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1.6 – Les manuscrits et leur classement

Nous l’avons vu, cinq exemplaires connus de l’Avis aus roys sont recensés à ce jour. Le premier manuscrit est conservé à la Pierpont Morgan Library & Museum de New-York211 et sera désigné tout au long de cette étude par le sigle N. D’après les études codicologiques et paléographiques, ce volume très luxueux serait daté du milieu du XIVe siècle et aurait été produit pour la cour du roi de France. Le deuxième, intitulé

De regimine principum in french, s’insère dans un recueil parisien également datable du

XIVe siècle et constitué de 128 feuillets. Il comprend aussi le Distinctio temporis, a

mundi principio, usque ad finem, sive de septem mundi etatibus et Les causes pourquoy les Pseaumes et certains cantiques furent fais et composés. Le volume appartient à la

British Library de Londres212 et fait partie de la collection Cotton213 (sigle L). Le troisième exemplaire, un manuscrit daté de la première moitié du XVe siècle composé de 73 feuillets et intitulé Traité de l’institution du prince, se trouve à la bibliothèque municipale de Rouen214 (sigle R). Le manuscrit suivant (première partie du XVe siècle) se trouve à la Staatsbibliothek de Berlin sous la cote Hamilton 672215 (sigle B). L’Avis

aus roys y apparaît sous le titre Des vertus et devoirs d’un prince. À la fin du volume se

trouvent des extraits des Novelle Innocentii pape IV accompagnés de gloses marginales de Bernard de Compostelle. D’après l’étude paléographique, le volume pourrait avoir des origines italiennes. Enfin, le dernier manuscrit portant le titre de Livres du

gouvernement des princes appartient à la Bibliothèque du Musée Condé à Chantilly216. C’est un codex du XVe siècle de 74 feuillets arborant les armes des Bourbon-Condé (sigle C). L’analyse codicologique et paléographique du volume indique que ce témoin aurait été réalisé dans les années 1460.

Les manuscrits N et L ont plusieurs éléments en commun. Tout d’abord, leurs origines chronologique et géographique – Paris, vers le milieu du XIVe siècle contre le

XVe siècle pour RBC – contribuent naturellement à leur rapprochement. Leur écriture très soignée, assimilable à la textualis du Nord, s’oppose de manière assez nette au type !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

211

New York, Pierpont Morgan Library, ms M. 456.

212

Londres, BL, ms Cotton Cleopatra B.X.

213

Sur cette collection, cf. supra.

214

Rouen, B. m., ms 939 (I.36). Manuscrit avec reliure du XVe siècle, constitué de 73 feuillets de 265x170 mm et provenant des Capucins de Mortagne.

215

Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz, ms Hamilton 672.

216

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plus « documentaire » de R, B et C217. De plus, leur mise en page assez monolithique tranche avec les versions plus « aérées » proposées par R et C : contrairement à ces derniers, les copistes de N et L ne vont pas à la ligne à la fin d’un chapitre mais laissent une place suffisante pour le travail du scribe chargé des rubriques. Le copiste de B semble avoir imité ces derniers sur ce point. Dans R, l’annonce d’un chapitre est à la fois précédée et suivie d’un espacement équivalent à une ligne ; dans C, les titres de chapitres ont disparu au profit d’un simple espacement entre la fin et le début d’un nouveau chapitre. L’aspect général de la mise en page des textes corrobore aussi l’idée d’un rapprochement entre NL d’une part et RBC d’autre part, tel le nombre de ligne sur chaque folio (de 25 à 26 lignes pour NL ; de 29 à 35 lignes chez RBC218). Le format joue aussi un rôle dans ce regroupement : les manuscrits N et L présentent une taille plus réduite que leurs homologues du XVe siècle219.

L’analyse des indices externes, constituée principalement d’éléments développés par ailleurs, permet de supposer l’existence de deux groupes distincts : un premier probablement constitué de « prototypes », autrement dit les témoins les plus anciens de la tradition issus de l’archétype ; un second sûrement composé de « dérivés ».

Le recensement de cinq manuscrits renvoie de fait à l’existence d’autant de versions de l’Avis aus roys. Dans le cas d’une généalogie normale, chaque copie ajoutera des fautes et des variantes à son modèle. Ce phénomène inévitable a pour conséquence d’éloigner les manuscrits les plus tardifs de l’archétype. Pour autant, ces derniers ne sont pas systématiquement les moins fidèles au texte d’origine : un copiste du XVe siècle (R, B ou C) aurait pu se servir directement de l’archétype (α) comme modèle. On considérerait dans ce cas que la filiation est anormale car la copie ne contient pas les erreurs ancestrales qu’elle devrait avoir220. Cette incertitude nous a poussé à collationner les témoins existants sur la base de critères objectifs afin d’aboutir à un classement susceptible de faire ressortir le témoin le plus fidèle à la pensée originelle de l’auteur. De plus, l’antériorité incertaine entre les manuscrits du XIVe siècle (N et L) ne pouvait que nous inciter à entreprendre une telle démarche. Pour des raisons pratiques évidentes, il n’était pas envisageable d’insérer dans la présente étude !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 217 Cf. supra, p. 60-82. 218 Cf. supra, p. 53-59. 219 Cf. supra, p. 44-52. 220

Pascale BOURGAIN, Françoise VIELLIARD, Conseils pour l’édition des textes médiévaux. III : Textes

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l’intégralité du relevé de plusieurs milliers de fautes et de variantes réparties dans les cinq versions. Toutefois, nous n’omettrons pas – chaque fois que le besoin s’en fera sentir – d’en extraire l’essence même pour étayer notre argumentation. La restitution partielle et très sélective de cette table des fautes et variantes dans l’apparat critique de l’édition du texte contribuera également à combler ce vide.

Avec cinq exemplaires connus, la tradition est relativement maigre. Mais cela ne retire pas son utilité à une tentative de rapprochement des manuscrits en fonction de leurs leçons communes. L’élaboration d’un stemma conçu à partir de la table des fautes et des variantes permettra de situer un manuscrit dans son arbre généalogique, voir s’il est copié sur un autre ou s’il est à l’origine des autres. On peut envisager qu’une telle classification révèle l’existence de groupes et aidera à choisir un manuscrit de base pour les besoins de notre édition.

Pour établir un stemma, il faut tenir compte de tous les renseignements et les analyser en fonction d’une réflexion globale, et non au fil du texte comme peut le faire l’apparat critique221. Ces renseignements sont principalement les fautes et les variantes signifiantes qui permettent de formuler des points irréfutables222 : des divergences communes à plusieurs manuscrits témoignent de leur parenté tandis qu’une leçon isolée dans une copie montre qu’elle n’a pas servi de modèle. Nous nous attarderons plus spécifiquement sur les bourdons223, les omissions de mot, les remplacements de mot par un autre, les barbarismes224, les additions (notamment pour expliquer des passages difficiles) voire les innovations… En revanche, nous mettrons de côté les inversions de termes ou métathèses, peu probantes à notre sens.

Globalement, nous verrons que le travail de collation des cinq manuscrits225 ne vient pas contredire les rapprochements mis en lumière par l’analyse des indices externes mais qu’il parvient au contraire à les conforter et même à les affiner en révélant l’existence de véritables groupes variants226. Tout en gardant à l’esprit que N a servi de témoin de référence, nous constaterons également que les fautes et les variantes sont !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 221 Id., p. 51-52. 222 Ibid., p. 54-55. 223

Omission de ligne(s) à cause d’un mot.

224

Mots inexistants ou passages incompréhensibles à cause d’une mauvaise lecture ou d’une faute de plume.

225

Le travail de collation s’est fait par rapport au témoin référence N qui nous paraissait initialement être le plus fiable de tous.

226

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sensiblement plus nombreuses dans R et C que dans L227. De son côté, le témoin B contient proportionnellement autant de fautes et de variantes que L mais l’absence d’une bonne partie du Livre I ne le rend pas plus fiable que R et C. La table des fautes et des variantes (qui ne s’attache à répertorier que les variantes textuelles ayant une incidence sur le sens et non les variantes graphiques) offre une vision plus complexe des rapports entretenus par les témoins.

Rapports de L avec N et RBC

L’étude des lacunes dans N et L démontre que α est probablement leur seul ancêtre en commun. Pour autant, quelles relations entretiennent-ils exactement ? Le recensement des fautes propres à L suffit à prouver qu’il n’a pas servi de modèle à N. Parmi elles, on trouve notamment de nombreuses omissions, quelquefois importantes. En voici un échantillon :

Références Omissions dans L

I, 1, 1, §5-6 om. et gouvernent vertueusement, li pueple subgés se conforme a euls par peeur ou par

amour, et se il se portent L.

I, 10, §1 om. quar c'est chose muable L. I, 20, §38 om. ont bien gouverné et liquel L. I, 27, §12 om. li roys L.

I, 28, §8-9 om. gouverner et mettre a point a ce qu’il puisse donner du sien et despendre L. III, 2, §11 om. de la rue a faire ses necessitez et l'une rue a mestier de l'autre L.

III, 33, §16 om. eust veues les circonstances du fait qu'il eust attrempee la loy. L.

En plus de montrer que N n’a pas pris L pour modèle, ces omissions témoignent aussi de l’indépendance de RBC vis-à-vis de L. Une autre série de fautes propres à L vient le confirmer. Il s’agit de lacunes dues à l’incompréhension du copiste :

Références Lacunes dans L

I, 20, §32 contre famines et defaus NRBC] contre famines. Et pour tant dit le proverbe commun qui est garniz si n'est honiz et defaus L.

I, 23, §5 bien soustenir le mal present NRBC] bien soustenir le bien present L.

I, 30, §15 quar se il amoit louanges NRBC] se il avoit louanges L.

I, 32, §17 peu les honeurs priser NRBC] peu les hommes priser L.

II, 24, §7 Si demanda la fille pour toutes graces NRBC] demanda la prison pour toutes L.

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227

Les chiffres offerts par la table des variantes et des fautes ne seront pas utilisés dans cette étude car ce document tenait compte d’éléments qui ne font pas partie des critères retenus au final dans la comptabilisation des variantes et fautes (ex : les interversions de mots). Toutefois, ils peuvent servir à donner un ordre d’idée des relations entre les manuscrits. Le nombre total de fautes ou de variantes répertoriées dans la table et concernant le sens même du texte (en excluant les variations graphiques) s’élève à plus de 950 dans L, environ 1600 dans R et 4050 dans C.

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III, 23, §15 commendement du prince NRC] commendement du principe, et L.

III, 28, §18 ne resister bien NRBC] ne reciter bien L.

III, 28, §22 cil qui firent les loix NRBC] ceuls qui si engis et les loys L.

III, 32, §11 l’an ne se decligne a un n’a autre NRBC] l’an ne se dedigne n’a un n’a autre L.

IV, 23, §3 a leur povoir la contenence NRBC] a leur pour la contenance L.

On ne considère pas ces lacunes comme des variantes parce qu’elles affectent le sens même du texte et nécessitent une correction. Il s’agit principalement d’erreurs de mémorisation (I, 23, §5 ; II, 24, §7 ; III, 28, §22) et de fautes de lecture (I, 20, §32 ; I, 30, §15 ; I, 32, §17 ; III, 23, §15 ; III, 28, §18 ; III, 32, §11 ; IV, 23, §§3). Mais L ne se caractérise pas que par ses lacunes et ses fautes. Certaines variantes textuelles, comme des additions, lui sont propres :

Références Additions dans L

I, 29, §12 et a point qu’il NRBC] et a point administreroit qu'il L.

II, 2, §5 en fust penduz NRBC] en fu par disposition nostre penduz L.

II, 5, §2 l’an doit supposer NRBC] l'en doit supposer et a ce doit l'an pluseurs choses considerer. L.

III, 24, §24 au profit commun que au particulier NRC] au profit de la communité. Et il doit plus tendre que au particulier L.

III, 31, §10-11

pour la voye despescher et tels choses ainsi differens NRC] pour la voie descombrer as despeschier et tels choses differens L.

Bien qu’elles restent rares et surtout peu signifiantes, ces variantes peuvent être qualifiées d’innovations heureuses228. Si le copiste de L est le seul à offrir ces leçons contre NRBC, l’origine de celles-ci ne lui est peut-être pas imputable et remonte à un autre modèle aujourd’hui disparu, mais non à l’archétype (α). Dans les deux cas, la volonté de l’auteur des variantes était d’améliorer le texte qu’il avait sous les yeux.

En définitive, les observations menées sur le manuscrit L – et la mise en évidence de nombreuses fautes propres – montrent que celui-ci est sûrement en fin de lignée. Il n’a servi de modèle à aucun des trois autres manuscrits et son copiste n’a pas non plus utilisé ces derniers comme supports. Le nombre élevé de fautes peut également signifier que L est plus « éloigné » de l’archétype que notre témoin référence N et qu’il est vraisemblablement une copie de seconde main. Si son modèle n’est ni α ni N, nous supposerons que le copiste de L s’est servi de β, possible copie de α. Nous avons effectivement vu que les fautes de lecture et les variantes signifiantes dans L étaient trop

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228

Pascale BOURGAIN, Françoise VIELLIARD (éd.), Conseils pour l’édition des textes médiévaux. III :

Textes littéraires, p. 34 : selon Pascale Bourgain et Françoise Vieillard, l’innovation heureuse est la

variante, c’est à dire lorsque le copiste pense améliorer son modèle, « soit pour la forme, soit pour le sens. »

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conséquentes et nombreuses pour en faire une copie de l’archétype. En toute logique, nous devrions en trouver moins dans N.

Rapports de N avec L et RBC

Il s’avère en effet qu’une consultation systématique de la table des fautes et des variantes permet de souligner la rareté de leçons isolées dans N. Pour autant, quelques lacunes ou innovations repérées ici ou là s’avèrent suffisamment significatives pour étayer nos précédentes conjectures sur les rapports entre N et L. Evoquons pour commencer les omissions :

Références Omissions dans N

Prol., §10 gouvernement quar il LRC] om. quar N.

I, 6, §7 homme qui est plus grant LRBC] om. est N.

I, 10, §28 faire bonne chiere LRBC] om. chiere N.

III, 1, §23 aus autres legiereté LRBC] om. autres N.

III, 11, §14 l'un peut estre vendu LRBC] om. estre N.

IV, 23, §6 om. ou chers environ le siege a fin que li assegé N.

À l’exception de la dernière occurrence, les omissions dans N sont sensiblement moins nombreuses et moins graves que dans LRBC. Pour autant, elles affectent le sens et la compréhension du texte, contre la volonté du copiste. Aucunes d’entre elles n’a été reproduites dans LRBC, ce qui nous conduit à penser – comme pour L – que N n’a pas engendré de copie connue. Cette observation est confirmée par le recensement de fautes propres à N :

Références Fautes propres à N

Prol. §6 auquel il tent LRC] auquel il tient N.

II, 1, §6 qui est sires de son courage LRBC] qui est surs de son courage N.

III, 4, §5 qui auroit autant de possessions LRBC] qui auroit autretant de N.

III, 19, §5 le service devant LRBC] le servire devant N.

IV, 9, §14 sojeites il voloyent se menuement LRBC] sojettes il vouloient se menuement N.

IV, 26, §14 vassiaus de terre LRBC] vassiaus de terte N.

De la même façon que pour L, des innovations malheureuses229 côtoient des innovations heureuses dans N, mais en nombre extrêmement restreint :

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229

Id., p. 34 : l’innovation malheureuse serait l’erreur que le copiste ignore involontairement (inattention ou faute de copie) ou qu’il transmet volontairement (face à un passage corrompu, il écrit quelque chose qui n’a pas de sens).

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Références Innovations malheureuses dans N

I, 12, §8 et aus malvais, quar LRC] et aus malvais aus homes, quar N.

III, 35, §18 ne decevence LRBC] ne ne decevence N.

Ces variantes isolées chez N sont ici assimilables à des additions. Certaines de ces variantes peuvent tout aussi bien être considérées comme des fautes de mémorisation ou de lecture de la part du copiste :

Références Fautes de lectures dans N

Prol., §3 qui parole NLR] qui parle C.

I, 13, §14 quar pour riens LRC] quant pour riens N.

Une présentation aussi sélective que celle que nous venons de faire suffit à mieux comprendre les rapports entre N et L. De toutes évidences, l’un et l’autre ne se sont pas choisis pour modèle. Les omissions et additions propres à chaque manuscrit en témoignent indiscutablement. Ces lacunes non partagées montrent également que R, B et C n’ont pas copié sur N ou L et que ces derniers sont donc en fin de lignée dans la tradition. On peut figurer ces rapports de la manière suivante :

Figure 1 – Rapports de NLRBC

Le peu de fautes et de variantes isolées repérées dans N nous poussent à croire que notre témoin référence est plus proche que L de l’archétype α. Il est même vraisemblable qu’il en soit une copie directe. On peut dès lors concevoir que L ait emprunté à un témoin intermédiaire, β, et qu’au moins deux couches d’erreurs et de variantes se superposent en son sein. Le témoin N peut assurément être confirmé comme étant un prototype parce qu’il est une copie de α, à la fois archétype et original de la tradition. L’autre manuscrit du XIVe siècle, à savoir L, peut aussi être assimilé à ce type de témoins, en dépit de sa fidélité moindre.

α N L R B C XIVe s. XVe s.

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Traits communs à RBC

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Les indices externes évoqués plus haut faisaient de R, B et C un groupe de manuscrits que l’on a qualifié de « dérivés ». L’étude des rapports entre N et L a démontré d’une manière détournée que ces trois témoins n’avaient pas de liens de parenté directs avec R, B et C. Dans ces circonstances, il convient de situer ces derniers le plus précisément possible dans la tradition. Pour commencer, procédons au recensement des fautes et variantes signifiantes propres au groupe RBC. Parmi elles, plusieurs omissions importantes :

Références Omissions dans RBC

I, 20, §49 om. les devant dictes choses, l'an doit dire qu'il ne se scet RBC. I, 25, §12-13 om. ceste, quar pourtant que boire et manger est RBC.

I, 25, §24 om. et cilz mesmes qui sont en estat de mariage RBC. I, 33, §5 om. de mal et trop RBC.

II, 12, §6 om. si comme il puet aparoir par trois raisons RBC. III, 2, §8 om. a la plus parfaite RBC.

III, 28, §17-18 om. sont ostees et ostee paix et concorde RBC. IV, 12, §9 om. quar il ne la veioient pas, si furent desconfit RBC.

Les omissions communes à RBC – pour la plupart des bourdons (I, 20, §49 ; I, 25, §12-13 ; III, 2, §8 ; III, 28, §17-18) – sont suffisamment nombreuses et conséquentes pour pouvoir affirmer qu’ils n’ont pas servi de modèles à NL. À ces omissions confondantes s’ajoutent une multitude de fautes communes230 très localisées, principalement dues à des erreurs de lecture ou de compréhension du copiste :

Références Fautes communes à RBC

I, 17, §8 mais ont remplie toute crestienté d’eglises NL] mais ou temple de toute crestienté d'eglises

RBC.

II, 23, §19 et restraignent en euls NL] et estraignent en eulx RBC.

III, 16, §4 manieres de noblesces NL] manieres de nobles RBC.

IV, 4, §20 gisent durement NL] gisent longuement et durement RBC.

On trouve également de nombreuses variantes textuelles et innovations heureuses inhérentes à notre groupe de manuscrits « dérivés » :

Références Innovations heureuses dans RBC

I, 18, §15 en l’Escripture NL] en la saincte Escripture RBC.

II, 6, §3 en enfantant et perillent plus souvent NL] en enfantement et perissent R, en enfantant et perissent plus souvent B, en l'enfentement et perissont plus souvent C.

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230

Comme pour l’étude des rapports entre N et L, on ignorera ici les nombreuses interversions de mots communes à R, B et C.

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II, 11, §4 muable complexion et NL] muable condicion et RBC.

II, 23, §19 et restraignent en euls NL] et estraignent en eulx RBC.

IV, 8, §10 si est grant NL] Si est tres grant RBC.

Certaines occurrences ne sont que des témoignages de la volonté toute naturelle des copistes à rajeunir leur texte. Le principe de « diasystème » du scribe s’applique notamment lorsqu’il s’agit de transformer « envis » en « a paine » (I, 25, §11 et IV, 8, §9) et le verbe « envaÿr » en « assaillir » (IV, 8, §9 et IV, 17, §11). D’autres, en revanche, sont de véritables interpolations qui modifient – même imperceptiblement – le sens du texte original. Ainsi, sous la plume des copistes R, B et C, les anciens « se contraignent et estraignent en eulx » alors qu’il « se contraignent et restraignent en euls » dans NL (II, 23, §19). Enfin, quelques additions communes permettent de compléter l’analyse des rapports entre NL et RBC :

Références Additions dans RBC

III, 1, §15 leur poil NL] leur groux poil R, leur groz poil B, leur gros poil C.