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Les outils fournis par les études consacrées aux écritures de soi

CHAPITRE I : Approche théorique des écritures de soi

I. 1. Les outils fournis par les études consacrées aux écritures de soi

L’intérêt des études consacrées aux écritures de soi, terme générique recoupant plusieurs types de textes, qui se distinguent à la fois par leur forme (récit, journal, lettres…) et par leur statut (référentiel, fictif ou hybride), qui implique quant à lui deux manières opposées d’envisager le « je » (soit en interprétant les données du réel, soit en faisant abstraction de la réalité), réside dans le fait qu’elles nous permettront de structurer notre questionnement de l’écriture rezzorienne de l’identité. De fait, elles considèrent le geste de s’écrire soi par rapport à l’évolution de la notion de sujet tout en s’attachant à décrypter les mécanismes, donc la forme, et le style de ce genre complexe. Elles nous donneront aussi des impulsions pour déterminer, si Rezzori, qui a lui-même expérimenté ces deux voies dans les textes de notre corpus, les conçoit comme des démarches antagoniques ou complémentaires.

I. 1. A. Comment définir l’écriture référentielle de soi ? I. 1. A. 1. Définition(s) de l’autobiographie

Dans la perspective d’étudier le triptyque autobiographique de Rezzori qui constitue le

cœur de notre corpus, intéressons nous d’abord39 au traitement réservé à l’écriture

référentielle de soi, en partant des définitions de l’autobiographie.

À l’instar de celle de P. Lejeune, elles insistent généralement sur la volonté de l’auteur de cerner les contours de son « je » : « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur

l’histoire de sa personnalité40 ». Le terme vague de récit implique un déroulement narratif

(le déroulement d’une vie, la succession d’étapes) qui alterne descriptions, portraits, narrations, etc. et un ancrage dans le réel (l’autobiographe raconte une expérience qu’il a lui-même vécue). La perspective rétrospective à laquelle P. Lejeune attache une grande importance traduit la volonté de dégager un sens global en expliquant les étapes

39 La place plus importante accordée au traitement de l’écriture référentielle qu’aux écritures non référentielles de soi s’explique, d’une part, par le fait que les études qui sont consacrées à l’autobiographie sont plus nombreuses, d’autre part, par le fait que le triptyque autobiographique constitue la pierre d’angle de notre corpus.

40 LEJEUNE, Philippe, Le pacte autobiographique. [1975]. Paris, Éditions du Seuil, nouvelle édition augmentée, 1996, p. 14.

successives d’une vie à partir des connaissances acquises. Une telle définition met en exergue l’aspect individuel de la démarche : à l’inverse du mémorialiste, l’autobiographe se concentre sur son moi privé, intérieur. Enfin, élément essentiel : l’autobiographe engage son « je ». Il se porte garant de la véracité de son texte. On comprend donc que P. Lejeune définisse l’autobiographie comme un mode de discours, comme le produit d’un processus rhétorique.

I. Aichinger souligne quant à elle le caractère extrêmement formel de l’autobiographie. Elle a pour mission de mettre en forme la totalité d’un individu, la formation de sa

personnalité41.

G. Misch propose lui une description moins restrictive et donc plus maniable de l’autobiographie en adoptant une démarche descriptive qui n’intègre ni la nécessité de ressaisir une totalité ni celle de respecter des critères formels spécifiques :

On ne saurait trouver de définition plus précise de l’autobiographie qu’en expliquant ce

que le terme exprime lui-même : la description (graphia) de la vie (bios) d’un individu par

cet individu lui-même(auto)42.

D’autres définitions, comme celle de J. P. Carron, se basent enfin sur le rejet catégorique de critères de détermination d’ordre typologique jugés trop réducteurs. Elles se fondent aussi sur une critique des approches visant à cloisonner l’espace de l’écriture personnelle en opérant des distinctions par rapport au contenu et en établissant des délimitations strictes non recevables entre intériorité et extériorité, le sujet et le monde ne pouvant être isolés de la sorte. Il s’agit alors d’admettre avec J. P. Carron, qui rejoint la position

qu’adopte J. F. Chiantaretto dans l’introduction à De l‟acte autobiographique43, le

caractère complexe d’un genre rebelle « dont les différents éléments ne sauraient être

déterminés une fois pour toutes et compartimentés de façon étanche44 » et de ne retenir

41 AICHINGER, Ilse, Probleme der Autobiographie als Sprachkunstwerk [1970], in NIGGL, Günter (Hg.),

Die Autobiographie. Zu Form und Geschichte einer literarischen Gattung. Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1989, p. 170-199.

42 Sie [die Autobiographie] lässt sich kaum näher bestimmen als durch Erläuterung dessen, was der Ausdruck besagt: die Beschreibung (graphia) des Lebens (bios) eines Einzelnen durch diesen selbst (auto). MISCH, Georg, Begriff und Ursprung der Autobiographie [1907], in NIGGL, Günter (Hg.), Die Autobiographie. Zu Form und Geschichte einer literarischen Gattung, op. cit., p. 33-54, ici p. 38.

43 CHIANTARETTO, Jean-François, De l‟acte autobiographique : Le psychanalyste et l‟écriture autobiographique. Seyssel, Champ Vallon, 1995.

44 CARRON, Jean-Pierre, Écriture et identité. Pour une poétique de l‟autobiographie. Bruxelles, Éditions OUSIA, 2002, p. 27.

pour tout fondement de l’écriture autobiographique que « la vocation de se dire, de

s’écrire, de s’engager à se livrer de la manière la plus authentique45 ».

On déduit de ces définitions46 que l’unité et la raison d’être de l’autobiographie naissent du

désir de saisir une identité à soi, qui précèderait tout acte langagier et scripturaire. Dans l’espace autobiographique, l’auteur parviendrait, grâce à la distance des mots, à envisager son propre « je » comme un objet d’analyse. Le langage serait par conséquent un instrument privilégié qui permettrait de ressaisir l’être d’un individu. L’écriture autobiographique s’appuierait donc sur le postulat d’un « j’existe » qu’elle aurait pour tâche de confirmer. Elle s’inscrirait alors dans une perspective représentative dans la mesure où elle serait appelée à restituer fidèlement l’image d’un « je » dont l’intégrité ne ferait pas de doute.

Mais, la multiplication des études sur l’autobiographie, qui n’est véritablement devenue un objet d’étude dans le champ de la critique littéraire que dans les années 1970, suggère que l’enjeu de l’écriture référentielle de soi, tel qu’il est formulé dans les définitions de référence de l’autobiographie, c’est-à-dire celui d’une quête de vérité (personnelle), s’avère problématique.

Notre désir de procéder à une synthèse de la pléiade des études qui lui sont consacrées, afin de comprendre d’abord les raisons du débat sur le décalage entre le but et la réalité de l’autobiographie et d’en extraire ensuite les éléments susceptibles de nourrir notre propre réflexion sur la légitimité, les moyens et les résultats des écritures de soi qu’entreprit Rezzori, explique notre choix de reprendre une distinction largement admise entre deux

types d’approches a priori antithétiques du genre autobiographique, qui a l’avantage de

recouper les divers travaux.

45Ibid., p. 27.

G. Gusdorf défendit la même idée dans la première phase de son travail de définition de l’écriture de soi : « Le plus prudent, pour commencer, serait de caractériser un usage privé de l’écriture, regroupant tous les cas où le sujet humain se prend lui-même pour objet du texte qu’il décrit. La littérature du moi, en sa plus vaste ampleur, est l’écriture du « je », destinée à autrui ou réservée à la consommation personnelle. Encore faut-il que la première personne ainsi utilisée ne soit pas seulement une fiction grammaticale ou un procédé rhétorique ».

GUSDORF, Georges, Lignes de vie 1. Auto Ŕ bio Ŕ graphie. Paris, Éditions Odile Jacob, 1991, p. 122. Il associa ensuite, dans une visée résolument philosophique et spirituelle, l’écriture de l’intime à la manifestation d’une présence à soi. Pour G. Gusdorf, le critère de la forme est insignifiant. Entrent ainsi, selon lui, dans le champ des écritures de soi, tous les textes témoignant d’un usage privé et réfléchi d’une écriture centrée sur le « je ».

46 L’ouverture d’autobiographies célèbres, notamment celle de Rousseau, confirme cette visée : « Dans l’entreprise que j’ai faite de me montrer tout entier au public, il faut que rien de moi ne lui reste obscur ou caché ».

D’un côté, l’approche herméneutique qui repose sur le postulat de la possibilité pour tout individu, d’une part, de se connaître lui-même, d’autre part, de rendre compte par écrit des connaissances qu’il aura acquises sur son propre « je » au terme d’une réflexion sur son identité.

De l’autre côté, l’approche déconstructiviste appliquée à l’autobiographie depuis les

années 1970. Elle remet quant à elle en cause les éléments théoriques et idéologiques de la

tradition herméneutique ainsi que les critères, qui, pour cette dernière, fondent le statut particulier des textes autobiographiques, c’est-à-dire l’autonomie du sujet d’écriture, sa capacité à contrôler le processus d’écriture, donc la langue, et l’authenticité des textes à caractère référentiel.

Nous nous appuierons uniquement sur les analyses des chefs de file de ces deux méthodes.

I. 1. A. 2. L’approche herméneutique de l’autobiographie - définition de l’approche herméneutique

Appliquée à l’écriture autobiographique, la notion d’herméneutique implique que l’on appréhende le « je » vécu comme un objet qu’il s’agit d’examiner pour révéler sa vérité.

Dans la distance qu’offre l’écriture et dans laquelle le sujet se dédouble47, l’individu

dispose d’un espace où il parvient à interpréter son itinéraire et les éléments fondateurs de son identité. Le but de cette démarche auto-réflexive consiste à faire émerger un sens cohérent et global pour une existence constituée d’éléments hétérogènes qui sont articulés et se voient conférer une valeur symbolique par le travail de rétrospection. L’approche herméneutique conçoit donc le projet autobiographique comme une entreprise d’élucidation de l’essence individuelle : le sujet devient, dans et grâce à l’écriture autobiographique, transparent à lui-même.

- les principes de l’approche herméneutique

C’est W. Dilthey, chef de file de l’herméneutique historique48, qui a posé le cadre

philosophique dans lequel se développeront les études consacrées à l’autobiographie. Sa

démarche se fonde sur l’intérêt caractéristique du courant de la Lebensphilosophie pour le

substrat individuel de l’Histoire. W. Dilthey reconnaît une valeur historique à

47 Le « je » est à la fois le sujet et l’objet de l’écriture.

48 DILTHEY, Wilhelm, Versuch einer Grundlegung für das Studium der Gesellschaft und der Geschichte. Leipzig, Dunker & Humbolt, 1883. Introduction à l‟étude des sciences humaines. Essai sur le fondement de

l’autobiographie. Elle n’est plus considérée comme un simple instrument anthropologique, mais comme la voie d’accès par excellence au savoir, car la perception d’un sens est désormais indissociable de la perspective individuelle de la compréhension de soi. Parvenir à se comprendre soi, c’est aussi déchiffrer le sens de l’Histoire. En affirmant que c’est

l’écriture de soi qui fournit la meilleure explication de l’Histoire49, W. Dilthey scelle

l’opposition entre les sciences naturelles censées décrire et expliquer les phénomènes et les sciences humaines qui posent quant à elles le principe selon lequel la dignité de l’individu ne saurait être dissoute par une quelconque détermination d’ordre empirique ou historique. Cela explique pourquoi l’autobiographie est définie, dans la perspective de l’herméneutique historique, comme l’expression symbolique individuelle de la conscience historique.

L’étude monumentale que G. Misch50, disciple de W. Dilthey, réalisa quelques années plus

tard sur l’histoire de l’autobiographie depuis les Égyptiens jusqu’au dix-neuvième siècle marque concrètement le début des recherches sur l’autobiographie et permet enfin d’envisager une réflexion d’ordre théorique sur le genre. G. Misch reprend à son compte les fondements tracés par W. Dilthey en considérant les documents autobiographiques comme des témoignages probants sur l’évolution de la conscience individuelle en Occident.

L’orientation de cette perspective dont W. Dilthey et G. Misch ont posé les jalons a cependant été modifiée. En effet, les critiques qui s’inscrivent au vingtième siècle dans la tradition herméneutique n’abordent plus les écrits autobiographiques comme l’outil le plus adéquat pour expliquer l’Histoire, mais pour sonder ce qui relève de l’humain.

Ce postulat fonde notamment les travaux du critique J. Olney51. Il défend la thèse selon

laquelle toute autobiographie dévoilerait le sens de l’expérience que vit l’individu dans le monde où il est appelé à découvrir et à affirmer son humanité. Cette position résulte d’une conception idéaliste de l’individu que l’on estime capable de maîtriser le monde et de se maîtriser lui-même. Ce dernier aspire à développer au maximum la conscience qu’il a de lui-même, en premier lieu grâce à la diffraction dynamisante et présentée comme non

49 À l’opposé, Hans-Georg Gadamer dénoncera dans Wahrheit und Methode. Grundzüge einer philosophischen Hermeneutik (1960) le miroir déformant de la subjectivité dans la lecture de l’Histoire. GADAMER, Hans-Georg, Wahrheit und Methode. Grundzüge einer philosophischen Hermeneutik. Tübingen, Mohr, 1960. Vérité et méthode. Les grandes lignes d‟une herméneutique philosophique. Traduit de l’allemand par Pierre Fruchon. Paris, Seuil, 1996.

50 MISCH, Georg, Geschichte der Autobiographie. Erste Hälfte. Frankfurt/Main, G. Schulte-Blumke, 1949.

Geschichte der Autobiographie. Zweite Hälfte. Frankfurt/Main, G. Schulte-Blumke, 1950.

51 OLNEY, James, Autobiography: Essays theoretical and critical. Princeton: Princeton University Press, 1981.

problématique de son « je » qui est inhérente à l’écriture autobiographique, afin de percevoir la vérité de son essence. Autrement dit, J. Olney construit sa position sur une foi inébranlable dans un sujet à même de se connaître lui-même, dans un schéma monologique.

C’est toutefois G. Gusdorf que l’on présente comme la figure emblématique de l’approche

herméneutique de l’écriture autobiographique. Dans Lignes de vie52, le critique commence

par rejeter catégoriquement les méthodes53 qui réduisent selon lui l’autobiographie à un

simple exercice de style qu’il s’agirait de disséquer, à l’aide de critères formels, pour en dégager les mécanismes. Selon G. Gusdorf, qui associe l’écriture intime à un exercice spirituel, une telle approche relève du sacrilège, car elle désincarne la parole écrite pour l’examiner sur le mode de l’absence du sujet. Or, il suffirait de s’intéresser à la motivation qui anime les autobiographes, pour prouver l’inanité d’une telle position. En effet, le projet autobiographique résulte du constat d’une profonde inconnaissance de soi, c’est-à-dire d’une connaissance, du reste plus ou moins satisfaisante, du moi superficiel, mais en aucun cas de l’être personnel. Le sujet s’avère prisonnier d’un système composé d’apparences, de masques, d’habitudes et d’accidents qui constituent autant d’obstacles entre l’être et un « je » superficiel qui se contente finalement d’une identité définie par le monde extérieur. Celle-ci ne coïncide en rien avec son « je » intime dont G. Gusdorf postule à la fois la

centralité, la fixité et l’originalité54. Par conséquent, le sujet doit, pour dépasser cette

étrangeté de soi à soi, se dépouiller de tout ce qu’il a pu accumuler d’accidentel et d’insignifiant avant d’entamer la quête de la vérité essentielle de sa personnalité. Il lui faut atteindre une sorte de degré zéro de l’identité pour revendiquer enfin l’autonomie de son propre discours en prenant de la distance tant par rapport à ce « je » superficiel dont il s’était satisfait jusqu’alors que par rapport aux autres et à une extériorité qui ont façonné son identité de surface. La question du sens s’impose au moment où l’individu prend conscience du fait que son être lui est donné comme un problème qu’il doit résoudre lui-même.

52 GUSDORF, Georges, Lignes de vie 1, op. cit.

53 G. Gusdorf vise avant tout P. Lejeune, qui, comme nous le verrons, a défini des critères formels stricts pour étudier l’autobiographie.

54 G. Gusdorf relève plusieurs postulats de l’écriture de soi :

- la centralité du « je » : le sujet dispose d’un territoire dont il est le seul principe régulateur

- la fixité du « je » : le « je » a un noyau dur que ni les accidents de la vie ni les bouleversements ne sauraient modifier

- l’originalité du « je » : écrire « je », c’est affirmer une foi indépassable dans la singularité de son propre « je »

Si l’écriture référentielle de soi apparaît alors comme le moyen de procéder à une rupture que G. Gusdorf définit même comme une conversion, c’est parce qu’elle est envisagée comme une interrogation sur soi menée dans l’espoir d’un retour à soi, d’une reconquête de son être véritable : « Les écritures du moi sont des gloses sur le moi, une gnose du

moi55 ».

Elles permettent au sujet d’accéder à une transparence de soi à soi alors que « l’usage

littéraire du langage demeure cantonné à la périphérie de l’essentiel […]56 ».

Extérioriser une conscience intime par la voie directe de l’examen de soi et du récit de vie reviendrait à entreprendre un voyage au centre de soi-même, afin de découvrir et d’éprouver nos raisons d’exister et de juger les valeurs que nous avons choisies librement. L’enjeu de l’écriture de soi est d’ordre métaphysique : « L’écriture du moi suppose la

présence du moi, l’adhésion, l’adhérence de l’être personnel57 ».

L’autobiographie est en conséquence non pas la simple répétition du vécu, mais une création, la reconstruction et le déchiffrage d’une vie parce que le sujet écrivant s’applique à mettre en lumière consciemment, dans le présent et pour le présent, les causes et les enchaînements des expériences vécues grâce au recul qu’il a gagné. Elle n’est pas une

simple relecture de ce que le sujet a vécu, mais la mise au net radicale58 de son propre

« je » pour concorder avec son être profond. Elle est la transmutation d’une réalité déjà

donnée dans « une vérité à la seconde puissance59 » que l’individu n’atteint pas en

respectant des critères restrictifs, comme celui de l’exactitude ou celui de l’exhaustivité, mais en s’obligeant à rester fidèle à lui-même et aux valeurs qui le soutiennent.

Outre J. Olney et G. Gusdorf, il nous faut aussi mentionner R. Pascal60 parmi les critiques

emblématiques d’une approche herméneutique de l’autobiographie. Le choix d’une telle optique implique selon lui non seulement d’adhérer à une certaine idéologie, à savoir une vision idéaliste du sujet que l’autobiographie rendrait entièrement transparent, mais aussi

55 GUSDORF, Georges, Lignes de vie 1, op. cit., p. 116. Ibid., p. 397 : « Sans doute les écritures du moi, sous leurs formes variées, ont-elles pour contenu commun, […], l’essence même d’une vie en quête de soi, effort désespéré pour franchir la distance, à la fois nulle et infinie, qui sépare le vivant humain de lui-même ».

56Ibid., p. 291.

57Ibid., p. 122.

58 Ibid., p.175 : « Entre la notice biographique, même rédigée à la première personne, et consignée par l’intéressé, et l’autobiographie proprement dite, la distance est celle du pronom réfléchi autos, moi-même, indicateur d’une reprise de sens, en vertu d’une résolution de la volonté. Pour être en mesure d’écrire moi-même ma propre vie, je dois avoir pris du recul par rapport à elle, m’en être dépris, afin d’être capable d’en maîtriser les significations éparses ; écrire ma vie, c’est la recommencer en esprit ; après l’avoir vécue comme un brouillon dans la confusion du temps qui passe, entreprendre de la mettre en mots, en dégageant les grandes lignes d’un cheminement intelligible, selon l’ordre de l’obéissance à des valeurs librement consenties ».

59Ibid., p. 176.

de respecter strictement certains critères esthétiques. R. Pascal appelle à discerner les principes selon lesquels le contenu d’une vie s’organise dans la forme littéraire de l’autobiographie. De fait, l’autobiographie est envisagée comme l’instrument idéal permettant de ressaisir l’existence d’un individu dans sa totalité pour restaurer un équilibre entre le « je » vécu et le « je » du présent de l’écriture. Le défi de l’autobiographe consiste à relier les diverses expériences particulières d’une vie en adoptant une perspective rétrospective. Le souvenir se voit attribuer une fonction organisatrice et éclairante déterminante, car tous les éléments que le « je » écrivant choisit en fonction de l’expérience et des connaissances qu’il a acquises doivent s’enchaîner de manière logique et nécessaire. L’autobiographie n’est pleinement réussie que si elle repose sur une structure transparente, qui reflète une certaine sérénité du « je » écrivant puisque ce dernier se retrouve dans une position excentrée qui lui offre les moyens d’interpréter son existence et de déduire ainsi un sens, en retenant des éléments significatifs dans un ordre symbolique.

R. Pascal61 définit en conséquence la structure téléologique issue de la sélection de ces

faits significatifs et censée prouver que l’individu est parvenu à réaliser les potentialités