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Modèles alternatifs : continuum, gradient analyses

La vision d’une biosphère divisible en une infinité d’unités élémentaires délimitables et cartographiables, les stations, identifiées par les groupements végétaux qu’elles portent, puis regroupées en unités de rang supérieur, suivant un principe équivalent à la classification du vivant, parvenant au sommet de la hiérarchie, au planisphère des grands biomes terrestres et au découpage en étages pour la troisième dimension de l’espace planétaire n’est pas la seule manière de concevoir les choses, on vient de l’entrevoir. On se souvient de l’intuition de DE CANDOLLE (chapitre 1) qui, dans la première moitié du XIXe siècle, soulignait l’infinité de combinaisons présentées à la fois par les conditions du milieu et par la composition botanique de la végétation, ceci aussi bien dans l’espace que dans le temps. La dominance de la théorie du climax d’une part, de la phytosociologie sigmatiste d’autre part, a, par la suite, semblé balayer ces arguments sur la complexité du phénomène étudié.

Il n’a pourtant pas manqué, au XXe siècle, de travaux remettant en question le trop grand simplisme des modèles établis. Les uns s’en sont tenus à une application plus souple, voire réformée (cf. phytosociologie synusiale91) des modèles en place, d’autres ont mené une critique beaucoup plus radicale qui a finalement conduit, par exemple, à la disqualification du modèle spatio-temporel du climax ou à l’adoption de nouveaux concepts, l’écosystème notamment. Ce bouleversement n’a pourtant pas fondamentalement porté sur la remise en cause des implications spatiales de ces modèles. On a plutôt assisté à un désintérêt pour les questions géographiques en écologie et à une certaine réduction de la biogéographie aux seules questions chorologiques, plutôt en articulation d’ailleurs avec des questions d’histoire de la biosphère qu’avec l’étude de son état actuel ou futur. Or, celui-ci soulève suffisamment de questions importantes, notamment autour de ce qu’il est aujourd‘hui convenu de nommer biodiversité, pour que nous fassions flèche de tout bois, éventuellement en brisant les vieux carcans, pour dresser le portrait le plus précis et le plus fidèle de cet état. En revenant sur l’apport de certaines écoles (école du Wisconsin, CEPE de Montpellier), il peut être alors proposé un moyen d’investigation simple et utile de la végétation à l’échelle régionale, ce qui sera développé en deuxième partie. Auparavant, je voudrais revenir sur la marginalisation des questions spatiales en écologie végétale (5.1) et sur la façon dont les modèles alternatifs se sont mis en place (5.2, 5.3, 5.4).

5.1 - Marginalisation de la géographie botanique 5.1.1 – Organicisme ou systémisme, il faut choisir

Le XXe siècle a vu se succéder deux conceptions, a priori inconciliables, sur la nature de la biosphère : elle a d’abord été considérée comme un supra-organisme, ensemble de supra-

91 En mettant l’accent sur les synusies, communautés végétales fortes, occupant un élément bien particulier de l’espace ou d’une formation

végétale, parfois de façon fugace, l’école de la phytosociologue synusiale (GILLET, DE FOUCAULT et JULVE, 1991) offre une solution intéressante et souple pour l’étude de la micro-hétérogénéité de la végétation. Imposent-ils pour autant un changement de paradigme, comme ils l’affirment ? Je ne le pense pas.

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organismes de tailles plus modestes, puis, comme un système, au sein duquel on peut, pour les besoins de l’étude, considérer des sous-systèmes, les écosystèmes92. Il y a bien entendu des implications spatiales à ces choix sur la nature de la biosphère. Il est en fin de compte beaucoup plus facile de concevoir un monde morcelé si chacune des pièces qui le composent sont des supra- organismes, ce qui implique une cohérence interne et des contours plus ou moins nets, ces supra- organismes n’étant pas des ectoplasmes. Un système (surtout un système ouvert comme l’écosystème) peut avoir une émergence spatiale mais ceci n’implique nullement qu’il y ait des limites nettes pour les matérialiser.

Alors que la deuxième proposition qui s’est constituée par opposition à la première est, aujourd’hui, universellement adoptée à la satisfaction de chacun, on trouve des réminiscences de la première façon de concevoir les choses, voire parfois un retour en force de l’organicisme comme par exemple avec le crédit accordé à l’« hypothèse Gaïa » de James LOVELOCK, hypothèse que certains écologues bien intentionnés relaient n’identifiant pas vraiment la différence entre Gaïa et l’écosphère. Non que les écologues en soient tous revenus au panthéon, mais la métaphore leur paraît convaincante. Ceci me semble en désaccord avec le projet de TANSLEY (1935) lorsqu’il fonde le concept d’écosytème par opposition à l’organicisme du système des formations végétales / biomes de CLEMENTS. Je rappelle ici le titre explicite de son article : Use and abuse of Vegetational Concepts and Terms.

L’identification de la biosphère à un ensemble parcouru de multiples discontinuités a en effet été renforcé par le recours au discours métaphorique ou analogique, comme le note Christian LEVEQUE (2001) :

« [En écologie], beaucoup d’idées [sont nées] comme des métaphores et des analogies, en tirant des leçons d’une série d’expériences dans un domaine, pour les appliquer à d’autres domaines. […] Bien que n’ayant pas valeur démonstrative, analogies et métaphores se retrouvent en amont et en aval de l’administration de la preuve : en amont, dans l’invention de l’hypothèse, en aval dans la communication didactique (ACOT, 1988). L’analogie est de l’ordre de l’image et établit des parallèles entre deux phénomènes distincts, mais du même ordre – l’un bien connu et maîtrisé, l’autre davantage opaque et mystérieux – jetant ainsi une passerelle du connu vers l’inconnu. […] La métaphore opère entre des phénomènes d’ordres différents, consistant par exemple, à comparer un cerveau et un ordinateur. »

La métaphore organiciste consiste ainsi à assimiler les biocénoses – et, singulièrement, les communautés, végétales – à des organismes vivants, naissant, vivant, puis devenant sénescents et mourant. Sur ce point, la théorie du botaniste américain Frederic E. CLEMENTS reste encore prégnante, même si toute une partie de cette théorie est aujourd’hui considérée comme obsolète. Il est ainsi surprenant de voir encore aujourd’hui la métaphore ressurgir, y compris chez des auteurs se référant au systémisme alors que l’incompatibilité entre les deux conceptions me semble nette.

De ces premières études sur la phytogéographie du Nebraska à celles sur l’Arizona, CLEMENTS

a fondé ses théories sur des observations botaniques menées dans l’Ouest américain. On retient généralement de CLEMENTS la théorie du climax (cf. chapitre 1) ; plus globalement, il apparaît comme le promoteur d’une vision organiciste et discontinuiste de la biosphère. Les principes généraux de sa théorie sont exposés au début de son maître ouvrage Plant Succession (1916). CLEMENTS y assimile la formation végétale à un organisme qui naît et vit pour atteindre un stade adulte, stade « idéal de retour à la Nature » où la formation se stabilise par substitution continue des individus morts par des individus jeunes appartenant aux mêmes espèces. Les conséquences spatiales de la théorie de

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La biosphère est d’ailleurs conçue comme l’écosystème planétaire chez beaucoup d’auteurs. Ramade (2002, Encycl. Univ.) ne dit pas autre chose lorsqu’il parle assimile biosphère et écosphère. Ce flou assumé autour de l’échelle de l’écosystème témoigne de la déspatialisation de la notion d’écosystème.

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CLEMENTS sont dès lors claires : la phytosphère est composée de super-organismes vivants et structurés, possédant donc des contours :

« La formation végétale est un organisme complexe, qui possède fonctions et structures ; c’est une unité organique. […] La végétation est la somme totale des plantes qui couvrent une aire [mais] elle est plus qu’un simple groupement de plantes individuelles. Elle est le résultat de l’interaction de nombreux facteurs. Les effets des plantes sur le lieu dans lequel elles vivent et leur influence les unes sur les autres sont particulièrement significatifs. […] L’étude de la végétation révèle qu’elle est une entité organique et que, comme un organisme, chaque partie est interdépendante vis-à-vis de chaque autre partie [...] Comme tous les organismes, la végétation naît, se développe, atteint sa maturité, se reproduit et peut éventuellement mourir [...] Comme tous les organismes, la végétation n’est pas seulement soumis à un développement ; elle possède aussi une structure. »

… Une structure et une enveloppe qui, si elle n’est pas charnelle, s’exprime néanmoins dans des limites nettes et une cohérence interne qui expliquerait une certaine répétitivité du contenu. D’une foi réputée intransigeante, qui imprègne ses écrits, CLEMENTS conserve par ailleurs l’idée d’une Nature, création de Dieu et pervertie par l’Homme. Ceci explique la difficulté à concevoir autre chose qu’un stade final stable d’équilibre entre le milieu et les êtres vivants qui l’habitent.

On le voit, c’est dans le domaine de la dynamique de la végétation (c’est-à-dire dans la prise en compte du facteur-temps) que la métaphore organiciste a fonctionné. Elle concerne originellement des unités ayant un caractère physionomique (formations végétales) que, par la suite, des unités ayant un contenu floristique (groupements végétaux).

Or, quelle que soit l’échelle à laquelle on la considère et quelle que soit la nature de l’information que l’on retienne, une unité de végétation (formation végétale ou groupement végétal) ne ressemble guère à un organisme. La métaphore est, si l’on peut dire, trop lointaine. Difficile de dire où elle commence et où elle finit, sinon par commodité (ce qui est défendable, mais il faut alors admettre qu’il en est ainsi). La question de l’âge est aussi bien discutable : cela a-t-il vraiment un sens de dire qu’une formation est jeune si elle contient des individus jeunes et des espèces pionnières ? D’autre part, pour qu’il y ait organisme, il faudrait qu’il y ait organes ; rien pourtant ici qui puisse y être assimilé.

L’organicisme transparaît aussi, quoique de manière cette fois-ci analogique dans la phytosociologie sigmatiste, et plus globalement dans les systèmes de classification par échelles emboîtées. GUINOCHET (1973) présente ainsi la classification des groupements végétaux comme faite à l’image de la systématique des êtres vivants, se traduisant par des clefs dichotomiques :

« Le procédé mental [pour identifier les groupements végétaux] est le même que celui du systématicien qui n’a pas besoin de se remémorer chaque fois toute la diagnose d’une espèce pour en nommer un spécimen dans la nature ».

L’analogie s’attire les mêmes critiques que précédemment :

« Malheureusement, la rupture de l’interfécondité entre deux lignées qui se séparent pour devenir des espèces n’a pas d’équivalent dans les groupements végétaux, puisque tous les intermédiaires peuvent exister entre deux types. En conséquence, le fondement de la classification est une convention commode plutôt qu’une réalité biologique » (ALEXANDRE et al., 1998b)

… Et les implications spatiales en termes de discontinuités entre groupements se trouvent à rediscuter. On voit mal, en effet, dans ces conditions, par quels mécanismes se constitueraient des unités discrètes de végétation (BRAQUE, 1988), identifiées par des ensembles d’espèces récurrents dans l’espace.

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Il semble en revanche satisfaisant de concevoir les communautés végétales comme s’intégrant au sein d’un système. Les théorisations en termes d’écosystèmes (TANSLEY, 1935) de géosystèmes (BERTRAND, 1969) ou d’anthroposystèmes (LEVEQUE et al., 2008) ne posent pas les mêmes problèmes. On y trouve bien des entrées, des sorties, des processus, des fonctions, des éléments déterminants (conditions physiques de milieu) et des éléments déterminés (les êtres vivants et les végétaux en particulier). Toutefois, la modélisation de tout ou partie de la biosphère en termes de systèmes a eu un prix : sa déspatialisation. J’aurais presque écrit sa désincarnation si je n’avais eu peur de tomber à mon tour dans l’ornière organiciste.

5.1.2- La déspatialisation de l’écologie végétale

La critique vigoureuse de l’organicisme latent ou proclamé des courants dominants de l’écologie végétale a pu conduire à l’élaboration de modèles alternatifs, on va le voir ci-dessous (5.2). Cependant, surtout en Europe, elle a surtout conduit à un résultat paradoxal : l’écologie, en-dehors même des prolongements qu’elle a pu trouver dans des thèmes ou des mouvements politiques au cours des trente dernières années, a connu un développement considérable au cours du XXe siècle et des premières années du XXIe. Des voies diverses ont été explorées. Un des grands thèmes concerne l’évolution historique de la biosphère, aussi bien dans le domaine végétal qu’animal (et, plus, sans doute, sur le règne animal – et sur le genre Homo, plus encore – que sur le règne végétal) ; la reconstitution d’une mise en ordre spatio-temporelle du vivant qui se substitue à celle qui fut construite, au XVIIIe siècle, en particulier par Carl VON LINNE, dans une perspective fixiste, considérant la biosphère comme un élément de la Création, a occupé beaucoup de chercheurs ; au point que, dans bien des facultés des sciences, les enseignements de biogéographie se concentrent sur cet objet. BROWN et LOMOLINO (1998), y consacrent l’essentiel de leur gros manuel de biogéographie, soulignant la marginalisation d’autres thèmes intéressant plus directement la géographie :

« La classification géographique des régions, fondée sur leur contenu biologique, fut, au départ, le thème dominant de la biogéographie ; il ne reçoit aujourd’hui qu’une attention passive de la plupart des scientifiques actuels. Les uns parce qu’ils sont satisfaits des systèmes existants de classification géographique, les autres parce qu’ils considèrent que la construction de tels systèmes sont des exercices descriptifs triviaux, bien qu’il reste beaucoup de travail intéressant et important à faire, spécialement dans la classification des régions océaniques et des sous-ensembles au sein des régions des systèmes continentaux. »93

On pourrait ajouter que la perspective classificatrice adoptée, génératrice de limites souvent conventionnelles entre régions biogéographiques, entre biomes ou entre communautés d’êtres vivants, n’est pas forcément la seule qui puisse être adoptée.

Deuxième grande voie explorée par l’écologie, celle de l’écologie des écosystèmes. Le débat sur le caractère spatial ou non des écosystèmes a déjà été évoqué en introduction. Concept centré sur l’étude des complexes interrelations entre le vivant et l’inerte, l’écosystème n’est pas d’évidence spatial. L’ambivalence tient, d’une part, au caractère matériel, inscrit dans l’espace, des éléments mis en jeu et, d’autre part, à la perspective systémique, voire modélisatrice, contenue dans la notion, perspective qui tire cette notion vers un point de vue rendant secondaire la prise en compte des configurations spatiales. L’ambivalence transparaît dans la définition donnée par DUQUET (1995) :

« Unité écologique, stable dans le temps, formée par l’ensemble des organismes vivants – c’est-à-dire la biocénose – habitant un milieu naturel donné et par ce dernier – appelé biotope. Au-delà de cette composante matérielle, l’écosystème représente une unité fonctionnelle, qui intègre les interactions entre les espèces et leur milieu de vie, et les rapports existant entre les espèces. »

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En se concentrant sur les interactions, les écologues ont un peu déserté la question de la configuration spatiale de la biosphère, considérant que la question était réglée à la satisfaction générale par les approches habituelles aboutissant à une cartographie écologique dont on a vu dans les chapitres précédents qu’elle pouvait être caricaturale.

Des observations analogues pourraient être faites à propos des méthodes floristiques et floristico-écologiques (phytosociologie, phyto-écologie, analyse de gradients), où les études de terrain ne manquent pas, mais dans lesquelles l’analyse spatiale est parfois centrale, mais le plus souvent sommaire ou estompée. Certes, ces études sont bien ancrées en un lieu ou un site, mais il subsiste une certaine confusion entre localisation et spatialisation : les faits naturels sont observés et analysés, ils sont localisés ; en revanche, l’analyse spatiale en reste souvent là, sinon dans des travaux récents où, comme l’écrit LEVEQUE (2001) :

« Les limites d’un écosystème sont le plus souvent définies de manière opérationnelle en fonction des processus étudiés ou des questions posées. »

Autre manière – plus radicale - de dire les choses, non seulement les entités écologiques qui forment la biosphère ne peuvent être systématiquement assimilées aux pièces d’une mosaïque, mais encore, elles sont le produit de l’entrecroisement de processus, de dynamiques, de mécanismes qui se placent à des échelles d’analyse variées et qui correspondent à des figures spatiales diverses. Le « retour au spatial » se justifie par la nécessité de préciser ces figures. Le renouvellement de l’interrogation géographique passe, à mon avis, par une relecture de ceux qui ont mené la critique des positions dominantes dans l’entre-deux guerres mondiales. Faute de quoi, on risque de réduire ces positions à une caricature : c’est alors généralement le mot continuum qui fait l’effet de repoussoir. A l’inverse, le continuum a pu bénéficier ces dernières années d’une sorte d’effet de mode, pas seulement en biogéographie d’ailleurs.

5.2 – Avant la Deuxième Guerre mondiale, des réflexions alternatives, en marge de la science établie

Qu’ils contestent le modèle du climax ou les approches proposant un découpage de la végétation en groupements végétaux homogènes, le point commun entre RAMENSKY, GLEASON et LENOBLE est d’avoir publié des textes qui les plaçaient en marge de la biogéographie de leur temps. Une partie de leur réflexion a cependant fini par trouver un écho dans les années 1950 notamment. S’il est difficile d’avoir accès à l’œuvre écrite de Leonti RAMENSKY qui travailla en Union soviétique en dehors du chemin tracé par SUKHACHEV, il est intéressant de revenir sur les textes de GLEASON qui fut en son temps autant reconnu comme botaniste que rejeté par les écologues et de LENOBLE, franc- tireur de la biogéographie française.

5.2.1 – GLEASON, le mieux entendu

Tôt décidé à devenir botaniste (« simplement parce que j’aimais les plantes », a-t-il écrit), Henry A.GLEASON (1882-1975) suit, dans un premier temps du moins, un itinéraire assez proche de celui de CLEMENTS. Formé à l’Université de l’Illinois, il s’intéresse comme lui aux communautés végétales du Middle West américain, consacrant ses deux thèses à la végétation de la prairie (1901) puis à celle des monts Ozark (1904)94. Influencé dans un premier temps par COWLES qui tentait d’articuler les cycles d’érosion de Davies et la dynamique de la végétation, il prend peu à peu ses distances avec celui-ci et affirme son indépendance vis-à-vis des courants dominants dans l’écologie

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végétale américaine. Ceci l’amène à être en désaccord de plus en plus profond avec CLEMENTS dont le point de vue est déjà bien établi par la publication de Research Method of Ecology (1905). Dans un article de 1910, ce désaccord s’exprime sur le rôle du milieu dans la constitution des communautés végétales (GLEASON estime que les interrelations entre les espèces ont un rôle au moins aussi grand) :

« La plante est, dans beaucoup de cas, l’agent qui contrôle l’environnement. […] L’établissement d’une plante à l’endroit qu’elle occupe s’explique presque autant par l’influence des autres plantes que par l’environnement

physique. »95

GLEASON décrit, par ailleurs, un exemple de succession régressive qui remet en cause le principe de développement contenu dans la théorie de CLEMENTS pour qui la succession est nécessairement progressive.

Cependant, GLEASON affine sa conception de la communauté végétale après sa découverte de la végétation tropicale dans les années 1910, et après s’être interrogé sur l’histoire de la végétation du Middle West. Ses études lui permettent d’arguer qu’il n’existe pas deux espèces qui aient les mêmes exigences écologiques. La conséquence spatiale en est que les plantes n’apparaissent pas en groupements répétitifs prédéterminés. Des individus appartenant à la même espèce s’avèrent capables de croître dans différents milieux et associés avec diverses autres espèces. GLEASON soutient alors qu’il n’y a pas deux aires identiques en termes de composition spécifique et de proportion d’individus de chaque espèce dans une communauté. Ceci conduit au concept d’individualité des communautés végétales de son article le plus connu (1926) et donc une approche impliquant que l’on donne la primauté aux individus végétaux et aux espèces auxquelles ils appartiennent.

GLEASON estime ajouter une troisième théorie aux deux existantes à son époque :

- celle de CLEMENTS assimilant l’association végétale à un quasi-organisme dont la cohérence