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Conclusion générale sur le site de l’Acropole

L’exposé des données archéologiques qui a précédé nous conduit aux conclusions suivantes, d’une part sur la topographie, d’autre part sur le caractère de l’Acropole d’Athènes.

TO P O G R A P H I E D I S P O S I T I O N D E S S A N C T U A I R E S

La disposition des édifices sur l’Acropole, selon notre approche et interprétation, nous permet de diviser la colline en deux : la partie nord et la partie sud. Les sanctuaires où les cultes étaient accomplis sur l’Acropole étaient groupés sur le côté nord, en relation avec l’entrée aménagée à cet endroit. L’approche de cette entrée était gardée par le sanctuaire d’Aglauros, sur la pente est du roc sacré277. Le côté sud de la colline était occupé par des édifices qui avaient un rôle de trésor ou de lieu de dépôt d’offrande. Le côté ouest connaît de nouveaux réaménagements sur le bastion d’Athéna Nikè et la construction de l’entrée ouest.

Nous pouvons ainsi récapituler les deux théories principales sur la disposition des constructions sur l’Acropole278 :

1. Le Temple d’Athéna Polias du VIIe s., dont les deux colonnes sont conservées parmi les vestiges de Dörpfeld, reste en usage sur la partie nord de la colline seulement jusqu’au deuxième quart du VIe s., quand un temple plus grand, celui du « Barbe-bleue » (le temple avec le fronton au monstre à trois corps) le remplace. Celui-ci est de nouveau démantelé et remplacé par l’Archaios Neos, le Vieux Temple d’Athéna ou Temple Dörpfeld, dont on aurait remplacé le fronton est, ou qui aurait connu une deuxième phase de construction. Dans ce cas, il s’agit d’une

277 SCHACHTER 1992, p. 31-32.

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série de trois ou quatre temples sur le même emplacement. La partie sud de l’Acropole aurait été occupée par l’Hékatompédon ou par une série de petits temples ou oikémata.

2. La partie nord de l’Acropole aurait connu une série de trois temples : le premier du VIIe s., le deuxième du milieu du VIe s. et le troisième l’Archaios Neos. Sur le côté sud, une série de trois temples aurait été construite avant le Parthénon classique (Urparthenon, Hékatompédon, Vorparthenon).

Dans les deux cas, on peut supposer le démantèlement des constructions et le remploi systématique des blocs. Si l’on compare avec les constructions sur la zone de l’Ilissos et de l’Agora, que l’on décrira ci-dessous, on pourrait parler d’un programme de monumentalisation de la ville qui prend une forme plus élaborée à partir de la deuxième moitié du VIe s.279. Nous évitons pourtant dans cette thèse d’interpréter tout réaménagement et agrandissement des sites de l’Attique comme une initiative de Pisistrate280.

Si nous avons accordé une attention particulière à l’identification et aux phases de construction des bâtiments sur l’Acropole, c’est dans le but de démontrer qu’une importance presque égale a été prêtée aux dispositifs proprement cultuels de la partie nord et aux autres édifices à fonctions discutables, et de signaler ainsi le rôle et le caractère complexe du site.

279 HURWIT 1985, p. 236-248. BOERSMA 1970 et 2000 parle d’une « mégalomanie » de la deuxième génération de la tyrannie athénienne, celle d’Hippias et Hipparque, les fils de Pisistrate, au dernier quart du VIe s., une sorte de goût du colossal, avec la construction des grands temples, comme l’Olympieion en 515 ; AMPOLO 1973. Nous reviendrons sur cette idée plus loin.

280 Plus précisément sur Éleusis nous sommes contre l’interprétation de SHEAR 1978, p. 8. Voir infra, p. 401-402.

87 CA R A C T È R E D E L’ AC R O P O L E

À partir du milieu du VIe s., le caractère sacré de l’Acropole est dominant. Le rocher ne sert plus à des fonctions funéraires, ni comme lieu d’habitation. La tradition qui veut faire de l’Architecture-H le palais privé de Pisistrate281 n’est nullement retenue. Ni la naissance, ni la mort ne sont autorisées sur l’Acropole282 et aucune décision à titre privé ne peut s’y imposer. Le sanctuaire d’Athéna sur l’Acropole est aussi le lieu où se gardent les trésors283. La prêtresse d’Athéna Polias, toujours de la famille des Étéoboutades, conduisait aussi toute la fête des Arrhéphories et participait à la pompè des Skira284. Elle ne peut pas être identifiée à la prêtresse d’Athéna Nikè ni à la prêtresse de Pandrosos285.

Cette évolution et le changement du caractère de l’Acropole ont eu lieu en relation avec un changement général des rites des fêtes et des cultes, puisque avant le milieu du VIe s. les premières phases des constructions sont obscures286. Il nous paraît difficile de défendre l’idée que le synœcisme et l’unification de l’Attique peuvent avoir lieu dès le VIIIe s., puisque la référence au culte de la déesse poliouchos, le culte central sur la colline

281 HOLLOWAY 1999, p. 83-86.

282 JORDAN 1979, p. 29 ; WÄCHTER 2010, p. 31-32, 58, mentionne une inscription de l’Acropole, Chr. Tsountas, « Ἐπιγραφὴἐξ Ἀκροπόλεως», Εφηµ. Αρχ. 1884, p. 166-171 (167), IG II2 1035, datée de la fin du Ier s., l. 10-11 : Ἐπεὶδὲπάτριόνἐστινἐν μηδενὶ τῶντεμενῶν μήτ᾽ἐντίκτειν

μήτ᾽ἐναποθ[νήσκειν] ; Aristophanes, Lysistrata, v. 742.

283 L’inscription IG I3 4, datée de 485/4, cite que les trésoriers de l’Hékatompédon veillent sur le bon fonctionnement de l’Acropole. JORDAN 1979, p. 56-62, sur Kylonion Agos, défend l’idée que les naucrares furent les gardiens de l’Acropole à partir de l’époque de Solon. Voir aussi la notice de N.J. Richardson, JHS 102, 1982, p. 268.

284 MOMMSEN 1968, p. 447, n.*. Pour les fêtes et le rôle des familles voir BURKERT 1972, p. 168 ; Drakon, FGrH 344 F1 = Harpocration, s.v. Ἐτεοβουτάδαι; Apollodore, III, 196 ; LEWIS 1955, p. 4.

285 FERGUSON 1938, p. 20-21, soutient que la prêtresse de Pandrosos est en même temps celle de Kourotrophos ; cette thèse est suivie par RAUBITSCHEK 1945, p. 434-435, mais rejetée par NILSSON 1951, p. 35.

286 RIGDWAY 1992, p. 120 ; 1993, p. 283.FIGUEIRA 1984, p. 447-473, propose que l’architecture de la colline sacrée a sûrement été renforcée aussi en raison de cette réorganisation des Panathénées sous l’archontat d’Hippoclides (566/65).

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sacrée de l’Acropole, n’est visible qu’à partir du milieu du VIe s.287. En tout cas, à la fin de l’époque archaïque, le grand temple d’Athènes était le Vieux Temple d’Athéna Polias288.

Il est important de noter que le caractère des édifices sur l’Acropole évolue dans la période entre l’expulsion des tyrans et 480. La citerne et l’édifice au nord-ouest de l’Acropole au nord des Propylées témoignent du besoin en eau potable sur le site et du caractère officiel des rites civiques (fig. 100-101)289.

Culte d’Athéna Polias

Malgré les éléments qui dévoilent des traces d’autres cultes, et surtout l’hypothèse qui veut que l’Acropole ait été au départ consacrée à Zeus à l’Hékatompédon et à Zeus Herkeios et Naios à l’Érechtheion, on considère que les Athéniens sont les habitants de la région, unis par le culte commun d’Athéna. Ce culte prend forme et se cristallise concrètement sur la colline de l’Acropole sous le nom d’Athéna Polias, la déesse de la cité. Plusieurs mythes et légendes s’articulent autour de cette évidence pour nous poser parfois des problèmes d’interprétation et d’identification des vestiges290.

Si Polias est la divinité honorée, Athéna reçoit aussi d’autres qualificatifs : Promachos, Nikè, Hygieia et Parthénos au Ve s. Notre lecture des indices exposés veut proposer de ne plus chercher à dissocier les cultes, hiérarchiser les rites et attribuer les offrandes à des divinités différentes à l’époque archaïque291. Il nous semble plus cohérent de voir ces dispositifs comme un ensemble, au sommet de la colline consacrée à la déesse protectrice de la cité, honorée par les citoyens qui l’habitent292. Nous pouvons ainsi parler d’un passage des traditions héritées aux nouvelles formes d’organisation politique, sociale et religieuse.

287 SCHOLL 2006.

288 GRECO 2010, p. 58 ; HOLTZMANN 2003.

289 HURWIT 2004, p. 213-214 ; TANOULAS 1992 ; critiqué par KORRES 1997, p. 244-245, fournissant des dimensions et des datations plus précises et plus proche au mur de Thémistocle et à l’époque de Kimon.

290 HERINGTON 1955. RIDGWAY 1992, p. 119-142. 291 Dans la même ligneBANCROFT 1979, p. 84. 292 Voir SVENSON-EVERS 1997.

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Autres cultes d’Athéna Athéna Pallas

La statue d’Athéna Pallas passait pour être l’image de culte de la déesse à Troie, capturée par les Argiens et, enfin, reprise par les Athéniens. Le nom « Palladion » est attribué à un bâtiment au sud-est de l’Acropole, dont la localisation n’est pas assurée, où étaient traités les cas d’homicide involontaire et qui était censé héberger cette statue d’Athéna Pallas d’Ilion293. D’autres villes, comme Sparte, ont revendiqué l’origine de ce Palladion de Troie, mais ce n’est pas la première fois qu’Athènes se prévaut d’une telle acquisition294.

Sur l’Acropole, des statuettes ont été offertes295, représentant la déesse debout, avec un bouclier. Certaines études proposent aussi qu’une statue d’Athéna Pallas se trouvait dans un des édifices prédécesseurs du Parthénon296. Cet ensemble des représentations peut être lié au naïskos pré-péricléen (Vorparthenon) qui, avec son autel rond297, fut incorporé au Parthénon de l’époque classique298.

Athéna Promachos

Le type de Promachos avec aigis, casque, bouclier et lance est le type d’Athéna souvent représenté sur les amphores panathénaïques299. Ce type d’Athéna Promachos, où la déesse est debout, avec une jambe en avant, en mouvement de lutte, ne devient courant

293 MACDOWELL 1963, p. 58-69. Voir notre chapitre sur « Palladion », infra, p. 176.

294 Pour le xoanon d’Athéna Polias, voir supra, p. 42, et pour le xoanon de Dionysos Éleuthère, voir infra, p. 115-117.

295 Voir par exemple MNA, bronze, n° inv. : 6450, daté d’après HOLTZMANN 2003, p. 51, fig. 23, d’environ 570.

296SCHWAB 1996.

297 HURWIT 1999, p. 23, fig. 21 (par M. Korres) ; 2004, p. 74.

298 KORRES 1997, p. 227-229 et 242, propose d’attribuer le culte pratiqué à cet autel à Athéna Ergané.

299 Voir par exemple les amphores panathénaïques : British Museum, n° inv. : B141 ; Cabinet des Médailles, n° inv. : 243 (SHAPIRO 1989, pl. 12 C-D) ; Austin (Texas), Museum of Art, n° inv. : 1980.32 (SHAPIRO 1989, pl. 13 C-Da, b).

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dans la sculpture qu’à partir de la fin du VIe s.300. Les exemples de céramique les plus anciens que l’on a repérés datent de la deuxième moitié du VIe s., et leur datation varie entre 550 et 520 en général, selon les chercheurs. Donc il est possible que l’apparition du type d’Athéna Promachos sur les amphores soit presque contemporaine aux sculptures. Il est difficile de dire s’il représente Athéna guerrière ou Athéna qui danse la pyrrhikè, mais on peut sûrement supposer qu’il est lié à la statue de Promachos érigée sur l’Acropole301. Si l’on était certain de la datation ante quem des premières représentations d’Athéna Promachos, on aurait pu confirmer la date de l’apparition de la statue de Promachos, que l’on considère dans les années 560. Il faudrait peut-être considérer l’éventualité que la statue de culte de Promachos soit érigée sur le côté ouest de la colline de l’Acropole au troisième quart du VIe s. en même temps ou peu avant la première phase de la construction de l’entrée monumentale et de la rampe de l’accès ouest.

Lieu de conservation de mémoire

L’Acropole d’Athènes ne doit pas son caractère sacré seulement aux cultes. Elle sert aussi comme archive de mémoire, avec ses références aux ancêtres mythiques et à l’autochtonie revendiquée des Athéniens. Les traces de l’époque mycénienne sont restées visibles aux époques qui se sont succédé. La fondation d’Athéna Nikè est aussi liée à la victoire des athlètes aux Concours Panathénaïques, mais elle rappelle, en outre, la victoire publique d’Athènes contre Mégare. Plus tard, des aménagements ont eu lieu pour fêter la bataille de Marathon, à l’entrée de l’Acropole, et au Vorparthenon. Plusieurs parties de la structure du Vieux Temple d’Athéna Polias ont été incorporées dans la fortification thémistocléenne. Et il ne faut pas oublier toute une série d’offrandes inscrites, des sculptures ou autres, des anathémata, avec les noms des artisans et des donateurs, offertes en aparchè ou en dékatè302.

300 NIEMEYER 1960 ; HOLTZMANN 2003, p. 51.

301 SHAPIRO 1989, p. 27-29, 36 ; RIDGWAY 1992, p. 127. 302 VIVIERS 2008 sous presse.

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Le Péripatos

(fig. 103)

Introduction

Le Péripatos, la rue qui délimite le rocher de l’Acropole à mi-hauteur, est aussi une voie de procession. Les dispositifs aménagés au long de ce passage jouent un rôle d’intermédiaire entre la colline sacrée et la ville. Le terme péripatos, d’où la rue tient son nom, est attesté dans un horos inscrit sur un rocher trouvé in situ, non loin du sanctuaire d’Éros et Aphrodite, et se réfère à la longueur de cinq stades et dix-huit pieds (environ 1 kilomètre) de la rue303.

Sur le Péripatos, du côté est, se trouve le sanctuaire d’Aglauros ; en avançant vers le nord, celui d’Aphrodite et Éros, la grotte de Pan (et des Nymphes), le sanctuaire d’Apollon Hypo Makrais (dont n’existent des traces que de l’époque romaine), et la source de Klepsydra (Empedô). Au sud - SO, au niveau d’Athéna Nikè, on passe par le sanctuaire d’Aphrodite et en avançant vers le sud - SE, on traverse les rangs supérieurs du théâtre classique de Dionysos, construit au nord de l’endroit, où l’on présume que se trouvait le sanctuaire archaïque. Après la construction de l’Odéon d’Hérode et du théâtre de Dionysos le tracé du Péripatos a forcément changé à ces endroits304.

303 Inscription datée de la deuxième moitié du IVe s. IG II2 2639 : [τ]οῦ περιπάτο | περίοδος |

π(έντε) σ(τάδια) | πόδες | Δ!ΙΙ.

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Lieux de culte

Sanctuaire d’Aglauros et entrée est de l’Acropole

(fig. 15, n° 27)

Hérodote (VIII, 53) raconte que les Perses sont entrés à l’Acropole pour l’occuper à l’été de 480, mais en retrait par rapport à la porte, en passant par le sanctuaire d’Aglauros, en dépit de l’escarpement des lieux. Dontas explique que la phrase d’Hérodote, ἔμπροσθε ὦν τῆς ἀκροπόλιος, ὄπισθε δὲ τῶν πυλέων καὶ τῆς ἀνόδου, se réfère à l’axe devant l’entrée du Parthénon, c’est-à-dire aux pentes est du Péripatos. La découverte in situ d’un horos du IIIe s. av. J.-C, a résolu le problème de l’emplacement du sanctuaire d’Aglauros, que l’on avait longtemps identifié avec une des grottes sur les pentes ouest de l’Acropole305.

La grotte qui hébergeait le téménos d’Aglauros est assez vaste, 22 sur 14 mètres environ, même si l’on n’est pas en mesure de reconstituer la forme exacte de la grotte dans l’Antiquité. L’identification de cette grotte au sanctuaire est assurée par l’inscription trouvée sur place, et elle résout beaucoup de problèmes de la topographie d’Athènes, puisque Pausanias a écrit que le téménos d’Aglauros se trouve au-dessus des Dioscures et non loin du Prytaneion306. La localisation de l’Anakeion, du Théseion et d’autres édifices dépend, elle aussi, de cette identification de la grotte au sanctuaire, et de Pausanias307.

305 Voir DONTAS 1983, dessin de la fig. 1, p. 49, localisation de l’inscription trouvée dans la grotte sur la pente est de l’Acropole. OIKONOMIDES 1990b ; TRAVLOS 1971, p. 8, fig. 5 (fig. 9, n° 11) ; sur la localisation voir Philochore, FGrH III B, 328 F 105 : περὶτὰπροπύλαιατῆςπόλεως. 306 Pausanias, I, 18, 2-3 : Le sanctuaire d’Aglauros se trouve à l’endroit où elle s’est tuée et a été enterrée, après être devenue folle et s’être jetée des falaises de l’Acropole, en voyant le serpent Érichthonios. Pandrosos, qui avait obéi aux ordres d’Athéna, devient prêtresse de la déesse. 307 GRECO 2010, p. 159 ; SHEAR 1994, p. 226-227.

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Dans cette grotte attribuée au culte d’Aglauros, on situe également le culte de Blauté et de Kourotrophos308.

Deux des trois Kékropides ont donc un sanctuaire à l’Acropole : Pandrosos, sur l’Acropole elle-même, non loin d’Athéna Polias, et Aglauros, juste en bas de l’entrée est, au Péripatos. L’Aglaurion existait probablement dès le milieu du VIe s., entre 580-560309. En revanche, aucun sanctuaire d’Hersé n’est attesté, peut-être parce qu’elle est considérée comme le doublet de sa sœur Pandrosos310. Pourtant, dans la mythologie, elle est la mère de Képhalos311 ou de Kéryx, l’ancêtre des Kérykes éleusiniens312. L’existence de lieux de culte différents pour Aglauros et Pandrosos a conduit Kearns à se demander si les trois filles étaient considérées comme une unité ou comme ayant trois identités séparées313.

Philochore314 nous raconte une version intéressante de l’histoire, version qui fait le lien entre Apollon, Aglauros et l’expédition d’Eumolpos contre Thésée. Apollon émit l’oracle qui promettait la fin des conflits, si quelqu’un donnait sa vie pour la cité. Aglauros – qui était vierge et était devenue folle, décida alors de s’immoler pour sa patrie et se jeta de l’Acropole. Un sanctuaire fut fondé en son honneur à l’endroit de sa chute, sanctuaire où les éphèbes venaient prêter serment avant de partir à la guerre315. Ce récit explique les liens que fait la mythologie entre Athènes, Éleusis et Delphes à travers les

308 PIRENNE-DELFORGE 1994, p. 60 ; PARKER 2005, p. 222, 426-428. 309 CUCUZZA 1996, p. 93.

310 SHAPIRO 1995, p. 41.

311 Apollodore III, 14, 3 : Képhalos fils d’Hermès.

312 Pausanias, I, 38, 3. Pour une synthèse et bibliographie complète voir LIMC I, U. Kron, « Aglauros, Herse, Pandrosos », p. 285.

313 KEARNS 1989, p. 29. GANTZ 2004, p. 416 : « l’association des sœurs avec le culte les fait probablement apparaître comme des entités séparées à l’origine les unes des autres, et qu’elles n’ont été rapprochées que plus tard dans le mythe ».

314 Selon la version de Philochore, FGrH 328 F 105, Aglauros devient la prêtresse d’Athéna. Il s’agit d’un mythe étiologique associé aux fêtes des Plyntéria et Kallyntéria (voir notre chapitre II). SOURVINOU-INWOOD 2011, p. 30-31.

315 Sur les sacrifices accomplis par des éphèbes en l’honneur d’Athéna Polias, Kourotrophos et Pandrosos : IG II2 1039, l. 57-58 : … ὁμ[οίωςδὲκα]ὶτὰἐξιτητήριαἐνἀκρο|πόλειτῆιτεἈθηνᾶι

τῆιΠολιάδικαὶτῆιΚουρ[οτρό]φωικαὶτῆιΠανδρόσ[ωικα]ὶἐκαλλιέρησαν.

« ils ont également (fait des sacrifices) pour leur fin de service sur l’Acropole, à Athéna Polias, la Kourotrophos et la Pandrosos, et ils ont obtenu de bons présages. »

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figures d’Aglauros, la fille du roi Kékrops, d’ Eumolpos et d’Apollon. Aglauros, prêtresse d’Athéna et en même temps celle qui s’est sacrifiée pour sauver la cité, a une histoire assez proche de celle d’Iphigénie, telle que la raconte Euripide dans Iphigénie en Tauride316.

316 SOURVINOU-INWOOD 2011, p. 33-34. L’idée du sacrifice d’une jeune vierge servante de la déesse est récurrente dans les mythes étiologiques athéniens. Voir infra, Léokorion, p. 319.

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Sanctuaire d’Éros et Aphrodite

(fig. 115-121)

Il a fallu beaucoup de débats et de recherches avant d’arriver à l’identification presque unanime d’une des grottes sur les flancs nord de l’Acropole avec le sanctuaire d’Éros et Aphrodite. Il s’agit de la première grotte qu’on rencontre sur la gauche après avoir quitté le sanctuaire d’Aglauros et en avançant sur le péripatos longeant les pentes nord. Il nous paraît inutile de répéter l’histoire de cette recherche, dont les premières publications remontent au XIXe s., recherche qui est d’ailleurs présentée en détail dans l’étude de Machaira317. Nous étudions ce site par rapport aux rites des arrhéphories et aux autres sites où Aphrodite est honorée à Athènes et en Attique.

L’endroit dédié au culte d’Aphrodite n’est qu’une terrasse, de 30 m de longueur sur 14 m entourée par des rochers (numérotés par Broneer de A à H), aménagée sur deux niveaux par des murs de soutènement, et accessible du péripatos par une rampe inclinée318. Le passage lié au sanctuaire et le sanctuaire lui-même donnent l’impression d’être formés d’ouvertures naturelles du rocher et de surfaces vêtues de murs, réaménagées pour l’accomplissement des rites. La présence d’inscriptions sur les rochers a facilité l’identification du site. Nous prêtons pourtant la plus grande attention aux données provenant des fouilles des années 1930, puisqu’il a fallu alors aménager les lieux et construire des murs pour éviter l’effondrement des rochers et ouvrir le passage vers le site. Il n’est pas toujours facile de dater ces réaménagements qui mêlent les interventions du XXe s. aux couches archéologiques.

Broneer date un des trois murs de soutènement du sanctuaire d’avant le Ve s., sans pouvoir donner une date plus précise et considère que les deux autres sont des réaménagements de l’époque romaine319. Le matériel trouvé sur le site ressemble

317 MACHAIRA 2008, p. 100-126 et bibliographie. 318 BRONEER 1935, p. 123.

Éros et Aphrodite

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beaucoup à celui du sanctuaire d’Aphrodite sur la Voie Sacrée (Hiéra Hodos) vers Éleusis, et on ne peut pas toujours savoir s’il provient directement du sanctuaire d’Aphrodite, du site autour ou même s’il est tombé de l’Acropole320. Est-ce que la présence de ce culte nous permettrait de parler de l’introduction d’Éros à Athènes à l’époque archaïque ? La question est ouverte321.

Au sud de la terrasse du sanctuaire d’Éros et Aphrodite, sur le niveau plus élevé de la pente escarpée de l’Acropole, les traces d’un escalier mycénien qui montait à l’Acropole sont encore visibles. Quelques tessons mycéniens et d’autres périodes attestent l’usage du passage. Au début du Ve s., on décide de réaménager ce lieu et d’inclure dans la construction quelques fragments architecturaux du Préparthénon322. À cet endroit, les trouvailles sont plutôt liées à l’invasion perse et à la bataille de Marathon, avec une grande quantité d’armes. La rampe, aménagée pour s’approcher du sanctuaire, avait servi aussi comme lieu d’enterrement, d’après le fouilleur, d’un soldat probablement des guerres médiques, à l’ouest de l’entrée mycénienne, dans le puits G323. On peut donc