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1.3 – Organisation de la page

Avant de débuter le travail d’écriture, le copiste trace sur les feuillets un ensemble de lignes chargées de délimiter la surface à écrire et guider l’écriture. Cette ossature est appelée la réglure135. Elle s’accompagne d’un ensemble de systèmes de numérotation et de repérage interne.

Le manuscrit New York, ms M.456 (N)

La réglure du volume new-yorkais a été tracée à l’encre brune. La restauration ayant fait disparaître certains de ses éléments constitutifs (telles les traces de piqûres ou des lignes en marge de tête ou de gouttière), il est difficile de déterminer l’appareil utilisé par le copiste136. L’examen du processus suivi pour exécuter la réglure sur les feuillets d’un cahier (ou système de réglure) révèle que cette dernière a été tracée directement sur chaque feuillet, du coté chair (verso)137. Le schéma de la réglure est observé sur le recto du feuillet. Les lignes horizontales sont essentiellement constituées de 26 lignes rectrices chargées de guider l’écriture (79 x 5,5 mm), dont deux rectrices majeures situées en haut et en bas de la justification, la première se poursuivant dans les marges de fond de cahier et de gouttière. Aucune ligne marginale de tête ou de queue n’est discernable, peut-être à cause du rognage. Les lignes verticales se résument à deux lignes de justification censées limiter l’écriture à gauche et à droite de la surface écrite. De même que pour les lignes horizontales et à l’exception du prolongement de nos deux lignes de justification en marge de queue, on ne relève aucune ligne marginale verticale dans les marges de fond de cahier et de gouttière. En toute logique, on dénombre donc 25 lignes de texte par folio sans exception dans tout le volume. Le tracé des rectrices peut dépasser occasionnellement les verticales de justification138.

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D. MUZERELLE, Vocabulaire codicologique…, p. 103-108 et P. GEHIN (dir.), op. cit., p. 77-84.

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Les conditions d’éclairage lors de la consultation n’étant pas optimales, les observations concernant le tracé de la réglure sont sujettes à caution.

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La distinction des côtés poil et chair dans le manuscrit M. 456 est rendue difficile par l’excellente qualité du parchemin. Voir tout de même les traces caractéristiques du côté poil en marge de fond de cahier du f. 50r, le long du cadre de la miniature.

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Par souci de clarté, nous avons décidé d’illustrer cette description du schéma de réglure à la fois par une reproduction du schéma lui-même (annexe 2) mais aussi par un code permettant la reconstitution de ce dernier :

Codification du ms New York, ms M.456 (type Muzerelle139) : 1-1 / 0 / 1-0 / J Eléments complémentaires de la réglure :

Surface de justification : 138 x 79 mm Lignes rectrices : 26 ll.

Suivant la tradition des volumes en écriture latine, une première main a numéroté par des chiffres arabes le coin supérieur externe de chaque recto d’un feuillet. Collés sur l’extérieur de la ligne de justification mais à une hauteur irrégulière, ces chiffres sont tracés avec une encre de copie semblable à celle du texte. Suite à la restauration déjà largement évoquée et à la réduction consécutive des bordures supérieures de la page, cette première foliotation a presque entièrement disparu. Il subsiste néanmoins quelques traces visibles de celle-ci, notamment aux folios 3r°, 31r°, 32r°, 36r°, 37r° et 62r°. L’examen de ces quelques marques révèle une forte similitude avec celles observées dans la marge de fond de cahier de chaque table des chapitres. Il s’agit probablement de la même main. Le second système de foliotation, mis en place après la « réduction » du manuscrit, s’est chargé de réinstaurer un repérage interne identique au précédent mais « recadré » dans le nouveau coin supérieur externe. Ces marques, faites au crayon, se retrouvent invariablement sur chaque recto du volume et semblent tracées par la même main que celle proposant la liste de propriétaires au recto de la première garde volante. Il est difficile de savoir à quel moment on a jugé nécessaire de mettre en place le deuxième système de foliotation, mais il semble que ce soit postérieur à la restauration.

Plutôt que des réclames, on observe des signatures en chiffres arabes en tête de tous les cahiers, dans le coin inférieur externe, qui donnent à chacun d’eux son numéro d’ordre dans le manuscrit. Ces signatures au crayon, relativement discrètes, sont de la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Suivant la codification exposée par Denis MUZERELLE, « Pour décrire les schémas de réglure. Une méthode de notation symbolique applicable aux manuscrits latins et autres. », dans Quinio : international

journal on the history and conservation of the book, C. Frederici (éd.), Istituto centrale per la patologia

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même main que la seconde foliotation et donc postérieures à la restauration. Elles confirment l’homogénéité du volume. On ne peut que supposer l’existence d’une première série de signatures de cahiers aujourd’hui victime du rognage du livre.

Signatures des cahiers du ms M. 456 numéros de cahier folios

1 1r° 2 9r° 3 17r° 4 25r° 5 33r° 6 41r° 7 49r° 8 57r° 9 65r° 10 73r° 11 81r° 12 89r° 13 97r° 14 105r° 15 113r° 16 121r° 17 129r° !

Le manuscrit Londres, ms Cotton Cleopatra BX (L)

La réglure du manuscrit londonien, tracée à l’encre brune, varie en fonction de l’enchaînement des cahiers : les trois premiers (ff. 1r°-26v°) suivent un modèle d’un premier type (1-1 / 0 / 1-1 / J) tandis que les suivants (ff. 27r°-115v°) en affichent un second (1-1 / 0 / 2-1 / J). On ne trouve pas de marques visibles de piqûres dans les marges. Les lignes rectrices horizontales sont généralement au nombre de 28 (90 x 5 mm) sur un même folio et les rectrices majeures supérieures et inférieure se poursuivent dans les marges de cahier et de gouttière. Aucune ligne marginale verticale ou horizontale n’a été tracée au contraire des deux lignes verticales de justification placées en vue de délimiter la surface d’écriture. Le schéma de réglure du manuscrit Cotton Cleopatra B.X. (annexe 2) se trouve ci-dessous accompagné de son code :

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Codification du ms Londres, Cotton Cleopatra B.X. (type Muzerelle) : 1-1 / 0 / 1-1 / J (ff. 1r°-26v°) ou 1-1 / 0 / 2-1 / J (ff. 27r°-115v°)

Eléments complémentaires de la réglure : Surface de justification : 130 x 90 mm

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Lignes rectrices : 26-27 ll.

L’exemplaire londonien de l’Avis aus roys contient une triple foliotation en chiffres arabes. Les deux premiers systèmes cohabitent dans le coin supérieur externe du recto des feuillets : l’un est erroné et affiche des chiffres scrupuleusement barrés par la main responsable de la deuxième foliotation. Cette dernière semble régulière et débute au recto du premier feuillet du cahier 1. Dans le coin inférieur externe du recto de chaque feuillet, une troisième main a ajouté un système de foliotation supplémentaire. Ces différents systèmes sont présents tout au long du volume ; ils sont contemporains ou postérieurs à la constitution du volume en recueil.

Les cahiers ne sont pas signés mais portent tous une réclame au bas du verso de leur dernier feuillet, censée indiquer le(s) premier(s) mot(s) du folio suivant pour contrôler la bonne succession des cahiers (cf. table ci-dessous). Sur trois de ces folios portant une réclame se trouve une inscription – « corp » – au sens demeuré obscur (ff. 10v°, 50v° et 58v°).

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numéros de cahier folios

1 10v° 2 18v° 3 26v° 4 34v° 5 42v° 6 50v° 7 58v° 8 66v° 9 72v° 10 80v° 11 88v° 12 96v° 13 104v° 14 112v° 15 - 16 124v° 17 - Le manuscrit Rouen, ms 939 (R)

La réglure du manuscrit rouennais est tracée à l’encre noire. Des marques de piqûres sont encore visibles dans la marge de gouttière, en face de chaque rectrice et constituent une série de jalons. Des piqûres maîtresses sont aussi visibles dans les

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marges inférieure et supérieure, sur les lignes de justification. La réglure a visiblement été tracée sur le recto, du côté poil. Les lignes horizontales se résument la plupart du temps à 33 lignes rectrices (115 x 5mm). La rectrice majeure supérieure se prolonge dans les marges de fond de cahier et de gouttière ; la rectrice majeure inférieure ne s’étend que dans la marge de fond de cahier. On ne décèle aucune ligne marginale verticale ou horizontale. Deux lignes verticales de justification sont tracées pour délimiter la surface recevant l’écriture. Comme pour les volumes précédents, voici le schéma de réglure (annexe 2) et le code le résumant :

Codification du ms Rouen, 939 (type Muzerelle) : 1-1 / 0 / 1-1C / J Eléments complémentaires de la réglure :

Surface de justification : 170 x 115 mm Lignes rectrices : 33 ll.

Le manuscrit est folioté avec des chiffres arabes placés dans le coin supérieur externe du recto d’un feuillet. Des erreurs dans la foliotation sont rectifiées à trois reprises (ff. 2B, 4B et 15B). L’auteur de ce système pourrait être le copiste du texte.

Les neuf cahiers ne sont pas signés mais portent chacun une réclame en bas du verso du dernier feuillet (cf. table ci-dessous). Plus étonnant, un second système usant aussi de réclames cohabite avec le premier dans le même volume. Il est difficile de lui trouver une logique, la plupart de ces réclames ayant disparues en grande partie après le passage du massicot140. Selon toutes vraisemblances, elles devaient être régulièrement disposées tout en bas de chaque verso du texte pour indiquer les premiers mots du folio recto suivant. Il est tout aussi aléatoire d’affirmer que les deux systèmes aient un auteur commun.

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Seules subsistent les réclames des folios 15v, 16v, 18v, 19v, 23v, 25v, 26v, 27v, 32v, 33v, 34v, 35v, 43v, 44v, 51v, 55v, 69v.

1.3 – Organisation de la page

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numéros de cahier folios

1 6v° 2 14v° 3 21v° 4 29v° 5 37v° 6 45v° 7 53v° 8 61v° 9 -

Le manuscrit Berlin, Hamilton 672 (B)

La réglure du manuscrit Berlinois Hamilton 672 a été réalisée à la pointe métallique. Le schéma de la réglure se trouve sur le recto de certain feuillet. On trouve en moyenne 30 lignes rectrices guidant l’écriture (123 x 6,5 mm). Deux rectrices majeures ainsi que deux lignes verticales de justification se propagent dans les marges jusqu’en bordure de folio. On observe entre 29 lignes de texte sur un folio (annexe 2).

Codification du ms Berlin, Hamilton 672 (type Muzerelle) : 1-1 / 0 / 1-1 / J Eléments complémentaires de la réglure :

Surface de justification : 175 x 120 mm Lignes rectrices : 29 ll.

Le manuscrit Chantilly, ms 314 (C)

La réglure du manuscrit 314 conservé au musée Condé a été tracée à la pointe sèche, sans traces de piqûres visibles. Le schéma de la réglure est observé sur le recto du feuillet. Les lignes horizontales sont constituées de 30 à 33 lignes rectrices guidant l’écriture (140 x 7 mm), dont deux rectrices majeures placées en haut et en bas de la justification et se poursuivant dans les marges de fond de cahier et de gouttière. On ne relève aucune trace d’une ligne marginale de tête ou de queue. Les lignes verticales se résument à deux lignes de justification. On ne trouve aucune ligne marginale verticale dans les marges de fond de cahier et de gouttière. On dénombre donc entre 29 et 32 lignes de texte par folio dans le volume (annexe 2).

1.3 – Organisation de la page

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Codification du ms Chantilly, 314 (type Muzerelle) : 1-1 / 0 / 1-1 / J Eléments complémentaires de la réglure :

Surface de justification : 205 x 140 mm Lignes rectrices : 29-32 ll.

La foliotation en chiffres arabes située au dessus du texte, à gauche de la ligne de justification droite, a été apposée par la même main que celle chargée de souligner certains passages du texte (les citations latines, par exemple). L’encre est plus claire que celle utilisée pour le texte.

Placées en tête de chacun des cahiers et utilisant la même encre claire, des signatures sont observables sous la ligne rectrice majeure inférieure, à gauche de la ligne de justification droite. Elles prennent la forme de lettres utilisées dans l’ordre alphabétique. Ces signatures font double emploi avec les réclames de fin de cahier, notées dans la marge de queue au verso du dernier feuillet du cahier.

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Réclames des cahiers du ms 314

numéros de cahier signatures (folios) réclames (folios)

1 1r° 12v° 2 13r° 24v° 3 25r° 36v° 4 37r° 48v° 5 49r° 60v° 6 61r° -

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1.4 – L’écriture

Sans élément explicite à disposition (comme un colophon par exemple), l’entreprise de datation de nos manuscrits peut compter sur l’estimation paléographique. L’étude de l’écriture reste en effet le moyen le plus sûr pour éclaircir la situation d’un volume dont la date et l’origine ne peuvent être déterminées. Bien sûr, la précision de ces outils d’analyses ne peut guère être inférieure à un quart de siècle et la localisation du lieu d’origine reste très imprécise, se limitant à de vastes zones géographiques. Mais l’étude paléographique d’un manuscrit ne doit pas se contenter d’un intérêt pour la morphologie de l’écriture. Elle doit aussi se focaliser sur ses signes auxiliaires, sur les habitudes du copiste, sur les corrections et les notes marginales, sur le degré d’attention porté par le scribe à son travail : s’agit-il par exemple d’une copie luxueuse ou d’un exemplaire de travail ?

L’Avis aus roys et ses témoins

Pour répondre à des questions aussi techniques, l’expérience personnelle constitue un atout irremplaçable qui s’acquiert à force de travail, de curiosité intellectuelle et de temps. Ne prétendant pas disposer de tels atouts, nous avons pris comme référence les travaux de Denis Muzerelle et surtout l’ouvrage d’Albert Derolez,

The Paleography of Gothic Manuscript Books (From the Twelfth to the Early Sixteenth Century)141. Nos hypothèses, il faut bien le dire, se fondent essentiellement sur cette dernière étude s’attachant essentiellement à décrire la morphologie des lettres et offrant des perspectives à l’échelle européenne sur l’écriture dans les sources livresques du Moyen Âge tardif142. Dans la continuité de Lieftinck, Albert Derolez cherche à établir « une grille uniforme » de classement des écritures constituée de « grandes catégories » et d’« une hiérarchie des styles »143, système qualifié par Giovanna Nicolaj de

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141

A. DEROLEZ, The Paleography of Gothic Manuscript Books. From the Twelfth to the Early Sixteenth

Century, Cambridge University Press, Cambridge, 2003, 203 p.

142

Ibid., p. 6.

143

Giovanna NICOLAJ, « Questions terminologiques et questions de méthode autour de Giorgio Cencetti, Emanuele Casamassima et Albert Derolez », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 24-25.

1.4 – L’écriture

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« minimal dans ses critères (…) et donc acceptable du point de vue logique, même si parfois il peut au contraire sembler surabondant dans ses combinaisons144 ».

Notre étude va se concentrer sur les écritures gothiques recensées dans les cinq manuscrits connus à ce jour contenant l’Avis aus roys145. Albert Derolez donne de cette écriture la définition suivante : le terme est utilisé comme un nom générique pour désigner toutes les écritures des derniers siècles du Moyen Âge qui ne sont pas l’humanistique. Cette définition en négatif s’explique en partie par la multitude de formes et d’aspects que peuvent prendre ces écritures : anguleuses ou rondes, verticales ou obliques, calligraphiées ou rapides, grasses ou minces, compressées ou étirées, avec ou sans boucles146… Dans un ouvrage collectif publié par quelques membres de l’IRHT et consacré au manuscrit médiéval, Denis Muzerelle souligne que dans « son acception morphologique, l’écriture gothique désigne cette écriture au trait large, rigide et anguleuse en usage dans les emplois formels à partir du XIIIe siècle147. »

La typologie de l’écriture gothique reprise et complétée dans l’étude d’Albert Derolez s’appuie en partie sur le système objectif de Gérard Isaac Lieftinck se basant essentiellement sur la forme des lettres148, non sur le ductus. Elle dégage six types d’écritures : la textualis, la semitextualis, la cursiva recentior, la cursiva antiquior, la

semihybrida et l’hybrida. À cette typologie couvrant la majorité des écritures livresques

utilisées en Europe du XIIIe au XVIe siècle s’ajoutent trois niveaux d’exécution applicables à chaque type : la formata pour une exécution calligraphique soignée et très formelle ; la libraria (ou media) pour un niveau moyen d’exécution ; la currens pour un niveau rapide et inférieur d’écriture. Les critères d’évaluation sont ici bien plus subjectifs. Si la formata se différencie plus ou moins aisément de la currens au regard de la fréquence des traits séparés dans l’écriture, la difficulté réside bien dans la distinction entre la formata et la libraria d’une part et la libraria et la currensd’autre part. Encore une fois, l’expérience joue un rôle inestimable dans ce genre d’exercice et il sera surtout question pour nous de chercher à identifier nos écritures sur la base d’une !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

144

Id.., p. 27

145

cf. tome 2, p. XIII-XLIII.

146

A. DEROLEZ, The Paleography…, p. 10. Du reste, la définition de l’écriture gothique donnée par Albert Derolez mérite qu’on s’attarde sur celle de l’écriture humanistique (ou littera Antiqua renovata) : créée à Florence vers 1400 par des érudits tels que Salutati et Poggio, elle vise l’imitation du modèle d’écriture caroline tardive (Ibid., p. 176).

147

Paul GEHIN, Lire le manuscrit médiéval…, p. 91.

148

1.4 – L’écriture

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observation objective des éléments morphologiques sélectionnés dans nos quatre témoins149.

Considérations générales

À l’évidence, nos cinq manuscrits peuvent être séparés en deux groupes traités successivement. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet et d’évoquer d’un point de vue technique la nature et l’aspect de l’écriture dans les cinq témoins, il semble opportun de rappeler succinctement les choix de mise en page opérés par nos scribes. Des cinq manuscrits à notre disposition, seuls les témoins L et B peuvent être considérés comme des recueils, puisqu’il semblerait que l’Avis aus roys y ait été complété plus tardivement par le Distinctio temporis, a mundi principio, usque ad finem et Les causes pourquoy les

Pseaumes et certains cantiques furent fais et composés150 dans le manuscrit L et par un extrait des Novelle Innocentii pape IV accompagnées de gloses marginales de Bernard de Compostelle dans B. L’Avis aus roys est constitué d’un prologue et de quatre livres. Chaque livre débute par un petit rappel du contenu et une table des chapitres. Chaque chapitre est introduit par une rubrique dans N ou un simple titre de chapitre souligné en rouge dans L et en noir dans R. Le témoin C se distingue des autres par l’absence de cet élément initial. En fonction de leur longueur, les chapitres dans N et L sont subdivisés en paragraphes délimités par des pieds-de-mouche, en alternance bleus ou rouges. On trouve dans le premier cité des vestiges de la collaboration entre le copiste et l’artiste en charge de la réalisation des pieds-de-mouche : aux folios 30, 53, 57v° puis à deux reprises au folio 115v°, deux barres obliques – « // » – sont tracées entre deux phrases. Il s’agit de repères probablement placés à l’origine par le scribe de N et qui servaient à désigner les emplacements où devaient figurer ces pieds-de-mouche. Les barres obliques oubliées par l’artiste sont les traces subsistantes de ce processus.

La position de l’écriture par rapport aux rectrices est également notable. Les cinq copistes des témoins contenant l’Avis aus roys se sont aidés d’une réglure pour travailler. La première ligne de la réglure (ou rectrice majeure) est laissée vacante dans tous les volumes, répondant à une pratique en vigueur depuis la première moitié du XIIIe

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149

A. DEROLEZ, The Paleography…, p. 20-24.

150

Nous consacrerons également un moment dans cette étude à nous pencher sur l’écriture de ces deux textes.

1.4 – L’écriture

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siècle. L’usage général, retrouvé dans N, L et B, veut que la base de l’écriture soit alignée avec les rectrices tout en maintenant un mince espace avec cette dernière. Le manuscrit R se distingue en revanche par une base de l’écriture se reposant directement sur la rectrice. Le procédé d’écriture rencontré dans N et L donne un aspect plus monumental et solennel à l’ensemble. Selon Denis Muzerelle, c’est « la marque d’une recherche de perfection calligraphique »151.

En pratique, il est toujours délicat de distinguer le nombre de mains qui ont participé au travail d’écriture. Si plusieurs copistes ont contribué à la copie de nos volumes, ils se sont conformés à un modèle d’écriture commun, cherchant à donner une impression d’unité. Aucun changement marqué n’est perceptible dans l’apparence des cinq écritures. L’hypothèse la plus vraisemblable est celle d’un calligraphe unique pour chacun des textes de l’Avis aus roys. Les copistes des témoins N et L sont même suffisamment expérimentés pour que leur technique soit moins sujette aux évolutions naturelles et confèrent à leur écriture un aspect immuable. Pour autant, on suppose quelquefois des marques de lassitude dans l’un et l’autre manuscrit, plusieurs erreurs se concentrant sur le même feuillet.

Le groupe N et L152

Le type d’écriture contenu dans les deux plus anciens témoins de l’Avis aus roys correspond sans grand doute possible à la Textualis, la forme la plus commune et la plus ancienne d’écriture gothique. Le soin apporté à l’exécution de l’écriture dans ces