Chapitre II . Méthodes et outils d’analyse
2.2 Outils d’analyse de la structure électronique
2.2.2 Les orbitales naturelles localisées
a) Orbitales et charges atomiques naturelles
Les NAO
26sont des orbitales localisées sur un centre (un atome) qui permettent
d'obtenir la configuration électronique naturelle d'un atome dans la molécule. Ces orbitales sont
obtenues en construisant une matrice densité pour chaque atome et en la diagonalisant. Par
principe, la partie angulaire des NAO d'un atome dans une molécule est la même que celle des
NAO de l'atome isolé. En revanche, comme l'environnement moléculaire entraîne des transferts
de charge entre atomes, on va pouvoir observer la contraction ou la dilatation radiale des NAO
pour un atome donné selon qu'il a gagné ou perdu de la densité électronique dans la molécule
par rapport au cas de l'atome isolé. Les NAO sont donc sensibles à la charge effective portée
par un atome dans la molécule. Il est important de noter que les NAO centrées sur le même
atome et celles qui sont centrées sur des atomes différents sont toutes orthogonales entre elles.
L'orthogonalité interatomique est maintenue en ajoutant des nœuds supplémentaires à la
composante radiale dans les zones ou deux NAO centrées sur des centres différents
s'interpénètrent. Cette contrainte est à l'origine de la qualité des charges naturelles
28qui sont
calculées à l'aide des NAO et sont données par la formule ci-dessous :
= − ∑ (35)
où est l'indice qui parcourt les différents atomes, le numéro atomique, la charge naturelle
d'un atome donné, l'indice qui parcourt les NAO d'un atome donné et où sont les nombres
d'occupation des NAO d'un atome donné. Il est important de noter que les NAO n'ont pas
forcément des nombre d'occupation entiers ce qui est lié à la contrainte sur leur partie angulaire
qui fait que les NAO ne décrivent pas de manière optimale la densité électronique autour d'un
atome. Les charges naturelles ont été régulièrement utilisées dans ce travail de thèse notamment
pour quantifier le transfert de charge ligand-métal.
b) Orbitales hybrides et orbitales de liaison naturelles
Les NHO
27permettent de tenir compte de la polarisation du nuage électronique d'un
atome par son environnement moléculaire. Les NHO sont construites comme une combinaison
linéaire des NAO en mélangeant des NAO possédant des moments angulaires différents de
manière à construire des NHO avec une directionnalité adaptée pour effectuer des liaisons avec
les atomes proches. Pour obtenir ces orbitales, il est nécessaire de partitionner la matrice densité
� exprimée dans la base des NAO en sous-blocs comme ci-dessous :
� = [ ⋱ ] (36)
où , , …, sont les différents atomes. Soit et les indices qui parcourent les différents
atomes. Un sous-bloc est alors composé des éléments de la matrice densité � qui font
uniquement intervenir les NAO de l'atome et les sous-blocs et sont composés
uniquement des éléments de � qui font intervenir simultanément les NAO de l'atome et celles
de l'atome . La diagonalisation de chaque bloc permet d'obtenir les NHO. Pour un atome
donné on peut trouver des NHO pour lesquelles � ≈ qui vont pouvoir former des liaisons
localisées avec les atomes proches et d'autres pour lesquelles � ≈ qui sont considérées
comme des doublets non liants. On distinguera alors les doublets qui impliquent des électrons
de cœur de ceux qui impliquent des électrons de valence (doublet non liants). Ces derniers
seront considérés comme des paires libres.
Pour obtenir les NBO on doit considérer la matrice 2 × 2 suivante :
� = [ ] (37)
où et sont deux atomes proches dont les NAO s'interpénètrent. Cette matrice est symétrique
et =
.Les NBO
28sont obtenues en diagonalisant les blocs . Pendant cette
diagonalisation, on impose la contrainte que les NHO correspondant à des paires libres ne soient
pas modifiées et on cherche simplement à maximiser le recouvrement entre les NHO
simplement occupées et centrées sur deux atomes proches. Cette procédure permet d'obtenir
une description de la structure électronique en terme d'orbitales localisées sur un atome ou deux
atomes qui sont les NBO. Comme pour les précédentes orbitales on peut distinguer deux
ensembles de NBO : un pour lequel les NBO ont des nombres d'occupation significatif tels que
1,6 � et un autre pour lequel les NBO ont des nombres d'occupation faibles. En effet,
comme aucune molécule ne respecte parfaitement le schéma de Lewis, il n'a pas été possible
de trouver un jeu de NBO de type Lewis qui permet de concentrer toute la densité électronique.
Les NBO avec un faible nombre d'occupation sont dites de type non Lewis car elles concentrent
la partie de la densité électronique qui représente les écarts au schéma de Lewis. On distinguera
alors trois types de NBO de type lewis : celles qui représentent un doublet non liant de cœur,
celles qui représentent une paire libre (doublet non liants de valence) et celles qui représentent
une liaison entre deux atomes proches (doublets liants). Les NBO forment une base d'orbitales
orthonormée.
c) Orbitales moléculaires localisées naturelles
Une méthode d'analyse qui utilise le modèle de Lewis pour décrire la structure électronique
d'une molécule peut sembler particulièrement inappropriée pour décrire des liaisons fortement
délocalisées comme les systèmes π des cycles aromatiques ou des liaisons de coordination
métal-ligand (très polarisées). Il est cependant possible d'obtenir des informations sur ce type
de liaison en étudiant la densité électronique qui n'a pas pu être concentrée dans les NBO de
type Lewis. Pour cela, on définit un système de Lewis décrit par une fonction d'onde de Lewis
. Cette dernière est exprimée comme un déterminant de Slater formé à partir des NBO de
type Lewis déterminées précédemment. Cependant, on considère les NBO de type Lewis
comme doublement occupées et les NBO de type non Lewis comme vacante. Comme la grande
majorité de la densité électronique est concentrée dans les NBO de type Lewis, on peut
considérer la fonction d'onde du système réel comme une fonction d'onde légèrement perturbée
par rapport à . L'énergie du système réel peut alors s'écrire de la manière suivante :
= + (38)
où l'énergie du système de Lewis et l'énergie de perturbation qui est associée aux
écarts à la structure de Lewis. L'énergie des NBO du système de Lewis peut être obtenue en
définissant un opérateur de Lewis ℎ et en résolvant le système d'équations aux valeurs
propres suivant :
ℎ = (39)
où l'indice parcourt les différentes NBO de type Lewis et est l'énergie de . Il est ensuite
possible de traiter les écarts à la structure de Lewis comme des interactions donneur-accepteur
entre les NBO occupées (donneur) et les NBO vacantes (accepteur) du système de Lewis. Le
schéma d'interaction pour un couple d'orbitales donneur-accepteur - est représenté figure
2. Le terme est donné dans l'équation 40 et correspond à un élément de la matrice qui
représente l'opérateur de Kohn-Sham (cf équation 8) exprimé dans la base des NBO. Il est
important de noter que les NBO ne sont pas fonctions propres de cet opérateur.
= ∫
∗� ≠ (40)
∆ = − | | / −
Figure 2.
Diagramme d'interaction entre les niveaux d'énergie et associés respectivement à un couple d'orbitales (donneur) et (accepteur). L'énergie de stabilisation du niveau perturbée est obtenue en effectuant une perturbation au second ordre.Concrètement, lorsqu'un couple d'orbitales - donne lieu à une énergie de stabilisation
significative, cela veut dire qu'une partie de la densité électronique contenue dans peut être
délocalisée vers . Il est possible de définir un jeu d'orbitales moléculaires localisées naturelles
(NLMO) qui permet de résumer de manière pratique l'information contenue dans la matrice des
perturbations. Chaque NLMO donne la densité électronique contenue dans une NBO parent
et l'ensemble de la densité électronique délocalisée vers les orbitales . Comme les NBO sont
exprimées dans la base des NAO il est ensuite possible de connaître les contributions en
pourcentage des NAO de chaque atome dans une NLMO donnée. Ce sont les NLMO qui vont
nous intéresser le plus car ce sont ces orbitales qui nous ont servis à étudier les interactions
métal-ligand.
d) Orbitales naturelles de transition
Il arrive régulièrement qu'une transition électronique calculée en TDDFT soit décrite
par plusieurs monoexcitations avec des contributions similaires (équation 21). Ceci peut rendre
difficile la détermination de la nature de certaines transitions (MLCT, MC ou LC). Richard L.
Martin a proposé de remplacer les orbitales Kohn-Sham par un nouveau jeu d'orbitales pour
construire les configurations excitées permettant de construire la densité électronique des
différents états excités : les NTO
30. L'objectif visé est de réduire le nombre de configurations
excitées associées à chaque état excité en maximisant la contribution de certaines
monoexcitations. L'objet mathématique qui résume la composition d'une transition électronique
donnée est la matrice densité de transition à une particule. Les NTO sont obtenues en effectuant
séparément une transformation unitaire sur les KSO occupées et une autre sur les KSO
virtuelles. Ceci permet de définir des couples de NTO occupées-virtuelles avec pour chacun de
ces couples une contribution λ associée telle que . En général, on trouve toujours un
couple avec une contribution majoritaire ( , ) mais il arrive que plusieurs couples aient
une contribution significative même si leur nombre est souvent bien inférieur au nombre de
couples occupées-virtuelles dans la base des KSO. Le nombre réduit de couples permet de
mieux identifier la nature d'une transition électronique et ainsi de mieux définir la localisation
du trou et de la particule.
Dans le document
Étude théorique de propriétés photophysiques et photochimiques de complexes de ruthénium
(Page 58-63)