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Les origines de l’école en Inde ou l’école dans les représentations mentales des parents des parents

Carte 7 - L'école Shanti Joy Nivas

5.3. Les origines de l’école en Inde ou l’école dans les représentations mentales des parents des parents

« La passion de l’école, capable d’élever le statut, de mener vers le « travail de bureau propre » et de garantir la sécurité familiale avec un emploi que l’on espère héréditaire, n’a pas fini de bouleverser les milieux de basses castes malgré le développement du chômage des diplômés, qui n’épargne que les possesseurs de savoirs rares et en demande » (Heuzé, 2005 : 27).

Les parents sont pressés de scolariser leur enfant le plus tôt possible, marqués par la stigmatisation irréversible entre ceux qui ont bénéficié d’une scolarité et les autres. Pour mieux comprendre cet état d’esprit, je souhaite revenir sur quelques aspects qui ont marqué la diffusion de l’enseignement en Inde.

Les « premiers élèves »

Parmi les mythes et la littérature classique, la figure légendaire du héros Arjuna présente ce que doit être l’élève. Arjuna apprit auprès du brahmane Drona les arts martiaux et devint un archer émérite, il s’exerça sans relâche et but les paroles de son maître jusqu’au moment où le doute l’envahit à la veille de la grande bataille de Kurukshetra qui devait permettre à lui et ses frères, les Pandava, de revenir sur leurs terres. Il demanda alors l'avis de son cocher, qui n'était autre que Krishna, l'avatar du dieu Vishnu. L'action fut suspendue et Krishna énonça le grand discours de la Bhagavad-Gîtâ ou « chant du bienheureux », révélant à Arjuna ce qu'est le dharma : « Il faut suivre sa voie quelles qu'en soient les conséquences et affronter ses devoirs ». Cet épisode préfigure l’enseignement oral dispensé traditionnellement dans le système asrama par le guru. Celui-ci réunissait autour de lui quelques élèves à partir de sept ans, plutôt des garçons appartenant aux deux plus hautes varnas (Brahmanes et Ksatriyas). L’enseignement, d’après les sources provenant essentiellement du Nord de l’Inde, est souvent décrit tel que « le maître récite les textes et les disciples les récitent en coassant comme des grenouilles les uns après les autres100 » (Viruru, 2001 : chap.1). Cela permettait de confier à une élite la transmission des textes sacrés ou l’art de la guerre afin de permettre aux castes supérieures de maintenir la reproduction sociale grâce à une hiérarchie des détenteurs du savoir (Buisson, 2009 : 49). Le guru s’inscrit dans une

100 “The master recited the texts and the disciple repeated them after him as frogs croak after one another” (Viruru, 2001).

171 longue lignée de transmission (guru shishya parampara) et reconnaîtra la capacité d’un de ses disciples à enseigner à son tour. Varenne relève qu'il « serait inconcevable que quelqu'un s'autoproclame guru, car c'est la reconnaissance publique du niveau d'accomplissement intérieur qui laisse entendre que tel ou tel a la stature d'un maître » (Varenne, 2002). Afin de préserver les élèves des tentations et profiter d’un climat propice à la méditation, les centres éducatifs gurukulas étaient plutôt situés dans des zones isolées, à l’écart des villes. En échange de son enseignement, le guru était libéré de ses tâches quotidiennes. Au Moyen-âge, les temples deviennent des centres plus importants pour l’enseignement, associant parfois un monastère, un dispensaire et une école (Viruru, 2001 : chap.1). Les programmes sont libres et l’écriture sur planche de bois se développe.

L’Education technique et professionnelle, de son côté, existait puisque de nombreuses familles étaient spécialisées dans une profession selon leur jati. L’Education des filles à l’extérieur du domicile est quant à elle quasi-inexistante. La formation qui leur était dispensée relevait essentiellement des tâches ménagères. Même si parfois elles pouvaient assister les hommes de la famille dans leur activité, elles ne recevaient pas d’enseignement spécifique à l’extérieur du domicile. D’ailleurs, une représentation idéalisée des rôles familiaux dévolus aux femmes participa à un contrôle social très fort et des restrictions à la mobilité. Elles officiaient à préserver la pureté de la famille et à vivre selon les codes liés à leur appartenance de caste depuis la sphère domestique.

A la fin du XVIème siècle, les premières influences étrangères sont ressenties lorsque les compagnies maritimes françaises, portugaises, hollandaises et anglaises créaient des écoles pour les enfants de leurs employés en Inde. L’école de l’English East India Cie est créée en 1670 à Madras, bientôt suivie par celles des missionnaires. Les matières sont semblables aux écoles d’Europe et les élèves bénéficient de manuels écrits et publiés en Inde. L’origine du système scolaire moderne en Inde reviendrait à Lord Thomas Babington Macaulay en 1935 avec l’introduction de la langue anglaise, des sciences et des mathématiques dans les établissements. L’étroite relation entre le professeur et l’élève se modifie durablement, la transmission du savoir est remplacée par l’enseignement d’une culture intermédiaire entre les Anglais et les Indiens.

Sous le Raj101 : de l’enseignement des élites à l’école de village

Lors de la période britannique, l’Inde n’étant pas une colonie de peuplement, il est apparu nécessaire de former des intermédiaires administrateurs et des fonctionnaires de différents niveaux pour asseoir les positions britanniques. La population alphabétisée ne représentait alors que 5% de la population totale et la position de babu (rond de cuir) n’était pas encore valorisée. Des milliers d’écoles primaires et secondaires ont alors été

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172 créées par les missionnaires et les laïques chrétiens (catholiques, anglicans, baptistes, presbytériens et autres) pour diffuser plus largement l’enseignement et ce, le plus souvent en anglais (Heuzé, 2005). Pour les élites, les rencontres s’y nouaient et s’y affrontaient. Ces écoles étaient des zones de contact culturel intense, où la maîtrise de la culture occidentale comme l’adoption d’un comportement de « gentleman » devenaient des traits de distinction et conduisaient à une « petite honorabilité » (Heuzé, 2005 ; Reder, 2013).

La modernité occidentale, à travers ses multiples discours et ses institutions, a eu un profond impact sur les modes de vie familiaux des élites. En dépit d’évidentes disparités linguistiques et régionales, les garçons issus de ces familles bénéficiaient d’une éducation marquée par l’importance de la culture écrite, l’usage de livres et de manuels, et qui se distinguait de celle des autres enfants ou même des générations précédentes (Kakar, 1978). La promotion de la connaissance occidentale par le biais de la langue anglaise a laissé des traces indélébiles (Walsh, 2003). Les bénéfices de la modernité sont mis en avant : la paix et la prospérité, les technologies comme le train et le télégraphe, les services publics comme la poste, des opportunités à ceux qui bénéficient de l’éducation et la possibilité de participer à un futur gouvernement (Wheelers, 1886). Que les institutions de langue anglaise soient publiques, missionnaires ou privées, elles faisaient les plus grands efforts pour se conformer aux normes gouvernementales établies, promouvant une certaine acculturation où les idées, les valeurs et le style de vie moderne britannique y étaient acceptées et les coutumes passées « indigènes » abandonnées : « British India is a school for Asiatics in which Europeans are the masters » (Wheelers, 1886). Abolissant entre eux les frontières régionales grâce à la maîtrise commune de l’anglais, cela modifiait durablement la vie de ces élites et de leurs descendants en marquant une certaine distance avec leur famille lorsqu’ils étaient la première génération éduquée en langue anglaise. Cette élite anglicisée souhaitait garder son rang, d’autres comme R.Tagore « veulent garder leurs traditions sans renier la fenêtre sur la culture britannique » et ont une double culture (Heuzé, 2005). Dans tous les cas, les élites ont inauguré un style de vie qui sera irrévocable et marquera durablement les choix qui seront pris par la grande majorité, posant des cadres à la future administration postcoloniale.

Après l’indépendance, les écoles chrétiennes continueront à former la majorité des administrateurs, des militaires, des industriels, des politiques et des syndicalistes. Les écoles des Eglises bénéficient aujourd’hui d’un « compromis laïque », elles peuvent recevoir d’importantes subventions de l’Etat, des donations de particuliers et une partie de leurs revenus ne sera pas soumis à l’impôt. Plus particulièrement, les institutions chrétiennes administrent la moitié des écoles subventionnées (Clémentin-Ojha, 2008 : 21) alors que les chrétiens ne représentent que 2,34% de la population et elles restent une référence pour l’enseignement des élites, réputées pour la qualité de l’enseignement et la discipline. L’appellation convent-educated est encore une marque de distinction notamment pour les jeunes filles et peut même être mentionnée dans les annonces matrimoniales (Clémentin-Ojha, 2008). La période britannique et l’essor des écoles

173 religieuses ont ainsi revêtu une importance considérable marquant un changement dans le système éducatif classique.

L’enseignement se diffuse également dans les campagnes de manière hétérogène. Dans le premier quart du XXème siècle, les autorités indiennes décident que la langue maternelle devra être enseignée dans les établissements primaires. Cependant, les écoles fonctionnent sans qu’il n’y ait de contrôle et avec peu de financements. Le maître d’école est un personnage respecté et la manière dont son enseignement est reçu rappelle celui du guru.

En s’inscrivant dans le courant des subaltern102, Krishna Dev Upadhyaya103 détaille la figure emblématique du maître d’école dans les années 1930. Avant la première guerre mondiale, dans le canton d'Entre-deux-Rivières, entre les bras du Gange et de la Ghaghara, K. D. Upadhyaya relaie le quotidien des plus modestes où l’enseignement est un « don » et le recevoir un honneur. Affectueusement surnommé Panditji par les enfants, le maître d’école n’habite pas dans le village et vient à dos de mule : « les garçons de l’école primaire étaient heureux de le voir arrivé au loin. Lorsqu’il approchait du bâtiment, les « grands » lui souhaitaient la bienvenue. Certains le déchargeaient de sa besace. Les uns prenaient sa tabatière, les autres retiraient le tapis de selle du dos de la mule, et après lui avoir dépoussiérer ses sabots, la laissait paître dans la cour de l’école ». K. D. Upadhyaya souligne l’importance de l’arrivée du maître d’école. Les gestes des enfants sont mâtinés de respect, d’estime et de déférence et font écho à l’image traditionnelle de l’élève qui libère son guru des tâches quotidiennes en échange de l’enseignement qu’il reçoit. L’école est un lieu assez banal, une ancienne écurie donnée par un propriétaire terrien : « On faisait classe dans un des bâtiments assez endommagé ne comprenant ni porte ouvrant sur l’extérieur, ni fenêtre. Les souris creusaient leurs terriers sous le sol en terre battue, ce qui le rendait impraticable. Aussi les élèves devaient-ils apporter leurs paillasses pour s’asseoir ». Mais ce bâtiment devient « école » par la présence du maître. L’attente peut être longue mais cela fait partie de l’apprentissage, être à l’écoute de la parole du maître est encore aujourd’hui fréquent dans l’enseignement des arts. « L’heure d’arrivée à l’école de Panditji n’était pas vraiment définie. Après avoir dormi à loisir, il faisait sa puja, puis prenait sa collation. Puis il préparait le tapis de selle de sa mule. De cette manière, il arrivait tantôt à neuf heures, tantôt à dix heures ou même à midi. Avant son arrivée, les garçons profitaient de leur liberté pour s’amuser ». L’auteur attribue au maître d’école un talent, celui de rendre intelligible n’importe quelle

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A l’origine, les subaltern studies sont une série de volumes collectifs publiée par Oxford University Press-Delhi depuis 1982, fondé et tout d’abord animé par l’historien bengali Ranajit Guha. Le contexte est celui des désillusions suscitées en Inde par l’échec social de l’indépendance exacerbées par le radicalisme de la contestation marxiste dans les rangs de la jeunesse intellectuelle. En rupture avec l’historiographie dominante, il s’agit de réécrire une histoire « par le bas » (Pouchepadass, 2000).

103 Ce paragraphe constitué par la lecture de Mémoires du Gange (2012, publié la première fois en 1975) de K. D. Upadhyaya sert d’illustration à mon argumentation.

174 notion du moment que le maître s’intéresse à la dispenser. Ce moment est presque magique pour des enfants qui attendent la venue hypothétique du maître et travaillent beaucoup en autonomie : « Panditji Dindayal Tivari n’a jamais obtenu aucun diplôme universitaire, ni fréquenté aucune grande école. Aussi restait-il étranger aux grandes théories pédagogiques, qu’elles soient avant-gardistes ou couramment administrées. Mais par un tour de génie qui lui était propre, il expliquait d’une telle façon que nous assimilions la leçon immédiatement. C’était un pédagogue né. Et bien qu’il fût privé du savoir universitaire, et de l’art d’enseigner alors en vigueur, il avait son efficacité. Tous croyaient ferme à la magie de son enseignement ». Ces liens ne sont pas sans rappeler ceux du guru et de son disciple, du père et son enfant.

A la même époque, Gandhi écrit une série d’articles dans le journal harijan qui « suggèrent un schéma universel d’Education obligatoire pour tous les enfants dans leur langue maternelle en vue du développement de tous les élèves » (Buisson, 2005: 55). Il104 considérait les manuels peu adaptés à la majorité des élèves, encourageait l’enseignement des techniques artisanales (notamment le filage et le tissage) à tous, ruraux comme urbains, tout comme la poésie, la prise de parole, les discussions sur la santé, l’hygiène, la nourriture et les lois (Mitra, 2008).

La période postcoloniale : d’une demande en faveur de l’Education des dalit…

Depuis la fin du XIXème siècle, l’ensemble des basses castes est désigné par le terme dalit*, qui signifie littéralement dans la langue marathi « brisé et opprimé ». Anciennement intouchables dans la sphère publique, ces groupes ou jati, se sont progressivement organisés en groupes de pression efficaces à partir des années 1930 à travers des mouvements réformateurs de l’hindouisme. Après l’Indépendance, l’avènement du suffrage universel, la liberté de la presse, la mise en place d’organisations civiles actives et un système électoral basé sur la représentativité ont été autant de facteurs encourageant l’intégration rapide des basses castes dans l’ordre politique et leur visibilité dans l’espace public. L'enseignement universel et obligatoire pour tous les enfants de six à quatorze ans était le grand rêve du gouvernement de la jeune République de l'Inde. L'article 45 de la Constitution l’incorporait déjà comme directive. Avec des préoccupations éducatives au cœur de la prise de conscience dalit, des dirigeants politiques en ont fait le fondement de la transformation sociale comme

104 Lorsque Gandhi vivait dans la commune de Tolstoi Farm près de Johannesbourg, les enfants s’occupaient le matin des vergers et des cultures vivrières, apprenaient la menuiserie ou la cordonnerie puis, l’après-midi, recevaient un enseignement autour de la langue, l’histoire, la géographie, l’arithmétique… notamment dispensé par Gandhi (Sinclair, 1976 : 1)

175 Ambedkar105 à travers son slogan « éduquer, agiter, organiser » (Heuzé, 2005). La scolarisation était au cœur de l’idée de progrès.

Dans les années 1960, le système de quotas permit également aux ex-intouchables l’accès à des postes de responsabilité. L’investissement éducatif portait alors l’espoir de grandes possibilités. Le suffrage universel, les politiques de discrimination positive, le rôle de l’éducation et plus récemment les quotas pour accéder à l’éducation, aux emplois publics et à la représentation politique se sont pérennisés parce qu’ils sont devenus des instruments de mobilisation politique des pauvres et des exclus, démographiquement les plus nombreux, et ont instauré l’idée de négociation entre les élus et les électeurs (Khilnani, 2005). Ces politiques de discrimination positive ont complètement transformé la signification des castes qui sont devenues des catégories politiques et juridiques106. L’éducation est aujourd’hui perçue plutôt en termes de droit, contrôlé par des organisations aux militants de base très motivés (Joshi & Moore, 2000: 30). Cela a d’autant plus de poids que les classes supérieures et, souvent, les classes moyennes quittent peu à peu les écoles publiques en faveur du privé : les familles les plus modestes longtemps exclues sont aujourd’hui au cœur des politiques publiques d’éducation.

… à sa mise en application

Les dépenses d’éducation dans le secteur public étaient très faibles dans les années qui suivirent l’Indépendance avec, en 1951-1952, 0,7% du PIB. En 1968, le New Educational Policy mit l’éducation au premier plan en octroyant alors des fonds à hauteur de 7,2% du PIB. Fournir à l’Inde des ouvriers et des paysans capables d’utiliser les technologies importées était alors une priorité (Chatterjee, 1986). La part des dépenses publiques liées à l’éducation élémentaire a par la suite été particulièrement faible dans les années 1980 ne représentant plus dans les années 1980 que 2,6% du PIB (Chatterjee, 1986). Dans les années 1990, un « programme d’action » est mené en faveur de l’enseignement gratuit et obligatoire pour tous les enfants de moins de 14 ans. L’État prévoit à cet effet la réservation de 6% du PIB au budget de l’éducation dont la moitié pour l’enseignement primaire. Cependant, le budget reste nettement inférieur aux engagements pris par l’État. En 1997-1998, le taux n’est que de 3,6%., cela se poursuit dans les années 2000.

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« Juriste et homme politique, Bhimrao Ramji Ambedkar a profondément marqué la société indienne pour au moins trois raisons majeures: il a eu une influence capitale dans la rédaction de la Constitution de l’Inde, il a placé les personnes considérées comme « intouchables » au centre de la vie politique indienne et, enfin, il a initié un renouveau du bouddhisme en Inde » (Naudet, 2009).

106 Le terme dalit est encore usité dans les discours politiques lorsqu’il s’agit de désigner les ex-intouchables et les discriminations dont ils sont victimes comme un terme politiquement correct (Naudet, 2009).

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Tableau 8 - Dépenses d’éducation en Inde en part du PNB, 2000-2012 (source :

UNESCO Institute for Statistics (UIS), 2014, les années manquantes correspondent à une absence de données). Année 2000 2003 2004 2005 2006 2009 2010 2011 2000-2012 Dépense moyenne 4.25 3.55 3.29 3.13 3.09 3.21 3.32 3.17 3.38

Il faut considérer les tensions aux différentes échelles du pouvoir : entre les grands et les petits partis, les partis régionaux et nationaux, les élites locales et régionales, anciennes ou récentes retardant la mise en place des mesures (LaDousa, 2007). L’accessibilité aux services d’éducation est largement inégalitaire et dépend beaucoup des priorités de chaque Etat. Ceux qui sont le plus en retard consacrent une part de leur budget plus faible que les autres à l’éducation, rendant un possible rattrapage des autres Etats très difficile (Drèze & Sen, 1995 : 121). Dans certains Etats, la construction des infrastructures est extrêmement tardive. Dans d’autres, le déséquilibre entre le nombre d’écoles primaires et les classes supérieures débouche sur un système scolaire incomplet.Le Kerala est le seul Etat à pouvoir prétendre à « l’alphabétisation totale » et se distingue nettement par ses efforts et ses réussites en matière de développement social. Son « modèle » éducatif107 est une combinaison de l’accélération des processus d’alphabétisation débuté à l’époquecoloniale et d’un contexte postcolonial favorable, où les acteurs publics et les missions chrétiennes, les volontés locales et populaires ont permis l’accroissement des compétences de chacun (Buisson, 2009: 83-84). La population keralaise a été particulièrement réceptive aux campagnes successives d’alphabétisation et aux directives fédérales en faveur de la décentralisation des

107 Ce modèle d’éducation des classes populaires s’appuie sur le jeu de différents acteurs. Tout d’abord, en raison de l’alphabétisation sélective du système védique, est mis en place un projet de modernisation de l’Etat par les colons qui essaient de régulariser le système scolaire non-formel, ils favorisent aussi l’essor de la presse et permettent les traductions en langue vernaculaire d’un grand nombre d’ouvrages. L’enseignement des écoles primaires, notamment envers des groupes de populations traditionnellement plus défavorisées (SC, ST, femmes), a bénéficié de l’action décisive des missions chrétiennes (Buisson, 2009: 92). La conversion au christianisme et l’enseignement primaire sont restés inexorablement liés aux autres combats menés contre les discriminations de la société hindoue et des vecteurs d’émancipation faisant écho à un activisme important (Buisson, 2009 : 96, Drèze & Sen, 1995 : 81). Les années 1930 ont été marquées par des mouvements d’agitation sociale et la création de partis politique se prononçant clairement contre la ségrégation dans les écoles publiques, en faveur d’une nouvelle distribution des droits sociaux et de la construction de discours prônant le développement ou la

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