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Hoffmann ou le temps mythique

C- III-Conclusion (réexposition) : Auprès de l’opéra de Berlin

II.4. Ordres des motifs

Il s'avère que l'étude approfondie des motifs donne une réponse satisfaisante à cette interrogation. Considérons, le premier récit en tant qu'entité analysable pour elle- même. On distingue alors aisément deux types de reprise: celles qui s'apparentent plus à une répétition parce qu'elles sont quasi immédiates, d'autres prenant plutôt l'aspect de récurrences.

II.4.1. Répétitions

Font partie des reprises en tant que répétitions le mugissement des vagues de la Baltique et le sifflement du vent la nuit. Ainsi, « Imaginez le calme de la nuit, dans le grondement sourd de la mer, l'étrange sifflement du vent de la nuit »P.11

Réapparaît une page plus loin non plus comme élément du décors mais lors de la première scène d'apparition surnaturelle (Chair de poule):

... Et dans le même instant jette la lune soit pleine lumière sur le portrait d'un homme très sérieux, presque inquiétant pour être

considérée, et comme sâusle sa voix d'avertissement par le

rugissement plus fort des vagues de l'océan, par le coup de

sifflet strident du vent de la nuit.1

Cette reprise immédiate signifie, au sein de l'univers irrationnel du récit, la confirmation d'un sombre pressentiment par l'intermédiaire des éléments naturels. Ils sont en effet propices aux effrois nocturnes.

La reprise immédiate est aussi facteur de cohésion du texte lorsque l'évocation est directement suivie de la représentation dans les faits. A la page 22, la gouvernante de Seraphine fait allusion aux sons discordants des instruments joués par les musiciens ambulants:

Et m'a demandé si je savais alors, depuis des temps immémoriaux dans le château a pas d'autres instruments ont été entendus comme trompettes, déplorant la jubilation de Horner poussif et violons rauques, les piqûres désaccordées, bêlant hautbois musiciens itinérants1.

Deux pages plus loin, la reprise par l'auteur, dans la mesure où il souligne la première occurence du motif: " Musiciens .Jene avec les violons rauques, avec la Bassen désaccordé et les hautbois bêlant, parlé de Miss Adelheid étaient arrivés à

savoir"2. C'est à l'évidence une lourdeur de style, mais la répétition crée en même temps une petite unité thématique participant à la structuration du récit.

Parfois, il n'y a plus que quelques lignes d'intervalle entre le motif et sa reprise: c'est le cas quand Theodor s'évertue à accorder le vieux pianoforte qu'on s'est procuré pour faire de la musique digne de ce nom.

II.4.2. Récurrences

Le mode de composition du Majorat peut se résumer ainsi: un motif donné du récit enchâssé subit divers avatars (à l'instar de la variation sur un thème musical, Nous aurions tout aussi bien pu employer le mot "thème" à chaque fois, mais en littérature il

1 Le Majorat, p.22.

renvoie à la thématique, ce qui crée éventuellement un malentendu. En effet, les motifs que nous étudions sont indépendants de la thématique du Majorat, même s'ils n'y sont pas étrangers. "Tempête" situe l'action dans une contrée qui se prête aux histoires de fantômes) mais ce qu'il advient de lui est corrélatif de la marche de l'action. D'autre part, au bout d'un certain temps, il entre en contact - formant comme une sorte d'accord - avec un autre motif du second récit et l'euphonie est alors lourde de sens.

Enfin, au détour d'un méandre de sa voix, ce dit motif évoquera toujours l'une des voix principales du récit-cadre, créant une corrélation suffisante entre les deux histoires enchâssées pour que soit réduit le désordre de la narration.

On a donc en définitive une triple relation contrapuntique: celle qui se situe à l'intérieur du récit 1, celle qui est inhérente au récit 2, et celle qui consolide l'enchâssement des deux histoires.

En ce qui concerne cette troisième relation, la reprise des motifs sert à enjamber la rupture entre les deux histoires. Au niveau de la compréhension superficielle du récit, la convergence entre les deux histoires n'intervient que tardivement dans le nouvelle: le baron est parti en voyage, le jeune Roderich accepte avec enthousiasme de passer quelque temps au château parce qu'il sait que la femme et la fille du baron y séjourneront aussi. Or, l'on apprend que la fille du baron n'est autre que Seraphine - héroïne du premier récit - et que le jeune Roderich est amoureux d'elle. Le lecteur réussit alors à raccorder les deux histoires en se disant que le jeune Roderich du second récit doit être le baron antipathique à Theodor dans l'histoire-cadre.

En fait, toute l'habileté d'Hoffmann dans cette composition repose sur un principe auquel il ne déroge jamais: toute reprise dans le récit enchâssé s'accompagne

automatiquement d'une allusion au récit-cadre sur le mode symbolique, tant et si bien qu'on peut parler à juste titre de polyphonie.

Un seul exemple suffit à en donner une excellente illustration, c'est " Tempête ". On le trouve dès la première ligne du second récit, il est là pour camper l'atmosphère. A la page 50, il accompagne la première découverte de la tour écroulée

Enfin, Dans le Majorat, E.T.A. Hoffmann travaille son écriture. Il s'agit tout d'abord de l'insertion d'un récit dans un autre. l'aspect novateur de l'étude psychologique que pour sa composition quelque peu déséquilibrée et cahotique. Il réussit avec le Majorat à concilier un récit fantastique et une composition assez réussie grâce à un

changement radical de point de vue lors du passage au second récit. Ce changement pourrait nuire à la tonalité d'ensemble mais il est compensé par la permanence des motifs directeurs.

Sur la base de deux thématiques hétérogènes (le déclin d'une lignée aristocratique et une histoire sentimentale centrée sur l'amour de la musique), il crée une configuration dans laquelle le thème du 'revenant' sert d'artifice à la cohésion globale.

Pour autant, notre étude s'est intéressée, dans une certaine mesure, à une partie des phénomènes qui pouvaient être issus de la musique, d'autant plus que la relation amoureuse entre Theodor et Seraphine s'instaure sur une passion commune pour la musique.

A travers l’écriture d’Hoffmann nous assistons à une forme d’écriture rhapsodique : une écriture variée, changeante, déroutante certes, mais dont la lecture exigeante finit par dévoiler la cohérence. Voilà pourquoi il est possible d’affirmer qu’avec son écriture romanesque, Hoffmann, d’une certaine manière, a continué à composer, à écrire de la musique, pour ainsi dire : il « raconte-en-musique », et a

fusionné dans le temps de l'histoire contée, le romantisme et le temps fictif des sentiments. Le temps romanesque sera celui de sa musique et de sa vie.

Chapitre III :

Proust, ou la