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Extrait Tableau analyse de contenu thématique d’entretien.

3. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS C’est par une immersion dans chacun des entretiens afin d’en identifier le fil conducteur et de

3.2. UNE ACTIVITE « mobilisante-démotivante »

L’activité se réalise à partir des particularités du dispositif à distance, des contraintes, avantages et incidences technologiques et humaines auprès d’une population « en mouvement ». Nous présentons ici les résultats de l’analyse de cette première dimension. À Fil Santé Jeunes, les échanges professionnels sont concentrés sur les adolescents, sur leurs propos, sur les évolutions du dispositif pour s’y adapter et être au plus près de leurs préoccupations, de leurs tendances et de ses évolutions. Ils sont ceux pour lesquels travaillent les professionnels, bien que la mobilisation soit en demi-teinte.

Les aléas de cette forme de « contact » laissent opérer une bascule entre une forte motivation et mobilisation sur certaines situations (appels et courriels à contenu) et une forte démotivation, voire même une usure dans les situations les plus courantes, répétitives et d’attentes d’échange « à contenu ». Ainsi les propos des professionnels expriment cette mobilisation qui alterne avec une démotivation.

Les résultats sont organisés en cinq points :

1. Le contexte fixé par une double mission interministérielle dans un cadrage institutionnel. Il nécessite un mouvement d’intégration-apprentissage-appropriation- détachement qui s’effectue avec les années d’expérience.

2. Le rapport à la population adolescente. Celle à laquelle s’adresse le dispositif. Il s’agit d’identifier son influence, de la connaître, de la reconnaître avec les limites et les évolutions du contexte.

3. Les particularités de l’activité à distance, s’organisant en « collectif », dans un open- space ouvert. Particularités qui nécessitent d’élaborer des techniques spécifiques, collectivement et singulièrement.

4. Les habiletés professionnelles, les techniques spécifiques, parfois surprenantes, et qui évoluent y compris dans le registre émotionnel et qui suivent le rythme des évolutions socio-technologiques.

5. Les représentations imaginaires et l’imaginaire qui deviennent une nécessité, pour partie, de l’exercice de ces télérelations, et qui doivent être « apprivoisés ».

Le cadrage institutionnel : mission et actions

Les professionnels mettent en avant le cadrage dans lequel ils doivent évoluer : le respect des règles posées par la mission nationale, l’anonymat et le non-suivi comme principes des échanges, les prescriptions qu’ils doivent respecter, l’utilisation des outils de communication avec une augmentation de l’activité internet et une baisse de la téléphonie. La description est sensiblement différente selon l’ancienneté.

« On a beaucoup de restrictions liées aux exigences de l’Inpes » (entretien 4, annexe D).

Ils commencent par rappeler une de leur mission, celle de l’observatoire. Ils attribuent une place importante à l’Inpes, nommé à plusieurs reprises, de manière explicite et implicite, avec une fonction « d’influence », « d’exigence », sur la façon de travailler et de développer les techniques de travail.

« Le contexte est particulier parce qu’on travaille pour l’Inpes donc on a un rôle informatif qui déclenche des réponses automatiques par rapport au cadre imposé par l’Inpes. C’est paradoxal de donner des réponses à la question et passer à côté de ce qu’on est censé faire… On donne des réponses toutes faites, mais on n’a pas le choix, alors on doit se remobiliser et être plus à l’écoute. Au niveau du Net aussi dans le sens où il ne faut pas donner de contenu trop cru » (entretien 1, annexe B).

Le cadre d’intervention posé est celui de l’anonymat et du non-suivi, privilégiant l’appel unique.

L’anonymat permet de tout dire y compris du « non-sérieux » et vient « percuter » le professionnel, psychiquement. Il est valorisé parce qu’il permettrait de livrer l’intime :

« L’anonymat et la distance peuvent révéler les confidences et les choses cachées, et tester une hypothèse de soi-même sur les autres » (entretien 27).

« Il permet une plus grande expression, plus libre » (entretien 6).

Le « non-suivi » qui est quant à lui intégré, mais qui n’est pas toujours compris et même dans certain cas, qui est dénoncé. C’est une volonté institutionnelle qui demande une certaine adaptation.

« Ce qui provoque la rapidité du traitement de la demande avec efficacité, on va droit à l’essentiel » (entretien 5).

En même temps, cette adaptation est le signe pour certains :

« D’une amputation à ne pouvoir avoir à nouveau les personnes au téléphone qui donne le sentiment d’être éloigné du métier » (entretien 4, annexe D).

Ainsi l’anonymat, l’accès à l’intime, les appels d’urgence, sont valorisés, et apparaissent comme une des forces du dispositif alors que le « non-suivi », décidé par la ligne, est critiqué. Les réponses sont sensiblement différentes en fonction de l’ancienneté :

 Entre un mois et deux ans d’expérience, les professionnels parlent de « répondre » et de « recevoir » les appels, les sollicitations.

 Entre deux ans et huit ans d’expérience, ils parlent plutôt d’« accueillir », de « coordonner » pour décrire leur activité, par téléphone et par internet, et catégoriser les appels et les courriels.

 Ceux qui ont entre cinq ans et quatorze ans d’expérience parlent de « ressentir », « d’écouter », de « réfléchir », de « coordonner », ils sont dans « de l’écoute en recherche de sens », et ont le sentiment de se détacher de la relation aux adolescents en s’inscrivant dans quelque chose de plus évanescent, qui disparait, qui serait fugitif. Alors que ceux qui ont le plus d’expérience sont dans le « ressenti » de l’activité et de la relation, les « débutants » mettent en avant le fait de devoir « avaler » un nombre important de connaissances, y compris concernant l’utilisation de la « base de données ».

Après avoir annoncé le cadre de leur mission, ils dressent un catalogue détaillé des diverses activités que comporte leur fonction dans le dispositif (informer, écouter, orienter, faire de la prévention, répondre au téléphone, aux courriels, animer une séance sur Habbo…) et précisent le cadre d’intervention posé par l’institution.

Dans le détail de la description de leur travail, ils font état des deux catégories de sollicitations :

 Les appels « sérieux »,  Les appels « non sérieux ».

Ces deux catégories ne les mobilisent pas de la même manière et n’amènent pas le même discours. Plusieurs d’entre eux parlent de « trier la demande » et les moins expérimentés tentent même de vérifier si l’échange est « sérieux ».

« Il faut vérifier pour ne pas se faire avoir » (entretien 9).

L’activité nécessite des connaissances indispensables et spécifiques, qui doivent être régulièrement actualisées, ainsi qu’une constante adaptation aux évolutions technologiques, organisationnelles et à l’intégration de l’actualisation de la base de données.

Les professionnels en début de carrière font surtout état de la masse d’informations et de connaissances à engranger.

« Des connaissances et des informations très pointues sur la sexualité, la contraception » (entretien 7).

Dans le même temps, ils mettent l’accent sur les limites de l’aide par télérelation, qui ne peut remplacer une relation en face à face, qu’il s’agisse ou pas d’une thérapie. Les évolutions qu’ils entrevoient sont tournées vers deux directions :

1. vers l’extérieur avec une extension de la durée de fonctionnement, de l’écoute, des populations, des améliorations technologiques,

2. vers l’intérieur avec une réflexion interne, une recherche sur l’amélioration de l’aide à apporter.

L’utilisation de l’outil Internet est en augmentation et se développe alors que la téléphonie s’essouffle et doit s’améliorer.

« Il parait que les chiffres sont en baisse, que le téléphone est moins utilisé, moi je ne pense pas qu’il puisse mourir un jour » (entretien 15).

« Internet a pris le dessus mais le téléphone reste indispensable, au téléphone on a quelqu’un, même si la personne n’est pas en face » (entretien 20).

Cet état de fait engendre des craintes de pertes d’emploi et des aspirations à évoluer vers l’internet.

« On dit que c’est difficile en ce moment pour la téléphonie sociale » (entretien 5). « Le téléphone ça risque de mourir, en tout cas dans sa forme actuelle. C’est une préoccupation professionnelle pour moi » (entretien 10).

« Pour pouvoir continuer, il faut pouvoir travailler sur la qualité, la créativité et se donner les moyens de pas rentrer dans une routine » (entretien 13).

L’évolution des télérelations et les évolutions technologiques dans le travail d’aide à distance du sujet sont acquises.

« Ça devrait évoluer vers une plus grande amplitude horaire et disponibilité. Il y a vraiment besoin d’écoute » (entretien 2).

Le risque serait d’aller vers quelque chose de formaté, de moins humain, de plus technologisé, de plus distancié.

« Ce qui me ferait peur éventuellement c’est qu’on arrive à quelque chose de formaté où les compétences professionnelles seraient pas forcément mises en avant comme les plateaux téléphoniques où tout le monde peut s’interchanger. Le risque serait d’arriver à une écoute uniforme et donc un risque de déshumanisation » (entretien 18).

Tous n’ont pas la même opinion de la portée des relations à distance. Ce sont les plus expérimentés qui en font l’éloge :

« Moi je pense qu’elles sont amenées à évoluer mais je suis pas sûre que toutes les personnes qui travaillent au téléphone soient tout à fait conscientes de la portée et de l’importance que ça a et de l’étendu des domaines dans lesquels on peut aider. Quand les professionnels seront dans cette conscience-là, les personnes y auront recours différemment. C’est nous qui pouvons en faire quelque chose de plus accessible et ce n’est possible que par la prise de conscience qu’on a de l’outil qu’on a pour aider » (entretien 4, annexe D).

La diminution de l’activité en téléphonie reste une préoccupation pour les professionnels qui s’interrogent sur les moyens à mettre en place pour la faire évoluer. Leurs propositions d’évolution sont les suivantes :

 ouvrir la ligne à d’autres catégories de personnes,  proposer d’autres services,

 réduire les problèmes techniques tant sur la ligne que sur le site,  être présent sur les réseaux sociaux,

 développer des espaces virtuels de parole,  permettre une durée d’entretien plus importante,  proposer un suivi ponctuel et cadré,

 avoir la possibilité de rappeler les appelants.

Tout en travaillant avec les outils modernes de communication, ils n’y sont pas spécialement favorables en raison des limites qu’ils identifient :

« Ce qui est dangereux c’est qu’on donne des informations et on sait pas comment les personnes les reçoivent, et plus on réduit la relation d’un point de vue sensoriel et d’un point de vue de l’anonymat, et plus on coupe de choses, ça peut être dangereux. Ce qui doit se développer c’est des relations avec des gens réels qui peuvent être là dans la proximité, pas dans un appel national » (entretien 23).

Dans le même ordre d’idée, plusieurs écoutants-rédacteurs sont encore hostiles aux échanges par internet :

« Je trouve qu’internet c’est pas un bon outil, c’est de la fausse relation, c’est pas du tout contrôlé, c’est pas contrôlable. Je trouve que c’est assez dangereux, c’est un peu du voyeurisme pour moi et je sais pas si ça aide réellement les jeunes. Le téléphone c’est un bon moyen qui permet un premier contact avec un professionnel, mais internet ça empêche de penser » (entretien 20).

Les professionnels débutants en télérelations expriment ces réticences.

D’autres plus expérimentés (plus de cinq ans d’activité) qui étaient hostiles au départ, demandent aujourd’hui à y participer. Avec l’expérience, ils se détachent de ce qui leur paraissait auparavant fondamental dans l’exercice de leur métier.

Travailler sur internet est une activité décrite comme moins aliénante, en constante évolution, et sur laquelle se fixe l’attention des responsables au regard de :

 son utilisation massive par les populations ciblées,  sa modernité,

 et les zones d’incertitude qui restent à éclaircir pour comprendre ce qui s’y passe et comment l’optimiser.

Cette activité est plus valorisée à l’heure actuelle que l’outil téléphone, au regard de sa baisse de fréquentation et de l’évolution des communications qui privilégie « la communication par écran interposé ». Les professionnels qui débutent ne peuvent y accéder. Il leur faut acquérir une expérience significative au téléphone pour « comprendre et intégrer » la parole Fil Santé Jeunes.

Au fil des années, nous avons constaté, qu’après une certaine hostilité, les professionnels se mobilisent peu à peu sur internet. S’agit-il d’une conformisation ? D’une professionnalité nouvelle ? D’un besoin de reconnaissance ? D’une réduction du stress au regard de ce qu’ils évoquent, le téléphone étant plus stressant, plus aliénant ? Ou de manière plus pragmatique, une crainte de perdre son emploi en téléphonie ?

Un dispositif destiné aux douze-vingt ans

L’activité évolue et s’adapte à la population ciblée par le dispositif : les adolescents et jeunes adultes qui eux, suivent et même précèdent les évolutions technologiques. Les professionnels sont dans l’obligation de s’adapter à leur langage, à leurs modes pour comprendre ce qu’ils abordent et ce au-delà d’une compréhension des problématiques l’adolescentes. La compréhension doit être rapide pour permettre l’échange, et en même temps il est nécessaire de synchroniser ce niveau de compréhension avec la double mission et leurs préoccupations :

« Sinon aux adolescents ça risque de plus leur parler. Même si leur questionnement finalement il reste assez intemporel avec des questions actuelles ici ou là » (entretien 5). « Je trouve qu’on est en perpétuel mouvement. Enfin on s’arrête jamais sur ce qu’on a fait ! Ça bouge tout le temps, tout le temps, tout le temps ! Et sur internet c’est déjà plus la même façon de travailler qu’il y a deux ans. C’est un matériel, un outil qui bouge tellement aussi, qu’on est obligé de bouger. C’est plusieurs mouvements, y’a le mouvement des adolescents, y’a le mouvement des nouvelles technologies et nous on est obligé, enfin je pense que c’est super important de vraiment s’adapter, de surfer sur les mêmes technologies que celles qui touchent les adolescents pour qu’on puisse avoir un plus grand impact en fait » (Entretien 13).

Le dispositif s’adresse à eux avec l’idée de faire de la prévention et de l’orientation. Les questions que se posent les adolescents peuvent nécessiter de les aider à cheminer vers une

consultation ou vers une orientation (sous entendue vers un psychologue, un psychiatre, une assistante sociale, un médecin…) mais ce n’est pas toujours le cas. L’information reste une constante et une nécessité fondamentale face aux doutes, au manque d’information, de connaissances et de réponses erronées à l’adolescence. Cette information est d’autant plus importante dans une société où elle est mondiale, rapide, virtuelle, et dont la provenance, au travers d’internet, peut être « douteuse ».

Les connaissances en psychologie de l’adolescent sont à intégrer pour les accompagner. Au travers de leurs questions, ce sont celles de l’identité et du narcissisme, qui se posent. Avec les jeunes qui appellent, l’habileté doit être alimentée par une connaissance des comportements entre normalité et pathologie.

« Les jeunes sont soit très inhibés soit dans la défiance. Il faut trouver des subterfuges, des trucs face à leurs comportements » (entretien 19).

Le travail à Fil Santé Jeunes demande des connaissances spécifiques à cette population, et qui sont alimentées par d’autres activités avec des adolescents à l’extérieur.

« Les adolescents n’ont pas forcément envie d’aller voir un psychologue et je pense que c’est un premier contact, c’est une ouverture de parole. Mon but c’est de leur permettre d’enclencher quelque chose. Ce que j’aime ici c’est qu’on les oriente vers » (entretien 1, annexe B).

Les professionnels tentent de les rencontrer y compris dans les transports en commun afin de nourrir l’imaginaire de leur activité, et peut-être même, de vérifier l’adéquation entre ce qu’ils entendent et ce qu’ils constatent.

« Ça permet d’être au courant de tout ce qui peut être proposé aux jeunes » (entretien 1, annexe B).

L’activité auprès, et pour, des adolescents, nécessite d’être dans un mouvement constant d’adaptation aux mouvements adolescents.

« Tout le boulot avec les jeunes c’est qu’ils soient en mesure de le vouloir pour eux- mêmes » (entretien 25).

Cadre spécifique du travail en télérelations

Le cadre du travail dans un dispositif de télérelations est composé :  de l’appréhension des outils de communication,

 d’une organisation spécifique du travail,

 de l’attente de la population ciblée.

Ces quatre premiers éléments préconisent une organisation particulière en open-space. C’est nécessairement en comparaison avec ce qui est déjà connu et pensé que les particularités sont apparentes. Le modèle de référence reste la relation d’aide dans un contexte de face à face « isolé ».

L’utilisation des deux outils de communication comporte des différences, les relations n’y sont pas traitées de la même façon. Les échanges par téléphone s’expriment à près de quatre- vingt pour cent sur le mode de l’insulte et de la plaisanterie. Ces échanges sont diversement appréciés par les professionnels qui ne les intègrent pas toujours à leur activité, bien qu’ils les subissent incontestablement. Ils sont abordés de manières différentes selon les personnes et les situations.

En téléphonie les bruits, la voix, la respiration, les silences remplacent la présence humaine. Ces éléments du corps sont totalement absents sur internet.

Il s’agit alors de trouver d’autres repères à la relation humaine. Les échanges par internet comportent quant à eux la particularité d’un échange différé ou asynchrone.

Ces particularités ont une incidence sur le travail effectué. Nous imaginons la gymnastique mentale et le combat contre une aspiration à machiniser le contact avec des phrases préétablies pour « faire-face » aux effractions psychiques répétées. La télérelation est une pratique, qui bien qu’elle soit médiée par les outils de communication, est aussi basée sur l’intuition, sur l’identification des silences et la rapidité mentale afin de permettre l’échange. Ce qui est vécu comme des « manques », sous-entendu de la présence humaine, suppose d’autres manières de travailler, avec de nouvelles techniques et une construction de repères contextualisés, mais aussi des modifications sensorielles, corporelles et psychiques.

Le peu de recul de cette activité récente provoque une comparaison avec ce qui est connu : la relation de face à face. Les différences comparées en télérelations sont nécessairement à identifier puis à appréhender. La plus saillante restant l’impossibilité d’agir.

Ils expriment un sentiment de déshumanisation, d’automatisation provoquée par l’utilisation exclusive et répétée des Tices, et qui plus est, dans un contexte d’aide. Certains détournent cet aspect plutôt négatif pour en tirer profit dans certaines situations.

Par exemple, ils rédigent des phrases automatiques, en fonction des appels qui les « retournent » ou des réponses type. La phrase « automatique » est utilisée au téléphone pour se mettre à distance de « l’impact insulte » et se reconcentrer sur leur mission, en détournant l’insulte pour tenter d’accéder à un appel propice à l’échange.

« Il y a des réflexes liés à l’informatique et au téléphone, ce qui est problématique. Nos réponses sont très mécanisées » (entretien 1, annexe B).

« Oui et maintenant avez-vous autre chose à dire ou à demander ? (entretien 26)

Les outils de communication présentent également des différences dans l’approche et dans ce qui est exprimé. Les silences, la respiration, les soupirs sont des éléments particuliers à la téléphonie. Ces éléments de corporéité sont importants dans ces échanges anonymes, à distance, sans autres éléments que ce qui peut être entendu. Ils nécessitent une compréhension et une interprétation. Ils sont différents des silences en face à face, parce que les mouvements du corps qui les accompagnent, les ponctuent, sont absents :

Dans l’échange par internet, l’absence de la voix, élément du corps, supprime un peu plus la réalité humaine qui n’est plus véhiculée que par la machine :

« Ça dit d’autres choses et ça évite que chacun de son côté fantasme l’autre. Le téléphone y’a encore de la réalité, pas internet. On perd le contact en imaginant l’autre mais pas au téléphone. Sur le Net on se parle à soi-même. Pour nous c’est compliqué parce qu’on peut pas rattraper le décalage de ce qu’on veut transmettre. Sur Habbo on reste en surface. On sait pas quand il rougit alors qu’au téléphone on peut l’entendre »