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Le dernier dispositif connu de l’époque archaïque, sur le Péripatos, est le sanctuaire de Dionysos, qui se trouve sur son côté extérieur (au sud). On le croise sur notre droite en longeant la pente sud de l’Acropole vers l’est. L’espace, légèrement creux, en forme de cuvette naturelle, au-dessus de ce petit temple du VIe s., sur le versant sud-est de l’Acropole, accueillera le fameux théâtre de Dionysos où la grande activité théâtrale de la tragédie athénienne sera développée385. Certaines études ont voulu voir dans ce petit temple le culte de Dionysos d’Éleuthères et la fondation ou réorganisation de la fête des Grandes Dionysies386. Ce lieu, selon certains chercheurs, aurait aussi symbolisé l’intégration de la région d’Éleuthères, située aux confins de l’Attique et de la Béotie, au territoire athénien387.

Par la présente étude, nous voulons mettre en valeur les éléments qui nous font douter du rôle présumé de ce sanctuaire au VIe s. et comprendre comment la légende du culte de Dionysos s’est construite progressivement au long des siècles. Nous voulons aussi émettre l’hypothèse que la localisation de ce lieu de culte correspond probablement

385 Les vestiges du Ve s. sont peu nombreux et il est ainsi difficile de proposer avec certitude une forme de reconstitution pour cet édifice. TRAVLOS 1971, fig. 677, propose une reconstitution en arc de cercle. MORETTI 2001, p. 123-124, fig. 6, affirme que les quelques faibles vestiges ne suffisent pas à justifier une restitution du théâtre au Ve s., si ce n’est que grâce aux textes de drame qui sont conservés. Moretti propose la reconstitution de l’orchestre en forme de trapèze allongé et des gradins composant le koilon en forme de Π ; voir aussi Korres, AD 35, 1980, B’, p. 10-11, dess. 1 et KALLIGAS 1994, p. 27 qui proposent de reconstituer les rangs du théâtre sans diazôma. C’est en 333 à l’époque de l’archonte Lycurgue que le théâtre fut construit en pierre du Pirée et prit sa forme quasi définitive.

386 Grandes Dionysies ou Dionysies urbaines. FOUCART 1904 rassemble les récits de la naissance, de la nature et des actions du dieu ; PARKE 1977, p. 125-136 ; SIMON 1983, p. 103 ; PARKER 1996, p. 94-95.SPINETO 2004, p. 185-198.

387 SHAPIRO 1989, p. 85 ; PICKARD-CAMBRIDGE 1968, p. 57-58. Voir la discussion et les autres études citées dans DE POLIGNAC 2010, p. 486, note 11.

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aux besoins des quartiers d’Athènes au sud de l’Acropole, entre la colline des Muses et la zone de l’Ilissos388 et qu’à l’époque archaïque, il n’avait pas encore une grande importance civique. À partir de la deuxième moitié du Ve s., le versant sud de l’Acropole est réaménagé et connaît une grande monumentalisation.

VE S T I G E S

Temple archaïque

L’ensemble du site fut fouillé de manière systématique pour la première fois à la fin du XIXe s. par Dörpfeld389 : le temple archaïque, le théâtre, le temple et l’autel du IVe s., la stoa dorique et le péribole. Seule une petite section du temple archaïque est conservée, devant la partie ouest de la stoa dorique, construite au sud de la scène du théâtre du IVe s. La stoa aurait donc suivi le tracé du mur nord du temple archaïque et, grâce à elle, quelques assises du temple sont conservées. Les vestiges ne sont pas suffisants pour reconstituer l’ensemble de l’édifice, que Dörpfeld considère pourtant comme dorique, 13,50 × 8 m, de tuf, avec un sékos, où le xoanon de Dionysos d’Éleuthères aurait été conservé, et un pronaos in antis sur le côté est390. Les fondations sont constituées de pierre locale de l’Acropole, le toichobate de tuf d’Hymette et les murs et la corniche de tuf du Pirée391. Sur l’assise supérieure des fondations, un crampon est conservé, en plomb, en forme de « queue d’hirondelle »392. Les matériaux de construction et le type du crampon

388 Voir notre description de la région, infra, p. 247.

389 W. Dörpfeld publie les résultats de ses recherches dans un volume avec E. Reisch, Das griechische Theater, en 1896 (DÖRPFELD 1896). L’Archaiologiki Etaireia avait mené auparavant des recherches sur le site : PAE 1837-1979.

390 DÖRPFELD 1896, p. 14-18, fig. 1-3, décrit des fragments de tambour de colonnes, de triglyphe, d’un chapiteau et d’un tympan de fronton, en pôros, trouvés devant le temple, du côté est. FIECHTER 1936, p. 66-67, propose de le reconstituer en 14 × 6,60 m.

391 BOERSMA 1970, p. 189, n° 55.

392 PAPATHANASOPOULOS 1993, p. 39, fig. 11. Ce type de scellement horizontal décrit aussi « double gamma » (Γ), est employé vers la fin du VIe s. et au Ve s. HELLMANN 2002, p. 94-95.

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ont conduit les fouilleurs à dater l’édifice de la deuxième moitié du VIe s., mais malheureusement, sur le site, on n’a pas trouvé de céramique de cette époque.

Dörpfeld a aussi proposé une reconstitution du décor du temple avec des reliefs représentant la danse bachique393. Un bas-relief trouvé près du sanctuaire de Dionysos est le document sculpté le plus ancien que nous connaissons à sujet bachique, en pôros blanc jaunâtre, provenant probablement du fronton du temple394. La hauteur croissante des personnages permet de reconstituer le fronton de 5 m de longueur, avec quinze personnages représentés et parmi eux des satyres et une ménade qui dansent395. Ce relief, de dimensions 47 × 70 × 18 cm, date d’environ 550 ou 530.

De nouvelles trouvailles nous ont conduite à la conclusion que ce temple archaïque aurait connu une phase de rénovation au début du Ve s. : les archéologues ont mis au jour les fragments d’une corniche en marbre de Paros, qui aurait remplacé celle en tuf396. Despinis attribue aussi à ce temple le torse masculin en marbre de Paros, trouvé lors des fouilles de l’Archaiologiki Etaireia, à la fin du XIXe s., quelque part au sud de la scène du théâtre397. Des travaux de restauration ont permis d’étudier de plus près les assises de fondation du côté est du temple, qui ont vraisemblablement été taillées et construites une deuxième fois. Les techniques de cette deuxième phase de construction ressemblent, selon Korres, à celles du Préparthénon, construit à la même époque398. Deux blocs de sa corniche ont été réemployés au parapet du théâtre de l’époque romaine et

393 DÖRPFELD 1896, p. 16, considère comme terminus ante quem la représentation de la première tragédie de Thespis, en 524, date à laquelle le sanctuaire aurait déjà existé.

394 L’attribution de ce fragment de relief au temple de Dionysos est due à l’étude de F. Studniczka, « Attische Porosgiebel », AM 11, 1886, p. 61-80, pl. II,2.

395 MNA, n° inv. : 3131 ; PAPATHANASOPOULOS 1993, p. 41, fig. 14. Un fragment de relief, en tuf, avec deux satyres et une ménade aurait fait partie de ce décor, sinon d’un temple encore plus ancien.FERTÉ 1948 : le style de la draperie et le bandeau qui le borde en bas, de 4 cm de largeur, révèle un archaïsme ou un manque d’élégance et de raffinement, ainsi qu’une influence ionienne. FLOREN 1987, p. 243, n. 37 ; DESPINIS 2000, p. 196, fig. 4 et bibliographie, note 6.

396 Korres, AD 38, 1983, B’, p. 11, dess. 1.

397 DESPINIS 2000, fig. 6-8, 10, 12, 14 date le torse au début du Ve s. et le considère contemporain du trésor des Athéniens à Delphes ; MNA, n° inv. : 2324 ; Koumanoudis le décrit comme satyre (fouilles de 1867, n° 1285).

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beaucoup de blocs ont été remployés à la fortification de l’époque byzantine (au XIIIe s., dite Rizokastro)399.

Les trouvailles ne nous permettent pas de reconstituer avec précision la forme de la première phase de cet édifice, ni de dater sa deuxième phase de reconstruction. Seul le fragment de relief en tuf avec la danse bachique des satyres et des ménades fait remonter la datation au troisième quart du VIe s. Ce relief est un élément isolé et, malheureusement, il n’est pas accompagné d’autres trouvailles ou offrandes qui auraient pu contribuer à une datation plus précise du bâtiment et à l’identification du dieu honoré. Ainsi, d’après les rapports des fouilles des édifices décrits ci-dessus, nous nous permettons d’exprimer l’hypothèse que, dans la première phase, l’édifice n’était pas destiné à des fonctions cultuelles. Quelques décennies plus tard, au début du Ve s., lors de la deuxième phase de construction, on aurait réemployé les assises pour faire un temple400. Le relief n’a pas été trouvé in situ ; peut-être provient-il d’un autre site et a-t-il été transposé à cet endroit dès l’Antiquité, afin d’attribuer au lieu une valeur plus ancienne.

Lors de la deuxième moitié du IVe s., un autre temple plus grand (21,95 × 10,50 m) est construit à 6 mètres de distance plus au sud du temple archaïque. Cette fois la datation peut être vérifiée grâce à la céramique trouvée sur le site. Les fondations du temple ainsi que la base de la statue de culte sont conservées in situ. On ne sait pas si le temple archaïque fut abandonné et remplacé par le nouveau au IVe s., ou si les deux étaient fréquentés en même temps. Un péribole fut aussi construit, probablement à la même époque, pour définir l’espace et inclure les deux temples, la stoa et l’autel de Dionysos au sud-est du site401. Le péribole aurait suivi le tracé d’une rue, d’orientation Nord-Sud, qui

399 AD 37, 1982, B’1, p. 15 et AD 38, 1983, B’1, p. 10-11, dess. 1. Pour une description des vestiges voirPAPATHANASOPOULOS 1993, p. 39-43 ; KALLIGAS 1994, p. 27.

400 DESPINIS 2000 date le temple de 500-480. Le relief de la danse bachique proviendrait de la première phase de l’édifice.

401 Kalligas, AD 18, 1963, p. 16, pl. 10a : à l’époque romaine le péribole est reconstruit avec des remplois des fragments architecturaux des édifices détruits lors de l’invasion de Sylla. À l’angle sud-est du péribole, les fouilles ont mis au jour un petit édifice dont la construction date d’avant le péribole. Le fouilleur le considère comme un sanctuaire, situé au bord de la route, qui traversait

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liait le Péripatos au Pélargikon et, en contournant le versant sud de l’Acropole, arrivait jusqu’à la rue des Trépieds vers l’est402. Les temples et l’entrée du péribole sont orientés côté est.

Orchestre

Au nord-est du temple, les fouilleurs ont observé trois petites sections d’un mur de soutènement, parmi les constructions du théâtre plus tardives, entre la scène et le proskénion. D’après la forme de ces vestiges, Dörpfeld et Fiechter ont reconstitué un orchestre parfaitement circulaire, qui aurait été utilisé à l’époque archaïque pour des danses et des performances théâtrales403. Travlos interprète ces vestiges différemment et propose un orchestre semi-circulaire du côté sud et un koilon légèrement aménagé du côté nord, avec quelques gradins pour les spectateurs de la fin du VIe s.404. Nous ne sommes pas certaine que ces reconstitutions soient correctes. Ni la forme, ni la datation attribuée, généralement aux environs de 550, ne peuvent être vérifiées et les propositions varient selon les chercheurs405. Pourtant, il paraît vraisemblable que le lieu ait servi aux fêtes et aux spectacles avant la construction du théâtre du Ve s.

LÉ G E N D E E T C U L T E

Sur les pentes sud de l’Acropole, le sanctuaire de Dionysos Éleuthéreus a été construit, selon la tradition, pour héberger le xoanon de Dionysos venu d’Éleuthères, des

cet endroit et certaines études plus anciennes (JUDEICH 1931, p. 291-292 ; BOERSMA 1970, n° 56 et XXII, p. 139 et 190) proposent son identification avec le sanctuaire de Dionysos en Limnais. Voir aussi la description générale dans GRECO 2010, p. 166-169, n° 1.30.

402 Voir infra, p. 137-138 ; KERAMOPOULOS 1935, n° 21a.

403 DÖRPFELD 1896, pl. I, interprète ce mur comme une section du mur original de l’orchestre, tandis que FIECHTER 1936, pl. 16, l’interprète comme un mur de soutènement de l’orchestre. 404 TRAVLOS 1971, p. 540, fig. 677 ; suivi par POLACCO 1990, p. 25 ; KALLIGAS 1994, p. 25 ; ANGIOLILLO 1997, p. 71, fig. 38.

405 BOERSMA 2000, p. 137 et 189 ; PICKARD-CAMBRIDGE 1946, p. 3-4 ; TRAVLOS 1971, p. 537 ; FERTÉ 1948, date vers 540 ; CONNOR 1990, p. 24-26 ; ANGIOLILLO 1997, p. 72.

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confins nord-ouest de l’Attique avec la Béotie. La légende, rapportée par Pausanias, veut que le xoanon ait été apporté à Athènes par Pégasos, le prêtre d’Éleuthères406. Pour commémorer ce transfert du dème d’Éleuthères, on le reconduisait tous les ans, juste avant la fête des Dionysies urbaines, jusqu’à un naïskos situé vers l’Académie407 et, ensuite, une procession l’accompagnait au téménos de la pente sud de l’Acropole, la veille de la fête408. La première fois que Pégasos vient à Athènes portant dans ses bras la « statue » de son dieu, il est mal reçu et Dionysos se met en colère et punit les Athéniens. Les Athéniens, pour se sauver, interrogent l’oracle de Delphes, qui indique que les habitants de l’Attique doivent honorer le dieu409. C’est ainsi que le culte de Dionysos fut introduit à Athènes410.

406 Pausanias, I, 2, 5 : Ἐνταύθα και Πήγασός ἐστιν Ἐλευθερεύς, ὃς Ἀθηναῖοις <τὸν> θεὸν

ἐσήγαγε· συνεπελάβετο δέ οἱ τὸ ἐν Δελφοῖς μαντεῖον ἀναμνῆσαν τὴν ἐπὶ Ἰκαρίου ποτὲ

ἐπιδημίαντοῦθεοῦ.

Trad. : « Il s’y trouve aussi Pégasos d’Éleuthères, qui introduisit le dieu à Athènes. L’oracle de Delphes l’aidait dans son entreprise, qui avait rappelé le voyage qu’avait fait un jour le dieu au temps d’Ikarios. » (J. Pouilloux, CUF).

PITOMBO-BACELAR 2009 explique comment cette légende est devenue le mythe étiologique de la fête des Dionysies à Athènes, à partir d’une scholie des Acharniens d’Aristophane, v. 243. 407 Pausanias, I, 29, 2 : Καὶναὸςοὐμέγαςἐστιν, ἐςὃντοῦΔιονύσουτοῦἘλευθερέωςτὸἄγαλμα

ἀνὰπᾶνἔτοςκομίζουσινἐντεταγμέναιςἡμέραις.

Trad. : « Il y a aussi un temple qui n’est pas bien grand où l’on apporte chaque année, des jours dits, la statue de Dionysos Éleuthéreus. » (J. Pouilloux, CUF).

Aucun vestige de ce petit temple ne peut être identifié avec certitude et on ne peut pas connaître sa localisation exacte.

408 Voir la reconstitution de la fête proposée par SOURVINOU-INWOOD 2002, p. 69-81 et 99. 409 La référence à l’oracle est rappelée par Démosthène, Contre Midias, § 51-53, où il cite les oracles de Delphes et de Dodone, qui incitent les Athéniens accepter le nouveau culte.

La légende est rapportée aussi dans la scholie aux Acharniens d’Aristophane, v. 243 : φαλλὸς

ξύλον ἐπίμηκες ἔχον ἐν τῷ ἄκρῳ σκύτινον αἰδοῖον ἐξηρτημένον. Ἵσταται δὲ φαλλὸς τῷ Διονύσῳ κατά τι μυστήριον. Περὶ δὲ αὐτοῦ τοῦ φαλλοῦ τοιαῦται λέγεται. Πήγασος ἐκ τῶν Ἐλευθερῶν – αἱδὲἘλευθεραὶπόλιςεἰσὶτῆςΒοιωτίας – λαβὼντοῦΔιονύσουτὸἄγαλμαἧκενεἰς τὴνἈττικήν. ΟἱδὲἈττικοὶοὐκἐδέξαντο μετὰτιμῆςτὸν θεόν, ἀλλ’ οὐκἀμισθίγεαὐτοῖςταῦτα βουλευσαμένοιςἀπέβη. Μηνίσαντοςγὰρτοῦθεοῦνόσοςκατέστηψενεἰςτὰαἰδοῖατῶνἀνδρῶν καὶ τὸ δεινὸν ἀνήκεστον ἦν. Ὡς δὲ ἀπεῖπον πρὸς τὴν νόσον κρείττω γενομένην πάσης ἀνθρωπείας μαγγανείας καὶ τέχνης, ἀπεστάλησαν θεωροὶ μετὰ σπουδῆς· οἳ δὴ ἐπανελθόντες

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Pausanias (I, 29, 2) utilise les termes ἄγαλμα et ξόανον pour désigner la même statue de culte du dieu Dionysos411. Donc, il n’est pas évident de comprendre s’il décrit un xoanon archaïque ou une statue de culte archaïsante412.

Dans une tradition parallèle mais distincte, Dionysos Éleuthéreus a été populaire dans le dème Ikaria, au pied du Pentélique, dans la région de Marathon, où il a enseigné au roi Ikarios la culture de la vigne et l’œnologie413.

On se trouve rapidement confronté à deux questions importantes : d’une part, de quelle époque peut-on dater la fondation de la fête des Dionysies urbaines dans la ville

ἔφασανἴασινταύτηνεἶναιμόνην, εἰδιὰτιμῆςἁπάσηςἄγοιεν τὸν θεόν, ὑπόμνημα ποιούμενοι

τοῦπάθους.

Trad. : « Xanthias [...] le phallós : un phallós est un long morceau de bois avec un sexe en cuir suspendu à l’extrémité. Le phallós est érigé pour Dionysos d’après un certain rite à mystère. À propos du phallós lui-même, on dit ce qui suit. Pégase d’Éleuthères – Éleuthères est une ville de la Béotie – arriva en Attique avec la statue de Dionysos. Néanmoins, les habitants de l’Attique ne reçurent pas le dieu avec honneur ; mais cela n’arriva pas sans conséquences pour ceux qui avaient pris une telle résolution, puisque, le dieu étant en colère, une maladie s’abattit sur le sexe des hommes et le malheur était incurable. Comme ils succombaient à la maladie, qui était plus forte que toute technique et magie humaines, des ambassadeurs furent en hâte envoyés aux oracles ; lorsqu’ils revinrent, ils dirent que cette guérison-ci était la seule possible : qu’ils conduisissent le dieu en tout honneur. Obéissant donc à ces proclamations, les Athéniens fabriquèrent des phalloí en public et en privé, et avec ces phalloí ils rendaient hommage au dieu, en en faisant une commémoration de leur souffrance » (PITOMBO-BACELAR 2009, p. 146-147). 410 SOURVINOU-INWOOD 1994, p. 275.

411 Sur l’usage du xoanon et d’agalma chez Pausanias, voir VINCENT 2003, p. 40 : « Pausanias appelle une statue agalma quand il fait référence à une histoire ancienne, passée, mais utilise xoanon quand il veut souligner le pouvoir divin ou le rôle cultuel d’une statue ».

412 DETIENNE 1986, p. 52 et DETIENNE 1989, p. 257-258, en le comparant avec un phallus délien, appelé agalma de Dionysos(BRUNEAU 1970, p. 312-317), propose que la statue de culte ait été un phallus géant.

413 Apollodore, III, XIV, 7 : ὑπεδέξατο, Διόνυσον δὲ Ἰκάριος· ὃς λαμβάνει παρ’ αὐτοῦ κλῆμα

ἀμπέλουκαὶτὰπερὶτὴνοἰνοποιίανμανθάνει.

Pausanias, I, 38, 8 : ἘντοῦτῳτῷπεδίῳναόςἐστιΔιονύσου, καὶτὸξόανονἐντεύθενἈθηναίοις ἐκομίσθητὸἀρχαῖον· τὸδὲἐνἘλευθεραῖς <τὸ> ἐφ’ ἡμῶνέςμίμησινἐκείνουπεποίηται.

Trad. : « Dans cette plaine, il y a un temple de Dionysos et c’est de là qu’anciennement l’idole fut amenée à Athènes. La statue qui à notre époque se trouve à Éleuthères a été faite à l’imitation de l’ancienne. » (J. Pouilloux, CUF).

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d’Athènes et d’autre part, si les Dionysies urbaines sont une fête fondée au VIe s., pourquoi Éleuthéreus y est-il associé plus tardivement ?

Le texte de Pausanias est le seul témoin ancien à mettre en relation Dionysos Éleuthéreus avec la fête des Dionysies. D’autres sources font référence à l’épiclèse Éleuthéreus mais sans mentionner la fête, tandis que les textes qui parlent des Dionysies ne citent jamais l’épiclèse414. Les dédicaces à Dionysos Éleuthéreus datent de l’époque romaine415 et on peut arriver à la conclusion que la légende de Pégasos ne devint le récit étiologique des Dionysies qu’à l’époque hellénistique ou romaine416.

Les premiers prix décernés à l’occasion de la fête des Dionysies remontent à la fin du VIe ou début du Ve s. Le prix de Thespis, selon la tradition, donné en 534/531, est une information provenant des sources hellénistiques et on ne sait pas à quelle sorte de concours Thespis aurait participé417. Ainsi, certaines études expriment des doutes même sur l’ancienneté de la fête des Dionysies urbaines418. Sourvinou-Inwood a voulu prouver qu’aucun génos n’est traditionnellement lié au déroulement de la fête419. Foucart, dans une étude du début du XXe s. rassemble les récits de la naissance, de la nature et de la vie du dieu et compare les Dionysies urbaines avec les fêtes en l’honneur de Dionysos en Limnais qu’il considère plus anciennes420. Selon Parker, les mythes de la naissance du théâtre datent de l’époque de la démocratie et il est inutile de chercher ses sources au

414 PITOMBO-BACELAR 2009, p. 142 note 2 et p. 150 ; Voir surtout, Hésychius, ε 2022

(Ἐλευθερεύς) ; Plutarque, Questions Grecques, 104 (289a).

415 Par exemple IG II² 5022 : ἱερέως | Διονύσου Ἐλευθερέως; et autres dédicaces citées par SOURVINOU-INWOOD 2011, p. 312-339.

416DE POLIGNAC 2010 essaie de déterminer les raisons et l’époque du processus qui a fait de la légende de Pégase d’Éleuthères le récit étiologique des processions des Dionysies.

417 WEST 1992, CQ ns 39, p. 251-254 ; Jacoby, FGrH, n° 239, A 43 ; IG XII, 5, 444, datée de 263, l. 43.58b/59a : ἀφ’ οὗΘέσπιςὁποιητὴς [ὑπεκρίνα]τοπρῶτος, ὃςἐδίδαξε [δρ]ᾶ[μαἐνἄστ[ει, καὶ ἐ]τέθηὁ [τ]ράγος [ἆθλον], ἐτηΗΗ", - - ἄρχοντοςἈθ[ήνησι․․․]ναίουτοῦπροτέρου.

418 CONNOR 1990 suggère que le concours des Grandes Dionysies a été créé à la fin du VIe s., lors des réformes de Clisthène, probablement vers 506.

419 SOURVINOU-INWOOD 2011, p. 338 et bibliographie. 420 FOUCART 1904, p. 41-42 et 197.

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VIe s.421. Éventuellement d’autres fêtes couvraient les besoins des rites, comme les Anthestéria, qui étaient considérées comme une ancienne forme des Dionysies422.

CO N C L U S I O N

Nous avons décrit ci-dessus la partie de la structure du petit édifice archaïque reconstitué en temple de Dionysos et nous avons exprimé l’hypothèse que ce site n’a été dédié à Dionysos qu’à partir du début du Ve s., et fréquenté par les habitants des quartiers de la ville au sud de l’Acropole. Le culte de Dionysos est attesté avec certitude à partir du IVe s. dans le deuxième temple un peu plus au sud, construit en même temps que le temple de Dionysos à Ikaria de Marathon.

Les sections des murs d’après lesquelles on a reconstitué la forme du premier orchestre sont trop petites pour permettre de justifier une telle reconstitution et peuvent correspondre à d’autres structures ou habitations du VIe s. sur le site. D’ailleurs, c’est peut-être dans le théâtre de Lénaion que les performances dramatiques avaient lieu avant la construction du théâtre de Dionysos423.

D’après les trouvailles de la région, à l’époque archaïque, le site de Dionysos Éleuthéreus ne fait pas partie d’un ensemble topographique plus vaste. Nous sommes incapable de comprendre le rôle de ce petit édifice fouillé par Dörpfeld, dit « temple de Dionysos Éleuthéreus », au sud de la stoa dorique, dans la structuration de l’espace urbain d’Athènes. Le versant sud de l’Acropole connaît une architecture monumentale à partir de la deuxième moitié du Ve s. et à l’époque archaïque il fut probablement utilisé comme zone d’habitations, de sépultures et de rites à caractère privé.

421 PARKER 1996, p. 92-94.

422 Thucydide, II, 15, 4 : τὰ ἀρχαιότατα Διονύσια… ποιεῖται ἐν μηνὶ Ἀνθεστηριῶνι ; SOURVINOU-INWOOD 1994, p. 274 ; PARKER 2011, p. 180-181.

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