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ORGANISATION SPATIALE DE LA VEGETATION AUX ECHELLES MOYENNES

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INTRODUCTION

Cette deuxième partie voudrait montrer l’intérêt de systématiser une démarche expérimentée depuis une trentaine d’années ; si je n’ai été ni à l’origine de ce mode de lecture régionale de la végétation (dû à Michel LECOMPTE), ni le seul à avoir suivi la voie tracée, je pense, sans fausse modestie, être celui qui, directement, en multipliant la collecte des données sur le terrain, ou, indirectement, à travers la direction d’étudiants de masters ou de doctorat, a acquis l’expérience la plus complète. Aussi n’ai-je pas trouvé de meilleure façon de démontrer l’intérêt de continuer à creuser ce sillon. Il me semble, en particulier, que ce mode d’investigation trouve tout à fait sa place dans les perspectives plus larges ouvertes dans la troisième partie sur la dynamique des paysages et sur son interprétation en lien avec certaines questions d’environnement (conséquences biologiques du changement climatique, érosion de la biodiversité).

Il me faut donc tenter une synthèse103 sur un ensemble de travaux consacré à l’étude de la végétation aux échelles petites et moyennes, là où le climat joue un rôle majeur pour redistribuer dans l’espace les cortèges d’espèces mis en place par l’histoire des flores. L’étude porte plus précisément sur les secteurs de transition entre ensembles floristiques, là où ils s’interpénètrent. Une même approche réunit l’ensemble de ces travaux tentant de renouveler la phytoclimatologie : l’information centrale repose sur des transects botaniques de plusieurs dizaines de kilomètres, constitués de segments enchaînés en continu – pour autant que la topographie le permette -, sur lesquels sont effectués des relevés de la végétation et du milieu (GODRON, DAGET, EMBERGER et al,. 1968). Chaque transect est orienté en fonction de la variation climatique dont on souhaite mesurer les effets : il constitue ainsi une ligne-échantillon représentative de la transition d’un climat à un autre. Cette dernière est approchée en ayant recours à la climatologie dynamique qui en faisant intervenir la succession des circulations atmosphériques quotidiennes permet de comprendre la variabilité spatiale des principaux paramètres du climat au cours de l’année. Selon que telle ou telle dynamique l’emporte, ces paramètres atteindront des seuils de valeur au-delà desquels les besoins de telle ou telle espèce seront ou non satisfaits (ALEXANDRE, 1996, ALEXANDRE et al., 1998a, ALEXANDRE, GENIN et LECOMPTE in ALEXANDRE et GENIN éds, 2008).

L’unité dans la méthode et le nombre de transects explorés autorise maintenant une certaine généralisation des résultats obtenus. En effet, initiée par Michel LECOMPTE pour l’étude de la transition du domaine bioclimatique méditerranéen vers le domaine aride à travers le Moyen Atlas central (LECOMPTE, 1973, 1986), sur une suggestion de Michel GODRON, la méthode proposée tentait de répondre à une certaine insatisfaction vis-à-vis des présentations habituelles sur l’organisation spatiale du couvert végétal. LECOMPTE souhaitait alors surtout revenir sur l’approche pluviothermique développée par EMBERGER (cf. chapitre 4) et qui reste le cadre de réflexion de la biogéographie marocaine (BENABID, 2000). Depuis lors, la multiplicité des régions explorées a amené une étude beaucoup plus complète des modèles spatiaux produits par la géographie botanique, inventaire auquel je me suis attelé dans la première partie.

La démarche suivie dans cette deuxième partie apparaît comme un cas particulier des approches floristico-écologiques (cf. chapitre 5) telles que les pratiquait le Centre d’Etudes Phyto- écologiques (CEPE) de Montpellier, thème que le laboratoire créé par Louis EMBERGER, devenu Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) a quelque peu délaissé au fil des années. Il est dommage que cette voie féconde ait été délaissée alors même que la demande reste forte pour ce type d’études et que les discussions autour de l’organisation spatiale de la biosphère sont ravivées par le développement de l’écologie du paysage et des démarches qui lui sont proches. La question peut aussi être considérée comme un cas particulier des études de gradients telles que les a conçues

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WHITTAKER (1967, 1973, cf. chapitre 5) : étudier l’ordination des espèces qui constituent la végétation d’un gradient écologique. A l’école du Wisconsin est emprunté le modèle englobant du continuum. Rappelons qu’il ne constitue pas une pétition de principe sur l’organisation spatiale de la végétation mais une manière d’envisager l’hétérogénéité maximale que peut recouvrir la composition du tapis végétal. A partir de ce modèle de départ, ce sont bien tous les éléments de structuration spatiale de la composition du couvert végétal que nous recherchons : en quelque sorte, à la recherche des discontinuités (spatiales), dans la diversité des formes que celles-ci peuvent recouvrir.

Après avoir rappelé les principaux points de cette approche renouvelée des questions phytogéographiques et phytoclimatiques et souligné le caractère aisément reproductible de la méthode (chapitre 6), les résultats obtenus seront présentés et discutés. Ces résultats ont donné à plusieurs articles qui forment aujourd’hui un ensemble assez dispersé (ils sont ceci étant rassemblés dans le volume de publications de cette HDR). Parce qu’aussi de nouveaux résultats et de nouvelles analyses sont aujourd’hui venus s’ajouter, le temps d’une synthèse semble venu. Par ordre de complexité croissante, seront ainsi évoqués :

- dans le chapitre 7, la transition qui conduit du sud vers le nord de la flore guinéenne à la flore soudanienne et à la flore sahélienne sur la partie de l’Afrique de l’Ouest la plus proche du littoral ; la simplicité du dispositif topographique qui fait alterner bas-fonds et interfluves très plans se prête bien à la démonstration de l’existence d’un continuum d’échelle régionale liée au gradient de pluviosité ; celui-ci se dédouble en fonction de l’alternance entre conditions édaphiques plus humides ou plus sèches ; les espèces se succèdent alors sur le fil du gradient de pluviosité suivant le modèle des écailles chevauchantes mis en évidence à une tout autre échelle par Michel GODRON (1967) (ANDRIEU et ALEXANDRE, 2008) ;

- dans le chapitre 8, la transition du domaine bioclimatique méditerranéen vers le domaine atlantique dans le Midi méditerranéen français mérite d’être revue pour une synthèse des thèses jumelles que nous avions soutenues dans les années 1990, Alain GENIN et moi-même, synthèse qui avait été partiellement écrite il y a quelques années mais que nous avions délaissée au profit d’articles effectuant une synthèse sur l’ensemble du Bassin méditerranéen occidental (ALEXANDRE et al., 1998a, 2008) ; l’intérêt de cette synthèse s’est de plus amplifié depuis la réalisation d’un transect en Haute- Provence à travers le massif des Baronnies et les Préalpes de Digne ;

En y ajoutant les réflexions sur l’organisation spatiale de la végétation à l’échelle des Alpes, évoquée dans plusieurs publications (ALEXANDRE et al., 1999, 2002, ALEXANDRE, 2002, GENIN, 2008), où la complexité est sensiblement plus forte puisque se combinent les effets de l’altitude (gradient thermique décroissant, changement dans la nature et le volume des précipitations), de la latitude (changement dans le régime des précipitations) et de la longitude (montant décroissant des précipitations des Alpes externes vers les Alpes internes), c’est tout un nouvelle manière de décrire l’organisation de la végétation aux échelles moyennes qui se dégage (conclusion).

Des perspectives s’ouvrent alors pour d’autres recherches utilisant la « phytoclimatologie dynamique » (LECOMPTE, 1988, 1989, 1990). Cela concerne, d’une part, la question de la généralisation spatiale des études stationnelles pour laquelle des indicateurs sont recherchés; une tentative a été faite pour utiliser les indications de la flore pour étendre les données du climat en relation avec l’érosion par ravinement sur les marnes des Alpes du Sud (ALEXANDRE et al., 2000) . Le résultat a été un peu décevant, le décalage étant trop important entre ce qui importe dans le climat méditerranéen pour définir le climat érosif (l’intensité des précipitations) et le bioclimat (durée et intensité de la saison sèche). Ces perspectives concernent aussi la question de l’évolution spatio- temporelle des structures mises en lumière ; cette deuxième question se pose avec acuité pour

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évaluer les conséquences du changement climatique global (avec ses déclinaisons régionales et locales) sur la biodiversité ; des éléments de réflexion peuvent être puisés, à la fois dans le cas africain (ANDRIEU et ALEXANDRE, 2008) et dans le cas alpin (COHEN etALEXANDRE, 2007).

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Chapitre 6

Propositions pour l’étude des relations climat – végétation