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De l’écoute des jeunes à l’observatoire

2.1. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT

La ligne est ouverte tous les jours de huit heures à minuit. L’équipe est composée de trente- cinq écoutants, médecins et psychologues pour la grande majorité (des juristes commencent à faire leur apparition sur la ligne suivant l’évolution des appels et sollicitations des appelants- internautes) et d’une équipe d’encadrement administrative et clinique. Les données recueillies sont régulièrement analysées par un médecin épidémiologiste.

Des réunions hebdomadaires animées par deux psychiatres psychanalystes supervisent la pratique des écoutants. Un conseil scientifique se réunit trois fois par an. Ce conseil scientifique est constitué de personnes reconnues dans le domaine de la santé des adolescents (Ph, Jeammet ; A, Braconnier ; M, Choquet ; Ph Gutton ; D, Marcelli ; X, Pommereau ; C, Spitz…).

Initialement, tous les écoutants reçoivent une formation sur la physiologie de la reproduction, la contraception et les Infections Sexuellement Transmissibles, la sexualité, la contraception et son évolution, la gestion de situations de crise (tentative de suicide, fugue, viol…) et s’informent régulièrement des diverses possibilités d’accueil (au niveau national) pour les jeunes en fonction de leur problématique et de leur demande. Chaque écoutant bénéficie également de vingt heures de formation en double écoute. Ce qui permet aussi de connaître les différentes structures départementales vers lesquelles orienter les jeunes. La formation Internet a lieu dans un second temps. Les écoutants-rédacteurs se réunissent six heures et demie par mois pour l’analyse de la pratique, la rencontre avec des professionnels du réseau partenaires, avec des spécialistes de l’adolescence, ou sur des thèmes particuliers.

Des entretiens d’évaluation ont lieu une fois par an à partir d’un questionnaire d’autoévaluation rempli avant l’entretien, puis dans un deuxième temps, ils sont écoutés pendant quelques appels, ce qui est évalué avec un second questionnaire. Il s’agit de décrire « plus finement l’activité et d’apprécier le positionnement des écoutants par rapport aux demandes des appelants tout en satisfaisant aux objectifs de la ligne » (document présentation Fil Santé Jeunes, 2007).

A son arrivée, chaque écoutant se voit remettre un livret comprenant :  l’histoire de l’association,

 les conseils pour remplir le masque de données informatiques ou intervenir pour valider et/ou rédiger sur le site,

 la procédure de transmission d’urgence mise en place avec le SNATED (119),  la définition du signalement d’un mineur victime de maltraitance,

 la procédure à respecter en cas de crise suicidaire ou sortie d’anonymat,  une fiche sur la contraception d’urgence et les oublis de pilule,

 une fiche de risque d’exposition au VIH (dans les 48 premières heures),

 une fiche à propos du traitement des appels somatiques : décryptage, diagnostic et prescription impossible,

 une fiche sur l’accès aux soins,  la charte déontologique.

Ce livret leur permet de trouver des repères, des indications quant aux diverses procédures, aux divers aspects de l’activité, à la manière dont ils doivent se positionner, répondre et intervenir. Ce livret complète leur formation à la sexualité et contraception et la double écoute. Composés de fiches, il permet aux professionnels de les consulter et de s’y référer. Pour les personnes qui débutent c’est un outil précieux. Les informations, connaissances et protocoles à retenir, sont nombreux, ce livret les rassure, il leur permet de vérifier et appliquer les diverses tâches qui se présentent à eux. A titre d’exemple, les premières annonces de tentatives de suicide sont particulièrement déstabilisantes. Ce livret a aussi la fonction de rassurer, d’expliquer comment y faire face.

Une base de données permettant l’orientation des appelants est mise à jour quotidiennement à partir de fichiers fournis par les diverses structures et associations du territoire.

Du point de vue de l’organisation du travail, la situation de l’écoutant est la suivante : un professionnel (psychologue, médecin, conseiller familial et conjugal, juriste) entouré d’autres professionnels, dans la même situation que lui, avec un casque, équipé d’un micro, sur la tête, relié à un téléphone et à un écran d’ordinateur, sur lequel chaque appel déclenche un masque de saisie de données (le traitement des courriels est géré par le professionnel quand il se connecte au serveur) concernant l’appel, et qui, une fois renseigné (à partir de ce qu’en dira le professionnel), alimentera l’observatoire national concernant « les difficultés des jeunes en matière de santé ». Durant cinq heures et vingt minutes, les appels se succèdent : appels dit « à contenu », blagues, injures, insultes, situations de crises, demandes de conseils, erreurs. Le professionnel « branché » est hors du temps, calé sur le rythme et la succession des appels. Pour l’activité de « rédacteur », cette configuration est un peu différente en ce qui concerne le rythme et la nécessité du « branchement ». De loin, la situation semble moins aliénante, mais plus décalée et tout autant, voire plus atypique, puisqu’il n’y a de plus de l’autre que sa trace tapuscrite.

Partageant le même espace, (cf. Tableau 3, p 47) les professionnels sont dans un bain sonore, une ambiance feutrée, propice aux constructions imagées, aussi réelles et créatrices que métaphysiques et nécessaires. L’équipe fonctionne en « vase clos », caché, et anonyme par nécessité. (…). L’équipe est organisée en fonction des disponibilités de travail de chacun des professionnels qui ont, pour la plupart, une ou plusieurs autres activités à l’extérieur ou pour l’EPE. A chacun ses jours et heures de travail selon son emploi du temps professionnel. Ainsi, généralement, cinq à dix professionnels travaillent ensemble en téléphonie dans une salle qui leur est réservée, organisée en open space ouvert, par roulement (matin, après midi, soirée, week-end…). Tous se voient, tous s’entendent. L’activité internet se passe dans une autre pièce attenante et ouverte, avec entre deux et quatre professionnels dans un même espace. Les professionnels se croisent et ne se connaissent pas tous : ceux du soir, ceux du week-end, ceux du mercredi (…). Les écoutants-rédacteurs échangent entre eux que ce soit pour leur activité professionnelle ou pas.

C’est une composante, une nécessité de l’activité, en particulier lors d’appels ou courriels difficiles nécessitant un regard pluriel, et même un travail à plusieurs, lors des situations de crises, nécessitant une « sortie d’anonymat » (protocole précis et réglementé s’inscrivant dans le cadre légal d’assistance à personne en danger avec communication et accord d’un des responsables d’astreinte), l’évaluation d’une situation d’urgence, ou plus simplement une demande de renseignement à un collègue « spécialisé ».

A l’issue de ces situations particulières, une fiche d’évaluation est renseignée par l’écoutant qui a géré l’appel. Ces situations mobilisent particulièrement l’équipe et les plus anciens permettent un étayage.

Tableau 3.