l’un regardant vers le centre177, l’autre vers le spectateur.

Les sculptures de l’Acropole ne doivent cependant pas être de beaucoup postérieures à 580-570 – encore trop anciennes, sans doute, pour avoir pu orner l’un des temples construits à l’occasion de la réorganisation des Panathénées en 566. La reconstruction des frontons à partir des fragments mutilés a donné lieu à d’innombrables hypothèses. Parmi les grandes figures animales, on peut au moins apercevoir une lionne dépeçant un taureau, un lion couché, et une lionne attaquant un taureau avec un lion. On peut considérer qu’ils font partie du même ensemble. Le groupe de trois animaux était certainement entouré d’autres groupes de figures, et l’on s’accorde généralement à penser qu’il occupait le centre du fronton, avec à gauche Héraclès et Triton, et à droite le monstre à trois corps. Pour l’autre fronton, on a suggéré : au centre une gorgone178

flanquée d’un lion et d’une lionne ; dans les angles, les serpents ; à droite, l’introduction d’Héraclès dans l’Olympe ; à gauche la naissance d’Athéna. Les autres figures ne peuvent guère être postérieures non plus à 550 ; peut-être avaient-elles été ajoutées au temple qui portait l’acrotère de marbre en forme de Gorgone, et remplaçaient-elles la lionne et le taureau de calcaire ; adjonction difficile à concevoir avant le retour de Pisistrate au pouvoir, en 546. Cette hypothèse se trouve renforcée par la reconstitution du fronton que nous avons indiquée, mais n’en dépend pas179.

176 Musée de l’Acropole, n° inv. : 4 ; HOLTZMANN 2003, p. 77, fig. 56, le date de la première moitiée du VIe s. ; BROUSKARI 1974, p. 28, n° 4, fig. 14.

177 BROUSKARI 1974, p. 28 et 36, fig. 44 et 46.

178 TOULOUPA 1969. Voir supra, p. 40. HOLTZMANN 2003, p. 42 ; BROUSKARI 1974, p. 30, n° 701, fig. 20 : la tête de Gorgone qui était probablement l’acrotère central de l’Hécatompédon, daté d’environ 570.

Hékatompédon

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DA T A T I O N E T ID E N T I F I C A T I O N D E S C U L T E S

L’étude attentive de ce temple suggère qu’il était construit selon des exemples de Grèce de l’Est. Comme l’architecture monumentale n’est pas présente sur l’Acropole avant le milieu du VIe s., Ridgway suggère que Pisistrate aurait cherché ses architectes et maîtres de chantier de l’autre côté de la mer Égée180. Les dates de la tyrannie de Pisistrate coïncident avec le programme de monumentalisation de la ville181. Une telle activité était probablement liée à l’essor économique que la politique de Pisistrate avait apporté. Ce programme d’activité de construction semble avoir été lié à la rénovation des Panathénées182 et avoir exigé un contrôle et patronage uni et centralisé.

Il faut pourtant noter une autre interprétation de cet édifice qui n’a pas laissé les chercheurs indifférents, celle d’Elderkin183, qui explique l’instauration de l’autel de Zeus et de Dioné devant l’ancien Hékatompédon en suggérant que ce temple aurait appartenu au Zeus de Dodone et non pas à Athéna. À ce temple archaïque, Elderkin associe le fronton de l’apothéose d’Héraclès, où, selon son interprétation, Zeus et Dioné (?) accueillent Héraclès et Artémis, non pas sur l’Olympe, mais sur l’Acropole. On constate aussi l’existence de l’autel de Zeus Polieus fondé à l’est de l’ancien Hékatompédon, où les rites des Diipolia se déroulaient. Cependant, nous considérons que la présence de Zeus sur le lieu sacré de l’Acropole est tout à fait attendue, Zeus étant le premier des dieux olympiens, et des traces de son culte ne peuvent nullement justifier l’idée que le site lui était dédié.

À présent, si l’on regarde les éléments dans leur ensemble et dans le temps, on peut enfin donner raison à Dörpfeld, qui ne reconnaissait qu’un seul temple sur l’Acropole, celui d’Athéna Polias. Il est indéniable que l’activité religieuse de l’Acropole a lieu essentiellement sur sa partie nord. Même à l’époque classique, dans le Parthénon de Périclès, il n’y a pas de culte d’Athéna Parthénos attesté. Le bâtiment et la statue sont

180 RIDGWAY, p. 287.

181 KLUWE 1965, p. 9-15 ; BOERSMA 1970, p. 13-15, 18, 19-23.

182 Cette la proposition est la ligne centrale de l’étude de SHAPIRO 1989. 183 ELDERKIN 1941, p. 123.

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aussi interprétés comme des ex-votos ou semblent servir plutôt comme trésor184. Quel indice pourrait donc suggérer que le Parthénon fut le successeur d’un bâtiment avec culte ? De plus, on relève des analogies entre les dimensions du Vieux Temple d’Athéna et celles de l’Architecture-H, dont il va être question plus loin185.

CO N C L U S I O N S E T R E M A R Q U E S

Il est nécessaire à ce point de mentionner l’hypothèse souvent exprimée186 et reprise par Holloway, que l’Hékatompédon aurait servi d’édifice d’habitation à Pisistrate187. Si cette théorie a une certaine vérité, on pourrait proposer de voir sur l’Acropole même le pôle central politique de la ville d’Athènes, en tant que lieu sacré en même temps que lieu de centralisation du pouvoir politique. Cette proposition ne paraît cependant guère convaincante, et plus loin, nous présenterons aussi un autre lieu d’habitation possible de Pisistrate, le bâtiment F, à l’est du Kolonos Agoraios188. Pourtant, les arguments et la réflexion de Holloway renforcent l’idée que nous proposons que l’Hékatompédon était à l’emplacement du Parthénon classique, à l’endroit même où les édifices avaient des fonctions de trésors et de contrôle public. Le culte principal d’Athéna sur l’Acropole reste celui de Polias.

184 BANCROFT 1979, p. 23-24, note 56 ; HOLTZMANN 2003 ; HERINGTON 1955 ; GRECO 2010, p. 100-101.

185 Voir BANCROFT 1979, note 54 et PLOMMER 1960, p. 133.

186 On cite quelques références : JUDEICH 1931, p. 66 ; HOLLAND 1939 ; LANGLOTZ 1939, p. 9 ; WELWEI 1992, p. 238 propose un aménagement dans le Pélargikon.

187 HOLLOWAY 1999 : pour développer sa théorie, il interprète l’inscription de l’Hékatompédon et les passages d’Hérodote, I, 59 et 62-64 ; dans la même ligne voir KOLB 1977, p. 104-106 ; TÖLLE-KASTENBEIN 1992, p. 133-138. Contra, BOERSMA 1970, p. 11-18.

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Architecture-H

L’édifice dit Architecture-H189, en raison de sa forme entièrement reconstituée avec des vestiges dispersés sur l’Acropole, avait la forme d’un temple périptère, avec pronaos et opisthodomos, et avec des colonnes in antis et une colonnade intérieure. Il était porteur de chéneaux (simas) en marbre de l’Hymette et de tuiles de type corinthien, éléments qui permettent de dater l’édifice d’avant le milieu du VIe s.190. Il fait partie des « bâtiments » errants de l’Acropole, dont on a trouvé plusieurs fragments architecturaux, mais dont les fondations ne sont pas découvertes et dont la localisation exacte ne peut être déterminée d’après les trouvailles191. Les dimensions sont proches de celles du temple Dörpfeld, mais, comme nous l’avons constaté à propos de l’Hékatompédon, il pourrait avec ces mêmes dimensions précéder celui-ci. (fig. 50)

Conventionnellement, dans la présente étude, nous considérerons que la structure appelée Architecture-H fut à l’emplacement de l’Hékatompédon et du Parthénon classique. Pourtant, d’autres études proposent de le restituer à l’emplacement du Vieux Temple, en partie sur le petit temple géométrique qui l’aurait précédé192.

DE S C R I P T I O N D E S V E S T I G E S

L’architrave est haute de plus de 1,15 m et large de 3,85 m. Ce caractère massif des éléments porteurs se trouve compensé par l’abondance du décor gravé et peint : languette au sommet de certaines métopes ; chéneaux différents aux rampants des deux frontons et surtout, sur la face inférieure des corniches rampantes, une alternance

189 HEBERDEY 1919, p. 136, 143-156 ; WIEGAND 1904 ; DINSMOOR 1947, p. 109 ; PLOMMER 1960, p. 127 ; BEYER 1974, p. 639 et 1977, p. 44.

190 HELLMANN 2002, p. 318 ; KORRES 1997, p. 232-234.

191 Voir l’argumentation, les fragments architecturaux et les phases de construction décrits par BANCROFT 1979, p. 26-45.

Architecture-H

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singulière de fleurs de lotus et d’oiseaux de proie ou de cigognes193. La reconstitution de E. Gilliéron, même si elle minimise quelque peu les oiseaux, qui étaient plus bigarrés, rend bien compte de l’aspect multicolore de cette architecture, qui ne cède en rien sur ce point à la sculpture votive (fig. 51)194.

CO N C L U S I O N S E T R E M A R Q U E S

Si on maintient l’hypothèse que l’Hékatompédon a été l’ancêtre du Parthénon (Urparthenon), il est nécessaire de noter l’existence du Préparthénon (Vorparthenon)195, dont la construction est probablement liée à la bataille de Marathon en 490. Urparthenon, Vorparthenon et Parthénon sont fondés sur un stéréobate, fouillé par Ross entre 1835-1888, qui a pour dimensions 76,82 m × 31,39 m, sur 22 assises et d’une hauteur de 11 m environ sur le côté sud, en calcaire du Pirée, d’un parement très soigné. Ce soubassement était construit pour recevoir les fondations d’un édifice-temple196. Il nous est impossible de savoir si ce stéréobate a succédé à une construction antérieure, mais son édification a forcément bouleversé les fondations des bâtiments antérieurs et par conséquent aussi celles de l’Architecture-H.

193 Sur l’importance ou la signification de la représentation des cigognes voir infra, notre chapitre Pélargikon, p. 142. WIEGANG 1904, p. 23-37.

194 HOLTZMANN 2003, p. 81 et p. 12, pl. VIII.

195 Le premier temple en marbre pentélique sur un premier gradin en calcaire d’Hymette (Karas), 66,90 m × 23,60 m de dimensions, avec 6 × 16 colonnes, avec pronaos et opisthodomos, tétrastyle. KORRES 2008.

196 KORRES 1997, p. 218-243, parle d’un « Parthénon primitif » d’orientation légèrement différente.

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Brauronion

(fig. 62-63)

Dans cette brève présentation, nous soulignerons d’abord les arguments qui mettent en cause l’installation du culte de l’Artémis de Brauron sur l’Acropole par Pisistrate197. On en vient de ce fait à se demander si Brauron peut vraiment servir d’exemple pour la centralisation des cultes de la périphérie de l’Attique et de leurs références sur l’Acropole. La procédure de cette organisation semble posséder un caractère tout à fait particulier198.

Le Brauronion classique199 se trouvait à l’entrée de l’Acropole, au sud du chemin central, entre le bastion d’Athéna Nikè et le Parthénon. À côté du temple situé vers l’est, la Chalcothèque fut construite au IVe s. Un téménos du Ve s., sous forme d’enclos à plan trapézoïdal, est formé d’une série de trois stoai, entre les Propylées et la Chalcothèque. Selon une interprétation courante200, Pisistrate aurait voulu transporter le culte de son démos d’origine dans la polis. À cette supposition correspondrait un chien en marbre201, et de la céramique (kratériskoi)202 comparable à celle du sanctuaire de Brauron203, d’Artémis Munichia au Pirée204 et aussi du sanctuaire d’Artémis Tauropolos à Halai, du téménos d’Artémis Aristoboulè à Mélité, enfin de la grotte de Pan à Éleusis (le seul exemple de

197 L’étude qui regroupe les arguments sur les doutes qu’on peut avoir sur l’existence d’un sanctuaire d’Artémis sur l’Acropole, au moins pour l’époque archaïque, est HOLTZMANN 2003, p. 181

198 ANGIOLILLO 1983 et 1997, p. 68-69.

199 RHODES et DOBBINGS 1979, p. 325-41 ; EDMONSON 1968, p. 146. 200 GRECO 2010, p. 92 et bibliographie.

201 Musée de l’Acropole, n° inv. : 143, 525, 550. 202 KAHIL 1981.

203 KAHIL 1965 et 1977.

Brauronion

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dépôt à une divinité autre qu’Artémis)205. Le chien, trouvé au sud du Parthénon, en marbre des îles, fut interprété comme l’un des deux gardiens de l’entrée du sanctuaire d’Artémis Brauronia206. Pourtant, à présent, il n’y a aucun parallèle, à notre connaissance, aux chiens comme gardiens d’un sanctuaire. Les trouvailles du VIe s., très rares et ambiguës207, le parement trapézoïdal de la muraille mycénienne à l’ouest et la terrasse de la Chalcothèque à l’est, qu’on accorde d’habitude à ce téménos, ne sont pas des arguments suffisants pour reconstruire la forme et l’existence d’un téménos à l’époque archaïque.

De plus, aucune fouille n’a dévoilé la moindre trace de construction archaïque à cet endroit et l’absence d’autel est significative. Le matériel votif relatif au culte d’Artémis sur l’Acropole ne peut être daté avec certitude d’avant 510 et ne permet donc pas d’attribuer à Pisistrate lui-même la fondation du Brauronion. On peut éventuellement admettre l’existence d’un culte d’Érasinos, héros-fleuve, connu aussi à côté du sanctuaire de Brauron, très probablement à cause des puits qui alimentaient la colline sacrée. Une source tardive, Photius, nous informe à ce sujet208 : le culte du héros Érasinos aurait été

205 EKROTH 2003, p. 65.

206 Daté par BROUSKARI 1974, p. 60, fig. 102, d’environ 520, celui-ci est conservé intact, tandis que de l’autre subsistent des morceaux qui se trouvent dans la réserve du Musée de l’Acropole. Décharné, les membres repliés, le flanc gonflé par une respiration rapide, la tête tendue et le regard aigu fixé sur la cible, il semble prêt à bondir sur sa proie. On rapproche l’excellent artiste qui exécuta ce chien au maître du fronton de la Gigantomachie. Les surfaces qui se coupent à angle vif (au cou et au ventre par exemple), dont certaines sont d’une facture fluide et pleines d’une sensibilité inquiète, ainsi que la façon de polir l’épiderme, rappellent les géants du fronton. La ressemblance avec la tête de lion-gargouille (n° inv. : 69) est toutefois frappante (voir par exemple les yeux). Certains estiment que ces œuvres représentent l’ultime période de l’activité du maître du « cavalier Rampin » (n° inv. : 590, dont la tête se trouve au musée du Louvre). Musée de l’Acropole, n° inv. : 143, 525 et 550.

207 Parmi elles, une tête d’animal (Musée de l’Acropole, n° inv. : 122) qui pourrait être celle d’un ours plutôt que celle d’un lion, voirMORIZOT 1993.