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Notre outillage théorique

Dans notre présentation des différentes références théoriques, nous avons marqué plus ou moins explicitement une préférence pour les travaux historiques inspirés de l’œuvre de Michel Foucault48. Si nous devions résumer les différentes critiques que nous avons pu adresser aux autres cadres, il nous semble que le plus important tient à la chronologie. Le cadre marxiste paraît difficilement utilisable. Les deux pistes envisagées ci-dessus ne permettent pas d’expliquer la naissance des services comptables. D’un côté, ce cadre tend en effet à n’étudier la comptabilité qu’au travers de ses conséquences. D’un autre côté, le comptable, comme l’employé en général est constamment tiraillé entre une position d’auxiliaire de la classe possédante et une assimilation au prolétariat49. Cette histoire d’une déqualification progressive colle pourtant mal avec plusieurs observations effectuées : la diminution du temps de travail, la réorganisation de l’espace etc. sont autant de phénomènes dont le cadre marxiste rend difficilement compte. Il paraît donc difficile de recourir à ce type de schéma explicatif dans notre cas.

Le schéma néo-classique, s’il n’est pas sans pertinence, s’est avéré insuffisant pour expliquer à lui seul les spécificités du cas français. Plus précisément, quatre points posent problème. Le premier concerne le schéma proposé par JoAnne Yates [1989]. En reprenant son explication, on pourrait écrire que le service comptable est le résultat d’un triple phénomène : naissance de la grande entreprise, innovation technologique et besoins accrus d’information dans certains secteurs. Avant ces trois évènements, il n’y aurait pas de services comptables comme le constate JoAnne Yates [1989] à propos des Etats-Unis :

“Before 1850, the economy was dominated by small firms owned and managed by a single individual or a partnership and operating in a local or regional market” (p.1).

Si la concordance des phénomènes paraît assurée dans le cas américain, l’exemple français nous paraît invalider ce schéma. En effet, on trouve dès la deuxième moitié du XVIIIe

47 Se servir de la culture comme un simple facteur explicatif serait « un mode paresseux d’explication » nous dit Lloyd [1993] (p.18) propos qu’approuve Ricoeur [2003] (p.251).

48 Sans que cela ait été déterminant, il y a une certaine cohérence dans ce choix théorique. L’œuvre de Foucault s’est souvent intéressé aux confins de la raison : la folie (Histoire de la folie à l’âge classique), le milieu hospitalier (Naissance de la clinique), la prison (Surveiller et Punir) ou encore la sexualité (Histoire de la sexualité). Ecrire l’histoire de l’organisation comptable s’inscrit donc dans le projet d’une histoire de la raison, mais en s’intéressant non plus à sa périphérie, mais plutôt à son centre, le calcul économique au sein des entreprises.

49 Haupt [1987] fait le même constat : « d’un côté l’employé mal payé, mal nourri, mal couché, exposé aux heures de travail longues et aux intempéries, était un véritable paria du monde moderne. De l’autre côté, une image idyllique : « l’employé est le collaborateur direct des patrons, il connaît le prix d’achat, il est considéré comme faisant partie de la famille, logé chez le patron, nourri à sa table, partageant ses peines et ses plaisirs, peu payé d’ailleurs, mais c’est sans importance parce que la plupart du temps, il ne fera que passer » » (p.81-82).

siècle trace de grandes entreprises : outre la Compagnie des Indes ou celle de Saint-Gobain qui comprennent plus d’un millier de salariés, l’industrie métallurgique connaît de son côté une concentration rapide et l’on peut parler à ce propos de grandes entreprises dès la fin du XVIIIe siècle (Gille [1947], Woronoff [1984]). Pourtant, à ce moment-là, il n’existe dans aucune de celles-ci de véritables services fonctionnels50. Dans le cas français, la grande entreprise apparaît certes comme un facteur nécessaire à leur constitution ; pour autant, il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres.

Le constat est inverse pour la mécanisation des opérations comptables : elle est largement postérieure en France puisqu’elle ne commence véritablement que durant l’Entre-deux-guerres. Les recherches de Delphine Gardey [1995] ont même suggéré un lien entre la diffusion des machines comptables et leurs finalités. Les raisons invoquées pour la promouvoir changent : avant 1914, elles se fondent sur l’idée que celle-ci est un progrès social51. Parallèlement, « il semble que la diffusion de la machine à calculer ait été lente dans les bureaux français. Dans les années 1920, son usage est encore à promouvoir » (Gardey [1995], p.793). Mais, dans l’Entre-deux-guerres, un nouvel argument est bientôt mis en avant : la mécanisation est un moyen d’être plus rentable52. Dès lors, l’usage des machines comptables va se diffuser, laissant penser que toute innovation technique s’implante durablement dans la mesure où elle correspond aux préoccupations managériales du moment.

Ces réserves sur l’importance de la technologie nous semblent plus marquées dans le cas français. Wootton et Kemmerer [2007] écrivent ainsi dans le cas des Etats-Unis :

“Mechanization was also an important contributing factor to the separation of bookkeeping from accounting. […] Accounting became a profession while deskilled, repetitive, task-based bookkeeping became a trade” (p.93).

Les auteurs suggèrent ainsi l’influence de la mécanisation sur la séparation des tâches de conception (celles du comptable) de celles d’exécution (celles du teneur de livres). Or,

50 Pour la Compagnie des Indes, voir Lemarchand [1993] (p.354) et Haudrère [2005] (p.154-157). Le nombre d’employés dans les bureaux peut sembler important, mais il faut garder à l’esprit qu’il reste très faible par rapport au nombre total de salariés de la Compagnie des Indes. Pour Gobain, voir C 4-2 (archives Saint-Gobain) reproduite en annexe 1. Elle prouve qu’avec près de 1200 salariés, une entreprise peut encore fonctionner en 1761 sans teneur de livres. Enfin, pour le cas de l’industrie sidérurgique, voir Woronoff [1984]

(p.310-312) qui confirme qu’une partie significative des tâches comptables reste le fait de celui à qui on a délégué la gestion.

51 Delphine Gardey [1995] écrit ainsi que « la mécanisation du travail de bureau participe pour cet auteur du mouvement général de progrès social qu’il appelle de ses vœux. Cette idée continue d’être mise en avant entre les deux guerres » (p.813).

52 Delphine Gardey [1995] dit que « l’essentiel est bien, comme nous l’avons vu pour chaque catégorie de machines, de convaincre les patrons des performances de ces machines et finalement de leur rentabilité. […] Les années 1920 voient le passage net d’un souci premier de la vitesse à une soif de rendement » (p.814).

comme nous le montrerons dans le cas de Saint-Gobain53, cette division du travail se met en place, dans le cas français, dès les années 1870-1880, bien avant la mécanisation des opérations comptables lesquelles commencent seulement dans cette entreprise au cours des années 1930 (Meuleau [1992], p.1015-1016).

Un deuxième type de réserves tient à l’histoire des frais généraux : la fin du XIXe siècle est marquée par l’augmentation sensible de ceux-ci correspondant probablement à la constitution de véritables sièges sociaux dont font partie les services comptables. On observe ce phénomène à Saint-Gobain54, mais aussi à la Société Générale où le Conseil d’administration s’inquiète de leur évolution (Bonin [2006], p.576). Dans cette dernière entreprise, il est vrai que l’importance des effectifs du siège permet un contrôle drastique des opérations effectuées par les agences pouvant aboutir à une quasi-mise sous tutelle (Bonin [2006], p.184-190). Les constats qui motiveront les changements dans les bureaux (importance des frais généraux, employés réputés fainéants etc.) sont déjà présents. Pourtant, les réponses de la fin du XIXe siècle semblent encore peu appropriées puisque les frais généraux ne sont pas maîtrisés. Dans ces conditions, on ne peut se satisfaire d’un schéma d’explication où l’entreprise se contenterait de répondre aux contraintes techniques et économiques de son environnement en y traquant les sources d’inefficacité.

Le cas français nous conduit à mettre en évidence une troisième limite. Un des objectifs du négociant du XVIIIe siècle est assurément de limiter ses coûts en employant le minimum de commis (voir par exemple Carrière [1973], p.718). Ce type de préoccupations devrait générer un certain nombre de manuels qui expliqueraient comment un bon négociant peut limiter ceux-ci au quotidien. Or, on chercherait en vain de tels manuels. Tout au plus trouve-t-on dans le chapitre sur les raisons des faillites du Parfait négociant de Savary [1675], la cause suivante :

« la grande dépense qu’ils [NDLA : les négociants] font, tant en loyers qu’en maison, que gages et nourritures de leurs facteurs et domestiques » (p.33-34)

Si les intéressés ne se déterminaient qu’au travers des facteurs économiques, on comprend mal ce silence. Dans ces conditions, pourquoi n’existait-il pas un savoir permettant de limiter concrètement ces frais ? Il n’est évidemment possible de répondre à ces questions qu’en utilisant des facteurs extra-économiques.

53 1L2 à 1L41. Archives Saint-Gobain.

54 4B41 à 4B98. Archives Saint-Gobain.

Ces réserves n’excluent pas totalement l’ensemble des facteurs économiques.

L’augmentation du nombre de faillites au début du XIXe siècle a ainsi modifié le contexte économique, facilitant, quelques décennies plus tard, la naissance des services comptables.

Le dernier point tient dans une réflexion plus épistémologique sur l’écriture de l’histoire. Au début d’un ouvrage sur Les origines culturelles de la Révolution française, Roger Chartier [2000] présente ainsi le risque d’une histoire téléologique :

« En affirmant que ce sont les Lumières qui ont produit la Révolution, l’interprétation classique n’inverse-t-elle pas l’ordre des raisons et ne faudrait-il pas plutôt considérer que c’était la Révolution qui a inventé les Lumières en voulant enraciner sa légitimité dans un corpus de textes et d’auteurs fondateurs » (p.16-17).

Dans notre cas, le risque peut être transcrit de façon simple : le développement de la fonction comptable serait le simple et seul résultat de contraintes (l’augmentation de la taille des entreprises, les besoins de l’industrie naissante etc.). Précisons notre propos : il ne s’agit évidemment pas de nier l’importance du contexte économique. Il s’agit plutôt d’adopter une méfiance systématique envers des causalités apparemment évidentes : qui peut écrire a priori que le recrutement de teneurs de livres supplémentaires ne correspondrait pas à un besoin55 ? Ce que nous avons voulu interroger dans ce travail est donc la nature du besoin qui préside à la naissance de la fonction comptable : est-elle le résultat de contraintes techniques et économiques (la taille des entreprises, la concurrence etc.) ou ces besoins se sont-ils construits différemment ? En présentant cette alternative, nous ne voulons pas exclure la dimension économique, mais suggérer que ses effets sont indirects. Ils passent par le truchement d’instances sociales et culturelles qu’il s’agit de mettre en évidence56.

Cette alternative reprend l’opposition que Gardey [2008] met en évidence entre les travaux de Chandler [1988] et Yates [1989] d’un côté et ceux de Agar [2003] de l’autre. Les premiers mettent l’accent sur « le monde du commerce et des affaires dans ces mutations » (Gardey [2008], p.247) quand le second défend que « l’idée de gouvernement comme machine progresse aux XVIIIe et XIXe siècle en Grande-Bretagne et s’actualise de façon particulièrement claire à la fin du XIXe siècle » (p.247).

55 Un des seuls à l’écrire est Proudhon [1855] dans un ouvrage sur l’exploitation des chemins de fer. Au moment où naissent les services comptables, il constate que « le peu que nous savons de l’organisation intérieure des chemins de fer nous y fait découvrir une multitude de divisions, sous-divisions, chefs de bureaux et sous-chefs, qu’il serait, ce nous semble, facile de réduire » (p.243-244).

56 Illustrons notre propos : dans le chapitre six, nous montrons l’importance qu’a pu avoir la montée du nombre de faillites. Mais ce facteur n’est pas suffisant. La montée du nombre de faillites n’est pas spécifique au début du XIXe siècle. Pour comprendre les conséquences qu’elle a pu avoir, il faut s’attarder sur le sentiment – construit au cours des siècles précédents – qu’elle laisse dans les consciences collectives.

Ces différentes limites nous ont amené à intégrer d’autres éléments plus foucaldiens à nos références théoriques. Nous allons essayer de les préciser. Dans ce travail, il s’agit de comprendre pourquoi, à partir du milieu du XIXe siècle, commencent à se constituer des services comptables dans les grandes entreprises françaises. Il s’agit de tout, sauf d’une évidence, puisque jusque-là, les grandes entreprises avaient d’autres modes d’organisation.

Plus précisément, la réponse à cette question peut se subdiviser en trois séries de question : comment les grandes entreprises du XVIIIe et du début du XIXe siècle organisent-elles leur comptabilité ? Pourquoi n’a-t-on pas encore recours au service comptable dans les grandes entreprises ?

pourquoi les grandes entreprises commencent-elles à organiser un service comptable dans la deuxième moitié du XIXe siècle ? A quels autres phénomènes peut-on lier ce changement ?

qu’est-ce qu’un service comptable et quels éléments le caractérisent ? Comment définir historiquement la fonction comptable ?

Ces trois questions permettent aussi de construire une généalogie au sens de Foucault.

La première permet de montrer la rupture que constitue le service comptable. Il s’agit de montrer que celui-ci n’est en rien une nécessité en montrant l’organisation précédant la fonction comptable. La deuxième vise à éclairer les conditions du changement. Enfin, la troisième s’intéresse en longueur à l’irruption des services comptables en montrant la singularité et la spécificité de ce phénomène. Pour essayer de répondre à ces trois questions, nous nous proposons de confronter systématiquement savoirs et pratiques comptables. Il s’agit non pas de montrer que celles-ci correspondent aux savoirs de chaque époque, mais plutôt de mettre en évidence la cohérence entre les deux. Cela implique de s’entendre sur le sens que recouvre le mot savoir dans notre travail. Sabot [2006] en propose la définition suivante :

« Le savoir déborde le domaine des seules sciences positives dont il fonde plutôt le déploiement au sein de l’épistémé. Par ailleurs, le savoir se présente comme un élément englobant la théorie et la pratique : il peut soit être directement impliqué dans l’élaboration de théories (scientifiques ou philosophiques), soit indirectement investi dans des pratiques (comme c’est le cas dans l’ordre des échanges économiques qu’il informe de ses déterminations » (p.208-209).

Le savoir dont nous parlons ici s’inscrit donc dans des circonstances qui en définissent les possibilités mais aussi les limites. Sa véracité dans l’absolu en tant que telle ne nous intéresse finalement pas : que la règle du « qui donne a », proclamée par la plupart des auteurs comptables du XVIIe et XVIIIe siècle, soit vrai ne nous importe guère. Ce qui compte, c’est

plutôt que les teneurs de livres, les comptables, les marchands ou autres négociants la considèrent comme exacte, c’est-à-dire comme un fondement raisonné sinon raisonnable de leurs pratiques.

Ce type de démarche a suscité des controverses, d’aucuns reprochant à Foucault de cultiver un certain relativisme : Zimnovitch [2002] s’est ainsi fait l’écho de ses critiques en reprochant aux foucaldiens de gommer les explications économiques (notamment concernant le calcul des coûts), ce qui conduirait à un risque nihiliste. Nous ne voulons pas prendre parti dans un tel débat, mais simplement préciser en quoi notre projet de recherche nous semble éviter ce risque. Le choix d’une définition du savoir57 sans rapport explicite au concept de vérité nous paraît cohérent avec notre projet : il ne s’agit pas de produire une histoire de la pensée comptable comme ont pu les écrire Vlaemminck [1956] ou Chatfield [1977]. Ecrire ce genre d’histoire a évidemment un intérêt et correspond à une tradition (Colasse [1988]) qu’il ne s’agit pas de remettre en question. Le but est ici de comprendre comment les pratiques ont pu se construire, s’adosser à des savoirs qui paraissaient à un moment donné (à juste titre ou non) véridiques58.

Cette conception nous pousse à interroger trois dimensions du savoir :

ses fondements: il s’agit de définir le profil de ceux qui produisaient la connaissance : étaient-ce des praticiens qui, une fois dans leur vie, ont écrit un ouvrage ou au contraire des enseignants qui en ont fait profession ?

sa nature nous interroge plutôt sur ce qu’une époque sait ou croit savoir. Sur quels domaines porte ce savoir ? Comment ce savoir se construit-il ? Selon quelles règles ?

son usage questionne plus précisément sur l’utilité que chaque savoir a ou prétend avoir, à un moment donné. A qui et à quoi ce savoir sert ? Au patron ou à l’employé ? Quel usage chaque destinataire en fait-il ensuite ?

Nous nous proposons de confronter ces trois dimensions aux pratiques comptables59. La thèse récente de Stéphane Lefrancq [2006] a ainsi pu montrer l’intérêt de recherches se focalisant sur la réalité des pratiques contemporaines. Dans sa conclusion, il constate ainsi :

57 Signalons ici que l’ambiguïté pouvant exister sur la définition d’un savoir est présente dans l’ensemble des sciences sociales. L’ouvrage récent publié sous la direction de Christian Jacob [2007] se garde d’ailleurs bien de définir les savoirs.

58 En cela, et pour reprendre l’analyse récente de Paul Veyne [2008], nous nous situons dans une démarche foucaldienne : « l’originalité de la démarche foucaldienne est de travailler sur la vérité dans le temps » (p.24).

59 Ces questions se situent clairement dans le programme de recherche de la comptabilité en action d’Anthony Hopwood (voir par exemple Hopwwod [1987]). Comme le note Lefrancq [2005], le premier sens de la

« un hiatus entre la comptabilité telle qu’elle est enseignée et celle à laquelle les praticiens en entreprise sont confrontés quotidiennement. Non qu’il y ait incompatibilité entre les deux, mais bien davantage divergence des modes d’accès » (p.250).

Notre démarche est cependant différente, puisqu’il s’agit ici de confronter savoirs et pratiques plutôt que d’en mesurer l’éventuelle distance. Elle se rapproche plutôt des travaux d’Yves Cohen [2001] sur la pratique d’Ernest Mattern chez Peugeot qui note :

« Nous voulons marquer combien l’histoire des objets contemporains est inséparable de celle de pratiques humaines datées ou de modes de pensée bien identifiés » (p.19).

Si le concept de pratiques se définit plus aisément que celui de savoir, il faut néanmoins en préciser le champ. On peut les résumer à trois catégories :

la technique comptable (quoi ?) : sous cette expression, on veut simplement signifier la comptabilité comprise comme une simple technique intellectuelle ; le personnel comptable (qui ?) : il s’agit ici de comprendre qui tient les comptes.

Ce questionnement amène à explorer la relation pouvant exister entre le teneur de livres ou le comptable d’un côté et sa hiérarchie de l’autre ;

l’organisation comptable (comment ?) : elle interroge le contexte dans lequel la comptabilité est établie. Nous nous proposons d’en considérer trois dimensions : l’organisation du travail puis de la structure (celui d’un employé, d’un service comptable, de la fonction comptable dans son ensemble etc.) ;

l’organisation de l’espace ; l’organisation du temps.

Ces trois points permettront de structurer notre démonstration en confrontant systématiquement trois champs de pratiques et de savoirs. Ce positionnement théorique oriente évidemment la thèse générale qui sera défendue. Il permet aussi de répondre dès à présent à deux paradoxes mis en évidence ci-dessus pour rejeter le schéma explicatif néo-classique.

La première limite concerne l’absence d’un savoir de gestion au XVIIIIe siècle : pendant longtemps, la comptabilité se limite à un savoir technique qui explique au marchand comment tenir ses écritures. Or, comme l’ont noté plusieurs historiens de l’époque moderne (Carrière [1973] à Marseille, Butel [1974] à Bordeaux ou Meyer [1999] à Nantes), le recrutement d’un tiers ou encore l’organisation du travail sont des problématiques réelles qui pourraient justifier la constitution d’un champ de savoir. En retenant ce cadre d’analyse, on

comptabilité en action est « l’expression du mouvement et de l’évolution de l’objet d’étude, par opposition à la

pureté statique qu’en donnerait une vision strictement technique » (p.3).

explique facilement ce silence. Penser une gestion autonome est encore impossible du fait des fondements, de la nature et des usages du savoir. Cette réalité sera développée et explicitée lors de notre seconde partie.

La problématique du coût des services comptables à la fin du XIXe siècle et dans l’Entre-deux-guerres : nous avons souligné qu’une même problématique économique – celle du coût jugé exorbitant – des services comptables a connu des réponses très différentes. Dans

La problématique du coût des services comptables à la fin du XIXe siècle et dans l’Entre-deux-guerres : nous avons souligné qu’une même problématique économique – celle du coût jugé exorbitant – des services comptables a connu des réponses très différentes. Dans